Chapitre 14 : L'Epée de Galador


Un fracas retentissant de pierre réduite en miettes. Ce deuxième assaut avait bien failli atteindre sa cible, cette fois. Minéos jeta un regard en direction de la paroi qui menaçait de s'effondrer sur elle-même sous les coups assénés par Tarkan. La puissance de cette technique était impressionnante, mais Minéos avait jusqu'ici toujours réussi à échapper à sa furie. Cependant, son destin apparaissait de plus en plus incertain, à mesure que ses réflexes perdaient de leur vivacité. Minéos serait bientôt épuisé. Et dès lors...

Tarkan se retourna prestement. Il se rendait bien compte que Minéos se montrait plus rapide, mais savait que cette supériorité ne pouvait être permanente. Et bientôt, ce combat trouverait une issue qui lui serait certainement favorable. Tarkan dévisagea son ennemi en reprenant son souffle. Minéos se tenait debout entre deux piliers, les sourcils froncés. Il méditait quelque chose, c'était certain. Et Tarkan aurait bien voulu savoir quelle stratégie prenait forme dans l'esprit de son adversaire. De telles circonstances le faisaient regretter de n'avoir aucun pouvoir télépathique, qui lui eût permis de lire dans les pensées de Minéos. Tant pis. Il lui restait la force, après tout, la force brute dont la valeur au combat n'était plus à démontrer. Alors il opta pour l'offensive simple et violente. Minéos ne pourrait lui échapper éternellement...

Tout bascula. Alors que seulement deux ou trois mètres le séparaient de sa cible, Tarkan pila net. Minéos s'était volatilisé sans laisser de trace. Presque aussitôt les deux colonnes furent réduites en poussières par une explosion de lumière blanche, dont le vacarme retentit dans toute la salle de longues secondes durant. Le premier réflexe de Tarkan avait été de faire un pas en arrière et de se mettre en position de défense, en prévision d'un éventuel assaut frontal. Constatant que rien ne venait, il réalisa que cette déflagration n'était qu'une manœuvre de diversion, et que la véritable offensive venait d'ailleurs... d'au-dessus.

- FLASHING ARROWS !!

Minéos, bondissant d'une corniche, mit tout son cœur dans cette attaque. Et sa puissance s'accrut en conséquence. Tout à l'heure, cette technique s'était brisée sur l'armure que portait Tarkan. Cette fois-ci, l'intensité de l'assaut était bien supérieure, et Minéos avait pris soin de prendre son adversaire par surprise. Si un nouvel échec survenait, sa situation deviendrait critique. Il ne devait en aucun cas échouer.

Un flash lumineux. Minéos eut le temps de sentir une douleur aiguë au flanc gauche, avant d'être projeté sans douceur contre la paroi dans laquelle il s'enfonça comme dans du coton. Il laissa échapper un râle de douleur et porta la main à sa blessure. Une entaille longue et saignante, mais pas assez profonde pour se révéler mortelle à court terme. La souffrance était cependant des plus vives. Minéos retomba sur le sol, mais se releva avec courage et détermination.

Un futur chevalier de Vermeil ne pouvait capituler face aux épreuves, si pénibles soient-elles. La douleur n'était d'ailleurs pas sa principale préoccupation. C'était l'incompréhension qui hantait ses pensées.

- Que s'est-il passé, fit-il d'un ton qui masquait presque parfaitement sa souffrance?

Tarkan s'avança lentement vers lui sans se montrer menaçant. Sa hache était encore souillée du sang de Minéos, mais c'était plutôt son bras gauche qui attirait l'attention. Si le bouclier avait encaissé l'essentiel de l'attaque, son bras, du poignet à l'épaule, avait néanmoins souffert de l'assaut de Minéos. Le visage de Tarkan portait également les stigmates du traitement qu'il venait de subir. Ces blessures étaient certes sans gravité aucune, mais leur seule vue suffit à rasséréner Minéos, et à lui redonner espoir. Tout n'était pas encore perdu.

