Chapitre 2 : Retrouvailles et autres complications...


Kanon

Je n'en menais pas large, il fallait bien le reconnaître. Je ne connaissais pas la plupart des chevaliers présents autrement que de vue, mis à part Milo avec lequel j'avais eu un entretien plus que musclé et Dohko qui m'avait reçu la veille. J'attendais derrière la porte depuis une bonne demi-heure, quand je reconnus le pas de mon frère se diriger vers l'endroit où je me trouvais. Mon frère…

J'avais été plus que surpris, je devais le reconnaître, lorsque je m'étais réveillé dans la cabane et que je l'avais trouvé à mes côtés. J'avais été soigné par un dénommé Rigel, et je ne m'attendais absolument pas à voir Saga, étant donné que je pensais les chevaliers d'Or morts. Nous nous étions très peu parlés, à ce moment-là. D'abord parce que j'étais encore assez faible, tout comme lui du reste, et qu'il y avait tant à dire qu'il était hors de question de faire ça au coin d'un lit. Le lendemain, sur les conseils de Rigel, j'emménageais dans la maison des Gémeaux. Saga avait fait installer une deuxième lit dans sa chambre. De la sorte, disait-il, il pourrait me veiller plus facilement. Lorsque je lui fis remarquer qu'il avait autant sinon plus besoin de repos et de soins que moi, il éclata de rire.

Je ne l'avais jamais vu rire.

Très jeune déjà, il avait marqué une tendance à être le confident des autres, à juger leurs différents. Autant d'activités qui ne suscitaient pas vraiment l'hilarité. Tout au plus accordait-il un sourire lorsqu'il rendait visite aux pauvres et aux démunis ; mais un sourire, aussi franc et chaleureux soit-il, ne remplace jamais un rire. Mon cœur se remplit alors d'émotions nouvelles, que je ne me souvenais pas avoir jamais ressenti. J'étais bien ; pour la première fois de ma vie, aucun sentiment de haine, de jalousie, violence ou de domination ne dominait mon âme. Je ris à mon tour. Pendant plusieurs minutes, nos rires s'entraînèrent l'un l'autre. A la fin, entre deux hoquets, je levai la main.

- Pitié, Saga, arrête, je n'en plus…

Il me regarda alors, avec une immense tendresse dans ses yeux et posa doucement sa main sur mon front. Je m'endormis presque instantanément, en toute quiétude. Lorsque je m'éveillai, le lendemain - j'avais bien du encore dormir une douzaine d'heures -, Saga n'était pas là. Sur son lit, un plateau avec un petit déjeuner sommaire comprenant une pomme et un verre de jus d'orange m'attendait ; à côté, sur un bout de papier, ces deux mots : Cap Sounion. J'avalai mon jus d'orange d'une seule traite et fourrai la pomme dans une des poches d'un pantalon d'entraînement que je trouvai juste à côté du plateau. J'enfilai à la hâte le t-shirt qu'il y avait avec et quittai discrètement de la maison des Gémeaux.
J'avais retrouvé la plupart des mes forces et je me sentai empli d'une énergie nouvelle. Je marchai d'un pas alerte vers le Cap Sounion, tout en me demandant ce qui avait pu pousser Saga à me fixer rendez-vous là-bas. Sans doute voulait-il exorciser ce sombre épisode de notre passé. Il me tournait le dos et faisait face à la Méditerranée. En contrebas, juste un peu plus loin, on pouvait entrevoir le début de l'escalier qui menait à la prison où il m'avait enfermé, il y avait plus de treize ans.

- As-tu bien dormi, Kanon ?

Je ne pus réprimer un sursaut. Comment diable avait-il su que je me trouvai là ? Je n'avais pourtant pas fait un bruit et de toute façon le vent en faisait suffisamment pour me couvrir. Le vent… Bien sûr, Saga avait senti ma présence grâce au vent qui emmenait mon odeur vers la mer. Un signe trop faible pour deux quidams quelconques, mais pour deux jumeaux…

- Merci pour le petit déjeuner, répondis-je. Mais je suis gêné, ajoutai-je avec ironie, car il était tellement important que je crains de t'avoir privé…

Saga se retourna, un sourire aux lèvres. Je savais déjà qu'il était peu probable que j'entende à nouveau un éclat de rire tel que celui de la veille. Mais peu m'importait ; son sourire était mille fois plus révélateur qu'un rire.

