Deuxième Age Chapitre 7 : Kyô, Kinô, Ashita


Le concept est ce qui donne au chevalier son identité. Mais c'est aussi la base de sa puissance. La puissance de la cosmoénergie est une fonction du degré d'identification du chevalier avec son concept. D'autres facteurs entrent évidemment en jeu, mais le fait d'avoir compris le lien entre le concept et la cosmoénergie est une avancée majeure pour le programme Kido. Toutefois, ceci ne reste qu'un simple constat qu'on peut faire en lisant le rapport du père Jacob. Un constat dont tenir compte est certes un atout, mais au final juste un constat. Le pourquoi de la chose est une toute autre histoire.

Extrait d'un article de Mr Kajiya sur les concepts

~ 0 ~


Ce sont eux, les trois seigneurs noirs. Non soumis à l'autorité de Jango, leur force dépasse celle des autres chevaliers noirs, et tout ce qui se passe sur l'île de la Reine Morte les concerne inévitablement. S'opposer à leur volonté, c'est chercher des ennuis. Les mettre en colère, c'est signer sa mort.
Ils sont ici.
Et ils sont fous de rages...
"Vous tuer ?", lance froidement l'un d'entre eux, le Cygne Noir. "On va peut-être commencer par ça, oui."

~ 1 ~


Et pourtant, ils n'étaient pas venus pour se battre. Peu au courant de la réputation sale de l'île de la Reine Morte, Kyô, Kinô et Ashita s'y étaient rendus, sur la défensive et avec prudence il est vrai, mais dans un objectif intellectuel non violent. Depuis leur arrivée, à peine un jour et demi plus tôt, les événements se sont précipités.
"Vous êtes morts."
Les trois mots simples tombent de la bouche du seigneur noir. Celui-là doit être le Pégase noir, la forme de son casque ne laisse pas de doute à ce sujet. Dans ses yeux brûlent plus que de simples flammes.
Il avance d'un pas, aussitôt suivi dans la démarche par les deux autres.
"Ils ... viennent ...", souffle Kyô, que la pression intimide à un point qu'il ne connaissait pas. "Kinô ... que faut-il faire ?"
Le chevalier de la Machine Informatique ne répond pas tout de suite. La mâchoire décrochée par la stupéfaction, le visage noyée dans une abondante sueur chaude et poisseuse, il ne parvient pas à bouger son regard de ceux des trois seigneurs noirs.
"Je ... , finit-il par articuler, avec moins d'énergie que pour un chuchotement.
Rien ... Il n'y a rien à faire. La colère les aveugle et ... les rend sourds."
Un autre pas. Instinctivement, les chevaliers d'acier reculent d'autant. Une voix derrière eux les fait sursauter, celle d'un autre chevalier noir qui leur semble à présent beaucoup moins impressionnant.
"Vous ne combattrez pas sur mon territoire.", lâche sèchement Tordek.
"Ah non ?", lui repart tout aussi brutalement celui qui doit être le seigneur noir d'Andromède. "Et que comptes-tu faire pour nous en empêcher ?"
Pas de réponse. Sans doute est-ce ce silence dans lequel se perçoit une profonde assurance qui intrigue les seigneurs noirs au point de les arrêter dans leur élan. Pour la première fois, ils ne fixent plus les trois chevaliers d'acier, mais jettent leurs regards au-delà, jaugeant enfin le chevalier noir de l'Ours.
"Il tente quelque chose.", lance le Cygne noir. "Cela en fait-il notre ennemi ?
- Pas sûr.", lui repart le Pégase noir. "Tordek n'a de réputation que pour ses techniques défensives. Il y excelle, paraît-il."
Sans doute est-ce à cause de leur assurance, ou peut-être n'est-ce que leur sens des priorités, toujours est-il qu'aucun des trois seigneurs noirs ne prend le soin de répondre à la cosmoénergie de Tordek. Un instant, Kyô se demande s'il ne serait pas une bonne idée de profiter de l'instant pour tenter quelque chose, comme une offensive surprise, mais son unique seconde d'hésitation est une hésitation de trop face au rythme des événements qui s'ensuivent.
Car une fois son cosmos étendu à un niveau suffisamment grand pour inquiéter les chevaliers d'acier, après avoir écarté les bras, les avoir ramené vers lui et les avoir jeté en avant, après avoir doucement soufflé le nom de ce qu'il convient d'appeler une technique de combat, Tordek met un terme hélas provisoire à la sanglante action qui s'apprêtait à éclater.
"Bear Sanctuary."
Par la suite, et même en y réfléchissant bien, Kyô aura beaucoup de mal à comprendre ce qui s'est passé à ce moment-là.

~ 2 ~


Le lieu n'est pas le même. Le sol ressemble au sol, calciné et sec, bouillonnant de chaleur, comme prêt à entrer en éruption. L'air, toujours aussi irrespirable, saturé de souffre, brûlant et piquant à la gorge. Pourtant, Kyô ne voit plus le clan de ce Tordek de l'Ours, qui se tenait devant lui un instant auparavant. L'étendu parsemée de rochets qui l'accueille est un lieu tout nouveau qu'il n'avait jamais eu l'occasion de voir auparavant.
Et puis, il ne s'explique pourquoi, alors qu'il y a un instant il se tenait debout sur la défensive, il se retrouve à quatre pattes, à scruter le sol comme s'il cherchait laborieusement un objet qu'il aurait perdu.
Ses repères perdu, il peine à se rappeler où il en était, avec qui il était, et même ce qu'il faisait. Une phrase résonne dans sa tête...
'Bear Sanctuary.'
Il se souvient avoir ressenti quelque chose d'étrange, comme si l'espace se tordait autour de lui.
Il ne comprend toujours pas de quoi il s'agit mais, l'adrénaline aidant, l'instinct y mettant du sien, et surtout grâce à une expérience notable du combat, il juge opportun de se jeter sur le côté. D'une roulade, il se retrouve accroupi, un genou au sol, ce qui, il trouve, possède l'avantage de lui donner une bien meilleure vision de la situation. Cela a aussi l'avantage de lui avoir permis d'esquiver la violente attaque que vient de lancer celui qui semble être le seigneur noir du Cygne.
"Tu as esquivé mon attaque, je ne pensais même pas que tu y parviendrais."
Avalant goulûment une salive amère, Kyô jauge le sol où il se tenait une seconde plus tôt. Il peine à comprendre comment la surface alors calcinée et qui supportait son poids puisse à présent se trouver pris dans une épaisse couche de glace.
"Qu'est-ce que ...?
- Surpris ? Tu n'as encore rien vu. Ce satané Tordek de l'Ours entendra parler des seigneurs noirs, mais pour l'instant il est la dernière de mes priorités. Si le hasard a voulu nous isoler, toi et moi, de nos compagnons, c'est que ta destinée était de mourir, mourir par mes mains, par mon cosmos glacial.
- Ton cosmos glacial ?
- Comment ? Tu n'as rien remarqué ?
- Qu'est-ce que ...?"
Dire que Kyô n'avait rien remarqué serait exagéré. Quelque peu désorientés par cette inhabituelle transition qui vient de le placer face à un ennemi mortel, son intention s'est naturellement portée sur ce dernier. Mais cela vient d'ailleurs. Quelque peu mal à l'aise, le chevalier de l'Énergie peine à comprendre la subtile mais néanmoins incontournable différence entre ce moment, et celui qui le précédait. En d'autre circonstances, sans doute aurait-il cru à quelque caprice météorologique, qui l'aurait rendu perplexe une vingtaine de seconde, avant qu'il s'en désintéresse et choisisse de poursuive une activité plus productive. Mais il se trouve sur l'île de la Reine Morte, et si beaucoup de mystères planent encore sur ce lieu, si il est encore de nombreuses choses qu'il ignore à son sujet, il est une vérité que Kyô a estimé être irrémédiablement vraie, et que pas une seconde il ne tolérerait qu'on la remette en cause : il y fait chaud.
"Ce froid ... Est-ce toi le responsable ?
- Hé hé ... Peut-être."
La température, brûlante un instant plus tôt, est à présent glaciale. C'est à ce moment-là que le chevalier d'acier réalise que son souffle angoissé se précise dans une brume caractéristique. Mais Kyô est tout de même un chevalier d'acier. Il a la maîtrise de la cosmoénergie, et la connaissance des concepts, il sait que la cosmoénergie peut être matérialisée sous des formes bien étrange, et c'est pour cette raison qu'il ne devrait pas même être surpris de voir à présent de nombreux et terriblement réels flocons de neige. Cela aurait d'ailleurs sans doute été le cas, si le dit phénomène possédait les caractéristiques naturelles et universelle de la neige, ce qui se révèle hélas ne pas être le cas. Par exemple, elle n'aurait pas dû être noire.
"De la neige noire ? Qu'est-ce que c'est que ce délire ?
- Hé hé hé.
Chevalier d'acier, ou quoi que tu sois, apprend que je suis Sven, seigneur noir du Cygne, et un des plus puissants guerriers de cette île. Votre victoire sur le Dragon Noir, tu dois en être fier. Comme elle doit te donner une impression de puissance !
Mais affronter un adversaire à trois contre est une chose pour laquelle tu n'as aucun mérite. Cette victoire, c'est celle de tes compagnons autant que la tienne. Seul, tu n'aurais rien pu faire contre sa terrifiante force. Nous autres seigneurs noirs sommes les maîtres de cette île, Jango lui-même nous craint. Nous sommes rivaux, mais s'en prendre à l'un de nous, c'est tous nous défier.
Je suis le Cygne Noir, mes attaques te gèleront jusqu'aux os, d'un seul coup je briserais ton corps devenu glace, et c'est la mort qui t'emportera.
- Tu génères du froid grâce à ton cosmos ?", s'intéresse Kyô, peu impressionné par la menace de son adversaire. "Je n'y avais jamais pensé ... Mais si baisser la température du lieu où tu te trouves est tout ce que tu sais faire, je ne pense pas que tu puisses me tuer.
- Tu as tord, chevalier d'acier, de mettre ma parole en doute. Préparer le terrain est l'arme des vainqueurs, et tu vas t'en rendre compte dans une seconde...
... si tu survis.
Que s'abatte sur toi la terreur du blizzard noir !"
Avec le recul, Kyô s'apercevra plus tard que cet instant, celui ou Sven du Cygne Noir fait exploser son cosmos et jette son poing en avant, aurait très bien pu être celui de sa mort. Captivé intellectuellement, presque amusé, par la perspective d'utiliser une forme de glaciation en combat, il tarde à comprendre la menace réelle de l'attaque de son adversaire. Prenant la forme de fragments de glaces, une force dévastatrice s'abat là où il se tenait avant de réussir une maladroite esquive.
Instantanément, il comprend que quelque chose ne va pas.
"Alors, le nargue son adversaire, tu croyais que je voulais juste cisailler ta chair ? Quelle erreur fatale, ma technique a en fait pour but de geler le corps de ceux sur qui je l'abat. Crois-tu que ta jambe s'en souviendra ?"
Kyô grince des dents. Qu'importe ses efforts, qu'importe sa volonté, si son pied le fait souffrir, à présent, c'est que la raison en est simple. Un coup d'oeil le lui confirme : son pied et son mollet droit sont pris dans un bloc de glace, froid et compact.
"Zut...
- J'espère pour toi que tu as quelque atout dans ta manche, sinon je crains fort que tu ai beaucoup de mal à esquiver une nouvelle attaque.
Par le blizzard noir !!"

~~~~~


Sven, le puissant seigneur noir du Cygne, avait bien eu vent des rumeurs. Ainsi des chevaliers inconnus, à l'origine mystérieuse, se seraient introduits dans l'île, déjouant la méfiance du gardien, sa force, ou sa volonté. Un fait passionnant dont de nouveaux échos lui étaient régulièrement parvenus. Un des hommes du Dragon Noir était même venu le voir, bravant son territoire, et communiquant un message étrange. Son maître, un des quatre grands seigneurs, avait pris la décision de les affronter. Lui-même, bien qu'étant son rival, devait soit disant se tenir prêt pour quelque chose qui semblait important. Même à ce moment-là, et bien qu'au courant des victoires des étrangers contre Sylvan et Jozan, Sven ne s'était pas inquiété.
Le choc n'en fut que plus rude.
Le Dragon Noir, ce satané Sergueï, n'était pas un ami. Prétendre l'inverse serait même mentir. La découverte du corps décapité du seigneur noir, ainsi que ceux de plusieurs autres chevaliers noirs autour de lui, n'imposa pas tristesse et désespoir au Cygne Noir. En d'autres circonstances, il se serait même félicité d'une situation pareille, qui lui aurait conféré de fait une part de pouvoir supplémentaire non négligeable sur l'île de la Reine Morte. Mais en l'occurrence, plusieurs conclusions s'imposait, et les choses n'allait pas bien du tout. Il en était ainsi car rien n'excluait que ces chevaliers inconnus ne viennent s'en prendre à lui, et tout portait à croire qu'en cas de conflit la victoire ne lui serait pas acquise. Dès lors, il avait le choix entre éprouver la peur d'être vaincu, ou bien la colère d'être défié.
Comme la situation était logiquement la même pour les deux autres seigneurs noirs, il avait opté pour la colère, et ainsi naquit la première alliance entre les seigneurs noirs. L'idée était évidemment d'écraser ces avortons comme les mouches qu'ils devaient être, une fois l'avantage de la supériorité numérique écarté.
L'exécution du plan s'est redoutablement bien passé. Presque trop bien, même, c'est en tout cas ce que pense le Cygne Noir. Entièrement congelé dans un bloc de glace, son adversaire semble ne jamais avoir été à la hauteur. Une victoire si écrasante est insuffisante pour qu'il puisse calmer l'ardeur de sa colère, et comme il ne peut plus avoir peur pour sa vie, il ne lui reste plus que de la frustration.
Mais son rythme cardiaque subit soudainement une brusque accélération, à la vision de quelque chose de pourtant fort simple...

