Chapitre 13 : Le maître de l'anti-matière


- Siegfried, non !

Eaque jeta un œil vers celui qui venait de parler. Un chevalier d'Or, bien entendu. Blond, une puissante cosmo-énergie se dégageait de lui. Il ne semblait pas avoir souffert de son précédent combat; qui cela pouvait-il bien être ?

- Je ne sais pas qui tu es, chevalier d'Athéna, mais sache que tu arrives trop tard pour sauver ton ami.
- Je suis Orphée, chevalier de la Vierge. Et je vais sauver Siegfried, que cela te plaise ou non.
- Tu ne peux rien faire. Il est déjà sous l'emprise du Surplis de l'Etoile Céleste de la Puissance.

De fait, Siegfried n'avait prêté aucune attention à l'arrivée de son ami. Il avait continué de s'approcher du surplis et n'en était plus qu'à quelques centimètres. Il lui suffisait de tendre le bras pour le toucher. Orphée se précipita pour le retenir; il lui prit le bras et l'obligea à se retourner. Il ne put retenir une exclamation: les yeux de Siegfried étaient totalement vides. Aucune volonté ne paraissait dans le regard habituellement si fier et si puissant. C'était comme si… Oui, le spectre devait avoir raison. Siegfried avait été hypnotisé. A la manière d'Ikki ou de Saga, quelqu'un l'avait attaqué mentalement sans qu'il ne s'en rende compte. Orphée le lâcha. Tout doucement, comme guidé par une puissance extérieure, le chevalier du Lion se remit face au surplis. Lentement, il leva sa main et le toucha.

Un halo de lumière entoura alors la masse immobile. Elle émit une sorte de rayon qui se projeta vers Siegfried et l'entoura. A la profonde stupéfaction d'Orphée, l'armure du Lion qui recouvrait le corps de son ami se détacha d'elle-même. Les morceaux retombèrent sur le sol, inertes, aussi utiles que des morceaux de vieux fer rouillé. Un flash aveugla alors le chevalier de la Vierge. Quand il put enfin rouvrir les yeux, il se trouva face à ce qu'il eut envie d'appeler une vision d'horreur: Siegfried avait revêtu le surplis maléfique. Il avait les yeux clos, comme s'il attendait quelque chose ou quelqu'un pour le réveiller.

Orphée se tourna alors vers Eaque.

- Je t'écoute, Spectre, fit-il.
- Le Surplis de la Puissance fut créé par Hadès lui-même, à la différence des autres Surplis, qui sont l'œuvre d'Héphaïstos, comme les armures des chevaliers d'Athéna du reste. Lors de la première Guerre Sainte qui a opposé Athéna à notre maître, il y avait un chevalier dont la puissance et la ténacité dépassait l'imagination. En combat singulier, il aurait vaincu n'importe lequel d'entre nous; et même à plusieurs, nous aurions perdu. C'est pourquoi Hadès a décidé de lui opposer un autre type d'adversaire. Quelqu'un dont la protection serait si parfaite, qu'il en deviendrait invincible. Il a créé le Surplis de la Puissance. Toutefois, à protection parfaite, il fallait un guerrier non moins parfait. Or quel guerrier serait plus puissant que le chevalier d'Athéna lui-même ? Une fois cet homme dans les rangs de l'Empereur des Ténèbres, la victoire ne serait plus qu'une question d'heures…
- Attends un instant. Si j'ai bien compris, le plan était de faire basculer de camp le chevalier d'Athéna ?
- Absolument. Quel homme n'a jamais rêvé de revêtir la plus puissante de toutes les armures ? Et il ne fait aucun doute qu'elle est la plus puissante.
- Et alors, que s'est-il passé ?
- Personne ne l'a jamais réellement su. Le chevalier d'Athéna a bien porté le Surplis, mais il ne s'est rien passé.
- Comment ça ?
- Et bien, au lieu de combattre ses anciens compagnons, il est resté là, prostré, sans rien faire. Ce n'est que lorsque l'un des chevaliers d'Athéna lui a retiré son casque qu'il a paru reprendre connaissance. Il a immédiatement retiré le Surplis pour remettre son armure et il a repris le combat contre nous.
- Un échec total, donc.
- Pas complètement, non.
- Pourquoi ?
- Il faut savoir que ce chevalier n'était autre que le chevalier Pégase. C'est à dire potentiellement le seul homme à ne pas pouvoir être perverti par le pouvoir du Surplis.
- Je ne comprends pas.
- Voyons, chevalier, tu dois plaisanter ! Essaierais-tu de me faire croire que tu ignores la véritable identité du chevalier Pégase ?
- Quelle véritable identité ? De quoi me parles-tu à la fin !

