Chapitre 1 : La dernière étincelle du Phénix


Shaka sentit la pierre froide contre sa joue. Il reprenait lentement conscience. Il mit quelques temps à se souvenir des événements : une nouvelle guerre, Arès et… Shun !
Il le trouva étendu à quelques mètres de lui. Il était inconscient mais ne semblait pas blessé.
Qu'avait-il bien pu se passer ? Shaka ne ressentait plus aucun cosmos dans le sanctuaire. Tout semblait vide.
Il sortit précautionneusement de sa maison et s'arrêta net devant la vue qui s'offrait à lui. Le sanctuaire était en ruine mais surtout complètement laissé à l'abandon. Comme s'il n'était plus habité depuis plusieurs années.
Très étrange.
Il retourna près de Shun tout en essayant de comprendre ce qui s'était passé.
Tout avait commencé lorsque Athéna avait appris qu'Arès, qui venait de se réincarner, allait lancer une offensive contre le sanctuaire, quatre ans après la guerre contre Hadès.
Elle savait que les Berserkers étaient beaucoup plus nombreux que ses chevaliers et qu'il faudrait en éliminer le plus grand nombre possible avant qu'ils atteignent le palais.
Bien sûr les chevaliers étaient très forts mais ils risquaient d'être submergés par le nombre. De plus Arès avait aussi des guerriers très puissants.
Il lui fallait donc disposer au mieux des forces qu'elle possédait.
Ses meilleures armes étaient les chevaliers divins.
Elle décida de garder Seiya et Ikki auprès d'elle en dernier rempart. Mais elle avait envoyé Hyoga dans la maison du Verseau, Shiryu dans celle de la Balance et Shun dans celle de la Vierge.
Elle ne souhaitait pas simplement que ces maisons aient deux gardiens. Elle voulait qu'ils fassent fusionner leur puissance et leurs attaques.
C'était assez facile dans le cas de Hyoga et Camus : ils avaient des attaques communes.
Il n'y eut pas trop de problème non plus pour Shiryu et Dohko : le maître et l'élève avaient l'habitude de travailler ensemble.
Par contre pour Shun et lui ce n'était pas du tout évident. Il avait déjà fallut convaincre Shun de se servir de toute sa puissance dès le départ sans se soucier de son adversaire et ensuite trouver le meilleur moyen de combiner leurs attaques. Finalement ça avait marché beaucoup mieux qu'il ne l'aurait espéré. Jamais il n'aurait cru pouvoir tenir les guerriers d'Arès en respect si longtemps.

A ses côtés Shun revenait à lui. Il se redressa lentement.

-Qu'est-il arrivé ?
-Je n'en suis pas sur, répondit Shaka.
-Où sont les autres ? Je ne sens plus leur cosmos !
-Je ne sais pas, tout semble abandonné.

Shun voulût vérifier par lui-même. Ils parcoururent le sanctuaire en long et en large. Ils durent ce rendre à l'évidence : tout était désert et depuis longtemps.
Ils se retrouvèrent dans le temple d'Athéna.

-Il ne semble pas avoir été détruit. Tout comme les maisons après celle de la Vierge, dit Shaka
-Oui, il a seulement subi le passage du temps.
-Le passage du temps…

Shun comprit où Shaka voulait en venir.

-Tu crois que nous sommes dans le futur ?
-Oui, dans le passé jamais le sanctuaire n'a été complètement délaissé, répondit Shaka.
-Est-ce que ça voudrait dire qu'Athéna à perdu ?
-Pas forcement. On ne sent pas son cosmos mais on n'en sent aucun autre non plus. Et puis le sanctuaire n'est qu'a moitié détruit.
-Ils ont peut-être déplacé le lieu des combats, dit Shun. Tu es certain que nous sommes dans le futur et non pas dans une autre dimension ou bien dans une illusion ?
-C'est ce qui semble le plus probable. Nous avons contré les guerriers qui se servaient des dimensions et si c'était une illusion pour nous déstabiliser, nous serions déjà morts.

