Chapitre 6 : Le Maître des Gémeaux


Kanon

Aioros ayant insisté pour me recevoir à dîner, j'ai demandé à ce que la table soit dressée dans la maison des Gémeaux. Après tout, je n'y suis jamais resté plus de quelques heures. Je suis d'ailleurs demeuré dans cette maison jusqu'à l'heure du dîner. Je parcours la maison lentement, en essayant de m'imprégner des lieux où mon frère a longtemps résidé avant de perdre la raison.

Saga… Nous n'avons jamais vraiment pu nous parler ni nous comprendre, mais je garde toujours en mémoire ces quelques mots qu'il m'a dits lors de mon combat face à Atlas. " Tu as largement gagné le droit de te battre dans l'arène avec les défenseurs d'Athéna, dont tu fais toi-même partie à présent. Tu fais plus honneur à l'armure des Gémeaux que je ne l'ai jamais fait. Tu portes en toi la confiance de tous les chevaliers d'Or morts au Mur des Lamentations. Tu dois vaincre pour Athéna et la sauvegarde du genre humain. "

Je passe doucement ma main sur ces murs. Pendant de longues années après la bataille du Sanctuaire, la maison des Gémeaux a été fuie, évitée, comme si le mal s'en dégageait. Probablement est-ce pour cela que personne n'a pu revêtir l'armure des Gémeaux ou alors est-ce parce qu'elle m'attendait ?
J'arrive enfin au cœur de la maison et tombe face à face avec l'urne de l'armure des Gémeaux. Une fois de plus, je suis fasciné par sa puissance. Je sais que les armures d'Or sont censées avoir toutes la même puissance, mais je ne peux m'empêcher de penser que celle-ci l'est plus. Mais cela est ridicule, ce qui la rendait si puissante c'était la cosmo-énergie de Saga ou la mienne. Je passe ma main sur l'urne et suis surpris de ressentir une espèce de décharge, comme si je l'avais revêtu la veille !

- Ton armure te manque-t-elle, Kanon ?
- Non, Yénéa, pas particulièrement. Mais je ne saurais nier que de la revoir me fait quelque chose.
- Vas-tu la revêtir ?

Je réfléchis un instant avant de répondre.
- Je ne sais pas. Il y a si longtemps…
- Tu as longtemps été mon modèle, tu sais.
- Moi ???

Je suis soufflé. Comme puis-je bien être un modèle pour quiconque ?

- Je vois que tu es surpris. Mais pourtant, ce n'est pas si étrange que cela.
Tu étais un ennemi d'Athéna avant de reconnaître ton erreur et de te ranger du côté du bien. Cela doit requérir un effort incroyable de parvenir à ce degré d'introspection.
- Tu te trompes Yénéa, ou alors tu ne connais pas toute mon histoire.
- Non ? Alors, racontes-là moi.
- Non. Ce qui s'est passé n'appartient qu'à moi. Tout au plus te dirais-je que l'introspection dont tu parles, c'est d'abord à Ikki que je la dois. C'est lui qui m'a ouvert les yeux. Ensuite c'est l'exemple de ton père qui m'a guidé.
- Mon père ?
- Oui, ton père était, est toujours d'ailleurs, le chevalier le plus brave et le plus courageux que je n'ai jamais vu. Sa foi en un monde meilleur était notre guide. J'ai commis de nombreuses fautes, mais ton père et ses amis ne m'en ont jamais gardé rancune, ou alors ils ne me l'ont jamais montré. Mais dis-moi, ajoute-je pour changer de sujet alors que je sens les larmes me venir aux yeux, pourquoi sont-ils partis ?
- Je ne sais pas exactement. Tout ce que je sais, c'est qu'après la mort de la Princesse Hilda, Hyoga est devenu Grand Prêtre d'Odin et est resté en Asgard. Quelques jours après Shiriu, qui était alors Grand Pope, a annoncé que les chevaliers divins se retiraient du Sanctuaire. Apparemment, ils ont estimé que puisque la garde d'Athéna était suffisante pour qu'ils puissent prendre leur retraite, puisque cela revient à ça. Après tout, peut-être ont-ils raison. Il y a à présent près de quatre-vingt chevaliers dont dix d'Or, onze si on te compte avec.
- Moi ?
- Oui, toi. Tu vas reprendre ta place parmi nous, n'est-ce pas ?
- Yénéa, j'ai cinquante ans ! Je ne suis plus du tout en état de me battre !
- Foutaises ! Tu sais très bien que ton cosmos est toujours là. Tu l'as senti en touchant l'urne de ton armure.
- Et alors ? Ce n'est pas que j'ai encore un cosmos que je peux me battre.
- Tu sais très bien que tu le peux. Et je vais te le prouver !

Elle lève à ce moment-là son bras et crie :

- Excalibur !

Machinalement je me mets en position de défense et pare son coup sans difficulté. Je comprends rapidement l'intérêt du test et me prépare à attaquer.

- Par l'Explosion Galactique !

Il y a près de vingt ans que je n'ai pas utilisé cette attaque. Précisément depuis mon combat face à Atlas sur l'Olympe. Pourtant mes boules de feu jaillissent de mes poings comme par magie et vont frapper Yénéa. Bien entendu, je n'y ai pas mis toute ma puissance donc elle n'a pas trop de mal à encaisser le choc. Le choc passé, elle m'adresse alors un large sourire.

- Tu vois bien, Kanon, tu es toujours un chevalier.
- Soit, fis-je en souriant. Admettons. Il va donc falloir que je demande au Grand Pope la permission de réintégrer ma demeure.
- Et bien demandes-la lui !