~~~~~


"De l'eau ! Mais comment est-ce possible ?!"
C'est pourtant l'indéniable vérité. Il est une température en dessous de laquelle le liquide source de vie ne peux plus s'écouler, au moment où il gèle, gagnant les propriétés de la matière solide. C'est une température que Sven, le glacial seigneur noir du Cygne, connaît et maîtrise plus que quiconque. Le froid, il en a fait son épée, et geler mortellement ses ennemis, son coup de grâce.
"Hé hé hé, alors Cygne noir, surpris ?"
La voix vient d'outre tombe. Figé dans la coque de glace, paralysé de tous ses mouvements, cet adversaire d'apparence inoffensive ne laisse pas paraître dans sa voix, déformée par l'épaisseur du liquide figé, l'inquiétude de la défaite. Pire, c'est une certaine assurance qu'elle laisse entendre.
L'eau ruisselle, s'échappant de la gangue de glace qui emprisonnait le chevalier inconnu, qui, bien que toujours immobilisé, semble se mouvoir à l'intérieur. Il semble même à Sven d'apercevoir une subtile fumée qui ressemble en tout point à de la vapeur entourer la froide prison.
"Quel est ce prodige ?!", s'exclame Sven. "Il t'est impossible de te défaire de mon froid. Ton cosmos n'y suffira jamais !
- Et pourtant, Cygne noir, peux-tu nier ce que te disent tes propres yeux ?"
Un fracas. L'éclat du verre qu'on brise, de la glace qu'on éclate d'un coup de maillet. D'un seul coup de poing, Kyô, chevalier d'acier de l'énergie, membre du programme Kidô, vient d'exploser l'épaisse couche de gel qui le capturait. Son apparence ruisselle d'eau, ses cheveux mouillés sont plaqués sur son visage, ses vêtements sont trempés, mais il semble aussi vigoureux que si l'attaque de Sven ne l'avait jamais atteint.
"Quel fou es-tu pour penser pouvoir me vaincre avec une attaque pareille ?!", lance-t-il avec force, le sourire aux lèvres, l'air moqueur.
"Ce que tu dis là n'est pas raisonnable.", lui repart le seigneur noir. "Ton cosmos n'est même pas supérieur au miens, tu n'es pas censé être capable de te rire ainsi de ma technique.
- Hé hé hé ... Le blizzard noir, c'est cela ? Une puissante attaque. Originale, oserais-je dire. Jamais je n'aurais imaginé utiliser le froid comme d'une puissance offensive. C'est un concept ... intéressant. Exécuté avec talent, qui plus est. Avec pareille force, je ne suis pas surpris que tu ais pu étendre ton influence jusqu'à devenir un des quatre grands seigneurs noirs, et faire trembler de peur tes ennemis avec ton seul nom.
Il est néanmoins, aujourd'hui, une chose qui te manque cruellement.
- Que veux-tu dire ? Parle !
- Il te manque, la ... chance."

~~~~~


"La chance ...?", une goutte de sueur froide souille la superbe apparence du Cygne noir. "De quoi diable me parles-tu là ? La victoire n'a rien à voir avec la chance. Mais ... Qu'est-ce que ..."
L'hésitation, Sven, le redoutable Cygne noir, il la doit à un constat qui le paralyse de peur. S'il s'est fait du froid son allié, la chaleur est devenue son ennemie. Le climat torride de l'île de la Reine Morte a fait de cet ennemi quelque chose qu'il sait combattre, mais à ce moment, son implacable présence le tétanise de stupeur.
Du corps du chevalier inconnu émane une stupéfiante température.
"Qu'est-ce que c'est que ça ?", s'exclame le chevalier noir. "On dirait que tu émets de la chaleur ?
- Hé hé hé. Surpris ?
- Ce n'est pas qu'un simple chaud ... On dirait l'intérieur d'un four !"
Kyô se tient tout droit, fier, plein d'assurance. On le croirait immortel !
A ses pieds, formant un cercle au diamètre conséquent, la neige de ténèbres a disparu, sublimée sur le coup par l'important choc thermique qui est en train d'avoir lieu.
"C'est une armure de chaleur.", lance le chevalier d'acier. "Une technique que j'avais abandonné, ne pensant pas qu'elle me servirait un jour. Élever la température autour de mon corps est quelque chose de facile pour moi. Je voulais brûler mes ennemis avec cette chaleur, mais j'ai rapidement compris qu'en situation réelle, la rapidité des attaques ne permet pas à la température d'affecter notablement celui que j'aurais à craindre.
- Pff ...", et le Cygne noir semble se ressaisir. "J'en fais autant avec ma neige noire.
- Certes, mais en moins concentré. Tu n'as pas de chance, seigneur noir : je suis ton cauchemar, l'adversaire que tu n'aurais jamais dû affronter, celui qui possède une défense parfaite contre tes attaques."
Intimidé par pareille tirade, Sven, le Cygne noir, fronce les sourcils un instant, signant ainsi le caractère pénible que la situation lui évoque. Ses pensées vont vers le Dragon noir, ce dangereux rival, défait plus tôt dans la journée par ces chevaliers d'acier. Sa défaite, Sven l'avait mise sur le compte de l'infériorité numérique, mais il se demande à présent si il n'y avait pas autre chose.
Il secoue la tête, chassant cette idée. Le plus probable reste cette vérité insupportable que vient de lui expliquer le chevalier inconnu. Si effectivement sa technique est le reflet de la sienne, alors il n'a pas besoin d'être à ce point supérieur pour prendre le dessus.
'La chance lui aura suffit...
Non...'
"FIREBOLT !"
Le trait enflammé part de la paume du chevalier inconnu, jeté en avant, splendide, éblouissant, et sans doute redoutablement dangereux...
Mais le sourire sournois qui égaye le visage du seigneur noir chasse en lui les doutes et les inquiétudes. Tendant ses deux mains, il génère au creux de ses mains le froid des tempêtes polaires, celui des glaciers, et celui des profondeurs océaniques. Au contact, la boule de feu perd toute sa vigueur, vacille un moment, et fini par tout simplement disparaître.
Et Sven reprend avec une voix plus assurée...
"Chevalier inconnu, tu es d'une piètre intelligence.
- Je rêve ou bien tu me cherches, là ?
- Tu n'es qu'un imbécile. Car si tu sais que la chaleur est la meilleure protection contre le froid, tu ne devrais pas ignorer que l'inverse est tout également vrai.
- Hé hé hé, tu as raison. C'est dommage que cela ne te sois pas vraiment utile.
- Que veux-tu d ...?"
C'est à ce moment que le Cygne noir ressent la douleur, le faisant pousser un petit cri. Il jette toute son attention sur les deux paumes de ses mains, et constate avec épouvante de très perceptibles brûlures sur toute leur surface.
"Comment diable est-ce possible ?
- Cygne noir, froid et chaud sont ennemis, la glace et le feu font jeu égal, et c'est dans ce genre de situation que le plus puissant des deux l'emporte !
- Que veux-tu insinuer par là ?!
- Je suis Kyô, lance le chevalier d'acier en haussant le ton. Je suis membre du programme Kidô, destiné à rendre le monde meilleur. Mais avant tout, je suis le chevalier d'acier de l'Énergie. Les notions de froid et de chaud sont une partie de moi, et c'est la maîtrise de ce concept qui me permet de te dépasser. Le cosmos ne définie pas la puissance guerrière d'un chevalier, mais son efficacité à exécuter des techniques. Il y a 100.000 ans, à l'aube de l'humanité, les premiers hommes savaient déjà frotter deux bouts de bois, frapper un silex sur un autre, et créer leurs propres flammes. Générer du froid n'a jamais été aussi facile.
A cosmos égal, je ne peux que l'emporter. Et tu vas en avoir la preuve à l'instant.
FIREBOLT !!"
'Encore ...'
Bien décidé à ne pas se laisser dépasser par les événements, le Cygne Noir prend la décision de considérer ce Kyô comme le plus sérieux des adversaires. Fermant les yeux, il visualise la flamme de son ennemi, jaugeant sa puissance, cherchant ses défauts. Elle lui apparaît très clairement, dans la froide obscurité de ses paupières closes, palpable, presque vivante. Il ne comprend pas très bien comment il a pu se laisser dépasser la dernière fois, mais il est bien décidé à parvenir, cette fois, à contrer cette technique. Avec concentration, il éveille sa cosmoénergie à ce qu'elle peut devenir en situation de très grand danger, celle où seule la volonté peut faire la différence entre victoire et défaite, entre vie et mort. Et à cet instant, de mémoire, jamais il n'a atteint pareille perfection. Le froid, son élément, et lui, semblent plus proches que jamais, et c'est dans cette sensation de profond partage, de fusion avec ses techniques, qu'il crée un bouclier de glace dans le creux de ses mains. Jetant ses paumes en avant, il oriente cette protection improvisée afin que la boule de feu s'écrase dessus.
Et c'est effectivement ce qui se produit, mais pas tout à fait, hélas pour lui, comme l'aurait souhaité Sven du Cygne Noir. Car le fier bouclier de froid, tout immatériel qu'il était, est considérablement affaibli par l'impact du projectile ardent. Cela aurait dû avoir un effet démoralisant pour le seigneur noir, mais il n'en est rien, car si la protection sublime a souffert, la flambante attaque s'est totalement volatilisée.