Ils restèrent un moment silencieux.

-Tu sais comment revenir dans le présent ? demanda Shun
-Non. En fait, je ne pensais même pas qu'une telle attaque existait. C'était une sorte de légende. Certains prétendaient que puisqu'il était possible de se déplacer dans différentes dimensions il devait être possible de se déplacer dans le temps. Mais personne n'y est jamais arrivé. Je ne savais pas qu'Arès disposait d'un tel pouvoir.
-Donc nous sommes bloqués dans le futur, totalement coupés du monde que nous connaissons.

Shun ne semblait guère réjouit à cette idée.

-Peut-être que nous ne sommes pas si loin que ça de notre présent, reprit-il comme pour se donner espoir.
-Vu l'état du sanctuaire, j'en doute.
-Tu as raison, soupira Shun. Il va falloir que nous trouvions des renseignements sur ce qui est arrivé au Sanctuaire et surtout au monde.
-Pour le monde on devrait pouvoir arriver à se débrouiller. Pour le sanctuaire ça risque d'être plus dur. Après tout on n'a encore rien trouvé et s'ils ne sont pas ici…

Shun l'interrompit brusquement. Il venait d'apercevoir un objet familier

-Regarde ! Une plume de Phénix.
-Je ne vois pas en quoi ce la va nous aider, fit Shaka un peu sèchement.
-S'il y a un survivant de notre époque c'est forcement lui, puisque le Phénix renaît de ses cendres.
-Attends, ton frère n'est pas immortel.

Au moment où il prononçait ces mots, Ikki apparut devant eux.

-Ikki ! s'exclama Shun qui tenait toujours la plume serrée entre ses doigts.

Il allait se jeter dans ses bras lorsqu'il remarqua quelque chose d'étrange.
Shaka, lui avait ouvert les yeux, surpris par l'exclamation de Shun.

-Ikki, c'est toi ? demanda Shun
-Bonjour Shun, bonjour Shaka, dit Ikki d'une voix distante. Comme vous devez le sentir, je ne suis pas vraiment là pour vous accueillir. Vous voyez simplement la projection d'un enregistrement.

Shun et Shaka se regardèrent un peu surpris. Ils ne s'attendaient pas à ça.

Ikki continuait de parler :

