Chapitre 2 : Survivant


Le sanctuaire d'Athéna, 1 novembre 2187

La haute silhouette du pope, drapée de blanc et d'or, se tenait immobile au pied d'une immense statue de pierre, représentant onze personnages aux visages fermés et aux yeux fixes, comme perdus à jamais au sein de sinistres songes. Levant la tête, l'enfant de jadis contempla un à un ceux qui désormais, pour tous, n'avaient été que des traîtres envers les dieux, des fous s'étant élevés contre des puissances que tous se doivent de traiter avec le plus grand respect. La haut, Mû, son maître de jadis, continuait pourtant à projeter dans son esprit l'image de ce qu'il attendait de tous ceux qu'il avait formés : noblesse, loyauté, sacrifice… Aujourd'hui, les choix de tous étaient les siens, lui qui n'avait que peu participé à de véritables combats, lui qui n'avait put que les regarder mourir un à un. Il aurait tout donner à cette époque pour être capable de se battre lui aussi pour sa déesse, et il savait que s'il était à cette place aujourd'hui, ce n'était dut qu'a sa faiblesse, et pas à un choix personnel. Après la guerre sainte, quand l'on compta les survivants, le hasard, ou la chance, voulu qu'il soit le seul d'entre tous à avoir été l'élève d'un chevalier d'or, et le seul à posséder le savoir et la formation nécessaire pour réparer les armures mourantes retrouvées ça et là sur les champs de bataille. Par un miracle divin, il avait été béni du don de longévité, et depuis plus de deux cent années, avait veillé sur le sanctuaire et ses habitants, attendant un signe de celle qu'il avait toujours voulu servir. Longtemps, il fut seul en ce champ de ruines, gardien ancestral d'un passé oublié, invisible aux hommes du commun. Puis, il y a environ trente ans, une vision dans un rêve l'avait poussé à reformer l'ancien ordre des saints d'Athéna. Aidé d'une poignée de disciples, il reconstruisit les temples, releva les colonnes et les statues, redonna à ce lieu un peu de sa splendeur de jadis. Puis les disciples devinrent eux aussi des maîtres. Désormais, non loin de cette place, disséminés à travers le lieu saint, de nombreux croyants s'entraînaient sans relâche, sous la houlette de fiers chevaliers aux armures d'argent. La vie avait réinvesti le sanctuaire, et le cosmos brûlait de nouveau dans les cœurs et les esprits. Dés lors, le pope avait envoyé ses émissaires aux quatre coins du monde, avec une mission : retrouver la réincarnation de la déesse, et la ramener en lieu sur au plus vite. Cela faisait trois mois déjà, et aucune nouvelle n'était venue, pas même une piste ou un indice, comme s'il s'était trompé, comme si elle n'était jamais revenue. Pourtant, au fond de lui, aucun doute ne subsistait, elle était là, quelques part. Plusieurs fois déjà, au cours de sa méditation, il avait perçu ce cosmos bienveillant, éveillé, puis avait perdu sa trace au bout de quelques secondes. De plus, depuis quelques temps, d'autres sensations se mêlaient à ses sens, et il redoutait qu'Athéna ne soit pas la seule à être de retour… Se retournant, perdu dans ses pensées, il lança un regard en contrebas de la place, scrutant les visages des jeunes recrues les plus matinales, à la recherche des traits d'une ancienne connaissance, mais, une fois de plus, le miracle ne se produisit pas, et tandis que le soleil terminait de se lever, il repris sa route vers le palais, comme il le faisait chaque jour depuis la mort de son maître.