Nous nous retournons tous deux. Aioros nous dévisage tranquillement, les bras croisés, adossé sur une colonne de ma maison. C'est fou ce qu'il peut ressembler à Seiya ! Pourtant, on sent le calme régner en lui. Je n'ai jamais vu une telle sérénité chez un homme, sauf bien sûr chez…

- Aioros, es-tu le chevalier de la Vierge ?
- En effet, Kanon. Comment le sais-tu ?
- Il y a une incroyable sérénité qui se dégage de toi. Seul Shaka était aussi calme. J'en ai donc logiquement déduit que tu étais le gardien de la sixième maison.
- Tu es aussi sagace que le prétendait mon père, ce que je vois. Ainsi tu désires redevenir chevalier des Gémeaux ?
- Oui, Grand Pope.
- Je te l'accorde, Kanon, à une condition.
- Laquelle ?
- Je veux savoir pourquoi tu es encore vivant, alors que selon mon père, tu es mort dans ses bras. Je veux savoir pourquoi tu réapparais aujourd'hui, vingt ans après la bataille contre Cronos.
- C'est une longue histoire, Grand Pope.
- Qu'à cela ne tienne, j'ai tout mon temps.

Il enlève alors son masque et sa tunique qu'il pose délicatement par terre et s'assoit à même le sol. D'un geste, il nous invite à en faire autant. Il concentre brièvement son cosmos et nous sourit

- Voilà, nous ne serons pas dérangés. J'ai demandé à Céphée et à Xian de ne laisser s'approcher personne de la maison des Gémeaux. Vas-y, Kanon, je t'écoute.
- Bien. Vous savez que Zeus, après la victoire finale des chevaliers d'Athéna sur Cronos, a ressuscité Seiya et ses compagnons parce qu'il considérait qu'autant de bravoure méritait récompense. Ce que vous ne savez pas, ce que vous ne pouviez pas savoir, ce que Seiya et les autres ne savent pas, c'est que Zeus m'a offert aussi une nouvelle vie. Et oui, le roi des Dieux a estimé que mon temps n'était pas venu.
Pourtant, Zeus lui-même m'est témoin que j'étais prêt à mourir. Je pensais avoir racheté mes fautes envers Athéna et ses chevaliers.
- Mais pourquoi n'es-tu pas aller les voir ? Ils auraient été si heureux de te savoir en vie !
- Je ne sais pas bien pourquoi. Tout ce que je sais, c'est que j'ai demandé à Zeus de cacher ma résurrection. Lorsque je suis revenu sur Terre, je me suis cherché un coin reculé pour méditer. Je me suis donc installé au fin fond de la Mongolie pendant les vingt dernières années.
- Mais pourquoi es-tu revenu ? Pourquoi maintenant ?
- Je suis revenu parce que j'ai cru sentir le réveil de forces cosmiques non loin de l'endroit où j'habitais.
Toutefois, mon âge étant ce qu'il ait, je me suis dit qu'il était fort possible que je me sois trompé. Dans le doute j'ai décidé de venir au Sanctuaire pour m'assurer que tout allait bien. Manifestement j'ai eu tort, et j'en reviens à mon idée de départ, je suis trop vieux !
- Tu sais bien que ce n'est pas vrai. Le vieux maître n'avait-il pas 261 ans ?
- C'était une ruse ! Bon, de toute façon, je me rends, je serai chevalier des Gémeaux. J'ai idée que je pourrai en remontrer à tous ces petits jeunes…

Tout à coup, Aioros se raidit et fronce les sourcils.

- Quelqu'un essaie de rentrer en contact avec mon cosmos. C'est Kiki, ajoute-t-il quelques instants plus tard en souriant.

Toutefois le sourire disparaît bien vite pour laisser place à de l'incrédulité.

- C'est incroyable, souffle-t-il. Il y a là un homme qui se prétend porteur d'un message pour Athéna.
- Qui est-ce ?
- Kiki n'en a aucune idée, alors nous allons voir. Vous pouvez m'accompagner, mais je voudrais que vous mettiez vos armures.

Je ne saurai décrire la sensation que j'ai ressenti quand l'armure des Gémeaux est venue une nouvelle fois se poser sur mes épaules. Elle est flambante neuve, Kiki ayant manifestement acquis le don de son prédécesseur pour réparer les armures. Nous descendons les marches et arrivons devant la maison du Bélier. En voyant l'homme, je ne peux retenir un froncement de sourcils. La cosmo-énergie qu'il dégage est très semblable à celle que j'ai ressentie en Mongolie. Se pourrait-il que je ne me sois pas trompé ? Il ne portait pas d'armure, juste un sabre recourbé, comme ceux que portaient les guerriers mongols.
- Qui es-tu et que veux-tu ?
- J'ai un message pour Athéna.
- En ce cas, tu peux me le donner, je suis son représentant terrestre.

L'homme réfléchit un instant.

- Je suppose qu'il n'y a pas de problèmes, dit-il lentement. Je suis chargé par ma Maîtresse de lancer un défi à Athéna. Dans un mois très précisément, les chevaliers du Sanctuaire devront affronter les guerriers qui leur seront opposés au cours d'un tournoi. Les vainqueurs seront les maîtres de la Terre.
- Et si nous refusons de vous affronter ?
- Vous ne pouvez pas. Si toutefois vous vous avisiez de ne pas vous montrer lors du Tournoi, ma Maîtresse détruira immédiatement la Terre, ce qui sera d'ailleurs son sort si les chevaliers d'Athéna sont vaincus.
- Mais qui est ta Maîtresse ? Et qui es-tu ?
- Je sers la Déesse Némésis. Quant à moi, je suis un guerrier de la Vengeance, je suis Gengis Khan !

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.