J'ai longtemps pensé que je serais là en chair et en os.
J'ai attendu. Si longtemps. J'ai passé plus que toute une vie à espérer vous revoir un jour. Te revoir, Shun. Une dernière fois.
Et puis récemment j'ai réalisé que j'avais plus de 120 ans, malgré le fait que j'en paraisse toujours 20, et que cela fait cent ans, cent ans que j'espère que chaque matin sera le dernier de mon attente. Cent ans que je me couche avec le même espoir : que le lendemain soit enfin ce fameux jour.
Mais il y a deux semaines j'ai compris. J'ai compris que cela ne rimait plus à grand chose. A quoi me servirait-il de vous revoir maintenant ? Je suis un vieillard qui n'a jamais vécu. Vous, deux jeunes gens avec votre vie devant vous (enfin si nos suppositions sont exactes). Mis à part une armure nous n'avons plus rien en commun.
Peut-être ais-je tort. Peut-être suis-je simplement fatigué d'être un témoin inutile, de ne pas avoir de place dans ce monde. Je n'ai plus de déesse à protéger ou de frères d'armes avec qui partager les souvenirs de nos combats. Il pourrait toujours rester les idéaux mais ils n'ont jamais vraiment été ancrés en moi. Bien sur, j'aimais défendre l'humanité. Mais ça n'a jamais été vraiment pour elle que je me suis battue, ni pour Athéna. Si j'intervenais c'était surtout pour toi, Shun. Pour te protéger. C'était le vrai sens de ma vie.
Depuis cent ans ma vie n'a plus de sens et je crois qu'aujourd'hui je ne peux plus le supporter.
Pire, je serais incapable de t'être d'aucun secours si tu réapparaissais maintenant. La seule chose que je puisse faire c'est te donner des renseignements et pour cela je n'ai pas besoin d'être présent.
Et puis c'est plus simple aussi. Pas de retrouvailles douloureuses, pas de déchirement, juste enfin le repos et la paix.
Je suis si fatigué.
Mais avant de laisser brûler le Phénix une dernière fois, je dois vous dire ce qui c'est passé.
La dernière chose dont normalement vous vous souvenez, c'est votre combat contre les guerriers d'Arès.
Savez-vous à quel point vous étiez forts ? Deux mortels tenant en échec un dieu. Athéna a vraiment eu un coup de génie en vous associant. Et paradoxalement ce fut certainement l'une de ses plus grandes erreurs. Si vous n'aviez pas été aussi puissants nous n'en serions jamais arrivées là. Mais il faut dire que la réaction d'Arès était imprévisible car vraiment disproportionnée. Pour vous battre, il a fait appel à l'une des plus terribles forces de ce monde. Il a réveillé Chronos, le dieu du temps, que Zeus avait réussit à contrôler des millénaires plus tôt.
La première action de Chronos fut de vous envoyer dans le futur.
Puis la guerre changea du tout au tout.
Au départ je m'en suis voulu, Shun, de ne pas avoir pu t'aider, de ne pas t'avoir retenu dans le présent. Plus tard j'ai compris que c'était une bénédiction.
Nous avons tous été transportés dans l'Olympe. Là, différentes forces se sont rassemblés.
D'un coté, nous, ainsi que presque tout le panthéon grecque et le panthéon nordique. De l'autre, Arès et Chronos mais aussi le panthéon égyptien et indien et toute une kyrielle de panthéons mineurs qui avaient toujours mal supporté la dominance des dieux grecs.
Jamais un tel nombre de dieux et de guerriers n'avait été réuni. Je ne pense pas que votre présence aurait changé grand chose. Il y avait déjà tant de puissance dans ce lieu.
Nous avons engagé le combat. Guerriers contre guerriers, dieux contre dieux. Et au bout d'un moment quelque uns d'entre nous ont commencé à douter. Dans les deux camps trop de personnes prétendaient sincèrement défendre l'humanité. Si nous avions vraiment un but identique pourquoi nous battre ? A quoi rimait cette guerre ? Certains avaient-ils raison et d'autres tort ou bien nous étions-nous tous fourvoyés ?
En fait c'était surtout parmi les guerriers humains que ces questions se posaient. Car les dieux, eux, semblaient s'en donner à cœur joie. Et c'est quand nous avons vu la Terre souffrir de ce combat que nous avons réalisé la vraie signification de cette bataille. C'était deux camps, deux puissances ni meilleur l'une que l'autre qui se battaient pour acquérir une influence, un bout de pouvoir en plus. Les notions de bien ou de justice ne jouaient aucun rôle.
Alors une grande partie des humains (dont tous les chevaliers d'or et divins encore en vie) ont cessé le combat. Mais ce n'était pas suffisant. Les dieux ont continué leur affrontement stérile.
Nous avons donc fait la seule chose qui avait encore un sens : nous avons essayé de stopper les dieux.
C'était un acte désespéré car à partir du moment où ils se sont ligués contre nous n'avions aucune chance. Nous aurions été écrasés si quelques dieux (et Athéna fut la première) ne s'étaient finalement ralliés à nous, comprenant enfin l'absurdité de cette guerre.
Comme nous n'avions aucune chance de l'emporter en combat singulier, nous avons décidé de joindre nos forces en une immense boule de cosmos. L'autre camp a fait pareil. Pendant un long moment aucune des deux sphères de puissance n'a pris l'avantage. Puis soudainement les deux sphères ont explosé en même temps. Elles ont détruit l'Olympe et toutes les personnes présentes. Il ne restait plus rien.
Moi aussi je suis mort. Mais le Phénix m'a permis une fois de plus de revenir parmi les vivants.
Et jamais je ne me suis senti aussi seul, dieux et guerriers ayant disparu définitivement. Plus jamais ils ne se réincarneront.
Le temps des dieux est fini.
Je me suis souvent demandé pourquoi le Phénix avait survécu à cette destruction. Il n'a plus aucune signification et pourtant il continue de me maintenir en vie. Enfin plus pour longtemps.