- Bien essayé. Oui, c'était même une remarquable tentative, dit Tarkan d'un ton impressionné. Mais de cet essai, il ne te reste à présent que la douleur de l'échec. Ton attaque m'a atteint, certes. Mais mon armure a rempli son office en me protégeant de tes coups. Preuve que j'en suis le légitime détenteur, n'est-ce pas ?

Minéos serra les poings. Ces paroles étaient pour lui la pire des insultes, et son orgueil lui interdisait de ne pas réagir. Mais un nouvel assaut pouvait se révéler plus meurtrier encore... la force n'était pas la plus sage des possibilités, de toute évidence. La diplomatie, peut-être ? Minéos n'avait rien d'un habile rhéteur, et ne se faisait aucune illusion quant à ses chances de parvenir à raisonner Tarkan par le dialogue. Mais cela lui permettrait tout au moins de gagner du temps, voilà qui était certain. Il en était là de ses réflexions, lorsque la voix de Tarkan retentit de nouveau.

- Sois raisonnable, Minéos. Tu ne peux pas me vaincre. Ton agilité et ta vitesse ne te permettront pas de m'échapper indéfiniment, contrairement à ce que tu t'imagines. L'issue de ce combat est déjà scellée, ça ne sert à rien de continuer.
- N'en sois pas si sûr ! De gré ou de force, je vais te reprendre cette armure que tu m'as volée, s'exclama Minéos qui, en dépit de tous ses efforts, ne pouvait retenir sa colère !
- Délire paranoïaque...
- Tu te fous de moi ? Tu as triché pour obtenir cette armure ! Tes amis t'ont aidé à me vaincre ! Sans ça...
- Sans ça quoi ? Tu crois à la vérité qui t'arrange, Minéos. En toute objectivité, je pense que j'avais plus de chances que toi de remporter ce combat. J'ai toujours été supérieur à toi, et tu refuses de l'admettre.

Minéos était abasourdi. Non pas à cause des paroles proférées par Tarkan, mais plutôt en raison de l'accent de sincérité de ce dernier. Tarkan croyait donc réellement à ce qu'il disait !


- Imbécile... grommela-t-il. Si vraiment tu étais plus fort que moi, alors tu n'aurais pas eu besoin de l'aide des Dissidents pour triompher.
- Là c'est toi qui raisonnes comme un imbécile, je regrette. Je suis plus fort que toi, c'est un fait. Néanmoins, cela ne signifie pas que ma victoire sur toi était absolument certaine. Mais d'un point de vue, comment dire, politique, il fallait impérativement que je devienne le chevalier de la Couronne Boréale. Donc... les conséquences sont évidentes.

Minéos recula d'un pas. A qui se fier ? Il avait toujours considéré Tarkan comme une brute épaisse. Une montagne de muscles dont le quotient intellectuel devait avoisiner le zéro absolu, tout juste bonne à obéir stupidement et docilement aux ordres d'Elias.
Pourtant, plus la discussion avançait, et plus Minéos se rendait compte à quel point ce jugement était erroné. Tarkan se révélait autrement plus subtil qu'on aurait pu le croire au premier abord. Son raisonnement, somme toute, semblait tenir debout. Se pouvait-il seulement qu'il eût raison ? Minéos se refusait à le croire.

- Tu n'es rien d'autre qu'un opportuniste, Tarkan. Tu as rallié les Dissidents parce que tu savais qu'ils te permettraient de t'emparer de l'armure sans peines. Tu n'as aucun honneur !

Tout devint flou, l'espace d'un instant. Minéos fronça les sourcils, puis vit une silhouette se rapprocher à grande vitesse. Aussitôt après, un terrible choc le propulsa au sol. Il se releva bien vite, mais un filet de sang perlait à sa tempe, là où Tarkan lui avait porté un coup du manche de sa hache. Le chevalier de la Couronne Boréale se tenait immobile, les yeux pleins de colère.