Eaque partit d'un énorme éclat de rire. Le Spectre ne semblait plus pouvoir s'arrêter; son corps était agité de convulsions et bientôt le hoquet le prit.

- Ah, par Hadès, que c'est drôle ! Mais voyons, comment crois-tu que les chevaliers d'Athéna soient parvenus à vaincre les chevaliers d'Or, les Guerriers Divins et les Généraux des Mers ?
- Par leur foi et leur courage indomptable…
- Certes, mais aussi parce que le chevalier Pégase n'est pas un homme ! C'est la réincarnation mortelle de Niké, la déesse de la Victoire !

***

Un peu plus loin, deux adversaires se faisaient face. Leur combat avait commencé depuis plusieurs minutes et aucun d'entre eux n'avait pris l'avantage. Ils avaient chacun lancé une attaque que l'autre avait évitée plus ou moins facilement. D'un côté se trouvait Io, chevalier d'Or du signe du Cancer; de l'autre, Sylphide du Basilic de l'Etoile Céleste de la Victoire.
Io regarda son adversaire attentivement; il ne faisait aucun doute que celui-ci était doté de pouvoirs très importants. Mais lui-même n'était pas n'importe qui. Bénéficiant de la confiance du chevalier Andromède, il avait pu revêtir l'armure du Cancer, l'une des douze plus puissantes armures jamais fabriquées. En était-il digne ? Méritait-il de se trouver aux Enfers en ce moment pour tenter d'empêcher la plus grande catastrophe de tous les temps ? Non, vraisemblablement. Il avait combattu du mauvais côté et avait péri en tentant d'entraver la Justice, représentée par les chevaliers d'Athéna. Pourtant, l'heure n'était pas aux atermoiements. Io avait bien évidemment senti les cosmo-énergies de Mime et d'Isaak s'éteindre; celle de Mû était très faible. Enfin celle de Siegfried venait brusquement de changer, comme si… Io ne parvenait pas à définir ce qui avait bien pu arriver à l'ancien Guerrier Divin.

Mais l'équation était très simple: il semblait que seuls Orphée et lui-même soient en état de combattre. Deux sur six. Et le temps pressait. Une heure tout au plus les séparait de la défaite ou de la victoire. Il lui fallait se débarrasser au plus vite de son adversaire, avant de pouvoir rencontrer Hadès. Si tant est que ses compagnons aient réussi à se débarrasser des autres Spectres…

- Wolf's Fang !
- Annihilation Flap !

Une nouvelle fois, Sylphide évita la charge du chevalier d'Athéna. Il semblait que sa technique lui permette de transférer l'attaque de ses adversaires dans une sorte de poche d'anti-matière.

- Mes compliments, Spectre… Ta technique de défense est très au point. Mais es-tu aussi doué pour l'attaque ?
- Meilleur même, je dirais. Annihilation Flap !

Mais c'était la même technique ! Comment cela était-il possible ? Io se trouva projeté dans les airs et avant qu'il ait eu le temps de se défendre, le poing de Sylphide l'atteignit au menton avant que son pied droit ne le frappe au plexus. Sous le choc, Io fut envoyé à plusieurs dizaines de mètres de là. Il se releva difficilement, ses jambes le supportant difficilement.

