Prologue


" La mort n'a rien de tout à fait effrayant en soi, à moins d'être tout à fait fou ou lâche ; ce qui est effrayant c'est l'injustice "*. C'est marrant ! il m'aura fallu tant d'existences, tant de souffrances, de luttes acharnées, c'est à dire de temps pour comprendre cette phrase de mon vieil ami. J'étais pourtant déjà bien plus âgé que lui à l'époque…
Je crois que c'est définitivement une des choses qui auront été le plus difficile à vivre : ces corps qui était toujours en retard sur l'esprit. Pourtant, entre les combats, les amours les gens que je perdais pour ne plus jamais les revoir, je ne suis pas sûr d'avoir tant mûri que cela. Oh, oui il faut en tenir une sacrée couche pour croire des millénaires, des vies entières que la raison de notre présence n'est pas une chimère. Ils me manquent. Maintenant que nous avons enfin réussit, maintenant que je goûte enfin un repos si neuf, je ne sais pas ce qu'ils en auraient pensé. Mais comme toujours je les retrouverai. Comme je l'ai retrouvé lui. Celui que je croyais mort mon frère. Celui qui est mort il y a bien longtemps maintenant.

Perdu en ce dernier refuge que j'ai choisi, j'écoule ces dernières heures. Mais je ne regrette rien. Comme cet environnement froid, hostile et merveilleux mon âme n'a toujours pas changée. Je découvre seulement le manque. Mes frères, ma sœur. Oui, ils me manquent malgré le souvenir.
C'est d'autant plus dur que tout ce que j'ai vécu de mon premier souffle à l'odeur de cette cigarette que j'ai éteinte il y quelques minutes ; oui, tout reste gravé en ma mémoire.

Ce premier souffle…

- Aaahhhh… !
- Hhiinn……. ! !
- Léa non !
Une mère. Un fils. Un veuf.
- Ainsi, toi qui est probablement le dernier fruit de mes entrailles tu aura confondu ton premier cri avec le dernier de ta mère.
- Que ce passe-t-il Jacob ?
- Ta sœur, ma femme est morte en couche, Rachel. Elle nous laisse ce fils, le seul qui soit né en notre Terre, le petit Benjamin…
- Dieu ai pitié de son âme, elle t'aimait…
Il n'y a rien de plus émouvant que le premier son qui sort de la bouche d'un bébé. Rien de plus terrible aussi quand ce premier souffle correspond à la mort de sa mère. C'est un poids lourd à porter, par delà la mort il est le fils de l'espoir, celui qui reçu la lumière. Et sous cette tante, si belle, cette agréable demeure la lumière étaient venue une treizième et dernière fois.
Ce fils d'une femme chérie était le deuxième de la défunte, comme nous l'avons dit il fut nommé Benjamin, en présence de son frère Joseph. Il était le douzième fils de Jacob, le treizième de ses enfants. Il n'y aurait rien à redire sur cette enfance heureuse, qui ne connut comme seule ombre que l'absence d'une mère dont il se sentait malgré tout responsable.
Mais un jour son frère Joseph fit deux songes. Dans l'un dansaient les astres, dans l'autre les généreux fruit de la terre se livraient à une étrange cérémonie. Benjamin était encore trop jeune pour comprendre. Mais assez vieux pour pleurer lorsque dix de ses frères revinrent un jour des champs en annonçant la mort de Joseph.
Ce deuxième d'œil était aussi navrant qu'indépendant de sa volonté.
- Père, est-ce mon destin de voir mourir ceux que j'aime ? Je n'en peux lus, tant de sang autour de moi… J'y suis né, j'y vis, je crois déjà mourir moi aussi !
- Mon petit Benjamin, la vie est parfois dure, mais il ne faut pas redouter la mort. Elle nous afflige, elle fait couler bien des pleures certes, mais elle ne peut rien contre le souvenir, contre la trace lumineuse et sempiternelle que laisse en nos âme cet amour qu'on portait à nos chers disparus. Tu sais là-haut, aux côtés de notre Dieu tout-puissant, leur sourire veille sur toi te bénissant et te protégeant à jamais…
- J'espère papa…
- Si tu gardes ce bourdonnement chaud dans ta gorge alors tu comprendras un jour.
Les années passèrent où tous croyaient Joseph mort, ou du moins le souhaitaient. La paisible vie de l'apprentissage battait son plein, les premières années, le mariage, et les générations qui coulaient.
Mais un jour survint une terrible famine en ce pays, si bien que les dix frères (Joseph ne voulait pas que le seul souvenir de Léa s'éloigne de lui) durent descendirent jusqu'au pays d'Egypte pour y acheter du blé. Arrivant devant le redouté ministre ils formulèrent leur demande. Essuyèrent un échec. S'enquérant de la santé de leur père, de leur famille, il ne consentait à subvenir à leur besoin qu'à' la condition qu'ils reviennent avec leur jeune frère. Malgré les peines et les peurs de leur père ils firent ainsi. Ils reçurent froidement le blé. S'en allèrent. Mais un cavalier les suivaient. Les arrêtant, il trouva la coupe d'argent du ministre dans le lot de Benjamin. Ils furent ramené devant le grand homme.
- Jeunes gens, vous avez abusé de mon hospitalité, et votre jeune frère que j'avais entouré de faveurs m'a volé. Pour expier son crime il devra rester mon esclave. Vous êtes libres.
- Nous vous supplions monseigneur, gardez-nous, mais renvoyez le. S'il ne revenait pas, notre père en mourrait : il est le seul fils survivant de Léa, cette femme qu'il chérit tant, et qui est morte en lui donnant le jour…
La scène aurait put être aussi comique que tragique, car tous prononcèrent cette phrase d'une même voix mêlant leurs timbres en même temps que leurs suppliques. Mais aucun rire ne vint. Juste une larme de lumière qui coula le long d'une joue. Et le bruit d'un masque qui tombe.
Puis le silence.
Puis un sourire celui d'un jeune homme qui retrouve le frère qu'il croyait avoir perdu.*
- Joseph c'est toi ?
- Oui. Relevez-vous mes frères car vous n'avez rien à vous reprocher si je suis venu en ce pays c'est par ce que Dieu voulait que je vous sauve. N'ayez pas honte fières films de Jacob ! Je n'ai pas même besoin de vous pardonné.
Jacob vint en Egypte avec les siens. Pour y couler de derniers jours heureux auprès de ses fils.

La bible passe presque directement de cet épisode à celui de la mort de Jacob. Mais le temps laisse bien des espaces à l'homme, chaque instant est une éternité…

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Cette fiction est copyright Samuel Rousseau.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.