***

Dés que Merciless vit la façon dont les grilles du manoir avaient été éventrées, il sentit que quelques chose de grave venait de s'y dérouler, impression qui devint une certitude quand il aperçut les premiers corps, projetés, visiblement par un être pourvu d'une force colossale, à plusieurs mètres de là. Suivant furtivement le chemin de terre qui serpentait à travers le parc de la demeure, il s'en rapprocha rapidement, se collant au mur arrière pour tenter de surprendre ceux qui étaient la cause de ce massacre. Etrangement, pas un son ne troublait le petit matin brumeux, mais le jeune homme sentait encore la présence de son adversaire, quelques part à l'intérieur, un adversaire si dangereux que la plupart des gardes, pourtant des vétérans de plusieurs guerres corporatistes, reposant alentours, n'avaient même pas eus le temps de se servir de leurs armes. C'est seulement une fois dans la cuisine, dans laquelle donnait la porte secondaire du manoir, qu'il perçu les premiers coups de feu, étouffés par des silencieux, venant de l'étage. Traversant en hâte la salle à manger, puis le hall, il gravit les marches du grand escalier central, jonché de cadavres déchiquetés, puis déboucha sur le couloir des chambres, au fond duquel se trouvait le cabinet de son père. Il n'eut même pas le temps d'y entrer, que l'énorme bureau de bois massif, renforcé d'acier, fracassa le mur à sa gauche dans un fracas assourdissant, emportant avec lui les restes des deux hommes de main les plus fidèles à la famille, ceux qui l'avaient vu grandir, qui l'avaient protégé, et qui avaient de leur main vengé son frère assassiné par Pietrov. C'est à travers cette fenêtre improvisée, la colère et la haine brûlant désormais en lui, qu'il le vit : un guerrier de haute stature au crâne rasé, revêtu d'une armure d'acier aux reflets de chrome et aux articulations renforcées, son regard brûlant de folie tandis qu'il se débarrassait du corps désarticulé de son père, et marchait directement vers lui, sans l'ombre d'une hésitation…

La brute frappa Merciless de toutes ses forces, ses muscles cybernétiques se détendant avec un claquement brusque, projetant un poing massif orné de pointes contre la poitrine de l'armure divine, forçant son porteur à reculer pour encaisser le choc sans tomber au sol. Puis, le sourire de l'amélioré disparu d'un coup, quand une aura pourpre crépitante se forma autour de celui qu'il avait pris pour sa prochaine victime. Son visage semblait désormais différent, et ses yeux bleus reflétaient un inquiétant feu intérieur quand il releva la tête, pointant du doigt l'homme de métal. Le silence qui suivit parut durer une éternité, puis des rayons de lumière commencèrent à fuser dans la pièce, frappant de plein fouet le chevalier d'acier, entaillant profondément son armure en plusieurs points, et répandant son sang sur les restes de la moquette hors de prix du bureau.

" Mais qui est tu ? ", réussi t'il toutefois à lancer au milieu du grondement du ciment, s'écroulant par plaque, et de la tôle déchirée.
"Ton bourreau… ", répondit le jeune homme en intensifiant inconsciemment la vitesse et la puissance de ses rayons, soumettant ce qui restait de son ennemi à une danse macabre forcée…

C'est cette erreur qui failli lui coûter la vie, au moment ou Kevin, chevalier d'acier de la machine électrique, pointa son bras doté d'un puissant générateur vers son dos, un rictus vengeur au coin des lèvres. En cet instant, Merciless ne dut sa survie qu'a un puissant souffle de flammes et de glace, qui dévasta le couloir, et tua son assaillant dans un hurlement à fendre l'âme. Empoignant sa lyre, il jeta un regard vers la source de cette violente attaque, caressant déjà ses cordes dorées du bout des ongles. Puis, traversant les flammes, une silhouette armurée d'écarlate et de gris, le visage à demi couvert par son masque, s'avança vers lui, ses cheveux blonds ébouriffés nullement atteints par la fournaise alentours. Le nouveau venu fit quelques pas, puis se figea, et tandis la main, remontant sa visière pour découvrir un visage amical d'une grande beauté.

" Heureux de te trouver, frère, je suis Krinn de Merak, guerrier divin de Beta. ".


Eveils

Cuba, le 2 novembre 2187

" Alors, mes frères, il est à présent temps de prendre les armes, et de renverser cet état à la solde des multinationales, afin qu'enfin, règne en ce pays la liberté ! ".