- Je te déconseille de m'insulter ainsi une seconde fois. Je suis un Dissident car je partage les mêmes principes qu'Elias et Solagar. L'amure, au fond, je m'en contrefiche. Seule notre cause commune a une réelle valeur à mes yeux. En revanche, ton comportement me semble bien plus discutable. Tu te ranges aux côtés d'Eileen dans le seul et unique but de récupérer cette armure que tu crois mériter. Et tu me taxes d'opportuniste ?
- Ca n'a rien...
- Je n'ai pas fini, tonna Tarkan ! Puisque tu as l'air si désireux de te mesurer à moi, je vais te donner la raclée que tu réclames avec tant d'insistance. Mais parce que je suis forcé de reconnaître en toi un combattant de valeur qui ne mérite pas d'être traité comme un ver de terre, et parce que je veux te prouver qu'un Dissident est avant tout un homme d'honneur...

En prononçant ces mots, Tarkan ferma les yeux. Dans un premier temps, son aura s'accrut et gagna en intensité, tandis que sa main droite empoignait la hache avec davantage de fermeté. Puis un déclic retentit. Une lumière bleutée jaillit de son corps et atteignit un tel seuil de clarté qu'elle masqua presque totalement le chevalier de la Couronne Boréale. Minéos fut si ébloui que plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il ne rouvre les yeux. Surpris de constater que Tarkan n'avait pas profité de l'occasion pour le frapper, il le fut encore davantage lorsqu'il distingua à nouveau le corps de son adversaire à travers les volutes de fumée qui s'évanouissaient déjà. Tarkan avait retiré son armure. A quelque pas des deux hommes, elle trônait, fière et rutilante dans sa forme d'origine. La lourde hache à deux tranchants se dressait en son centre, traversant le casque de part en part. Le spectacle de cette armure qui allait être l'enjeu d'un combat à mort était à la fois fascinant et terrible, mais l'heure n'était ni à l'émerveillement, ni à la crainte.

- Prépare-toi à souffrir, Minéos. Je n'ai plus d'armure, mais ne crois pas que cela changera quoi que ce soit à la situation. Je te reste supérieur, et j'entends bien t'obliger à l'admettre. Minéos ! Lorsque ton sang aura recouvert et souillé le sol sacré de ce temple, je deviendrai alors définitivement et légitimement le chevalier de Vermeil de la Couronne Boréale. En garde !

Minéos se sentit défaillir. Le combat commençait pour de bon cette fois, et sa poitrine était tenaillée par une inquiétude irrationnelle. Que lui arrivait-il donc ? En toute logique, il aurait dû éprouver la jouissance d'un espoir ressuscité et plus vif que jamais, à présent que lui et Tarkan allaient se battre à égalité. Et pourtant, rien. Rien que l'angoisse d'une défaite éventuelle. Il attendait cet instant depuis des années déjà avec la certitude d'avoir été la victime d'une injustice. Et le jour où l'occasion lui était offerte de prouver sa valeur, il doutait de lui-même. Et si Tarkan avait raison ? Peut-être que Minéos ne méritait pas de porter l'armure, peut-être que son orgueil obscurcissait son jugement. Peut-être allait-il perdre...

***

Solagar s'avança vers Shun, lentement. Le chevalier de la Couronne Australe était inquiet, il devait se l'avouer. Selon toute vraisemblance, son adversaire était sans défense, presque à sa merci ; pourtant, il se dégageait de lui une puissance intérieure colossale. Plus que cela : une haine féroce, une véritable bombe à retardement dont lui, Solagar, devinait être la cible désignée. Le chevalier Andromède semblait être gagné d'une véritable rage à la seule vue d'un Dissident, aussi Solagar ne pouvait-il retenir un frémissement en croisant son regard. Si Shun décidait d'utiliser son énergie à son potentiel maximal, Solagar serait probablement vaincu. Quant à espérer que son légendaire dégoût de la violence pousserait Shun à se soustraire au combat, mieux valait ne pas y compter : de toute évidence, ce garçon n'était plus le même depuis l'enlèvement de sa mère. Finalement, le seul élément en faveur du chevalier de Vermeil résidait dans l'armure qui recouvrait son corps : Shun, lui, n'était protégé que par ses minces vêtements. Il fallait donc le vaincre le plus rapidement possible.
Solagar leva soudainement son épée au-dessus de sa tête.