~~~~~


Une seconde plus tôt

Kyô, plein de courage et confiant en lui, pousse sa main en avant...
"FIREBOLT"
Son adversaire, imposant ses mains comme un bouclier, au prix d'une grande concentration, parvient à créer une barrière de glace, sur laquelle meurt la boule de feu.
"Tu vois bien, chevalier inconnu, que nous faisons jeu égal.", lui lance entre deux souffles, le Cygne Noir. "Si nos cosmoénergies sont les mêmes, seule l'expérience saura nous départager."
Pas de réponse. Ce n'est pas non plus le silence approbateur, soumis ou bien orgueilleux.
'Non ... pas déjà ...', se tétanise Sven. 'Il ne peut me lancer si rapidement une nouvelle attaque.'
Et c'est l'implacable cri de guerre de celui qui a tout à fait confiance en ses capacités.
"FIREBOLT !!"

~~~~~


Sven pense à l'effort qui lui a fallu pour réussir ce contre pour la première fois. Ce cosmos qu'il a exprimé à ce moment, il ne s'en savait pas capable. Il ignore s'il saura reproduire cet exploit un jour, mais la certitude qu'il a à présent, c'est que la fraction de seconde dont il dispose est dix milles fois insuffisante pour cela. C'est le visage défiguré par la peur qu'il regarde passif la boule de feu se rapprocher de lui, misérablement protégé par ce qui reste de son bouclier de froid, sans même chercher à faire quoi que ce soit pour l'éviter.
Le projectile argent balaye la protection glaciale. Ensuite à lieu une explosion. Elle naît dans le creux de son ventre, au moment du choc, à peine protégé par la pourtant puissante armure du Cygne Noir. Une vague de chaleur ébranle tout son être, la douleur se fait terrassante, mais ...
Au dernier moment, il se ressaisit.
'Mourir maintenant ? Comme cela ?'
Sa volonté ranime son corps juste à temps. Sa force coulant dans ses veines, son cosmos renforçant ses capacités, alors qu'il aurait dû y laisser sa chair et ses os, il parvient à se maintenir vivant, debout. Sans doute est-ce inutile, peut-être n'est-ce que pour une seconde, mais il se respecte un peu plus.
'Dire que j'ai failli abandonner ...'
Mais dans le fond, il le sait, il ne vaut pas beaucoup plus qu'un mort. Ses vêtements se sont embrasés d'un seul coup, mettant à nu sa peau par endroit calcinée, labourée ailleurs par la chaleur. Ses jambes le portent, mais elles tremblent comme autant de feuilles mortes, et menacent de l'abandonner à tout moment. Le seuil de son endurance est largement dépassé, et sa vigueur vacille, plus faiblement encore que la flammèche d'une petite bougie en pleine tempête.
Mais il se tient debout, tout droit, prêt à tout. Sa vue se brouille, mais il en a encore vaguement l'usage. Ses autres sens l'abandonnent petit à petit, mais il saura s'en passer. Qu'importe ce qui vient de se passer. Qu'importe son adversaire. Il est Sven, un des quatre grands seigneurs noirs, son nom retentit pareil au tonnerre sur l'île de la Reine Morte, et il ne saura pas être vaincu.
Cet avorton qui se tient en face de lui doit d'ailleurs être épuisé, pour avoir enchaîné si rapidement de si redoutable attaques.
Sven parvient enfin à relever la tête, qu'il avait inconsciemment baissé un instant plus tôt. Le chevalier inconnu n'a pas bougé. Il se tient là, tout simplement, tel qu'il était un instant plus tôt. A une différence prés, toutefois. Il paraît si grand ...
'Pourquoi semble-t-il à ce point immense ? Se pourrait-il que je me sente si petit par rapport à sa force ?'
Tout devient floue. Ses jambes flagellent, il perd l'équilibre ...
... il se ressaisit.
'Non, je dois l'attaquer. Il est sûrement épuisé, mon Blizzard Noir aura raison de lui, même si je dois m'effondrer de fatigue juste après. Même si je dois en mourir ...'
Sa vue redevient nette, un instant, et c'est là qu'il le croise. Il est implacable, la fatigue n'y paraît pas, il luit de l'éclat du guerrier : le regard du chevalier inconnu, celui qui dit s'appeler Kyô, chevalier d'acier de l'Énergie.
En moins d'une seconde, il vient d'enchaîner deux techniques de combat, alors que lui-même utilisait toutes ses forces pour en contrer une seule, et usait toute sa volonté pour survivre à la seconde.
Il y a ensuite le mouvement de sa main tendue vers le ciel. De sa paume ouverte étincelle quelque troublant artifice.
Une nouvelle attaque ...
Et Sven comprend. Il comprend qu'il n'a plus aucune chance de gagner. Il comprend qu'il n'en avait jamais eu.
"Lightning."
Dans la voix du chevalier inconnu ne résonne plus la fureur qu'on percevait auparavant. Sa victoire acquise, il s'est calmé, choisissant sans doute pour achever son adversaire une technique à la puissance plus réduite.
Au moment où la foudre le frappe, juste avant que sa conscience ne s'éteigne, Sven réalise qu'il est heureux de ce combat, d'avoir rencontré cet adversaire exceptionnel.
'Si je me réveille un jour, je tacherais d'en tirer les leçons ...'

~~~~~


Il s'est effondré, le seigneur noir, celui qui se croyait supérieur. Battu à plate couture...
Malgré son écrasante victoire, Kyô peine à reprendre son souffle. Se battre à fond de ses capacités est en soi quelque chose de difficile, le faire sans en donner l'air est véritablement éreintant. Son rythme cardiaque démultiplié lui coupe les jambes, il tombe à genoux, de tout son poids, manquant de se faire mal.
Le seigneur noir gît inconscient, terrassé par la succession d'attaques. Kyô a vraiment l'impression d'avoir mérité cette victoire, mais quelque chose le perturbe.
'Nos cosmoénergies étaient de même facture, à peu de choses prés. Comment ai-je réussi chose pareille ?'
'Est-ce si simple ?'
La réponse, il la connaît pourtant très bien, dans la mesure où il l'a lui-même expliqué à son adversaire avant de l'abattre. Frapper un homme avec son poing le blessera. Porter le même coup avec la même vitesse et la même puissance, mais en utilisant un couteau, sera mortel. Il en est de même pour la cosmoénergie. Le cosmos définit la puissance brute de ce qui peut être fait, et non sa forme. Lors d'un enseignement en physique, Kyô a appris que la température est définie par la l'agitation des particules. Que celles-ci s'agitent frénétiquement, et la chaleur naîtra. Qu'elles s'endorment, ralentissant leurs mouvements, et le froid apparaîtra. Mais la chaleur reste quelque chose de plus facile à maîtriser, et à ceci s'ajoute le potentiel destructeur supérieur du feu sur la glace. C'est ainsi qu'il aurait pu dépasser la défense de son adversaire.
Mais Kyô peine à croire qu'un homme de la trempe de Sven investisse dans ce type de techniques, plus difficiles, sans raison.
'Le froid possède son potentiel.'
Kyô aimerait réfléchir la-dessus, mais pour lui, le temps presse.

~~~~~


'Tant pis pour lui, s'il veut survivre, il devra s'en sortir seul ...'
Bien peu de compassion ébranle le coeur du jeune garçon au moment où il choisit d'abandonner Sven à sa défaite. Il faut dire que son sens des priorités le place loin, très loin derrière d'autres urgences.
'Kinô ...
Ashita ...
Survivez, je vous en prie !'

~~~~~


Ce n'est pas tellement que son combat ai été si long que ça, ou bien qu'il se soit notablement égaré ou ai perdu du temps d'une quelconque manière, mais l'inquiétude lui ronge le coeur. Jusqu'à présent, c'est toujours lui, Kyô, qui s'est occupé des ennemis que lui et ses compagnons ont eu le déplaisir de rencontrer. Kinô et Ashita n'étaient jamais très loin pour l'aider, mais le chevalier de l'Énergie a encore du mal à les imaginer se débrouillant seuls...
'A quoi est-ce que je pense ? Qui s'est occupé du gardien ?'
Il y a certes eu cette histoire avec Guilty, mais Kyô reste persuadé que pour le mettre à terre, Ashita a puisé une force mystérieuse très profondément en lui, qu'il ne maîtrise sans doute pas. De fait, un adversaire cent fois moins fort que le gardien pourrait lui causer d'énormes difficultés. Et il n'ose même pas penser à Kinô, qui n'a jamais fait de véritable combat, et qui tremble comme une feuille morte rien qu'à l'idée de devoir un jour se débrouiller seul.
C'est aussi à cause de tout ça que le hurlement qu'il entend l'inquiète autant. Il reconnaît le timbre d'Ashita, et en déduis que ce dernier est encore en vie, mais la sombre terreur presque palpable dans le cri lui donne la chair de poule.
Suivant la direction de ce terrible hurlement, après un bref détour, il fini par les trouver. Il y a Kinô, d'abord, qui semble indemne, physiquement parlant. Mais de nombreuses larmes s'écoulent le long de ses joues : il est manifestement effrayé. Il se tient debout, et dans ses bras ...
"!!!"
... dans ses bras, il tient contre lui le corps d'Ashita. C'est ce corps qui se débat tel un animal en cage, et pousse des hurlements de mort.
"KINO !!", lance Kyô dans un cri, abattu par l'inquiétude.
Le chevalier de la Machine Informatique sursaute. Surpris, il met un instant à localiser son compagnon.
"Kyô ?", un sourire tragique effleure ses lèvres. "Tu vas bien ?
- On s'en fout ! Qu'est-il arrivé à Ashita ?!"
La question ébranle Kinô, comme si la réponse lui était inconcevable. Ses traits se déforment, un sanglot le prend, pareil à un râle. Il tourne sa tête vers le corps sur ses genoux ... et fond en larme.
"Kyôoo ...
- Kinô, reprend-toi, que se passe-t-il ?
- C'est Ashita ... Oh mon dieu, Ashita !!"