Les acclamations, d'abord timides, devinrent lentement une véritable clameur, tandis que Rico Dasilvas, chef du parti communiste révolutionnaire, scrutait les visages de chacun des hommes et femmes réunis dans l'entrepôt. Puis il signifia à ses lieutenants de commencer la distribution des armes, car en ce jour, SA révolution était sur le point d'éclater.
Réajustant son uniforme, il observa avec intérêt les réactions de ses nouveaux soldats, attentif à tout mouvement de rejet, prêt à donner l'ordre à ses fidèles de se débarrasser des fauteurs de troubles, mais personne ne s'avisa à discuter. Puis les premiers commencèrent à sortir en désordre, hurlant les slogans du parti avec vigueur...
L'on entendit une rafale d'arme lourde, et l'un de ces courageux de la première ligne, blessé, rampa de nouveau à l'intérieur, hurlant : " L'armée a cerné le bâtiment ! ".
Un grand silence se fit alors parmi les rangs des guérilleros, et au dehors, les grincements des chenilles des tanks commencèrent à se faire entendre. Renversant la grande porte de tôle, trois blindés firent irruption dans la pièce, et il fût donné aux rebelles l'ordre de se rendre.

Rico, caché au fond, derrière ses plus fidèles partisans, regardait avec horreur son heure de gloire devenir une heure de honte, et s'apprêtait à tirer sa dernière cartouche, lorsque sa vision se troubla soudain, le laissant pantelant alors que le silence se faisait, tous, militaires comme renégats, observant bouche bée l'aura débordante de pouvoir entourant soudain le révolutionnaire. Tombant à genoux, il commença à hurler, d'abord en cubain, puis en anglais, puis en français, puis en diverses langues mortes, comme le latin, voir des dialectes bien plus antiques, pour finir par une phrase en grec, qu'il répéta de nombreuses fois, se calmant peu à peu. Il se releva ensuite, un sourire vainqueur aux lèvres, et le chef de la section lui faisant face, un vieux militaire peu impressionnable, hurla à tous de poser leurs armes s'ils désiraient rester en vie. Cela eut l'effet de rendre le révolutionnaire fou de colère : " Nul ne défie le dieu de la guerre sans en payer le prix ", lança t'il calmement, soulignant son propos par un monstrueux jet de flammes sorti de ses mains nues, qui balaya les rangs des soldats, déclenchant des réactions aussi variées que désespérées…

Dans la journée qui suivit, la petite ville ou se situait le siège du parti, fut rayée de la carte par les berserkers nouvellement revenus à la vie. Et lorsque les renforts des troupes gouvernementales arrivèrent sur place, ils ne retrouvèrent qu'une poignée de survivants, racontant tous la même histoire à propos d'hommes en armure éventrant des tanks à mains nues, et déchirant le ciel d'un coup de poing. Mais parmi toutes les descriptions, ils parlèrent surtout de leur chef, un guerrier aux cheveux gris, nimbé d'une lueur sanglante, dont la seule présence rendait les bêtes folles, et dont la vision terrifiait les âmes les plus solides, les faisant fuir, ou instantanément se lier à sa cause. La suite laissait à désirer, selon certains, les guérilleros se seraient ensuite dispersés dans la jungle, pour d'autres ils étaient carrément entrés dans le sol ou s'étaient envolés. En gros, à part un flash spécial à la fin du journal, entre les publicités et la météo, le monde oublia bien vite Rico Dasilvas…

***

Thétis, assise sur le plus haut massif de corail du sanctuaire sous-marin, laissait son regard vagabonder depuis des heures, s'attardant sur les piliers, le temple de Poséidon, et les petits villages ou vivaient les Néréides, ses sœurs, ainsi que les marinas et leurs soldats. Elle soupira, s'ennuyant à mourir tandis que tous s'entraînaient pour une hypothétique guerre.

" Alors la vieille, on rêve ? ". Une fillette d'environ dix ans, aux cheveux blonds bouclés, ainsi qu'une autre, visiblement de peu sa cadette, se hissèrent au niveau de la sirène, lui souriant de toutes leurs dents. Celle ci leur lança une moue las.
" Néso et Doto, je vous aie déjà dit mille fois de ne pas sortir du village du pilier de l'Antarctique !
- Mais c'est nul la bas, il n'y a même pas de général !
- Nul ou pas nul, Poséidon vous a assignées la bas, c'est comme ça, il n'y a pas à discuter ! ".