- Kanon, commença-t-il, je suis… Enfin je veux dire, je n'aurais pas du…
- Si Saga, tu as bien fait. Il fallait m'enfermer à l'époque. Tu as eu le geste juste, mais tu ne pouvais pas savoir que j'allais trouver le Trident de Poséidon et…
- … Et que tu allais déclencher une guerre !
- Et alors ? Tu en as bien déclenché une toi aussi !

Je m'en voulus aussitôt. Je n'aurais pas du dire une chose pareille. Je savais parfaitement que le cœur de Saga saignait encore de tous les maux qu'il avait causés et que même s'il avait obtenu le pardon d'Athéna, il ne se pardonnerait probablement jamais. Nous étions à présent à moins d'un mètre l'un de l'autre, ne sachant guère sur quel pied danser. Saga n'avait qu'une idée en tête : se réconcilier avec moi et nous donner une nouvelle chance. Et moi là-dedans, de quoi avais-je envie ? De la même chose que lui, semblait-il. D'un même geste, ce qui est surprenant même pour des jumeaux, nous avons ouvert nos bras et nous sommes étreints pendant de longues minutes, sans rien dire. J'avais fermé les yeux, afin de savourer au maximum ce moment unique des retrouvailles de deux frères qui s'étaient haïs plus que tout au monde et qui, par la grâce du destin ou Dieux, se voyaient offerts la possibilité de tout recommencer.

Nous ne parlâmes jamais du passé. Seul le futur importait à présent. Toutefois, il me restait quelque chose à lui confier, quelque chose d'important. Un jour, tandis que je me remettais dans la cabane de mes blessures, graves mais moins que ce que je pensais, j'interrogeai Rigel sur la façon dont il m'avait retrouvé.

" C'est très simple me répondit-il. Je venais de terminer ma garde lorsque le tonnerre se mit à gronder et qu'un éclair zébra le ciel. Le plus étonnant était qu'il n'y avait eu qu'un seul éclair et aucune goutte d'eau. Pourtant, un seul éclair avait suffi à mettre le feu à un arbre car je voyais une lumière briller. Je me dirigeai vers elle afin d'éteindre l'incendie mais je me rendis vite compte que je m'étais trompé car la lumière brillait sans discontinuer malgré le vent violent qui soufflait ce soir-là. Lorsque j'arrivais enfin sur les lieux, je trouvai un homme, toi Kanon, en sang. Et, à côté de toi, l'armure des Gémeaux reconstituée. Je me suis occupé de toi d'abord et suis revenu ensuite pour placer l'armure dans ta maison. Mais elle avait disparu. Je l'ai cherché partout aux alentours, mais je ne l'ai jamais retrouvée, je suis désolé. "

Saga resta un instant sans rien dire, les yeux dans le vague. Nous étions assis, à même le sol, dans la maison des Gémeaux.

- Ainsi, j'ai réussi, souffla-t-il au bout d'un moment… Je n'aurais pas cru que ça marcherait…
- Tu as réussi quoi, exactement ?
- Lorsque nous avons concentré nos cosmo-énergies dans la flèche d'Aioros, je savais que nous allions mourir. J'ai donc ordonné mentalement à l'armure des Gémeaux de te rejoindre immédiatement après notre ultime attaque. Apparemment, elle m'a obéi.

Des images s'imposaient peu à peu à mon esprit. J'avais déclenché l'Explosion Galactique et emmenai Rhadamanthe avec moi. Nous foncions vers le ciel lorsque… je me suis évanoui ! C'était donc ça ! L'armure des Gémeaux a du venir me protéger alors que j'étais inconscient et ouvrir une porte dimensionnelle qui m'avait permis de me retrouver sur Terre et, accessoirement, de me sauver la vie. Car la puissance de mon attaque, combinée avec l'effet de l'accélération vers le ciel, n'aurait sans doute laissé de moi que quelques cendres. Mais qu'était donc devenu Rhadamanthe ? Je me chassai ces questions de mon esprit. Cela n'avait pas grande importance.

- La question qui se pose maintenant, fit Saga pensivement, est où se trouve notre armure ?

Nous nous regardâmes quelques instants. L'armure ne pouvait se trouver que dans une autre dimension : celle où Saga était allé la récupérer lors de sa dernière épreuve.
Je commençai à enflammer mon cosmos pour aller la chercher quand Saga m'arrêta d'un geste.