~ 3 ~


Plus tôt

"Bear Sanctuary."
Kinô, pas plus que Kyô ou même Ashita, ne se doutait de ce qui allait se passer à ce moment-là. Sentant l'air trembler autour de lui, comme si l'espace se tordait, il s'est mis à réfléchir de façon frénétique afin de déterminer si danger il y avait, et le cas échéant de déterminer la façon de réagir la plus adroite. Profitant de l'ultime instant qui lui restait, il s'était tourné vers Tordek, le chevalier noir de l'Ours, qui semblait être à l'origine de la perturbation.
Et un sourire effleura les lèvres de Kinô ...
Soulagé de l'appréhension d'un réel danger, il tourna son regard vers Ashita, son camarade et ami, qui se tenait à son côté à ce moment-là. Quand celui-ci le lui rendis, une communication silencieuse se fit intuitivement entre les deux chevaliers d'acier, et Ashita, à son tour, n'éprouva plus aucune crainte.
Peut-être est-ce à cause de cet ultime instant de partage, ou peut-être est-ce une totale coïncidence, toujours est-il que quand la situation redevint stable, les deux compagnons se regardaient toujours, alors même qu'ils venaient de se déplacer de façon incompréhensible en un lieu tout autre de l'île de la Reine Morte ...

~~~~~


"Qu'est-ce diable que cela ?", s'inquiète Ashita, qui, malgré l'air rassurant de Kinô, conserve une crédible appréhension.
"Ce qui vient de se produire ?", lui repart l'autre sans une hésitation. "Je n'en ai aucune idée. Sans doute un artifice de ce Tordek. Ce chevalier noir cache bien son jeu : je crois qu'il nous a téléporté.
- Téléporté ..."
Ashita laisse filer une dizaine de seconde afin de bien comprendre.
"Ce genre de technique doit nécessiter un immense pouvoir. Tu imagines le cosmos de cet Ours Noir ?
- Il n'avait pas l'air de posséder tant de force.
- Tu penses à autre chose ? Te connaissant, je suis sûr que tu as deviné ...
- Chut ..."
L'index posé sur ses lèvres joviales, Kinô ne laisse pas la possibilité à Ashita d'en demander plus. Et quand enfin lui-même ouvre la bouche, sa voix n'est plus qu'un chuchotement.
"Ils sont tout près.
- Les seigneurs noirs ?
- Ils sont ... deux."
Pris d'une inspiration soudaine, Ashita prend enfin le temps de regarder autour de lui. Perturbé comme il l'était, il n'avait même pas pensé à le faire plus tôt !
Le paysage traumatisant autour de lui l'aurait mis mal à l'aise en d'autre circonstance, mais en l'occurrence, il n'en est rien : sur l'île de la Reine Morte, il n'est nulle désolation qui ne soit réduite à une simple banalité. Le sol noir et chaud, quelques rochers ici et là, quelque chose qui inspirerait la Faucheuse elle-même, si eux-même, Kinô et Ashita, ne s'y trouvaient pour exprimer la vie et le mouvement.
"Où est passé Kyô ?", s'inquiète Ashita.
"Probablement avec le troisième. Il s'en sortira, tu le connais. Craignons plutôt pour notre sort ..."
Disant cela, le chevalier de la Machine Informatique ne sait pas combien il a raison.
Exercé à faire attentions aux plus petits détails, et ponctuellement très attentifs à ces derniers, Kinô scrute les lieux, à la recherche d'un frémissement, d'une ombre, d'un détail infime qui lui permettrait de localiser ces adversaires qui se veulent dangereux : les puissants seigneurs noirs. Il est dit qu'une personne qui chercherait attentivement son interlocuteur serait incapable de le trouver, si ce dernier se révélait être un géant dont le pied aurait la taille d'une maison. Métaphoriquement, c'est rigoureusement la même erreur que commet Kinô, qui ne sait pas voir la menace pourtant flagrante ...
"KINO !! A TES PIEDS !!"
... avant qu'il ne soit trop tard. L'avertissement d'Ashita lui-même ne suffit pas à faire prendre conscience à Kinô de la nature du danger. Se glissant à la manière d'un serpent, rampant jusqu'à ne se trouver plus qu'à une très courte distance de ses jambes, deux vicieuses chaînes noires, discrètes sur le sol de même couleur, se sont rapprochées jusqu'à un point critique, d'où, subitement, elles bondissent comme autant d'êtres vivants et saisissent les membres inférieurs du chevalier de la Machine Informatique.
Cruellement surpris, le chevalier d'acier n'a guère le temps que d'ouvrir la bouche, car à ce moments précis, pareils à autant de fauves, deux ombres surgissent de derrière un rocher. L'un d'entre eux, à ses poignets, semble manipuler ces étranges artefacts dont la nature échappe à Kinô même. Quant à l'autre, sans échanger même un regard avec son compagnon, il se jette sur Ashita, fait exploser une cosmoénergie sombre, pousse son poing en avant, hurle ...
"Par le Météore Noir !"
... et c'est une pluie de coup qu'Ashita, qui n'en reste pas moins un digne représentant du programme Kido, tente d'esquiver d'un bond. Cela ne lui aurait en temps normal pas causé plus de problèmes, mais cela aurait été sans compter sans la promptitude de l'attaque suivante.
"Le Météore Noir ! Yahaaa !"

~~~~~


De son côté, paralysé par les curieuses chaînes noire de celui qui doit être le seigneur noir d'Andromède, Kinô, bien que n'étant pas directement et immédiatement menacé, sent que la situation lui échappe. Il jette un coup d'oeil à celui qui le prive de ses mouvements. Le Dragon Noir, le triste Sergueï, avait, pour décrire le seigneur noir d'Andromède, parlé d'une chevelure courte et claire, d'un visage simple, mais aussi d'un regard fourbe.
"Son armure possède deux chaînes noires : les chaînes noires d'Andromède. Il se nomme Huseiyn, et il n'est aucun homme vivant pour témoigner de ses techniques de combats."
En tout point, cet homme qui se tient là correspond à cette description. Il ne bouge pas, mais au moment où Kinô tente un mouvement, un geste lui suffit pour que la pression de ses chaînes se resserre. Pourtant, loin d'être passif, il semble attendre délibérément quelque chose.
'S'il ne bouge pas, et ne veut pas que je le fasse, c'est que ...'
Comprenant soudainement la menace, Kinô s'inquiète de la position de son frère d'arme. C'est alors que la sueur trempe son front et que ses jambes se mettent à flancher. A force de bonds et d'esquives, Ashita et l'autre seigneur noir ne sont quasiment plus en vu ...
"ASHITA ! Ils cherchent à nous séparer !!"
Mais il est trop tard. Absorbé par son combat, le chevalier des Sciences Biologiques n'est plus capable d'écouter ni même d'entendre le cri désespéré de son compagnon. Et quand le rire mauvais de Huseiyn parvient aux oreilles de Kinô, ce dernier réalise qu'il est totalement seul face à ce danger mortel...

~~~~~


"Je suis Huseiyn.", avance cet homme, sans doute peu soucieux de savoir si l'information est nouvelle pour son adversaire. "Je suis un des quatre grands seigneurs noirs de cette île. En vous en prenant à l'un d'entre nous, c'est nous tous que vous défiez. Et chez moi un défi provoque surtout ma colère. Tu dois ignorer que quiconque la déclenche n'a plus que la mort pour destinée, mais peu importe. Je suis le seigneur noir d'Andromède, et je suis ta mort.
- Vous nous avez volontairement séparés ...", lance Kinô avec un calme et une assurance dont il est le premier surpris. Mais son adversaire répond.
"Cet imbécile de Tordek nous a facilité la tâche sans le vouloir, mais tu as raison. Il serait stupide de croire que vous auriez eu la moindre chance face à nous trois dans une mêlée générale, mais la défaite du Dragon Noir nous invite à la prudence. A présent, l'éventuelle complémentarité de vos forces est brisée, et vous êtes pareils à des agneaux face à un loup."
Sentant l'opportunité de mettre à jour un mystère, Kinô s'empresse de parler avec des mots rapides.
"Seigneur noir, je ne sais pas de quoi tu parles. Nous avons certes affronté le Dragon Noir, mais nous n'avons pas pris sa vie. Nous avons même passé un marché avec lui. Mais tout ça, tu devrais le savoir, puisqu'il a envoyé un chevalier noir vous prévenir directement de tout ceci, vous, les seigneurs noirs."
La colère de Huseiyn, qui à présent avait presque diminuée, explose à nouveau avec plus de rage et de violence qu'elle n'en contenait auparavant.
"Quel fou es-tu, rugit-il, pour croire nous tromper de la sorte ?! Les hommes du Dragon Noir, nous les avons bien trouvé, mais ils étaient morts ! Vous les avez tous lâchement assassinés ! Puis, vous avez tranché la tête du Dragon Noir, et avez laissé son corps souillé à même le sol, sachant pertinemment que nous allions le trouver. Cela était-il un défi ou un avertissement ? Je suis le dernier à m'en soucier, et la réponse disparaîtra en même temps que ta misérable vie d'avorton.
- Huseiyn, c'était peut-être une mise en scène visant à vous faire croire tout cela. Vous ne pouvez pas être sûrs de vous, vous vous laissez emporter par la colère. Quelqu'un vous manipule. Je ne te demande pas de me croire sur parole, mais ne peut-on pas réfléchir calmement à tout cela ?
- Tu as peur, c'est cela ? Peur de m'affronter, peur de ma force ...
- Je ..."
Abattu par la vérité indéniable, Kinô se demande comment il a pu garder son calme jusqu'à présent. Sans doute était-ce l'adrénaline qui aveuglait ses émotions, toujours est-il que ce n'est que maintenant que le chevalier d'acier prend conscience de sa terrible vulnérabilité. Seul, face à cet adversaire dont il ignore tout, il se sent complètement impuissant. Jusqu'à présent, ses victoires étaient celles de ses compagnons, qu'il aidait avec son sens tactique et son esprit de déduction. Mais un tacticien n'est rien si il est seul, et Kinô se sent à présent terriblement incapable.
Alors que la diplomatie aurait été une voie envisageable, alors que la discussion aurait pu peut-être calmer la colère du chevalier noir, et mener à une conclusion pacifique un conflit manifestement basé sur un malentendu, Kinô, désespéré, tétanisé, échoue.
Il ouvre la bouche ...
... mais aucun son n'en sort.
"Tu ne réponds rien ?", s'énerve Andromède Noir. "Dans ce cas, il ne te reste plus qu'à ...
... mourir.
Black Fang Nebula !!"
La cosmoénergie qu'exprime Huseiyn, Kinô la trouve effrayante, car vile est cruelle. Une aura noire apparaît autour des mains du chevalier noir, juste avant que plusieurs chaînes noires en jahissent comme si elles venaient d'apparaître à l'instant.
'Un adepte de la dissimulation ?', se demande Kinô, pour qui matérialiser ainsi quelque chose d'aussi gros qu'une chaîne noire ne semble pas une chose qui soit réalisable. En l'occurrence, hélas pour lui, il est contraint de se soumettre à l'évidence. Quand bien même ce n'aurait pas été le cas, il lui faudrait tout de même prendre la peine de réagir, car les chaînes noires, non satisfaites de surgir ainsi des mains de cet adversaire, ne se jettent pas moins sur lui, dans une tentative prévisible de le saisir.
L'esquive aurait sans doute été une alternative viable pour Kinô, qui lui aurait permis d'éviter efficacement toute menace, mais cela aurait été sans compter sur les deux chaînes noires qui lui paralysent déjà les jambes depuis une minute ...
... et c'est avec horreur que Kinô ne peut que subir, impuissant, l'assaut de son adversaire, et un instant plus tard, c'est une demi-douzaines de chaînes noires qui le maintiennent, aux jambes, aux bras, au torse, et même au cou.
Surpris par la violence de l'attaque, Kinô pousse un cri, un cri dont semble se régaler son adversaire.
"Vous autres, chevaliers inconnus, n'êtes apparemment forts que lorsque vous combattez ensembles. Vois comme tu es as ma merci sans tes compagnons."
Le chevalier d'acier sent la pression des chaînes se resserrer autour de lui, telle celle du boa constrictor sur le boeuf qu'il tente d'étouffer. C'est une sensation très pénible, mais à bien y penser, Kinô réalise que ça pourrait être bien pire. Même s'il estime ne pas être quelqu'un de physique, il n'en a pas moins subi la formation du programme Kidô, qui lui a sans doute forgé un corps plus puissant et plus résistant qu'il ne le pense. Et puis, il n'est pas question pour lui de se faire abattre ainsi ...
"Et alors, Andromède Noir, si tu veux écraser mon corps, il faudrait y mettre plus de force, tu ne crois pas ?", raille-t-il, presque fier. Mais cela ne dure pas. Son humeur presque rassurée meurt à l'instant où il réalise que cette douleur qu'il supporte depuis que son adversaire à lancé son attaque n'a rien à voir avec ce qu'elle devrait être. Au contact glacial et dur des chaînes, s'est substitué celui qu'en tout point Kinô attribuerait à autant de ...
"!!!"
... serpents.
"Qu'est-ce que c'est que cette horreur !!?", hurle-t-il de toute son âme, traumatisé par l'aspect repoussant des vipères qui, à présent, se pressent par dizaines pour recouvrir son corps.