Les deux gamines soupirèrent de concert, et l'une d'elle décida de changer de sujet, pointant Thétis du doigt, en parlant sans baisser de ton à l'oreille de son amie.

" Tu as vu comment elle soupire la vieille, j'suis sure qu'elle est amoureuse !
- Vous dites n'importe quoi, bande de petites pestes. " lança la Néréide en leur tournant le dos.
" Menteuse, menteuse ! On t'a vue en train d'effeuiller les oursins ! ". Sur ces mots, Néso attrapa un oursin, et commença à lui arracher les piquants en prenant un air niais : " Il m'aime, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie…
- Ho oui, à la fooooolie… ", repris Doto en riant.
" J'suis sure que c'est du général du Kraken, Kilik, qu'elle est amoureuse !
- Pff, mais non, il est trop moche, c'est Youri du Kappa qu'elle aime ! ".

Thétis se contenta de soupirer, imaginant Youri, avec sa face de lamproie, tenter de l'embrasser, regardant avec colère un point indistinct sur la surface de l'océan, loin au-dessus d'elles, tandis que les deux gamines se disputaient sur le choix de son partenaire amoureux.

Pendant un instant toutes deux se turent, puis en cœur lancèrent : " Je sais, c'est de Poséidon qu'elle est amoureuse ! ". Thétis les fixa un instant, comme abasourdie par tant de stupidité, puis une sorte de grondement assourdi monta du temple central.

" Petites idiotes, regardez ce que vous avez fait, notre maître me fait appeler, sûrement à cause de votre fugue ! ", cria t'elle.
" Je vous assure, si j'ai des ennuis à cause de vous, vous allez le regretter ! ".

Les deux fillettes échangèrent un regard, puis sautèrent rapidement au bas du monticule de corail, hurlant en cœur.

" Ne t'inquiète pas, on rentre, on ne voudrait pas que tu fasses attendre ton chéri ! ".

La Néréide ramassa lentement son casque sur le sol et le posa sur son crâne tandis qu'elles s'éloignaient en courant. Elle savait très bien pourquoi elle était appelée, et cela lui plaisait encore moins que de devoir supporter ses deux petites sœurs. Elle se mit cependant en route, de sombres idées se mélangeant dans son esprit enfiévré.

***

Crète, le 3 novembre 2187

A la faveur de la nuit, trois formes distinctes : une large, une maigre et une moyenne, avançaient à travers les champs, se hâtant vers une ferme isolée, à une centaine de mètres d'eux. A l'intérieur ne résidaient qu'un fermier du cru, un homme simple, qui toujours avait refusé de quitter cette terre, et ou il vivait simplement depuis plus de trente ans avec sa femme et sa jeune fille. Sans préavis, la silhouette aux airs de colosse s'avança devant la porte, et la fracassa d'un geste sans effort visible, laissant le passage à ses deux compagnons. Tous trois portaient des surplis, les armures offertes par Hadès à ses spectres.
" Boris, tu reste ici et tu garde la porte, Aubin, tu passe devant moi, nous allons faire ça rapidement et sans violence excessive. ". Le gros homme acquiesça, et l'autre, le maladif, se contenta de pousser la porte de la cuisine. Le fermier l'y attendait, robuste, une lourde hache à la main, ne montrant pas de signes de sa peur, même quand le spectre qui ouvrait la marche s'avança en pleine lumière, révélant son armure sombre, décorée d'écailles de serpent, hérissée de griffes, et comportant un casque représentant un ophidien à visage vaguement humain. Hurlant, le père voulu se jeter sur les intrus, mais un seul regard de son adversaire le figea, tandis que lentement, sa peau se durcissait, prenant la consistance de la pierre, figeant pour l'éternité son courage en une statue inanimée. Le spectre qui répondait au nom d'Aubin fit ensuite quelques pas dans la pièce en ricanant, cherchant celle qu'ils étaient venus chercher, s'attardant sur l'âtre de la cheminée, sur le vaisselier, puis sur la porte de la chambre, vers laquelle il s'avança, posant délicatement sa main sur la poignée…
" Aubin, pas question que tu entre, elle doit être ramenée vivante au maître ! ".
Il s'immobilisa avec un sifflement de dépit, laissant son supérieur prendre la relève. Il portait quant à lui portait une armure ornée de deux ailes de chauve-souris, d'un casque cornu, de jambières terminées par d'espèces de larges sabots bovins, et des bracelets constellés de petits piquants acérés. L'impression que donnait le tout, renforcée par ses cheveux noirs de jais et ses yeux verts, donnaient l'apparence d'un diable du plus bel effet.
Boris passa sa grosse tête dans la pièce un instant : " Stanislas, je crois qu'il y a quelqu'un dans le champ dehors…