- Pas maintenant, Kanon, il est préférable que les autres ignorent encore pour l'instant ta présence et surtout le fait que tu sois capable de faire appel à ton 7ème sens. Tu iras chercher l'armure demain matin, lorsque nous serons réunis en conseil. Mais pour l'heure, il nous faut voir Dohko.


Milo

Par tous les Dieux de l'Olympe et de l'Enfer réunis, comment diantre Kanon pouvait-il se trouver devant nous, revêtu d'une armure d'Or et manifestement capable de faire appel à son cosmos ? Peu de temps s'était écoulé depuis notre pseudo-combat qui avait eu lieu dans la grande salle d'audience, et pourtant j'avais l'impression d'avoir à faire à un homme différent. Certes, il avait maigri, ce qui devait être le fruit des souffrances qu'il avait enduré. Mais ce n'était pas ça qui m'interpellait. Il avait l'air… comment dire… Calme, apaisé. Comme si les multiples tourments qui l'avaient assailli toute sa vie, toutes ses ambitions s'étaient évanouies. L'homme qui nous faisait semblait avoir une sérénité presque égale à celle de Shaka, nonobstant bien évidemment la nervosité qui le tenait pour l'instant et que je pouvais comprendre. Kanon resta un instant interdit, debout à quelques mètres de nous. Puis il secoua sa tête et, son casque aux deux visages sous le bras, vint s'agenouiller devant Dohko qui s'était levé pour l'accueillir. Le geste en lui-même était fort, parce que je sentais que Kanon n'avait pas du beaucoup s'agenouiller dans sa vie ; mais plus fortes encore furent les paroles qu'il prononça ensuite :

- Je m'incline devant toi, chevalier de la Balance. A travers ta personne, je rends une nouvelle fois hommage à la déesse Athéna que je jure de servir jusqu'à la fin de mes jours. Je jure d'être pour elle un défenseur fidèle et, dans ces temps difficiles et confus, d'être le bras armé du Sanctuaire. En conséquence, j'exécuterai les ordres que tu me donneras, Dohko, car je sais qu'ils seront justes.
- Au nom d'Athéna, j'accepte ton serment, Kanon. Rejoins le Conseil des Chevaliers d'Or à présent, ajouta-t-il en désignant une chaise qui était apparue on ne savait trop comment à côté de Saga.

Kanon concentra son cosmos, ordonna à son armure de le quitter, se dirigea vers la place indiquée et s'installa. Pour la première fois de toute l'histoire de la Chevalerie d'Athéna, nous étions treize chevaliers d'Or.

Un vague malaise apparut tout autour de la table. Peu de chevaliers connaissaient Kanon et certains nourrissaient des doutes sur son intégrité. Le fait que le second chevalier des Gémeaux soit le seul à disposer d'une armure et capable de tous nous réduire en pièces d'un seul coup ne devait guère aider non plus ! Pour moi, qui avais testé Kanon en lui portant l'Aiguille Ecarlate, le doute n'existait pas. J'avais autant confiance en lui qu'en Camus, c'était dire… J'ouvris la bouche pour l'expliquer aux autres chevaliers, mais ne dis rien. Il allait falloir qu'ils apprennent à se faire confiance eux-mêmes.

- …Des questions ?

Je sortis de mes pensées. Douze paires d'yeux étaient dirigées vers moi : je n'avais pas refermé ma bouche !

- As-tu des questions, Milo, répéta patiemment Dohko ?
- Aucune, répondis-je en inclinant brièvement la tête.
- Alors je déclare le conseil terminé.

Nous quittâmes la table et nous dirigeâmes vers la sortie. Aiolia, Aldébaran et Shaka entouraient Kanon, le pressant de questions. Celui-ci refusa de desserrer les dents, sans pour autant pouvoir réprimer le sourire qui se dessinait sur ses lèvres. Rentrant dans le jeu, les trois chevaliers commencèrent à le bourrer gentiment de coups dans les côtes. Sauf qu'Aldébaran, qui ne contrôlait pas sa force, le poussa un peu vivement et l'envoya à terre. Connaissant le caractère irascible du personnage, je frémis légèrement. De fait, Kanon se releva, l'air furibard et s'approcha très près du chevalier du Taureau.