~~~~~

Kinô n'a jamais eu notablement la phobie des serpents. Savoir intellectuellement que certaines espèces sont potentiellement mortelles pour l'homme est suffisant pour que la volonté de mettre un maximum de distance entre eux et lui-même lui apparaisse comme une priorité de tout premier ordre, ce qui peut parfois le mener à des réflexes exagérés de reculs et de sursauts. Mais là encore on ne peut pas parler de phobie.
'Ses chaînes se sont changées en vipères ...'
Les vipères sont des reptiles, animaux à sang froids, qui terrassent leurs proies grâce au puissant venin qu'elles injectent avec leurs crochets. Le fait de ne pas encore avoir été mordu n'est pas pour rassurer Kinô : c'est à présent une trentaine d'animaux qui s'agitent à la surface de son corps, et obstruent totalement ses perceptions.
'... comment est-ce possible ...?'
Terrassé par l'horreur de la situation, ainsi que par la douleur causée par la sensation d'écrasement provoquée par les reptiles, affolé par le danger, et toujours effrayé par la perspective de mener seul un combat contre un adversaire mortellement dangereux, Kinô utilise toute son énergie pour ne pas sombrer dans la folie. La folie, compte tenu du contexte, équivaudrait à la mort, et, disposant comme la plupart des formes de vies terrestres d'un puissant instinct de survie, Kinô ne peut accepter cette facilité comme une solution. En plus, se faire tuer ici, maintenant, sans rien avoir accompli pour rendre le monde meilleur, serait quelque chose d'à ce point considérablement regrettable que, songeant à cela, le chevalier d'acier parvient à recouvrer une partie de ses moyens intellectuels.
'Ainsi, ce Huseiyn d'Andromède Noir saurait transformer ses chaînes noires en serpent.'
Kinô a un doute. Que son adversaire soit capable de métamorphoser quelque chose d'inerte – fut-ce l'appendice d'une armure – en de nombreux animaux vivants soulève de nombreuses questions. Un être vivant est un organisme complexe qu'aucune science, aucune technologie n'a jamais su créer, et le concept de la génération spontanée a été réfuté il y a bien longtemps. Voir ces vipères surgir du néant sous la simple volonté du seigneur noir semble décidément trop simple. Si la formation du programme Kidô lui a enseigné qu'il n'était nul exploit qu'un chevalier ne sache accomplir, elle lui a aussi appris que certains d'entre eux nécessitent une puissance au-delà de toute imagination.
'Il n'est pas possible de créer si facilement la vie.', se persuade-t-il.
Arrivé à la conclusion que ce chevalier noir ne devrait pas être capable de créer et contrôler des animaux vivants, Kinô se heurte à un mur : la réalité. Car si toute ces belles pensées ne sont valables qu'en théorie, la vérité reste que Kinô est bel et bien en train de se faire asphyxier par des dizaines de vipères, dont il peut juger de l'apparence, ressentir le contact froid sur sa peau et à travers ses vêtements, entendre le frémissement.
'Mes sens me trahiraient-ils ?'
Il existe, quelque part sur terre, des chevaliers à la puissance extrême, capable de choses dont il est impossible d'imaginer la puissance. C'est du moins ce que suppose Kinô, car c'est la seule explication qu'il ai trouvé pour expliquer le massacre des chevaliers d'acier de la première génération. De tels être pourraient transformer la matière morte en êtres vivants. Cela est sans doute possible, mais Kinô, à bien y penser, doute qu'un chevalier noir – fut-ce un seigneur noir – en soit capable. Ce qui voudrait dire que ce que lui dictent ses sens est rigoureusement ...
'... impossible ...
Mais alors !'
Le chevalier d'acier réalise que l'idée qu'il vient d'avoir un instant plus tôt devient soudainement bien plus crédible qu'elle ne le semblait. Ce ne serait pas, en fait, ses sens qui le trahirait, mais qui aurait été, en réalité, trompés.
"Chevalier noir ! J'ai compris le principe de ta technique !
- Quoi !!
- Se libérer de tes chaînes n'est pas si difficile. Mais tu trompes ton adversaire en lui faisant croire qu'elles se sont changées en de nombreux serpent, ce qui le met sur une fausse piste et lui interdit de réagir de la façon adéquate.
- Pfff ... Et à quoi cela te sert-il de l'avoir compris ?", repart le seigneur noir à Kinô, que le fait d'avoir été démasqué ne semble pas perturber plus que cela.
Et pour cause ! Se savoir être victime d'une illusion est d'une utilité toute relative, et il n'oublie pas que sous leur apparence trompeuse, les chaînes noires n'en sont pas moins en train de tenter de détruire son armure et son corps. Cette vérité lui fait d'ailleurs avoir un vent de panique, mais bien vite il se ressaisit. Après tout, il est un chevalier d'acier, et lui aussi dispose de certaines ressources.

~~~~~


"Je suis désolé de t'apprendre cela, Huseiyn, mais ta technique possède une imperfection : elle ne trompe que mes sens.
- Que ..."
Huseiyn, le fourbe seigneur noir d'Andromède, peine à comprendre le sens des paroles de celui qu'il tient captif. Dans la mesure où celles-ci ne semblent avoir aucun sens, il ne s'en inquiète pas notablement. Du moins dans un premier temps ...
Car au moment où le chevalier inconnu ferme les yeux – sans doute pour se concentrer – et fait croître en lui une bien étrange cosmoénergie, un doute le saisie. Ses deux chaînes noires l'ont progressivement enlacé, se faisant passer pour de vicieux serpents, et tant que cette illusion fonctionne, il est impossible de localiser leurs positions exacte.
C'est pourtant ce qu'est manifestement en train d'essayer de faire cet adversaire qui à présent tente de bouger ses bras, défiant la pression et la vigueur presque vivante des chaînes.
Huseiyn, à ce moment-là reconnaît qu'il serait bon pour lui de réagir, mais, captivé par une situation qu'il ne pensait pas voir un jour se produire, il reste passif ... jusqu'à ce qu'il ne soit trop tard.
Faisant exploser son cosmos, le chevalier inconnu, bandant ses muscles, usant de sa force, de sa souplesse, parvient à se libérer suffisamment pour saisir avec une redoutable précision les deux extrémités de ce qui le paralysait. Abasourdi, le seigneur noir assiste, incapable de bouger, au miraculeux mouvement par lequel Kinô, le chevalier d'acier, vient de s'extraire de son emprise ...

~~~~~


Et ils se retrouvent face à face. D'un côté, épuisé par l'effort, Kinô, chevalier d'acier de la Machine Informatique, jeté dans ce combat par la force des événements. De l'autre, Huseiyn, seigneur noir d'Andromède, dont la surprise a très momentanément sublimé la colère, et qui vient de ramener à lui les deux chaînes noires avec lesquelles il avait espérer étouffer son adversaire.
Mais rapidement, anticipant d'un instant le moment où Kinô allait essayer d'user de paroles, le seigneur noir entre dans une rage frénétique. Sa respiration se fait lourde, témoignant de l'accélération cardiaque que lui impose sa colère, dans son regard brûle des flammes plus grandes que celles d'un volcan, et quand sa bouche s'ouvre, c'est presque un hurlement qui s'en échappe.
"C'est ainsi que vous avez abattu le Dragon Noir ! FOUTAISES !!
Là où les artifices échouent, la force brute réussie. Si mes chaînes ne peuvent t'étouffer, elles te frapperont si fort qu'elles fendront ta chair et transperceront ton corps !"
Le cosmos du seigneur noir est de la même couleur de son armure, au moment où d'un geste il projette ses chaînes en direction de son adversaire.
"QUE MES CHAINES NOIRES TE TERRASSENT !!"
Le métal dangereux progressent à une vitesse foudroyante et auraient sans nul doute fait bien du mal au chevalier d'acier mais, ce dernier, loin de se laisser intimider, d'un bond, quitte la trajectoire de l'arme.
Le sourire aux lèvres, il est fier de lui, plein d'ardeur ...
'Il ne m'aura pas, je suis particulièrement doué pour l'esquive.'
... mais ce qui suit ne le rassure pas beaucoup. Sans crier gare, les chaînes viennent brusquement de modifier leurs trajectoires, plongeant à nouveau dans sa direction. Mais là encore il parvient à éviter le danger, et d'un saut, d'une roulade, il parvient à croiser ce qu'on pourrait comparer à des projectiles sans se faire toucher.
Il se tient à présent accroupi, et regarde, prudent, les deux chaînes revenir dans les mains de leur propriétaire. C'est avec suspicion que le regard de Kinô jauge celui d'un adversaire qui serait probablement plus perturbé que cela, s'il ne contenait en lui autant de colère.
"Comment diable as-tu pu faire cela ?!", exige-t-il sèchement de savoir, méprisant d'avance la réponse qui va lui être donné. Sur ce point là, au moins, il ne va pas être déçu.
"Seigneur noir, sais-tu ce qu'est la Machine Informatique ? Je suppose que non ..."
L'air presque railleur du chevalier d'acier fait bouillir de rage le chevalier noir.
"La Machine Informatique est un outil puissant et rigoureux, poursuit Kinô, se relevant, soucieux de prendre l'avantage psychologique. Elle dépasse l'Homme dans son domaine, et utilisée adroitement, donne un très grand avantage à celui qui s'en sert. Ce n'est pas une arme, mais elle peut mener à la victoire.
- Pff ... Foutaises.
- Tu crois cela ? Elle vient pourtant, par deux fois, de me sauver la vie ..."
Il serait délicat de dire si l'agacement du seigneur noir rajoute du bois à la flamme de sa colère, mais incontestablement, elle ne fait rien pour l'attiser.
"Je ne te crois pas, lâche-t-il. Je ne t'ai vu utiliser aucun outil. Tu cherches à me leurrer.
- Si c'est ce que tu crois, tu cours vers une cuisante défaite.
- ET TOI TU M'ENERVES !!
PAR LES CHAINES NOIRES !!"

