Chapitre 1 : L'armure d'Or




Cet imbécile de Kiki ne perdait rien pour attendre. Comment avait-il osé ? Je dormais paisiblement lorsqu'il qu'il ne trouva rien de mieux que d'ouvrir en grand les rideaux pour laisser place au soleil. Inutile de dire que je me pris ses rayons directement dans le visage… J'essayai vainement de l'attraper mais il disparut au moment où je m'apprêtais à lui faire passer un sale quart d'heure. Maugréant malgré moi, j'entrepris alors de m'habiller, jetant un rapide coup d'œil sur le réveil qui se trouvait sur la petite table en bois près de mon lit : 10h passées, déjà. La journée s'annonçait magnifique. Encore une. Depuis notre retour et ce terrible orage qui nous avait accueilli, plus de dix jours auparavant, il n'était pas tombé une seule goutte en Grèce. Le soleil brillait de tous ses feux, comme s'il voulait se rattraper des quelques minutes que lui avaient fait perdre l'ultime éclipse.

Qu'allais-je faire ? Mes exercices d'assouplissement et de remise en forme ? Bof. Méditer ? Je me sentais encore moins le courage. Tout à coup, je fis attention à un bruit qui venait à mes oreilles de façon récurrente. Clic ; clic ; clic… Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Une seule chose était sûre, cela venait des Arènes. Alors autant y aller. Je dévalais rapidement les escaliers. J'étais loin du mort-vivant qui était réapparu au Sanctuaire. Dix jours à se reposer et à manger m'avaient largement remplumé. Certes mes efforts pour retrouver mon cosmos s'étaient tous soldés par un échec, mais mes forces revenaient à grand-pas et je ne doutais pas d'être capable de faire exploser à nouveau ma cosmo-énergie d'ici quelques temps. Avant même de parvenir aux Arènes, j'entendis les cris.

- Allez Marine !
- Défends-toi, Aiolia !

Marine ? Aiolia ? Qu'est-ce qui se passait encore ici ? J'arrivais enfin au-dessus des gradins et là, je restai coi : au beau milieu des arènes, suant tous les deux et avec une expression d'intense concentration sur leurs visages, Marine et Aiolia se battaient en duel. Le sabre dans la main droite, la main gauche tendue devant pour tenir son adversaire en respect. Je restai quelques instants à les observer. J'avais bien vite compris qu'il s'agissait là d'un simple entraînement. Aux multiples assauts brefs et puissants, se succédaient quelques pauses, passées à récupérer. Car les deux adversaires étaient de force sensiblement égale : Si Marine était moins forte au point de vue physique, cet handicap était largement compensé par le fait que le chevalier du Lion était dans l'incapacité totale de faire appel à son cosmos. Mon regard se dirigea ensuite vers les gradins. Je ne pus retenir un sourire. D'un côté, Shina, Rigel et les chevaliers de Bronze applaudissaient à tout rompre les assauts répétés de Marine ; de l'autre Milo, Shura, Shaka, Masque de Mort et Aphrodite tentaient d'apporter un peu de répit à leur collègue qu'ils ne voulaient pas voir vaincu par un chevalier d'Argent, une femme de surcroît !
Il était incroyable, à proprement parler, de voir ces cinq chevaliers d'Or battre des mains, rire aux éclats toutes les trente secondes, se lancer des regards amusés ou se moquer parfois d'Aiolia.
Ce spectacle était vraiment frappant, surtout lorsqu'on considérait ce qu'étaient ces chevaliers avant leur résurrection ! Tout à coup, Aiolia rengaina, sans pour autant manifester la moindre envie d'arrêter le combat. Il défiait Marine du regard, laquelle ne savait plus trop ce que manigançait son amant, balançant ses boucles rousses de droite à gauche en signe d'indécision. Puis, lentement, un sourire apparut sur ses lèvres.

- Je vois, fit-elle. Tu espères me vaincre avec la tactique du " Sabre du Samouraï "…
- Je n'espère rien du tout, répondit Aiolia, le visage devenu rouge.
- Tu devrais pourtant savoir que cette technique n'a aucun secret pour moi.
- Alors, attaque.

Un instant déconcerté par le ton d'Aiolia, Marine se reprit bien vite. Elle se jeta la pointe en avant, dirigée droit vers le thorax de l'autre duelliste. Ce qui se passa alors stupéfia les spectateurs, moi y compris. Pas tant pour ce qui se passa réellement, mais pour la vitesse avec laquelle ça se passa. En un millième de seconde, voire même moins, j'étais incapable de le dire vraiment, Marine était à terre, la pointe de l'épée d'Aiolia touchant sa gorge. Il n'y avait qu'une seule explication : le chevalier du Lion s'était déplacé à la vitesse de la lumière. Mais apparemment, cet effort avait été de trop. Aiolia ferma les yeux, vacilla, puis tomba face contre terre. Marine hurla, tandis que tous les chevaliers se précipitaient vers le centre de l'Arène. Sauf Shaka et moi. Je savais très bien, tout comme Shaka probablement, ce qui s'était passé. Aiolia avait inconsciemment atteint le septième sens. Mais son corps était loin d'être prêt à accepter une telle puissance : il s'était donc évanoui.