- Ce combat est déjà terminé, Shun ! Mais rassure-toi, je vais te soigner, tu ne mourras pas tout de suite; je vais me régaler…

Son bras se détendit et l'arme vint entailler l'épaule de Shun à l'épaule droite. Aucun cri de douleur ne s'échappa des lèvres du chevalier Andromède, dont les dents demeuraient serrées par la fureur. Le sang jaillit, écarlate, et coula le long de son corps. L'épée se leva, une nouvelle fois. Cette fois, Shun para le coup en bondissant sur un côté.
Mais à peine s'était-il relevé que le plat de la lame s'abattit sur son dos, le plaquant au sol. Il se releva difficilement, essuya un mince filet de sang qui sortait de sa bouche et se remit en garde. Solagar sourit. Finalement, il avait peut-être eu tort de s'inquiéter. Shun n'était peut-être pas aussi fort qu'il le croyait.
Il arma son épée pour la troisième fois. Cette fois-ci, il allait frapper pour tuer. Il viserait donc la tête. Shun ne pourrait pas en réchapper.

- Ton heure a sonné, chevalier Andromède ! Que l'Epée du chevalier de la Couronne Australe te transperce !

Une aura rose vint alors entourer Shun qui négligea un temps sa rage pour se mettre en quête d'une échappatoire au funeste sort qui le menaçait. Solagar devait mourir, jamais il n'accepterait que cela se passe autrement. Il n'avait pas le choix. Il devait impérativement parer ce coup et priver Solagar du recours de son arme. Mais comment ? Sans armure, il était extrêmement vulnérable. Et la délicate posture dans laquelle il se trouvait lui ôtait la possibilité d'attaquer ce Dissident. Alors... la prise de lame du chevalier du Dragon ! L'épée de Solagar poursuivait sa trajectoire. Elle allait s'abattre sur la tête de Shun dans une fraction de seconde. Shun leva ses bras, prêt à tenter de s'en saisir, grâce à la technique que lui avait appris Shiryu.

C'est alors que, surgissant du néant, la chaîne circulaire d'Andromède stoppa net l'épée du chevalier de Vermeil. La chaîne triangulaire s'enroula alors autour de son poignet droit, prête à contre-attaquer. Shun n'en croyait pas ses yeux ; il avait cru ne jamais pouvoir se servir de sa chaîne à nouveau. De plus, comment celle-ci pouvait-elle être ici alors que le cosmos de Poséidon était censé empêcher quiconque n'était pas un de ses guerriers de revêtir une armure ? C'est alors que Shun comprit. Les dimensions… Sa chaîne avait le pouvoir de traverser les dimensions. Elle avait du sentir que son propriétaire était en grave danger. Quant au reste de l'armure… Qu'importait à présent ! L'épée de Solagar n'était plus une menace, sa chaîne le défendrait contre toutes ces attaques. Et il restait à savoir comment le Dissident allait se défendre face à la Chaîne Nébulaire. D'ailleurs, on allait le savoir tout de suite. Et dans le sang, songea Shun avec une étincelle brillante au fond des yeux.

- Vague de Tonnerre !

L'épée de Solagar se mit à tournoyer, zébrant la faible luminosité de la grotte. Au moment où la chaîne tentait de le frapper, elle s'abattit dessus, la tranchant en deux, net. Avant que Shun, totalement interloqué, ait esquissé le moindre mouvement, l'épée se dirigea à nouveau vers lui. Le chevalier Andromède n'eut que le temps d'élever sa chaîne circulaire pour se défendre. Malheureusement, cette dernière subit le même sort que sa consœur. Solagar éclata de rire devant la mine totalement déconfite de son adversaire.