A nouveau, les armes du seigneurs noirs font siffler l'air, fendant l'espace à la vitesse du son. Huseiyn reste immobile, mais son animosité marque sa présence de façon flagrante. Et a sa grande colère, Kinô esquive l'attaque sans difficulté. Et il l'esquive une deuxième fois quand, dans sa lancée, la chaîne repique dans sa direction. Il s'en échappe une troisième fois, laissant l'arme fracasser un rocher devant lequel il se tenait. Et encore ...
La scène dure une longue minute, durant laquelle Huseiyn, fou de rage, tente de frapper, de transpercer, de saisir ou plus généralement de toucher un adversaire qui se révèle plus agile qu'une mouche. Une minute au delà de laquelle, n'y tenant plus, le seigneur noir rappelle ses chaînes et, ivre de colère, pose crûment la question.
"Comment diable peux-tu éviter mes attaques ?
- Je te l'ai déjà dis, mais tu ne m'as pas cru.
- La Machine Informatique ? Cette diablerie dont tu me parles depuis tout à l'heure ?"
Et dans l'explication de Kinô, se devine une grande fierté.
"La Machine Informatique est un outil, fait de matière inerte. Elle réagit quand on la sollicite, et obéit toujours aveuglément aux ordres qu'on lui donne. Elle répond à toutes les questions de manière exacte et précise, sans préjugés, et ne se trompe jamais. Et si son utilisation est soumise à certaines contraintes, sa polyvalence n'a pas de limite.
Huseiyn, seigneur noir d'Andromède, apprend que la Machine Informatique ne peut être bernée ! Tout à l'heure quand tu voulais me faire croire que tes chaînes étaient en fait de nombreux serpents, alors même que j'étais incapable d'ignorer mes perceptions, la Machine Informatique m'indiquait précisément la position de tes chaînes.
- De quoi parles-tu, chevalier inconnu ? De ton armure ?
- Mm ... L'armure d'acier de la Machine Informatique ... Un atout précieux, et tu sais mieux que quiconque combien une armure peut devenir une extension de soi-même. Mais évidement, ce n'est pas si simple : je ne saurais pas me rendre dépendant de ma protection.
Quant à tes attaques, il y a deux raisons pour lesquelles je les évite sans problèmes.
- Deux ?
- La première, c'est que la réaction de ta chaîne n'est pas si imprévisible qu'elle n'en a l'air. Elle semble bouger de manière autonome, mais en réalité, ses possibilités sont limitées par divers facteurs : sa vitesse maximale, son accélération, ou encore sa position. Ces facteurs permettent de limiter les trajectoires qu'elle peut emprunter, et donc de les anticiper. Encore une fois, la Machine Informatique permet de calculer tout cela.
- Je vois mal comment ça peut t'aider, se risque, troublé, le seigneur noir. En supposant que tu sois capable de cela, je doute que tu puisses anticiper toutes les trajectoires potentielles de mes chaînes. Sans compter le fait que j'en utilise deux !
- Ce qui nous amène au deuxième point. Tes chaînes sont une extension de toi, et réagissent selon ta volonté. Ce ne serait que tes chaînes, les choses seraient peut-être différentes, mais il y a aussi ton comportement. Ton attitude, l'expression de ton visage, le timbre de ta voix, la Machine Informatique est capable d'analyser tout ça et d'en déduire tes réactions. Ce qui me permet d'anticiper sans erreur les attaques de tes chaînes."
Sur ces dernières paroles, sans laisser plus de temps à Kinô pour réagir, Huseiyn embrase sa cosmoénergie.
"Dans ce cas, je n'ai qu'à laisser mes chaînes attaquer selon leurs propres volontés. Tu l'ignorais, mais elles ont ce pouvoirs !"
L'action est foudroyante. Usant de sa cosmoénergie de manière inhabituelle, Huseiyn abandonne ses chaînes à elles-mêmes, comme autant de chiens à la poursuite d'un fuyard. Le seigneur noir donne l'air d'exulter à la vision des trajectoires labyrinthiques de ses armes, qui font mille détours dans un désordre absolu, virevoltant en tous sens, contournant plusieurs fois le chevalier d'acier, jusqu'à, dans une fulgurante accélération, s'enrouler autour de ses deux bras.
"Et alors ?", raille-t-il. "Qui fait moins le fier à présent ?"
Mais Kinô ne semble pas être pris de panique. Bien au contraire !
"Tu es tombé dans mon piège, seigneur noir."

~~~~~


"Que dis-tu ?! Serais-tu devenu fou ? Ne vois-tu pas que mes chaînes te tiennent et ne te lâcheront pas ?
- Je te l'ai déjà dis : une arme est une extension de celui qui l'utilise.
- Quoi ?!
- En libérant tes chaînes de ta volonté, tu as également ôtée d'elles ta puissance personnelle. Et je n'ai rien à craindre de ton armure seule."
Disant cela, Kinô prend soins de hisser sa cosmoénergie jusqu'à un niveau raisonnable. Et joignant le geste à la parole, comme pour donner la preuve absolue de la véracité de ses dires, d'un seul geste, brusque mais simple ...
... il se libère de l'étaux.
"Et puis pour qui me prends-tu ?", poursuit le chevalier d'acier. "Crois-tu vraiment que j'allais t'expliquer toute ma technique sans raison ? Ceux qui ont cette fierté finissent par être vaincu. J'avais déjà compris que tes chaînes n'étaient pas qu'un simple métal. Tu ne portes rien de moins que l'armure noire d'Andromède, et j'en avais depuis longtemps compris la puissance."
Kinô choisit habilement de se taire, laissant son adversaire victime de son propre silence, pariant sur le fait qu'il ne trouverait rien à répondre. C'est ce qui se produit, et Huseiyn bouillonne de rage, le mal à l'aise s'ajoutant à sa déjà très vive colère.
Ce point acquis, il hausse le ton de sa voix, afin d'accentuer le caractère tragique de ses paroles.
"Je suis Kinô, membre du programme Kidô, destiné à rendre le monde meilleur. Mais avant tout, je suis le chevalier d'acier de la Machine Informatique, et si ce concept t'es étranger, il fait ma puissance. Je te le dis : cesse immédiatement de m'attaquer, ou bien il t'en cuira !
- MENSONGES !
- Tu crois que je bluffe ?!"
A cet instant, c'est comme si toute la colère de Huseiyn explosait d'un seul coup. Il en va de même pour sa cosmoénergie, qui atteint en un instant plus de puissance que jamais.
"Voici une attaque qui dépassera toutes tes techniques défensives, celle qu'anticiper ne te servira à rien !
- Attends, Huseiyn ...
- De toute ma puissance, de toute ma colère, ma chaîne ne fera aucun détour, te foncera droit dessus sans réserve, et te transpercera !
QUE MA CHAINE NOIRE TE TERRASSE !!!
- NOOOOOON !!!!"

~~~~~


Instinctivement, Kinô s'est enfoui le visage dans les mains.
Ensuite, il y a un bruit. Un bruit que Kinô reconnaît. Quelque chose d'horrible ...
Une chair qui se fend, le gargouillis du sang qui s'écoule, d'un corps qui se brise.
Le chevalier d'acier relève la tête. Son adversaire se tient toujours debout. Le choc a été si violent qu'il n'a pas eu le temps de pousser un cri. Il n'est pas encore mort : Dans ses yeux luit la stupéfaction, l'incompréhension, et, plus notablement encore, la douleur.
Huseiyn, seigneur noir d'Andromède, avait mis dans sa chaîne plus de puissance qu'il n'en avait jamais mise. Il souhaitait une attaque fulgurante dont la vitesse et la puissance transcenderait son caractère prévisible. C'était sa dernière carte, face à cet adversaire qui n'avait fait que se défendre. L'attaque était si violente qu'elle aurait traversé n'importe quel matériaux, et Kinô lui-même n'aurait sans doute pas réussi à l'esquiver.
Mais Huseiyn avait sous-estimé son adversaire, il avait refusé de le comprendre, et n'avait pas écouté sa mise en garde. Kinô ne pouvait évidement pas lui dire que sa prochaine attaque se retournerait contre lui, car alors toute sa stratégie n'aurait servi à rien. Durant l'action précédente, alors que vaillamment les chaînes noires d'Andromède lui saisissaient les poignets, Kinô avait utilisé la Machine Informatique, celle de son armure, celle de son esprit, celle de son cosmos, pour piéger la chaîne noire. Il espérait obtenir une victoire psychologique sur son adversaire, qui lui aurait permis – il l'espérait – de le ramener à la raison. Mais Kinô lui aussi avait fait une erreur. Il n'avait pas prévu que le chevalier noir mette autant d'émotion dans son attaque.
Mais il est trop tard pour y penser ...
A présent, une des chaînes noires traverse le corps de son maître de part en part. La deuxième lui traverse la gorge.
"Rrrggg ..."
Le seigneur noir n'arrive même plus à parler. Il mourra sans doute sans avoir compris ce qui lui était arrivé.
Kinô ne voulait pas cela. Tuer, il n'y est pas préparé. Voir mourir, c'est pire encore.
Certains appellerait cela la lâcheté, d'autres de la pitié, mais Kinô préfère se retourner. Il essai de ne pas entendre, mais le gargouillis ignoble lui parvient tellement fort qu'il ne pourra jamais l'oublier. Ensuite, il y a le bruit d'un corps qui s'effondre, celui de Huseiyn, celui du seigneur noir d'Andromède, qui perd la vie pour avoir laissé la colère l'aveugler.
Et Kinô tombe à genoux ...

~~~~~


'Le premier sang ... Une expérience traumatisante ...'
Kinô, si jovial d'habitude, n'a plus du tout envie de rire. Il n'a pas bougé d'un centimètre depuis que Huseiyn, le seigneur noir, s'est effondré à grands fracas derrière lui. Une vision qu'il rejetait, comme si ne pas la voir pouvait changer quelque chose.
Kinô se sais être quelqu'un de puéril, et il aime toujours cet aspect de sa personnalité. Mais elle lui paraît tellement loin, à présent.
Mais Kinô n'est pas du genre à s'apitoyer. Si il n'est pas d'humeur à se laisser aller à l'euphorie d'avoir remporté son premier vrai combat, il sait aussi qu'il n'est pas responsable de ce qu'il vient de se passer, qu'il a tout fait pour que cela ne se termine pas comme ça.
'La Machine Informatique ne possède pas de sentiments ...'
C'est en remuant d'amères pensées que le jeune garçon se relève, et part à la recherche de ses compagnons.

~~~~~


"Ashita ?"
Le chevalier des Sciences Biologiques se tient là. Il n'a pas fallu bien longtemps à Kinô pour le retrouver. Il n'y a aucune trace de son adversaire, et Ashita se tient là, debout, lui tournant le dos, sans bouger.
"Ashita ?"
Il ne répond pas. Il devrait. La simplicité de cette vérité noue le coeur de Kinô, qui se met soudainement à craindre le pire. Mourir debout est une chose possible, c'est du moins ce à quoi il pense à ce moment donné.
"Ashita ...?"
Sa voix faibli. C'est le coeur battant à tout rompre, une foudroyante anxiété lui saisissant l'âme, qu'il entreprend de réduire pas à pas la distance qui le sépare de lui. Quand il ne reste plus qu'un pas, Kinô essai une dernière fois ...
"Ashita ?"
... avant de le saisir par le bras.
Ashita se retourne d'un seul coup, et Kinô le voit.
"ASHITAAAAA !!!"