Il fut évacué vers l'infirmerie, porté par Rigel et Shura. Une fois que tout le monde eut quitté les lieux je descendis finalement vers l'arène, où m'attendait Shaka. Ce dernier m'adressa un chaleureux sourire.

- Alors, Mû, sais-tu comment Aiolia a réussi ce coup-là ?
- Aucune idée, répondis-je tout de suite avant de réaliser que s'il me posait la question, c'est qu'il avait déjà la réponse. Ne me dis pas que toi, tu le sais ? Tu ne peux pas avoir déjà retrouvé ton septième sens ?
- Non mon ami, c'est encore trop tôt. Par contre, même si je ne l'ai pas vu, j'ai une idée assez précise de la manière dont il s'y pris. Manière très ingénieuse, soit dit en passant.
- Alors ?
- Aiolia a attendu que le sabre de Marine soit à moins d'un mètre de lui, c'est à dire à portée de sa propre arme. Il alors basculé son pommeau vers lui, balançant du même coup son sabre, toujours au fourreau, sur la main de Marine. De surprise et de douleur, elle lâche son arme. Mais le mouvement d'Aiolia ne s'arrête pas là. Le fourreau continue sa trajectoire vers le menton de Marine qui, sous l'impact, se retrouve catapultée en arrière. Il ne reste plus à Aiolia qu'à dégainer et pointer la pointe sur la gorge de Marine.
- Je comprends, mais comment expliques-tu le fait qu'il ait réussi à atteindre la vitesse de la lumière ?
- D'abord, il ne l'a pas atteinte, même s'il s'en est considérablement rapproché. Ensuite, c'est un exercice qu'il a du exécuter peut-être un millier de fois. Il a donc laissé une place importante à son subconscient ce qui lui a permis d'accomplir cet exploit.
- D'après toi, Shaka, combien de temps nous faudra-t-il attendre, avant de pouvoir récupérer nos pouvoirs ?
- Patience, mon ami, patience. Pour quelqu'un qui a été l'élève de Sion, je te trouve bien impatient. N'as-tu pas appris qu'il ne sert à rien de vouloir bouleverser l'ordre naturel ?
- Nous récupérerons donc nos pouvoirs quand les dieux l'auront décidé.
- C'est cela.
- Et ben c'est gai !
- Oui, je suis d'accord, répliqua Shaka en éclatant de rire !

***

Aioros

Le deuxième conseil peut commencer. Le premier a eu pour but de décider de la réorganisation du Sanctuaire et des chevaliers divins. Après celui-ci, les chevaliers désignés par le Conseil vont s'atteler aux tâches qui leur ont été confiées. Nous avons tous bénéficié d'une semaine de repos, nécessaire d'ailleurs, mais à présent nous devons nous occuper de la chevalerie d'Athéna.

- Comme vous le savez, fit Dohko, lors du premier conseil, nous avons désigné certains d'entre nous pour l'accomplissement de certaines tâches. Avant de parler d'autre chose, quelqu'un a-t-il une remarque à faire sur le sujet ?
- Moi, répondit Camus.
- Oui, Camus, interrogea Dohko pendant que tous les regards se fixaient sur le chevalier du Verseau ?
- Shura, Aldébaran, Milo et moi avons été chargés par le Conseil de localiser et récupérer les armures perdues dans un premier temps, puis dans un second de nous rendre sur l'île de la Mort afin de détruire une fois pour toutes les armures Noires. Or, je suis dans le regret de vous dire que je ne peux m'acquitter de cette double tâche. Je n'ai pas récupéré assez de puissance

Des murmures se firent entendre tout autour de la table. Je jetai un coup d'œil à Dohko et vit un fugace sourire apparaître sur son visage. Je m'en doutais. Ce que venait de dire Camus était plein de bon sens et tous les chevaliers devaient probablement se trouver dans le même cas que lui, mais néanmoins quelque chose sonnait faux dans sa tirade. Le sourire de Dohko me confirma ce que je pensais : nous venions d'assister à une petite scène préparée par ces deux chevaliers, destinée à nous faire passer plus facilement la pilule. Le tout était de savoir quelle pilule exactement ?