- Si tu recommences ça, Aldébaran, tu le regretteras, fit-il d'un ton dur.
- Ah, répondit placidement le gardien de la seconde, peu impressionné ?
- Parfaitement ! J'irai avouer à Shina que tu es amoureux d'elle !

Les deux mètres d'Aldébaran furent parcourus d'un long frisson. Lui, amoureux de Shina ? Jamais de la vie ! Si elle venait à apprendre un truc pareil, elle serait capable de lui arracher les yeux. D'ailleurs… Aldébaran regarda Kanon. Ce dernier avait manifestement beaucoup de difficultés à conserver son sérieux et un éclair de malice passa dans son regard clair. Le chevalier du Taureau comprit enfin que Kanon s'était payé sa tête ; il ouvrit ses grandes mains et se précipita vers lui en mugissant :

- Laissez-le moi !

Faisant, probablement inconsciemment, appel à son cosmos, Kanon évita la charge en sautant par-dessus Aldébaran en un geste souple et gracieux et retomba à terre tranquillement.
Pendant ce temps, le massif gaillard qu'était Aldébaran ne put se rétablir et percuta de plein fouet l'une des colonnes.

- Aïe, ma tête, fit-il en se massant vigoureusement le cuir chevelu !

Puis il éclate de rire et ajouta :

- Bien joué Kanon, à charge de revanche !

Kanon rit à son tour, suivi par tous les autres chevaliers d'Or, Mû et Shaka y compris. J'aurais même juré voir un sourire apparaître sur le visage de Dohko. Finalement, nous sortîmes. Les rayons du soleil nous accueillirent, nous obligeant à mettre nos mains en visière pour ne pas être aveuglés. Tout à coup, une clameur monta des Arènes ou se déroulait l'entraînement des disciples. Un garde arriva bientôt vers nous, au pas de course et manifestement à bout de souffle.

- Seigneur… Dohko… Les… Les…
- Respire, répondit machinalement Dohko. Que se passe-t-il ?
- Les… Les chevaliers de Bronze sont de retour !
- Quoi, rugirent en même temps Saga, Shura, Camus et Aphrodite ?
- Ils ont accosté ce matin… Ils sont dans les Arènes !
- Dépêchons-nous, lança Mû !

Comme un seul homme, treize chevaliers d'Or se précipitèrent vers les Arènes, avides de savoir…

***

Hermia

C'était donc cela, le Sanctuaire d'Athéna. Rien à voir avec Knossos, évidemment. Knossos… Curieusement, penser à ma ville ne me faisait plus autant souffrir que lors des premières heures qui avaient suivi la fin des combats. On s'habituait à la douleur, semblait-il. Enfin moi en tout cas. Androgée et Seiya, pour des raisons évidentes, n'y parvenaient pas. Peut-être faut-il que j'explique ce que faisait Androgée parmi nous ? Peut-être me faut-il également préciser les raisons de ma présence ici ? Alors autant commencer par le début. Ou la fin, je ne sais guère…

Ariane et Shun ont fini par se poser. Franchement, je n'aurais jamais cru que ces engins fabriqués autrefois par Dédale pouvaient marcher. Ikki serra son petit frère très fort et je compris qu'il avait cru jamais ne le revoir. Hyoga fit de même, mais Shiriu se contenta d'un sourire et d'un hochement de tête avant de retourner s'occuper de Seiya. Le chevalier Pégase reposait - si l'on pouvait dire cela - dans les bras de sa sœur, les yeux remplis de larmes, serrant depuis plusieurs minutes le bracelet que Miho avait acheté, dernier souvenir de la jeune femme. Je partageais sa peine. La mort de Miho était une atrocité, une de plus avais-je envie de dire, commise par le roi Minos. Soudain Androgée s'approcha, suivi par Idoménée et Procris.

- Seiya, je suis…

La voix du Prince Héritier, ou maintenant le Roi, sortit Seiya de sa torpeur. Ses yeux se rétrécirent, alors que sa colère montait de façon incroyable. Il s'arracha des bras de sa sœur et se posta devant Androgée. Une aura bleue vint alors l'entourer tandis qu'il hurlait :

- Tu vas mourir Androgée ! Que les Météores de Pégase te foudroient !