- Comment… Comment as-tu fait ? Je n'ai pas pu esquisser le moindre mouvement.
- C'est pourtant simple, chevalier. Tu n'as rien pu faire parce que tu étais prisonnier.
- Prisonnier ? Mais de quoi ?
- Tu as vu que tes attaques ne peuvent rien contre moi. De même, tu ne peux pas éviter mes coups. Je suis le maître de l'anti-matière…

"J'avais donc vu juste, se dit Io; il contrôle donc l'anti-matière…" Ceci expliquait pourquoi ses attaques ne pouvaient rien contre le Spectre.
Il créait une sorte de bulle, où s'annihilaient les particules de matière qui composaient son coup avec les particules d'anti-matières générées par le Spectre. Mais comment faisait-il pour son attaque ?

- C'est très simple, chevalier. Je suis capable de me déplacer à volonté dans le monde réel et dans celui de l'anti-matière.
- Ahhhh, fit Io… Ton attaque consiste donc à emprisonner ton adversaire à l'intérieur de ta bulle; une fois qu'il est à l'intérieur, il est totalement vulnérable à tes coups. De simples coups de poings ou de pieds suffisent alors.
- Tu as compris. Voilà donc pourquoi tu ne peux absolument rien contre moi !
- C'est ce que l'on va voir ! Vampire in Hell !
- Annihilation Flap !

Une nouvelle fois, l'attaque de Io vint se briser sur la bulle protectrice du Spectre. Que faire ? Io hésita à employer son plus puissant attaque pressentant, sans doute à juste titre, qu'elle connaîtrait le même sort que les six bêtes de Scylla. Il était même inutile d'attaquer avec les autres bêtes. Non, le salut du chevalier du Cancer ne passait que par deux solutions, à priori inenvisageables toutes les deux : détruire la bulle d'anti-matière, ou être capable de se battre à l'intérieur…

- Annihilation Flap !

Sylphide attaqua à nouveau. Comme lors de la fois précédente, Io fut totalement incapable de parer le coup ou de se débattre. Le Spectre ne se contenta pas cette fois de deux coups, mais fit pleuvoir une véritable grêle d'assauts sur l'ancien Général de Poséidon.

***

- Niké ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
- Simple. Seiya a entraîné les autres vers la victoire parce qu'il est lui-même le symbole de la victoire.
- Donc, fit Orphée lentement, si le Surplis de la Puissance n'a eu aucun effet sur le chevalier Pégase, c'est parce que…
- Parce que le Surplis n'était pas assez puissant pour circonvenir Pégase. Ou plus exactement que le Surplis n'était pas adapté à ce dernier.
- Et il serait plus adapté à Siegfried ?
- En effet. Le chevalier du Lion possède une grande force intérieure, mais son psychisme est moins important que celui du chevalier Pégase. Il fera un excellent Spectre.
- Je ne te laisserai pas faire !
- Mais tu ne peux absolument rien ! Siegfried est sous l'emprise du Surplis. Pour briser cette emprise, il faudrait un puissant choc psychologique que tu n'es pas capable de produire. Seuls les chevaliers des Gémeaux et du Phénix en seraient capables. Et encore, je n'en suis pas certain…
- Et pourquoi ne bouge-t-il pas ?
- Parce que je ne lui en ai pas encore donné l'ordre. Mais je te rassure, je vais le faire. Il va ensuite s'occuper de toi. Pendant ce temps-là, j'irais achever le chevalier du Bélier et celui du Cancer qui ne doit plus être en très bon état face à Sylphide. L'incursion des chevaliers d'Athéna touche à sa fin. Adieu, chevalier d'Athéna ! Siegfried, il est temps de te réveiller !

Siegfried ouvrit les yeux. Ceux-ci étaient rouges, comme s'ils avaient été injectés de sang. Il se mit à marcher, d'abord mécaniquement, puis de manière plus souple. Il s'arrêta à quelques mètres d'Orphée et déclencha son attaque.

- Par l'Epée d'Odin !

Totalement surpris, Orphée ne put éviter le coup et fut touché de plein fouet. Eaque ricana et tourna le dos, se préparant à quitter les lieux.