Il me reste encore à vous parler de ce monde.
Pendant vingt ans le monde est resté pratiquement le même avec son lot de misères, d'injustices, d'inégalités et d'intolérance mais aussi avec cet espoir toujours plus fort d'un monde meilleur.
Et puis ce fut l'apocalypse. Les causes maintenant n'ont plus grande importance. En schématisant grossièrement on peut dire que tout est arrivé car un pays avait trouvé le moyen de se couper du système capitaliste tout en restant une démocratie. Les grandes puissances ne l'ont pas accepté et finalement en sont venus aux armes. Malheureusement beaucoup de personnes dans différents états se sont violemment opposées à cette guerre créant souvent des guerres civiles. Les gouvernements ont vite été dépassés, de vieux conflit renaquirent et d'autres s'amplifièrent. Plus personne n'avait de contrôle et des armes terribles ont été lâchées. Je n'ai rien pu empêcher sauf l'utilisation de la bombe atomique.
Je ne sais plus si j'ai bien fait. Au moins, si je n'étais pas intervenu, tout serait fini aujourd'hui.
Cette folie de sang à durée trois semaines. Seulement trois semaines pour réussir là où les dieux avaient échoué malgré leurs incessantes batailles : ravager complètement la Terre.
Lorsque le calme revint rien ne pouvait être comme avant : trop de destruction, trop de connaissances perdues et des survivants hébétés qui n'avaient ni la force ni forcement l'envie de tout reconstruire. Des petits groupes, des petites communautés se sont formées essayant de s'en sortir de mieux qu'ils pouvaient avec plus ou moins de ressources à leur disposition. Il y a cependant trois exceptions, trois villes qui ont échappé à la destruction et ont continué sur l'ancien modèle : New -York, Paris et Hongkong. Ces trois mégalopoles ont développé une technologie incroyable… J'aurais pu faire bien mieux que ce simple enregistrement holographique…
Je ne sais pas si les hommes sont différents maintenant, s'ils sont plus ou moins heureux qu'avant.
Il fut un temps où j'ai cru que ce cataclysme avait au moins eu une conséquence positive : les hommes essayaient vraiment de vivre en paix et en harmonie. Combien de fois les ais-je entendu dire " plus jamais ça ". Mais cent ans après ils commencent déjà à oublier, retombant dans leur vieux travers : goût de la domination, de la richesse, peur irraisonné et haine de l'autre, de l'étranger.
Je t'ai dit Shun que je me battais surtout pour toi. Mais je croyais sincèrement que l'homme pouvait s'améliorer et fonder une société juste et belle.
Aujourd'hui je n'en suis plus si sûr.
Souvent je repense au sacrifice des ces valeureux guerriers qui voulaient donner une chance à l'humanité et je me surprends à regretter. Cela en valait-il vraiment la peine ?
Si tu avais été auprès de moi Shun, tu aurais pu me montrer que je me trompais, tu n'aurais pas laissé ma foi en l'humanité flancher, tu aurais su trouver les mots nécessaires. Mais tu n'es pas là. Et même si tu revenais aujourd'hui et que tu essayais de me convaincre, je crois que je ne pourrais plus te croire… (Des larmes coulaient sur le visage d'Ikki).

Demain je mourrai en emportant avec moi le Phénix, force inutile, force dérisoire. Il ne renaîtra ni pour moi, ni pour personne d'autre.
Vous êtes désormais les derniers chevaliers, les ultimes possesseurs d'un cosmos. Je ne sais pas ce que vous en ferez. J'espère simplement que vous serez plus heureux que moi.
Bonne chance Shaka, et s'il te plaît, veille sur mon frère.
Shun, je t'aime.
Adieu.

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Cette fiction est copyright Elise Moreau.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.