- C'est pareil pour moi, intervint Mû en se calant sur le dossier de sa chaise. J'ai beaucoup lu ces derniers jours…
- Entre deux siestes, persifla Milo à voix basse.
- Si je comprends globalement de quoi il est question, poursuivit le chevalier du Bélier en faisant celui qui n'a rien entendu, je suis dans l'incapacité totale de l'appliquer, c'est à dire de réparer une armure et à fortiori d'en créer une. Je n'ai pas la moindre idée du temps qu'il me faudra pour y arriver. Dans cette optique il me semble déplacé, voire même risqué, d'envoyer des chevaliers sans armures se battre contre les chevaliers Noirs. Aussi faibles soient-ils, ils maîtrisent leur cosmos, eux.

Le dernier mot de Mû tomba comme un couperet. Certes nous savions à quel point nous étions faibles - inutile de nous voiler la face -, mais de là à imaginer que nous n'étions même pas de taille face des chevaliers Noirs, il y avait une marge.

- Et tu ne peux vraiment rien y faire, interrogea Aphrodite ?
- Moi, non.
- Qui alors, reprit Saga ?
- Kiki, mon apprenti.
- Mais il a huit ans, s'exclama véhément Masque de Mort ! Comment peux-tu nous proposer de remettre notre destin entre les mains d'un gamin qui vient à peine d'arrêter de sucer son pouce !
- J'ai construit ma première armure d'Or à neuf ans, répondit Mû d'une voix égale.

La mâchoire de Masque de Mort mit un long moment à se refermer. Milo laissa échapper un ricanement, vite étouffé par un regard noir de Dohko.

- Si nous pouvions revenir à nos moutons, fit placidement Aldébaran… D'après ce que j'ai compris, d'ici à un an, un an et demi, nous devrions disposer de nouvelles armures. La question est alors, poursuivit le chevalier du Taureau, après avoir attendu le hochement d'acquiescement de Mû, qu'allons-nous faire pendant ce laps de temps ? Certes Aiolia a semble-t-il quelque peu retrouvé l'usage de son cosmos, mais vu qu'il a mis plus de vingt-quatre heures à s'en remettre, je serais assez enclin à croire que nous n'y parviendrons pas demain. Devons-nous alors nous en remettre uniquement à Marine, Shina ainsi qu'aux quelques chevaliers de Bronze qui nous restent ?

La tirade d'Aldébaran nous laissa cois plusieurs minutes. Il venait de d'exposer notre situation actuelle avec une lumineuse clarté. Dohko sourit à nouveau. Consciemment ou non, il nous avait manifestement mené exactement là où il le voulait.

- La situation est difficile, il est vrai.

Pause.

- Fort heureusement, nous avons la chance d'avoir de nouveaux alliés. La nouvelle de notre retour qui marque la fin d'une époque douloureuse pour le Sanctuaire a permis leur retour dans la chevalerie d'Athéna.

Comme lors du premier conseil, Saga parut disparaître sous sa chaise. Toutefois, il se releva bien vite, conscient que la déclaration de Dohko ne le visait pas exclusivement.

- Laissez-moi vous présenter Calios, chevalier d'Argent du Bouclier ; Néa, chevalier d'Argent de l'Autel et Jen, chevalier d'Argent de Cassiopée.

L'une des massives portes de Bronze s'ouvrit et laissa passage à deux hommes d'environ une vingtaine d'année et une femme un peu moins âgée. Calios devait mesurer environ un mètre quatre-vingt dix, peut-être un peu plus. Il avait des cheveux blonds, coupés très court avec cependant une large mèche qui lui tombait sur le visage. Son regard, bleu, avait cette acuité de ceux qui ne s'en laissent pas compter et qui savent à qui ils ont affaire dès le premier regard. Son visage, glabre presque en totalité, était fin, presque émacié, comme si Calios n'avait pas mangé à sa fin depuis quelques temps. Sa musculature était puissante, mais sans excès. On pouvait dire de lui qu'il était bien proportionné.

Très différent était Jen. Petit, fluet, j'avais l'impression qu'il m'arrivait à peine à hauteur des yeux et je n'avais que quatorze ans. Sa peau était burinée par le soleil, restes probablement d'un entraînement dans les pays du Sud. Ses yeux noirs comme l'ébène, étaient pour l'heure étrangement brillants, comme s'il avait un compte à régler ou que sa colère allait se déchaîner. Ses cheveux, noirs également, lui retombaient sur les épaules en cascade. Sa silhouette était nerveuse, impression accentuée par les mouvements brusques de ses mains, qu'il semblait avoir du mal à réprimer.