Mais Seiya était exténué. La succession de combats face au Minotaure puis face au Roi avait eu raison de ses dernières forces. Quelques jets de lumière quittèrent bien son poing droit, mais ils s'écrasèrent tous sur la puissante poitrine d'Androgée, sans lui causer la moindre égratignure. Seiya tomba à genoux, incapable de rester debout plus longtemps. Seika courut vers lui, de même que Shunrei et ses frères. Le regard d'Androgée se posa alors sur le cimeterre abandonné par Seiya. Une pensée effleura le Crétois.
A cause de son père et du serment que lui-même avait du prêter, Miho était morte et il était à craindre que Seika ne lui pardonne jamais ses actes, quand bien même il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour permettre aux chevaliers de Bronze de conserver la vie.

Un bruit ; celui d'une lame qui tombe qui à terre.
Un cri ; celui de Shunrei.

Shiriu, d'un coup de pied sec, avait arraché le cimeterre du poignet d'Androgée. Leurs regards se croisèrent ; celui, incrédule du Prince Héritier et celui, fier et sombre du Chinois.

- Le suicide est une échappatoire facile, Androgée, fit Shun en lâchant la main d'Ariane. Tu désires réparer tes erreurs ? Alors il te faut vivre et accepter. Pour commencer, tu vas nous suivre. Tout d'abord, Idoménée et toi allez nous servir de gardes du corps. Ensuite vous demanderez votre pardon auprès du représentant d'Athéna sur Terre, le chevalier Dohko de la Balance.
- Mais je n'ai jamais voulu mettre fin à mes jours, Shun. J'ignore pourquoi je me suis saisi de cette arme, mais je peux t'assurer que je ne tiens aucunement à mourir. Cela étant, je suis d'accord pour vous suivre. Idoménée et moi irons implorer notre pardon auprès du Grand Pope.

A l'annonce de cette condition, Idoménée se cabra. Il allait protester lorsque Androgée se retourna et lui adressa un bien pâle sourire. L'ancien chef de la garde se calma aussitôt. Il avait lu dans le cœur de son ami. Il hocha alors la tête en signe d'assentiment.

J'étais fascinée. Pas tellement par l'attitude d'Androgée, mais par celle de Shun. En une dizaine de secondes, il venait de s'affirmer en tant qu'homme et en tant que chevalier. Etait-ce du à la présence d'Ariane à ses côtés ? J'avais toujours pris cette petite pimbêche pour quantité négligeable, mais peut-être m'étais-je trompée. Je ris silencieusement ; cela tendait à devenir une habitude ces derniers jours…

- Et nous, fit Procris en jetant un coup d'œil vers Ariane et moi ?

Mais il était clair que la question ne concernait qu'elle. Shun ne quitterait pas la Crète sans Ariane et je ne voyais pas Ikki ou Hyoga me laisser ici. De toute façon, il était hors de question qu'ils partent sans moi ! Cela étant, je redoutais quand même le moment où j'allais devoir leur annoncer ma grossesse ; surtout que j'étais incapable de déterminer qui était le père… Mon Don était perturbé par cette nouvelle vie en moi. Une nouvelle fois, ce fut Shun qui répondit.

- Tu es libre de tes choix, Procris. Si tu veux nous accompagner, nous t'accueillerons. Si tu préfères rester, nous ne t'en empêcherons pas.
- Alors je viens, répondit-elle sans la moindre hésitation. Il n'y a plus rien pour moi ici.
- Soit, partons alors.

Idoménée prit la tête. Ikki et Hyoga suivaient à quelques pas, juste devant moi. Venaient ensuite Seiya, soutenu par Seika, Shunrei et Procris. Ariane ne quittait pas Shun ; enfin Shiriu fermait la marche, à côté d'Androgée. Le chevalier du Dragon tenait le cimeterre dans la main droite, mais je sentais bien que c'était de pure forme.
Nous prîmes place à bord d'une longue barque. Idoménée et Androgée se chargèrent des rames, guidés par Hyoga.
Nous parvînmes en Grèce plusieurs heures après, la gorge desséchée par le soleil qui brillait de manière continue. Après quelques heures de marche, Shun nous mena dans les Arènes du Sanctuaire.

