Chapitre 23 : La mort d'un brave


Hector

J'ai cru mourir. L'attaque de Gengis Khan a transpercé Yénéa au niveau du cœur. Heureusement, l'organe vital n'a pas été touché ; mais la plaie est profonde et le sang coule à présent abondamment. Je dois intervenir. Il le faut. Je sens la cosmo-énergie de l'armure du Lion qui se réveille et qui augmente, comme si elle aussi voulait prêter secours à Yénéa. Je me redresse du rocher où j'étais assis aux côtés d'Alexandre. Mais, au moment où je vais me lever, un bras ferme me retient. Alexandre me regarde tristement et secoue doucement la tête.

- Tu n'as pas le droit, Hector, souffle-t-il. Si tu interviens, Athéna et ses chevaliers auront perdu et le monde appartiendra à Némésis. Tu ne peux pas faire ça.
- Tu as raison. Mais…
- Je sais. Tu dois avoir confiance en elle. Je sais qu'elle va se relever.

Comme pour lui donner raison, Yénéa tente de se remettre sur ses pieds. Elle y parvient difficilement, sous le sourire narquois de Gengis Khan. Lentement, elle écarte légèrement les jambes, pour se mettre en position de combat. Tout dans son attitude dénote sa volonté, sa rage de vaincre. Pourtant, pas une fois, elle n'a levé le visage vers son adversaire. Ses longs cheveux si soyeux lui couvrent presque entièrement le visage. On décèle à peine la commissure des lèvres, où semble flotter un léger sourire. Je ne peux m'empêcher de trembler. Elle est si jeune… Je m'avoue bien vite être tombé amoureux d'elle. La vie a parfois de ces retours étranges. J'ai commencé cette journée comme Guerrier de la Vengeance, ai ensuite revêtu à nouveau l'armure du Lion et suis tombé amoureux d'une femme chevalier. Pas mal pour un homme qui n'a pas vécu depuis des milliers d'années.

Toutefois, tout n'est pas rose, loin de là. L'adversaire de l'élue de mon cœur n'est pas le premier venu. Il ne semble d'ailleurs pas très inquiet de l'aura qui entoure à présent Yénéa. Celle-ci me paraît plus important que tout à l'heure.

- Gengis Khan, dit-elle d'une voix sans timbre, tu vas regretter ce que tu viens de faire. Athéna m'est témoin que je n'éprouvais aucune haine particulière contre toi en commençant ce combat ; tu vas découvrir le véritable pouvoir des chevaliers d'Or d'Athéna ! Brûle, mon cosmos !

C'est incroyable ! Il y a quelques instants encore, elle gisait, face contre terre, et la voilà qui déploie une énergie digne incommensurable. Mais d'où tire-t-elle cette formidable rage de vaincre ?

- De mon père, Hector ; tu devrais le savoir pourtant.

Je ne pus m'empêcher de sursauter. Par quel prodige ? Yénéa me tournait le dos et pourtant elle avait lu dans mon esprit aussi facilement que dans un livre ouvert.

- A moi, Excalibur !

Ca devient sérieux. Ses jets de lumière se font de plus en plus précis, de plus en plus rapides… Gengis Khan parvient à éviter ou à parer les premiers, mais il est vite évident qu'il va être dépassé. Une entaille à la jambe droite ; puis à la gauche ; à l'épaule droite. Elle s'approche de lui ! Elle va le tuer !

Et pourtant non. Alors que son adversaire est à genoux, vaincu, Yénéa ne l'a pas tué. Gengis Khan est d'ailleurs le premier surpris.

- Pourquoi ne m'as-tu pas tué, chevalier du Capricorne ?
- La mort est un châtiment trop doux pour toi. Il est temps que tu payes pour toutes les horreurs que tu as commis. Excalibur !

Malgré moi, j'ai détourné les yeux. Le bras droit de Gengis Khan a été séparé du reste du corps et envoyé à plusieurs mètres de là.

- Excalibur !

Le bras gauche ! Elle ne va quand même pas lui couper tous ses membres les uns après les autres ! Tout à coup, j'entends un mot que je n'aurais jamais cru entendre dans la bouche de Gengis Khan.

- Pitié…

C'est à peine un murmure. On sent que l'homme faiblit de seconde en seconde. Il se rend compte qu'il va mourir, il sait qu'il a perdu le combat et qu'il se trouve à la merci de son adversaire. C'est pourquoi il implore la pitié de son adversaire. Pourtant il sait qu'il ne l'obtiendra pas. Comme l'a dit très justement, Yénéa, il doit payer pour tous ses crimes.