Néa enfin, était la beauté incarnée, du moins de mon point de vue. Mais les autres semblaient partager mon opinion, si j'en jugeais par leurs mines. Aphrodite lui-même ne pouvait détacher ses yeux de Néa Elle ne portait pas son masque, sans doute depuis le temps où elle avait tourné le dos à l'autorité du sanctuaire. Elle devait mesurer à peu près un mètre soixante-cinq. Ses cheveux, blonds comme les blés, étaient disposés élégamment de chaque côté de son visage, de telle sorte que l'on avait l'impression qu'elle venait de passer plus d'une heure à se coiffer. Impression immédiatement démentie par la saleté de ses vêtements, qu'elle devait porter depuis plusieurs jours déjà. Ses yeux, pers, me rappelait irrésistiblement quelqu'un. Je cherchai quelques instants, avant de trouver et m'exclamer intérieurement : Athéna ! On disait de notre maîtresse qu'elle était la déesse aux yeux pers.

Ils s'agenouillèrent à quelques pas de la table où nous étions assis, semblant rendre hommage aussi bien à Dohko qu'au reste d'entre nous.

- Chevaliers, vous avez manifesté le désir de rejoindre le Sanctuaire d'Athéna après des années d'exil. Il ne m'appartient pas de juger les raisons qui vous ont poussé à partir, ni celles qui vous poussent aujourd'hui à revenir. Vous savez, car je ne vous l'ai pas caché, que nous sommes momentanément privés de pouvoirs. Vous devez donc être nos bras armés. En conséquence, je vous charge d'aller éliminer les derniers chevaliers Noirs vivants et de nous ramener leurs armures.

Les trois chevalier se levèrent, inclinèrent brièvement la tête et repartirent. Sans avoir prononcé la moindre parole.

- As-tu autre chose à nous dire, Dohko, interrogea Shaka avec un demi-sourire aux lèvres ?

Le ton du chevalier de la Vierge disait assez qu'il pressentait une nouvelle révélation.

- Moi, fit cependant Dohko d'un air innocent qui amena un sourire sur chacun des visages, tant cela était inhabituel sur le visage sérieux du chevalier de la Balance ? Non. Mais Saga, oui.

Chacun de nous se tourna alors vers le chevalier des Gémeaux qui semblait incroyablement nerveux.


Saga

C'est vrai que j'étais nerveux. Pas nerveux, d'ailleurs ; terrifié. Oui, je crois que c'était le terme exact. Curieux sentiment pour un chevalier d'Or confirmé comme moi. Dix paires d'yeux me fixaient avec insistance. Seul Dohko était au courant de ce que j'allais dire, mais je savais que je ne pouvais espérer aucun soutien de sa part. Ou plus exactement, son soutien, il me l'avait déjà offert. Je me levai, mû par une impérieuse nécessité de me placer à un autre niveau. Je jetai alors un bref coup d'œil à chacun de mes compagnons.

Mû me regardait avec confiance, même si je crus déceler une certaine circonspection chez lui.

Aldébaran, lui, avait croisé les bras et attendait patiemment l'objet de ma déclaration.

Masque de Mort me renvoyait son habituel sourire sarcastique, semblant se désintéresser totalement de la question.

Aiolia n'avait manifestement pas récupérer totalement des efforts consentis deux jours auparavant et menaçait de s'endormir à tout instant.

Shaka méditait. En tout cas, il avait fermé les yeux, ce qui était devenu quelque peu inhabituel chez lui.

Milo avait froncé les sourcils, s'interrogeant manifestement sur ce que j'allais bien pouvoir dire.

Aioros était le seul à me regarder avec bonté. Pourtant, j'avais tenté de le tuer, mais pour une raison qui m'échappait, il ne semblait pas m'en garder rancune.

Shura, bien droit sur sa chaise, me dévisageait fixement. Il savait parfaitement qui j'étais quand je me prétendais un autre. Il avait failli tout comme moi et s'en voulait atrocement, attendu qu'il avait pour réputation d'être le chevalier le plus fidèle à Athéna.

Camus tourna la tête lorsque nos regards se croisèrent. S'il m'avait pardonné, je sentais bien que son cœur n'oublierait jamais que je l'avais forcé à un duel à mort avec son disciple.

Aphrodite enfin m'adressa un pauvre sourire, conscient d'être considéré de la même manière que moi par les autres.

Je pris enfin la parole, sentant que je ne pouvais pas différer plus longtemps.

- Je voudrais répondre à Aldébaran. Certes nous devrons faire appel aux chevaliers de Bronze et d'Argent pour l'instant ; mais nous pouvons également compter sur quelqu'un d'autre. quelqu'un qui a comme nous combattu les forces d'Hadès et qui, comme moi, s'est longtemps trompé de chemin.

A leurs regards, je sus qu'ils avaient saisi. Je me dirigeai alors vers une porte et l'ouvris. Un homme entra dans la salle, revêtu d'une armure d'Or, son cosmos irradiant tout autour de lui.

- Entre Kanon, mon frère, chevalier d'Or des Gémeaux.

Retour au sommaire - Chapitre suivant

www.saintseiya.com
Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.