- Hé bien va lui régler son compte imbécile, personne ne doit savoir que nous sommes responsables de tout cela. ".

Grommelant, le spectre fit demi-tour, sortant à nouveau de la demeure, son armure enfin visible à la lueur de la lune : une protection épaisse, comportant un plastron léger, deux avant bras griffus, de même que les pieds, et un large casque faisant penser à un lion avec une mâchoire de hyène. Un gémissement de femme retentit soudain de l'intérieur du bâtiment, le faisant presque sursauter.

" Hé voilà, c'est toujours les même qui s'amusent pendant que je cherche dans la boue. ". Il se mit à crier : " Hé, y'a quelqu'un ici ? ! ".

Une voix suave s'éleva soudain derrière lui.

" Oui, moi. "

Se retournant, il aperçut une femme aux cheveux blonds mi-longs, dont l'armure et le masque dorés luisaient sous la trop rare lumière.

" Je me présente : Jena, Chevalier d'or du Verseau ".
Il rit. " une femme chevalier ! Il ne leur restait pas aussi quelques gamins à qui donner des armures ? ". La jeune fille ne daigna même pas répondre, prenant simplement une position de combat complexe dans un mouvement des plus naturels.
" Hé bien, puisqu'il te tarde de te faire écraser, je suis Boris du Gulon, de l'étoile terrestre de la brièveté. Et toi et moi ma belle, on va bien rigoler… ". Il se lécha les lèvres pour illustrer son propos, et se jeta immédiatement sur Jena, qui l'esquiva gracieusement d'un revers de cape.

Le spectre se contenta de grogner, et pris une nouvelle position de combat, comme s'il allait charger, mais, avant même qu'il ne lance son attaque, une couche de glace commença à se former sous ses pieds, le déstabilisant.

" Et à présent, spectre, je vais te prouver qu'on ne peut pas vivre sans au moins une étincelle de chaleur dans le cœur ! ", dit elle en pointant le géant, les deux mains jointes, et les index tendus. " Frozen Heart ! ".

Au début rien n'arriva, puis Boris porta ses deux mains à sa poitrine, tandis que son surplis gelait, et s'écroula lourdement dans la boue du champ…mort.

Aubin piétinait dans l'entrée, inconscient de ce qui venait d'arriver à son camarade, attendant anxieusement que son supérieur ressorte de la chambre, le soupçonnant d'avoir perdu pas mal de temps en compagnie de la jeune épouse du fermier… Furieux, de dépit d'avoir la femme, il envoya un coup violent à la statue du mari, qui vacilla un instant avant de s'écrouler au sol, volant en éclat sous le choc.

" Tu n'aurais pas dut faire cela, Aubin du Karnabo, de l'étoile terrestre de l'équilibre. J'ignorais si ta mort le sauverait ou le condamnerais, mais à présent, tout cela n'a plus d'importance… Je suis Quentin, chevalier d'or du Scorpion, ton juge…et ton bourreau. ".

Celui qui avait parlé se posta devant la porte, bien en vu du spectre. Il portait une armure lui aussi, finement sculptée mais sans ornements excessifs. Ses cheveux longs étaient verts, et ses yeux bleus reflétaient le doré de son impressionnante aura. Il s'avança sans aucune crainte à moins d'un mètre de son ennemi.