- Pauvre chevalier Andromède, tu fais vraiment peine à voir.
- Comment as-tu fait ? Personne n'est jamais parvenu à trancher ma chaîne ! C'est la défense la plus solide de l'univers !

Solagar ne répondit pas. Il paraissait réfléchir. Finalement ses traits se détendirent et sa main se fit plus lâche sur son épée.

- Après tout, j'ai un peu de temps devant moi. L'épée que tu vois est loin d'être une arme banale. Nul ne sait précisément à quelle époque elle a été forgée. Tout ce que l'on sait, c'est qui l'a forgé.
- Qui ?
- Poséidon lui-même.
- Quoi ? ? ?
- A l'origine, il y avait huit Généraux des Mers. Tu sais que l'entrée principale du Temple de Poséidon se trouvait au début sous la Mer Morte. Mais cette entrée n'était pas sans poser plusieurs problèmes, dont un majeur : elle était bien trop près du Sanctuaire d'Athéna. Lors des batailles qui opposèrent l'oncle et la nièce, celle-ci se servit exclusivement de cette entrée. C'est pourquoi Poséidon y plaça son plus formidable défenseur : Galador, Général de la Mer Morte. Il lui offrit, en plus de son Ecaille, une formidable épée, capable de trancher n'importe quelle matière. Il ne fait aucun doute que le Dieu s'est inspiré de la légendaire Excalibur. Galador était un vaillant guerrier, bon et pur. Nul ne lui arrivait à la cheville et pourtant il ne prenait aucun plaisir à faire souffrir son prochain. Malheureusement, Galador ne s'est pas montré digne de la confiance que lui avait accordé notre maître. Lors de la première bataille qui a opposé les chevaliers d'Athéna et les Généraux des Mers, il a tourné casaque et s'est rangé du côté de la déesse fourbe.
- Je t'interdis de parler d'Athéna sur ce ton, interrompit Shun !
- Tu n'es pas en position de m'interdire quoi que ce soit, répondit tranquillement Solagar. Galador a donc combattu les Généraux, ses propres frères d'armes. Toutefois, lorsque la victoire des chevaliers fut acquise, il se donna la mort, ne supportant probablement pas le poids de sa trahison. L'Ecaille de Galador disparut avec la mort de son propriétaire. Bien des années plus tard, un de mes prédécesseurs, envoyé en mission hors de l'Atlantide, la retrouva. Connaissant la légende de l'Epée, il s'en empara, remplaçant par-là la première épée forgée pour l'armure de la Couronne Australe.
- Je vois, fit Shun avec un sourire mauvais. Alors, non seulement vous êtes des traîtres à votre prêtresse, mais en plus vous n'êtes que des voleurs de bas étage. Tu viens de me donner une raison supplémentaire de te haïr, Solagar.
- Je vais te faire ravaler tes insultes ! Que l'Epée du chevalier de la Couronne Australe te transperce !

L'Epée se leva à nouveau, prête à frapper, et le regard de Shun étincela. Réagir, vite ! Il est des circonstances où la réflexion s'efface au profit d'un brutal et primaire instinct de guerrier. Ce n'est alors plus la raison qui guide les gestes, mais seulement le désir profond et violent de trouver la faille, de dénicher la faiblesse et d'en tirer parti... Maintenant ! Les yeux de Shun entrevirent l'issue convoitée. Pendant une fraction de seconde, armure ou pas, le cœur de Solagar allait être à découvert. D'un mouvement intuitif, le chevalier de Bronze se mit en garde et laissa échapper une exclamation furieuse, accompagnée d'un mouvement rapide et inattendu.
Ni chaîne, ni tempête ne jaillirent de ses mains : c'était une technique nouvelle, née non pas d'un entraînement acharné et laborieux, mais d'un simple réflexe de survie propre à celui qui sait combattre. Et en même temps que l'assaut prenait forme, surgissaient en pleine lumière les mots qui en canaliseraient toute l'essence.

- Par le Poing d'Andromède !