Elle lève lentement son bras droit au-dessus de sa tête. Gengis Khan ferme les yeux, attendant le coup final. Je fais pareil, peu désireux de voir ce qui va arriver. J'entends juste une dernière fois ce mot.

- Excalibur !

Je rouvre les yeux. La tête de Gengis Khan a été séparée de son corps. Tout à coup un soubresaut agite Yénéa. Elle tente de résister mais tombe à genoux. Je m'approche d'elle lentement et la prends dans mes bras tandis qu'elle se met à pleurer. Je me rends alors compte qu'elle était dans une sorte de transe, incapable de maîtriser réellement sa colère.

- C'est fini, lui dis-je tendrement. Tu as vaincu.

***

Aioros

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt l'histoire de Pallas. Je dois même reconnaître avoir été assez ému. Quelle tristesse… Je peux comprendre qu'elle se soit sentie trahie.

- Je suis désolé, Pallas. Sincèrement.
- Je n'ai que faire de ta pitié ! Puisque tu es le Grand Pope, tu vas payer pour ta maîtresse. Falcon Claw !

Son attaque est puissante, mais classique. Trop peut-être. Elle ressemble quelque peu aux " Griffes du Tonnerre " de ma mère. Etant donné qu'elle m'a enseigné cette technique, je n'ai guère de mal à éviter l'attaque de mon adversaire. Toutefois, sa puissance me contraint à reculer. Il décide logiquement de profiter de ce léger avantage et attaque de nouveau.

- Stardust Revolution !

Ah. Une autre paire de manches que ce coup. Plus puissant, plus précis. Bien entendu, je sais que c'est une technique héritée de la tribu de Jamir. En tant que Grand Pope, j'ai étudié les précédentes générations de chevaliers d'Or ainsi que leurs techniques. Je connais donc leurs points forts ainsi que leurs point faibles. Je n'ai pas franchement envie de me battre face à ce guerrier - ou à cette guerrière, je ne sais pas bien - mais je n'ai pas vraiment le choix. Nous sommes à présent tout près du but. Si je remporte ce combat, seul Achille se dressera encore sur notre route. Le dénouement est proche.

- Par la Capitulation du Démon !

C'est fini. Il n'a pas vu venir mon coup et l'a reçu de plein fouet. Quelle pitié ! Le voir, gisant à terre comme un pantin désarticulé me donne la nausée. Pourtant… Non, c'est impossible ! Alors que je le croyais mort, le voilà qui se relève. Difficilement certes, mais tout de même. Du sang s'échappe de nombreuses parties de son corps.

- Chevalier de la Vierge, je dois reconnaître que tu es très puissant. Plus probablement que je ne l'avais imaginé. Je sais que ma fin est proche. Mais je ne partirai pas sans t'avoir tué. Que mon cosmos se déploie !
- Pourquoi ? Pourquoi fais-tu cela ? Si tu abandonnes maintenant, tu pourras être sauvé. Mais si tu utilises tes dernières forces pour cette attaque, tu mourras dans d'atroces souffrances.
- Je n'ai que faire de la vie ! Je veux ma vengeance. Puisque je ne peux pas atteindre Athéna, tu paieras pour elle.
- Soit. Comme tu voudras. Tu es seul maître de ton destin.

Pauvre fou. Si tu veux réellement mourir, je ne peux pas t'en empêcher. Mais par tous les Dieux, quel gâchis.

- Gold Falcon !
- La Capitulation du Démon !

Cette fois, c'est vraiment terminé. Un vaillant guerrier gît à terre. Je m'approche doucement de lui. A ma profonde stupéfaction, il respire encore. Ses yeux s'entrouvrent. Je m'agenouille à ses côtés.

- Pourquoi ne puis-je te vaincre ?
- Ne parles plus. Adieu, noble chevalier du Faucon. Puisses-tu retrouver dans l'au-delà la paix de l'âme que tu cherches depuis si longtemps. Tu ne pouvais pas me battre en raison du trop plein de sentiments que tu éprouvais pour Athéna. Certes, tu la haïssais, mais la haine est un sentiment encore trop proche de l'amour. Tu n'avais pas le recul nécessaire pour l'emporter.
- Tu es un homme bon, Aioros…

Il expire alors. Lentement je ferme ses yeux alors que le vent s'est levé sur la plaine de Mongolie. Je me relève et regarde mes compagnons. D'un même geste, nous nous tournons et faisons face à Achille, dernier Guerrier de la Vengeance encore en vie…

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.