" Je ne sais pas comment tu connais mon nom chevalier d'Athéna, mais sache que je suis la dernière personne dont tu croiseras le regard. ". Sur ce, les yeux de serpent du casque d'Aubin commencèrent à luire…
" J'ai bien peur que tu te trompe, je n'aie pas besoin de te voir pour te combattre, tes pensées me suffisent… Scarlet Terror ! "

Le chevalier du Karnabo ne sut jamais si ce fut la première piqûre, ou juste la terreur paralysante qui grandit en moins d'une seconde en lui, qui l'empêcha de lancer son attaque, mais, avant même qu'il puisse réagir, il se retrouva au sol, agonisant, en proie à une indicible douleur. Il eut juste le temps de voir entrer Jena, avant que le voile de la mort ne couvre sa vision, de façon définitive…

" Il y en a un troisième à l'intérieur ! ", lança Quentin, se jetant sur la porte de la chambre, et l'ouvrant d'un geste, pour découvrire une scène des plus étranges.

De la mère, il ne restait nulle trace, mais le chevalier du Scorpion vit plus tard, dans l'esprit de Stanislas, qu'il l'avait directement envoyée vers le puits des âmes, quelques part entre le royaume des vivants et celui des ombres. La chambre comprenait uniquement deux lits, un grand et un petit, et une commode de bois. Prés de ces meubles, une enfant d'environ douze ans aux cheveux noirs et au regard triste, contemplait un spectre, un genoux à terre devant elle, sans comprendre ce qui était arrivé à ses parents, ni pourquoi le monstre ne la tuait pas. Jena suivit Quentin, et entra à son tour.

" Regarde, il pleure. ", dit elle tout bas en désignant l'homme couvert du surplis. Et c'était vrai. Stanislas, dont la conscience était alourdies par la mort de plus d'une centaine d'innocents, avait fondu en larmes dés qu'il avait touché la petite fille.

Le chevalier du Scorpion leva son index, provoquant la pousse immédiate de son ongle, luisant d'une lueur pourpre dans les ténèbres de la chambre.

" Je vais mettre un terme définitif à cette comédie, occupe-toi d'Athéna. ", déclara t'il d'un ton neutre en avançant vers sa proie. Jena tendis la main, mais la fillette, à la surprise des deux chevaliers d'or, se plaça devant le spectre, le protégeant de son corps, et déployant une aura de bonté telle, que le chevalier du Verseau se retourna vers son coéquipier, qui ne semblait pas avoir changé d'avis.
" Ne peut-on pas le laisser ? Peut être n'est-il pas si mauvais ?
- Si tu pouvais comme moi lire dans son esprit, tu n'en douterais pas un seul instant. Elle ne se rend pas compte, emmène-la.
- Réalise tu seulement que c'est de la réincarnation de notre déesse qu'il s'agit ? Pas d'une simple enfant ! Nous n'avons aucune autorité quant à ses décisions. ".

Quentin réfléchit un instant, puis, à contrecœur, baissa la main.

" Stanislas du diable, de l'étoile céleste de l'étrangeté, n'oublie jamais qu'aujourd'hui, c'est à la clémence d'Athéna que tu dois la vie… Et prie, prie surtout pour ne jamais me croiser de nouveau. ".

Ayant dit ces mots, il tendit la main à la fillette, qui la refusa, lui préférant la chaleur de celle de Jena. Puis, sans un dernier regard, tous trois abandonnèrent le spectre en ce lieu, seul avec sa propre conscience…



Lexique

Gulon
Origine : Scandinavie
Description : Le gulon est un mélange de lion et de hyène avec des griffes acérées et la queue d'un renard. Il symbolise la gourmandise. Il est chassé pour sa fourrure, et pour ses tripes qui donnent un très joli son quand on en fait des cordes de lyre. On dit que porter un manteau fait en fourrure de gulon rend aussi glouton que l'était l'animal.

Karnabo (le)
Mi-homme mi-serpent, son regard mortel vous change en pierre et son souffle nasal est asphyxiant. Il s'agit d'un être redouté car méchant et sanguinaire, qui serait né de l'union d'un Bohémien avec une goule !

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Cette fiction est copyright Guillaume Monteil.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.