~ 4 ~


Plus tôt

Bondissant tels autant de fauves, les deux adversaires s'affrontent.
"Que le météore noir te terrasse !!"
Jetant sans cesse son poing en avant, utilisant une sombre cosmoénergie, le premier attaque son adversaire sans lui laisser une seconde de répit. Sa peau matte tranche par rapport à sa chevelure pale, inhabituelle en ce lieu, ce qui lui donne un air exotique. Il porte l'efficace armure noire de Pégase, il répond au patronyme Jared, et c'est un des quatre grands seigneurs noirs, qui ébranlent l'île de la Reine Morte de leur autorité.
Avec force et vitesse, multipliant les techniques offensives, son poing se démultiplie, n'offrant que l'esquive comme choix à son adversaire.
Celui qui parvient tant bien que mal à fuir le poing de Jared se nomme Ashita. Son apparence calme et sérieuse souffre à peine des conditions extrêmes dans lesquelles il se trouve. Jeté dans ce combat sans avoir eu l'opportunité de l'éviter, il se trouve contraint et forcé de se défendre.
Pour le moment, il est toujours parvenu à esquiver les violentes attaques, grâces à d'habiles déplacements et de prompts mouvements, sauts et autres acrobaties.
"Seigneur noir, ton attaque ne vaut rien, je l'esquive sans difficulté.
- C'est parce que mon objectif n'est pas de te frapper, misérable avorton.", répond Jared au chevalier d'acier.
Ashita met un certain temps à comprendre le sens de ces paroles. Il n'y parvient qu'un instant après, au moment où son adversaire met enfin un terme à sa frénésie. Troublé, le chevalier d'acier regarde autour de lui, pour constater que le combat les a séparés de Kyô et du seigneur noir d'Andromède.
"Tu comprends enfin ?", le nargue le Pégase Noir. "Séparés les uns des autres, nous sommes sûrs de la victoire. Ha ha ha ! Je ne serais pas surpris que ton petit compagnon soit déjà mort !"
Soucieux de ne pas se laisser abattre psychologiquement avant même le début des hostilités, Ashita répond avec des mots assurés.
"J'ai confiance en lui. Le chevalier de la Machine Informatique s'en sortira vivant. Si les attaques du seigneur noir d'Andromède sont aussi pitoyables que les tiennes, il ne sera même pas inquiété.
- Hé hé hé. Je t'ai déjà dis que mon objectif n'était que de te faire bouger. Car il est clair que lorsque j'utilise toute ma puissance, il n'est pas question d'éviter mes météores noirs. Et tu vas en souffrir maintenant !
Par les météores noirs !"
Persuadé que les paroles de son adversaire n'étaient qu'orgueil ou bluff, le chevalier d'acier réalise avec un temps de retard qu'il n'en était rien. Les "météores noirs" de Jared ne sont rien de plus que ses deux poings qu'il jette en avant avec une vitesse impressionnante, multipliant leurs nombres et réduisant à néant les angles morts de la technique ...
... ainsi que les possibilités d'esquive.
Jugeant la manoeuvre trop difficile, Ashita choisit l'affrontement direct, et encaisse la technique de front.

~~~~~


L'un des exercices physique de sa formation ressemblait très fortement d'ailleurs à cette situation. Sujet à un très grand nombre d'attaque, l'objectif était de toutes les esquiver sans quitter un cercle étroit tracé sur le sol. Ashita n'y excellait pas toujours, mais cette expérience lui est à présent fort utile.
Les météores noirs de Jared ressemblent presque à des piques. Ils sont très redoutable car rapides, leur nombre paraît infini, mais leur puissance individuelle reste très faible.
'C'est normal, se dit Ashita. Autrement, il serait impossible d'enchaîner les coups si rapidement.'
La conséquence, c'est qu'un de ces coups n'est pas en craindre en soit, du fait des faibles dégâts qu'ils doivent occasionner. En contrepartie, il est très difficile de s'en échapper.
C'est pourtant ce qu'essai de faire le chevalier d'acier. Presque sans bouger, grâce a de très faibles mouvements, il évite soigneusement chacune des attaques. Mais il est a sa limite, chaque coup le manque d'une extrême justesse, jusqu'à ce que ...
"Arr .."
Le chevalier d'acier pousse un cri au moment où l'un des météore s'écrase sur son épaule. Et c'est grâce à une maîtrise de soi et une concentration de tout premier ordre que la douleur ne brise pas le rythme de ses mouvements.
'C'était juste, un peu plus et je ne pouvais plus esquiver ses att ...'
Une deuxième fois le poing de son adversaire s'abat sur lui, l'atteignant au niveau de l'abdomen. Ce coup ci le perturbe plus que le précédent, et rapidement une troisième attaque porte, le touchant au bras. Puis une quatrième ...
D'ordinaire, les adversaires du Pégase Noir se font progressivement dépasser par le rythme insupportablement rapide des météores noires, et subissent de plus en plus d'attaques, jusqu'à ce que toutes frappent leur cible. Ce qui reste du pauvre homme ne ressemble en général plus à grand chose. Mais Ashita est de ceux qui ont de la ressource. Se concentrant sur un seul météore, il déplace son poignet jusqu'à ce qu'un contact physique ait lieu. D'un seul mouvement, il glisse sur le côté du seigneur noir, et abaisse sa main, créant un vide face à son adversaire.
Surpris par la manoeuvre, Jared met fin à son attaque, et c'est après une roulade qu'il fait volte face.
Agacé par la situation, il fronce les sourcils un instant. Mais cela ne dure pas. Le sourire assuré du seigneur noir de Pégase ébranle la confiance du chevalier d'acier.
"Bien, se satisfait Jared, pas mal pour un débutant. Le deuxième acte va pouvoir commencer."

~~~~~


"Essai de comprendre, Pégase Noir, nous autres chevaliers d'aciers ne vous voulons aucun mal, à vous, les seigneurs noirs.
- Tu perds ton temps, chevalier inconnu : tu ne me berneras pas avec tes ruses. Et le temps joue contre toi.
- Tu te fies aux apparences, mais ne sont-elles pas parfois trompeuses ?"
Il y a une minute, un violent assaut a eu lieu entre Jared, le seigneur noir de Pégase, et Ashita, le chevalier d'acier des Sciences Biologiques. Bien que ce dernier se soit tiré de la situation sans dégâts notables, le chevalier noir a ensuite bien mystérieusement mis fin à la valse incessante de ses offensives. Ce point n'est pas pour déplaire à Ashita, qui profite de la situation pour souffler un peu – tout ceci l'avait passablement épuisé – et pour user de diplomatie, espérant faire entendre raison à son adversaire. Mais la voie des mots donne de piètres résultats, et dans un élan de lassitude, le chevalier d'acier ne trouve plus d'autres solutions que de jouer de provocation.
"Chevalier noir, tu dis à tout prix vouloir me voir mort, mais je te trouve bien passif. Tu me parlais d'un 'deuxième acte', mais depuis tu n'as pas fait grand chose. Pourquoi as-tu tant clamé ton ardeur ?"
En guise de réponse, Jared esquisse un sourire mauvais, à la limite de la cruauté, quelque chose qui met Ashita considérablement mal à l'aise.
'Il prépare quelque chose.', se dit-il, n'osant imaginer de quoi il pourrait s'agir.
Soupçonnant un bluff quelconque, il poursuit.
"J'ai parfaitement esquivé ton météore noir, chevalier noir, tu n'es même pas capable d'accomplir ce que tu souhaites."
Le fait que Jared ne réponde pas à la provocation n'est pas en soin une chose qui inquiète le chevalier d'acier. Ce qui, en revanche, en est une, est ce rire tonitruant que le chevalier noir lâche sans se retenir, sans chercher à dissimuler une évidente satisfaction.
"Tu as autant esquivé mon attaque que le sable de la plage esquive la mer, chevalier inconnu. Si je ne bouge plus, c'est pour l'unique raison que je n'en ai pas besoin. Mon cosmos noir t'as en réalité déjà vaincu."
Frappé d'une anxiété soudaine provoquée par les paroles menaçante, Ashita s'inquiète de la part de vérité en elles.
'Il doit pourtant bien voir que je n'ai pas souffert des quelques coups qu'il m'a porté. Aurais-je subit des dégâts invisibles ?'
Ashita n'est pas le chevalier des Sciences Biologiques pour rien. Établir un diagnostique de son propre organisme est pour lui une chose relativement simple, aidée en cela par une utilisation pertinente de sa cosmoénergie.
Et ce qu'il voit en lui le glace d'effroi ...
"Qu'est-ce donc que cette horreur ?"
Et dans la réponse du chevalier noir, il n'est nulle trace de fierté, nulle trace de satisfaction. Tout ce qu'elle est, c'est de la cruauté.
"J'ai appelé cela ... la Mort Noire."

~~~~~


Affolé par une illogique douleur, Ashita retire sans hésiter la partie de son armure qui protège son épaule gauche. Sous le métal pourtant indemne, sous son vêtement en tissus aussi propre qu'il n'en a l'habitude, à la surface de sa peau, se trouve quelque chose d'inhabituel et d'effrayant, quelque chose qui n'est pas naturel.
"Une tache noire ? Quelle diablerie est-ce là Pégase Noir ? Ton météore noir aurait-il le pouvoir de traverser les armures ?", et un vent de panique secoue le chevalier d'acier.
"Une armure protège des coups.", répond simplement Jared. "Je frappe mes adversaires avec mon cosmos noir. Mes poings m'aident à le propager et font d'admirable leurres. Ensuite, la Mort Noir dévore ma victime de l'intérieur ...
- Et comment cela finit-il ?
- C'est évident. Par la mort."
La grimace qui salement défigure le visage d'Ashita, ce n'est pas la douleur très perceptible qui vient de se manifester à son attention, aux quatre endroit que le seigneur noir a touché de son météore. C'est pourtant une douleur vive, et particulièrement malsaine, qui ferait tituber et rendrait fous bien des mortels, mais Ashita est un chevalier d'acier, et la souffrance, il sait passer outre. Sa grimace, il la doit à la laideur de la technique de son adversaire.
"Chevalier noir, répond à ma question. Possèdes-tu un autre moyen de battre tes adversaires ?
- Pour quoi faire ?", répond, un peu surpris, le seigneur noir. "Celle-ci n'a jamais faillie ?
- Tu es en train de me dire que le seul moyen que tu utilises pour vaincre est une technique mortelle ? Qui plus est d'une telle horreur ?!"
Ashita n'a pas besoin de regarder son corps pour comprendre qu'à chaque point d'impact du météore noir, une tache noir est née, se mettant à croitre de façon anarchique et rapide, parce qu'à chaque centimètre ainsi couvert, c'est mille douleurs qui surgissent avec, s'emparant de ses perceptions.
"Cela te cause-t-il un problème ?", demande le seigneur noir, sur un ton mauvais.
"Oui.", affirme, avec calme et patiente, le chevalier d'acier. "La vie est une chose merveilleuse, et toi tu sembles éprouver du plaisir à la détruire.
- Tu m'en diras tant ...", et dans les yeux de Jared, rayonne la lueur de la folie.