***

Shina

Je n'en croyais pas mes yeux : Seiya était de retour ! Je déchantai toutefois bien vite. Il n'était que l'ombre de lui-même, l'ombre du vaillant, audacieux mais surtout pétillant chevalier Pégase. Shiriu n'avait pas l'air d'avoir trop changé ; plus mature, peut-être, si la chose était possible ? Ikki et Hyoga entouraient une des plus belles femmes qu'il m'ait été donnée de voir. Instinctivement, je la détestai. Son air hautain, dédaigneux et, pourquoi ne pas l'avouer, sa beauté m'exaspéraient au plus haut point. Enfin, Shun sortit du groupe et vint s'incliner devant Dohko, qui venait d'arriver avec les autres chevaliers d'Or. Athéna qu'il avait changé ! C'était à croire qu'il avait pris vingt ans pendant les dix jours qu'il avait passé en Crète. Une autorité naturelle émanait de lui. C'est lui qui prit la parole, alors que nous étions tous habitués à voir Seiya parler pour ses frères.

- Chevalier Dohko, je vous salue. Les personnes que vous voyez avec nous sont Hermia - un geste furtif désigna ma nouvelle " ennemie " - et Procris, prêtresses de Knossos. La jeune fille est Ariane, Princesse et fille du Roi Minos. Enfin les deux hommes sont Androgée, son frère et Idoménée, ex-chef de la Garde Royale.
- Que s'est-il passé, Shun, interrogea Dohko d'une voix douce ?
- Nous avons été traîtreusement attaqués. Minos nous a tendu un piège et nous avons été obligés de nous battre à nouveau pour survivre. Cette bataille a coûté la vie à Minos et, malheureusement, à Miho qui s'est sacrifiée pour sauver la vie de Seiya.

Je comprenais maintenant l'abattement de Seiya. S'il était déjà terrible de perdre un compagnon de bataille, il devait être encore plus éprouvant de voir mourir un être humain " normal ", sans rien pouvoir faire pour le, ou la, sauver.

- Les personnes qui vous accompagnent se sont-elles rangées de votre côté ?
- Certaines oui, intervint Androgée. Mais mon compagnon et moi-même avons été obligés de combattre les chevaliers de Bronze.
- Obligés ?
- Nous avions juré.

Le visage de Dohko était dur, impassible, mais il était visible que la réponse lui déplaisait. Il était également clair qu'il résistait à l'envie d'ordonner la mise à mort des deux crétois, en compensation de la vie de Miho. Il était surprenant de voir Dohko réfréner sa colère, lui d'habitude si calme.

- Dohko, puis-je parler ?

Tout le monde se retourna vers celui qui venait de parler. Aldébaran se fraya un chemin et s'arrêta devant Dohko.

- Je connais Androgée, fit-il. J'ai terminé mon entraînement à Knossos avec lui. C'est un modèle de droiture et de loyauté. S'il avait juré, alors il ne pouvait pas reprendre sa parole. Il était obligé de s'attaquer aux envoyés du Sanctuaire.
- Soit, répondit finalement Dohko après des minutes de silence qui parurent durer des heures. J'accepte la caution d'Aldébaran. Vous logerez chez lui, continua-t-il en se tournant vers les deux Crétois. Vous ne pourrez en sortir que sous l'escorte de Kanon, le chevalier des Gémeaux, qui garde la maison suivante. Aldébaran, conduis-les.

Aldébaran fit un signe à Androgée et à Idoménée et tous trois quittèrent les lieux.

- Kanon, dit Dohko. Je te charge d'eux. Jusqu'à ce que je t'avise du contraire, je veux une surveillance permanente de ces deux hommes.

Sans mot dire, Kanon hocha la tête et s'en fut.

- Je vous trouve bien sévère avec eux, vieux maître, fit la voix tranquille de Shiriu.
- Il le fallait. Je suis à peu près certain que nous n'avons rien à craindre d'eux, mais il était nécessaire de marquer le coup. Mais dis-moi, Shiriu, il semblerait que tu aies recouvré la vue ; tout comme Hyoga qui peut à nouveau se servir de son œil gauche.
- C'est grâce à Hermia, vieux maître. Son Don nous a guéris.
- Qu'elle en soit remerciée dans ce cas. Son Don peut-il nous rendre nos pouvoirs ?

Hermia sourit, levant délicatement ses mains, en signe d'impuissance.

- Malheureusement, non, chevalier. De plus, mon Don ne m'obéit plus en ce moment, car je suis enceinte.
- Tu es QUOI ? ? ?

Ikki et Hyoga dévisageaient l'ex-prêtresse avec des yeux exorbités, avant de se regarder l'un l'autre, incrédules. On eut dit que la foudre, ou l'attaque d'un dieu je ne sais pas, venait de s'écraser à leurs pieds…

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.