L'attaque de Shun vint frapper Solagar en plein dans le plexus, projetant le chevalier de Vermeil contre une paroi à plus de cinq mètres de là. Shun avait raté le cœur de peu, Solagar ayant paré quelque peu le coup à la dernière seconde. Mais le chevalier Andromède ne s'en était pas sorti indemne, loin de là. L'épée de son adversaire lui avait transpercé la jambe droite, le privant par-là de son agilité. Que faire ? Fallait-il profiter de l'évanouissement de Solagar pour tenter de fuir ? Shun écarta de son esprit cette pensée, au moment même où elle y prenait vie : ce n'était pas tant l'idée de fuir devant l'ennemi qu'il refusait, mais plutôt le fait de laisser passer une occasion de fournir à sa rage un exutoire, en la personne de Solagar. De toute façon, sur une jambe, il se serait fait rattraper en quelques secondes. Shun arracha les quelques lambeaux qui lui restaient de son t-shirt et pansa la plaie. Il fit alors brûler son cosmos. Solagar reprit peu à peu ses esprits et hocha la tête devant la détermination de son adversaire. Il se releva et se mit en garde à son tour.

- Félicitations, chevalier Andromède. Ta dernière contre-attaque m'a surpris, je dois le reconnaître. Néanmoins, la fin de ce combat est arrivée. Il est temps que j'aille retrouver ta très chère mère afin d'assister aux émouvantes retrouvailles avec son fils, Ikki ou devrais-je plutôt dire, Arès. Que l'Epée du chevalier de la Couronne Australe te transperce !

Shun ne bougea pas. Au moment où l'épée allait le transpercer à nouveau, sa chaîne créa un mur de défense sur lequel l'arme de Solagar se brisa en deux.

- Comment ? ? ? Mais c'est impossible ! Sa chaîne s'est reformée et mon épée est brisée !
- Ma chaîne et moi ne faisons qu'un, Solagar. Tant que je vivrai, elle vivra aussi. Chaîne Triangulaire, hurla-t-il alors, va et ramène-moi l'armure d'Andromède !

La chaîne se mit alors à danser dans tous les sens. Elle explora plusieurs dimensions, tachant de trouvant un chemin pour échapper au cosmos de Poséidon. Au bout de quelques minutes, une violente lumière aveugla les combattants, pendant que Shun avait la curieuse impression qu'une autre cosmo-énergie s'était glissée dans le vortex créé par la Chaîne Nébulaire. Lorsque Shun rouvrit les yeux, l'armure d'Andromède lui faisait face. Elle se disloqua rapidement et vint recouvrir le corps de son propriétaire.

- Maintenant Solagar, nous sommes à égalité, fit Shun d'une voix tranquille mais glaciale. Ou devrais-je plutôt dire que l'un de nous deux a l'avantage ?

***

Quelques minutes plus tôt…

Saga ouvrit les yeux. Sa tête avait violemment percuté la muraille mais il sentait instinctivement que sa blessure n'était pas très grave. Il se releva rapidement, cherchant d'abord à vérifier si son frère n'était pas tapi dans un coin quelque part, attendant le moment propice pour l'achever. Son examen se révéla négatif. Saga entreprit alors précautionneusement de savoir où se trouvaient ses compagnons. Il ne pouvait prendre le risque d'enflammer son cosmos, sous peine d'être rapidement découvert. Et sans armure, il était bien trop faible, il l'avait appris à ses dépens face à Kanon. Tout à coup, il sentit le cosmos de Shun s'élever. Il comprit immédiatement le plan du chevalier Andromède et décida de s'associer à ses efforts. Une aura dorée vint alors l'entourer. Il n'avait pas le droit à l'échec, sinon les Dissidents le trouveraient rapidement.

Au moment où l'armure d'Andromède apparaissait devant Shun, la protection des Gémeaux fit de même. Saga la revêtit rapidement et laissa exploser son cosmos.

- Maintenant, fit-il entre ses dents, maintenant on va voir…

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad et Clément Baudot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.