- Un… Un instant, Eaque. Je ne te laisserai pas partir d'ici.
- Et que comptes-tu faire, interrogea le Titan sans se retourner ? Te battre contre nous deux ?
- Oui, s'il le faut.
- Siegfried, achève ce prétentieux rapidement.

Des notes de musiques s'élevèrent alors. Pendant plusieurs secondes, il ne se passa plus rien. Eaque finit par se retourner, excédé, se demandant pourquoi diantre Siegfried n'avait pas encore fait taire ce chevalier. Il vit alors une ombre indistincte prendre forme entre les deux adversaires. Pour autant qu'Eaque puisse en juger, il s'agissait d'un homme. Il comprit brusquement ce qu'essayait de faire Orphée. Il lui fallait agir rapidement, sans quoi ce dernier pourrait bien réussir !

- Garuda Flap !

L'attaque atteignit Orphée sans que celui-ci ne cherche à l'éviter. Eaque répéta son geste à plusieurs reprises, causant à chaque fois de nouveaux dommages à l'armure de la Vierge. Orphée ne disait rien. Pourtant le cri de douleur qu'il ne put réprimer à la cinquième ou sixième attaque disait assez la souffrance qu'il endurait. Mais pendant ce temps, l'ombre prenait de plus en plus forme humaine: il s'agissait de Seiya ! Orphée, dans un éclair de génie, avait compris que seule la présence, même virtuelle, du chevalier Pégase, pouvait rompre le charme qui unissait Siegfried au Surplis de la Puissance.

Finalement, l'image de Seiya apparut, totalement nette, devant Siegfried. La musique d'Orphée avait eu pour conséquence de présenter un Seiya sans son sourire habituel, avec un air assez triste et un regard qui ne pétillait plus de malice. Des gouttes de sueur perlaient sur le visage du chevalier du Lion, témoins du combat intérieur qui devait avoir lieu dans son esprit. Pourtant la musique d'Orphée faiblissait sous les coups d'Eaque. Le Titan le sentit très bien et fit brûler son cosmos une nouvelle fois.

- Ton heure a sonné, Orphée de la Vierge ! Garuda Flap !

Orphée ferma les yeux, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas éviter le coup de son adversaire. Toutefois, s'il sentit l'attaque jaillir du poing d'Eaque, il ne la sentit pas le toucher. Et pour cause. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il vit Siegfried qui se tenait devant lui, ayant absorbé l'énergie du Titan. Une aura dorée entoura alors Siegfried. Presque immédiatement, le Surplis quitta son corps pour laisser place à l'armure du Lion.

- Orphée, merci pour ce que tu as fait. Continue ta route, je me chargerai de lui à présent; le temps presse.
- Comme tu voudras, Siegfried, mais méfie-toi de lui.
- Je sais, fut la seule réponse du chevalier d'Or.

***

La maison du Bélier

- Bois, chevalier.

L'homme prit la potion sans discuter et la but entièrement. Peu à peu ses forces revinrent. Ses muscles, qui n'avaient pas été utilisés depuis plus de trois siècles, se remirent à saillir sous la contraction. L'acuité de son regard lui revint également pendant que ses pupilles reprenaient leur couleur habituelle. L'habituelle détermination que l'on pouvait lire sur son visage avant sa mort était là à nouveau.

- Vous ne m'aviez pas menti. Vous m'avez réellement rendu mes forces. Ramené à la vie, et rendu mes forces. Je ne peux que vous en remercier.
- Le temps des remerciements n'est pas encore venu, chevalier. Tu pourras le faire si tu mènes ta mission à bien et que tu en reviens vivant.
- Un problème reste cependant.
- Lequel ?
- Je n'ai pas d'armure.
- Il est vrai que je ne possède pas le pouvoir du peuple de Jamir. Néanmoins, même si tu pouvais avoir ton armure, je ne suis pas certaine que tu pourrais t'en sortir.
- Mais alors, comment vais-je faire ?
- Je vais te donner la mienne. Tu combattras sous mes armes.
- Quoi ???

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.