~~~~~


"Je suis Ashita, avance le chevalier d'acier avec calme et patiente, membre du programme Kido, chargé de rendre le monde meilleur."
Disant cela, il ferme les yeux, s'autorisant ainsi une meilleure concentration. Du fond de son être naît une douce et chaleureuse cosmoénergie.
"Mais avant tout, je suis le chevalier d'acier des Sciences Biologiques. Comprends-tu ce que cela signifie ?"
Le cosmos du jeune garçon augmente progressivement. Sa nature non offensive aurait rassuré n'importe qui, mais en l'occurrence, c'est un doute qu'il sème dans l'esprit du seigneur noir.
"Que me chantes-tu là ? De quoi parles-tu ?"
Pas de réponse. Ou plutôt, en lieu et place de paroles, le cosmos du chevalier d'acier s'élève, troublant par sa bienveillance le cruel seigneur noir. Jared se demande un instant ce qui est en train de se passer. Frappés de la Mort Noire, chacun de ses adversaires est toujours entré dans une panique féroce pour finalement, impuissant, s'effondrer, offrant son âme à Hadès, nourrissant la terre de son corps à la couleur semblable au charbon.
Maintenant que Jared y pense, l'expansion de la Mort Noir devrait déjà affecter notablement le chevalier d'acier, et c'est pour cette raison que sa confiance s'ébranle.
'La tâche noire de son épaule diminue ...'
Elle diminue, comme si le cosmos régénérateur du chevalier des Sciences Biologiques parvenait à sauver son corps des affres de la Mort Noire, l'attaque mortelle que Jared, seigneur noir de Pégase, utilise pour consumer ses adversaires de l'intérieur.
Et c'est dans ce contexte, une fois la marque totalement disparue, avec calme et sérénité, qu'Ashita remet en place le morceau d'armure qu'il venait d'ôter.
"Cela signifie, poursuit-il comme réponse à sa précédente question, que la vie qui coule dans les veines des êtres vivants, qu'ils soient humains, animaux ou végétaux, n'a pas de secret pour moi. Tel est mon concept, et dès lors, il m'est possible de diagnostiquer et de soigner ta Mort Noire, qui attaque sa pauvre victime d'une façon que je peux comprendre."
Évidemment, Jared du Pégase Noir n'est pas habitué à pareille situation. Supposant sa technique infaillible à la condition d'être utilisé avec efficacité, il réalise avec effroi qu'il se trouve sans arme face à un adversaire qui aurait contribué à la mort du Dragon Noir, supposé être de puissance similaire à la sienne.
De fait, il recule d'un pas, anxieux.
"Pégase Noir, voit où ta cruauté t'as mené. Ton unique technique n'a aucun pouvoir sur moi, tu es directement à ma merci."
Jared n'a pas de raison de croire que les paroles alarmantes de son adversaire ne sont qu'un bluff. Loin de s'être défait de la Mort Noir avec aisance, Ashita a puisé en lui bien des ressources, et a invoqué par moment la chance pour combattre avec son cosmos celui, destructeur, de son ennemi.
'S'il m'attaque à nouveau avec son Météore Noir, il peut m'avoir ...'
Mais le chevalier noir semble bien trop impressionné pour réagir avec efficacité et, rassuré, Ashita lui donne des mots pleins de sagesse.
"Jared, seigneur noir, tuer son adversaire n'est pas une fin. Celui que tu assassines emporte sa haine envers toi. Celui que tu épargnes te donne sa gratitude. Ta technique possèdes un fort potentiel, que tu pourras utiliser moins violemment pour vaincre tes ennemis sans les tuer.
- Pauvre fou ! La destruction est la plus efficace voie vers la victoire !
- Tu veux peut-être une petite ... démonstration ?"
Sans laisser le temps à Jared de répondre, le chevalier d'acier décide d'agir.

~~~~~


Ashita ne possède aucune haine, aucune colère. Sa seule certitude, c'est que cet adversaire qu'il affronte, le dangereux et cruel Pégase Noir, mérite de subir le sort qu'il refuse d'infliger à ses victimes.
Passionné par la médecine, Ashita a embrassé le programme Kido dans un but pacifique, pour 'rendre le monde meilleur', comme le disait la fondation. Soigner les gens, éradiquer les maladies, guérir les blessures. A sa connaissance, nul n'avait jamais essayé d'utiliser la cosmoénergie pour cela. Longtemps réticent à cette idée, le chevalier des Sciences Biologiques a été plus ou moins contraint par les circonstances de considérer d'autres éventualités, comme le recours à la violence. Incapable de croire que cela puisse réellement 'rendre le monde meilleur', Ashita réalise aujourd'hui qu'il existe des cas de forces majeures. Et ce qu'il ne pourrait jamais faire en temps normal lui devient à présent tout à fait concevable ...
Mais Ashita n'est pas un guerrier. L'apprentissage du combat, il l'a suivi avec ses camarades, car il n'en avait pas le choix, mais rien de ce qu'il a apprit ainsi ne l'avait préparé à "ça".
'Souviens-toi de Guilty ...'
C'était un jour plus tôt. C'était le petit matin, et il affrontait un terrible adversaire. Cet adversaire avait promis de tous les tuer, Kyô et Kinô ne pouvaient plus se battre, et il lui fallait faire face à la menace. Ses talents de médecine ne lui étaient plus d'aucune utilité et c'est uniquement en tant que guerrier qu'il pouvait sauver leurs vies.
Et il y était parvenu.
'Souviens-toi de la façon dont tu as vaincu le gardien ...'
Puisant en lui des forces dont il ignorait l'existence, il avait utilisé son concept dans un but destructeur, et avait abattu le gardien. Mais le gardien n'était pas mort : Ashita l'avait épargné.
'Telle est la meilleure façon de combattre.'
C'est du moins ce qu'il pensait avant de rencontrer ce Jared. Le seigneur noir de Pégase : un être cruel, qui tue sans pitié ceux qui le gênent, de façon atroce, et en en éprouvant de la satisfaction. Un chevalier dangereux, dont la simple existence met en péril de nombreuses vies innocentes.
'Le monde serait meilleur sans lui ...'
Mais Ashita ne peut pas. Il possède sagesse et compassion, et pleurerait même la mort du diable. Même le Pégase Noir, il lui accorde le bénéfice du doute.
Vaincre sans tuer, comme il avait fait avec le gardien, voilà ce qu'il souhaite faire. Au moment de frapper Guilty, Ashita avait eu une très nette perception des êtres vivants qui l'entouraient. Le reste était allé de soit.
Et à ce moment, face à cet adversaire cruel qu'est le Pégase Noir, Ashita sait qu'il saura recommencer.

~~~~~


Le cosmos d'Ashita, chargé d'intentions pacifiques, possède quelque chose de bienveillant. Jared lui-même semble ne pas s'en inquiéter, et contemple la chose, passif, avec calme.
Ainsi qu'il avait appris à le faire durant sa formation au centre Kido, Ashita utilise sa cosmoénergie, non pas pour attaquer, mais pour regarder. Les yeux grands ouverts, il scrute son adversaire, observe les détails de sa corpulence, de son visage, de sa peau. Il évalue son poids, saisie le rythme de sa respiration, comprends les battements de son coeur. Sa vision s'affine, et rapidement, il peut sentir le sang s'écouler dans son corps, l'électricité parcourir son nerfs. Il pourrait sans doute affiner plus ses perceptions, mais cela lui suffit.
'Je vais paralyser son système nerveux.'
Et pensant cela, il bondit en avant ...
Surpris par le mouvement, déstabilisé par la passivité du cosmos de son adversaire, Jared n'a pas même le réflexe d'esquiver, et l'instant suivant, Ashita pose ses deux mains à plat sur la poitrine du chevalier noir.
Certains disent qu'il suffirait d'une épingle pour tuer un homme, à condition qu'elle soit enfoncée au bon endroit. Cela signifie qu'il est besoin de très peu de force pour agir sur un être vivant, si cela est fait avec précision. C'est dans cette idée là qu'Ashita utilise sa cosmoénergie, avec une puissance modérée, afin d'affecter directement l'organisme de Jared, espérant ainsi le mettre à terre ... sans le tuer.

~~~~~


Tout cela, c'était il y a une minute. Une minute durant laquelle le Pégase Noir n'a esquissé le moindre mouvement. Une minute où progressivement son visage a commencé à se tordre.
"Je sais que tu m'entends, chevalier noir.", le rassure Ashita. "Tu n'as pas à t'inquiéter, j'ai parfaitement maîtrisé mon attaque. Tu pourras bouger dans quelques temps. En attendant, on va réfléchir ensemble et calmement à la situation.
- Mais alors ...", et le ton de la voix de Jared glace d'effroi le chevalier d'acier.
"Mais alors ... pourquoi est-ce que je souffre autant ...?"
Dans le timbre de sa voix, résonne un désespoir sans fin ainsi qu'un sanglot retenu.
Et Ashita comprends, tétanisé, que quelque chose ne va pas.
Reculant d'un pas, effrayé par les conséquences potentielles de son acte, il ne peut qu'attendre.
Sur le visage du seigneur noir, coule à présent, à profusion, de chaudes et épaisses larmes, celles qu'il est parfois impossible de retenir quand une grande douleur vous éprend.
Ça commence par un tremblement, celui de ses bras, de ses jambes et de son corps. Quelque chose d'anormal, qui s'amplifie de plus en plus. Le visage du chevalier noir se tord de douleur, une douleur que personne sur terre ne mérite de supporter. Les tremblements amplifient encore, se transformant en brusques sursauts, jusqu'à ce que ...!
Il y a un bruit, un craquement mêlé à un déchirement, et puis il y a la couleur rouge. Du sang, beaucoup de sang. Ashita, même s'il n'a pas beaucoup pratiqué la chirurgie, est habitué à voir bien des horreurs, mais de mémoire, il n'a jamais vu quelque chose comme ça.
Le coude droit du chevalier noir vient, à cause d'une brusque secousse, de rompre, mettant à nu l'os et la chair.
C'est à ce moment que Jared commence à hurler, incapable de contenir la chose plus longtemps. Loin d'être paralysé, il semble se débattre, ne portant plus d'attention qu'à son bras blessé. Mais c'est peine perdue. L'horreur qu'Ashita gardera en mémoire ne fait que commencer.
Il y a un nouveau sursaut, plus violent encore que les précédents, et c'est la jambe droite qui meurt à son tour, alors qu'atrocement l'os traverse la cuisse.
Le chevalier noir s'effondre.

~~~~~


Il fallut cinq minutes pour que Jared rende son dernier soupir. A mesure que les fractures ouvertes se multipliaient, mutilant la chair, lui arrachant de nouveaux cris, Ashita souffrait de plus en plus. Alors que le médecin en lui devrait tout faire pour sauver quelque chose de la masse de viande qui gesticulait à ses pieds, il restait immobile.
Incapable de réagir, il ne pouvait pas non plus détacher son regard de 'la chose'. L'image du chevalier noir explosant littéralement en face de lui s'imprimait sur sa rétine, créant en lui les bases de ce qu'on appelle un traumatisme.
La fin eu lieu, donc, au bout de cinq interminables minutes. A ce moment, le corps de Jared n'était déjà plus celui d'un être humain, mutilé de toute part, agité de multiples soubresauts. Il avait récemment cessé de hurler. Sans doute n'en avait-il plus la force.
Jared mourut quand une secousse lui tordit le cou, l'entraînant dans les effroyables ténèbres, le plongeant en enfer.
Sa poitrine explose juste après, dévoilant une cage thoracique détruite, projetant sur un vaste rayon le sang, la chair, et plusieurs des organes vitaux qui faisait de lui un être vivant.
Quelque chose de mou est projeté jusqu'aux pieds d'Ashita qui, instinctivement, avait reculé quelques instant auparavant. Ashita baisse la tête, et ramasse la chose.
Le coeur de Jared, dans ses mains, n'a même pas cessé de battre. La pompe s'active toujours, brassant l'air au lieu du sang, souillant ses mains à jamais. Cela ne dure pas, et quelques secondes plus tard, tout est fini. Un dernier sursaut secoue le corps sans vie du Pégase Noir, et c'est le silence.
Ashita est seul. A ses pieds repose un tas de chair et d'os qui jadis fut un puissant guerrier.
Un vivant, un mort, certain diraient que le chevalier d'acier à gagné son combat.
Le coeur inanimé de Jared, il le tient toujours dans ses mains. Alors que celles-ci perdent toute leur vigueur, l'organe tombe à terre, marquant le sol de sang rouge.
C'est alors qu'Ashita tombe à genoux, et répand sur le sol la ration mal digérée de nourriture qu'il avait ingéré la veille. Ce n'est seulement qu'après avoir finit de vomir qu'il parvient à se relever et, en titubant, déserte cet endroit de mort.

~ 5 ~


Ashita tournait le dos à Kinô. Ce dernier, inquiet, l'interpellant à de nombreuses reprises, s'était avancé jusqu'à être derrière lui ...

"Ashita ?"
... avant de le saisir par le bras.
Ashita se retourne d'un seul coup, et Kinô le voit.
Kinô voit le visage de mort de son compagnon et ami. Ils échangent un regard, et Kinô comprend, Kinô comprend la force du choc émotionnel qui vient d'ébranler le chevalier d'acier des Sciences Biologiques, et qu'il cherchera a extérioriser dans un instant par des hurlements de morts.
"ASHITAAAAA !!!"

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.