Chapitre 8 : De nouvelles arrivées...


Les chevaliers du Serpent, de la Chevelure de Bérénice et de la Petite Ourse présentés dans ce chapitre sont directement issus de la Fic " Une pour Trois ", écrite par (toujours lui) Romain Baudry, ce dernier m'ayant autorisé à les faire revivre dans ma fic…

L'allusion à Hélios fait elle bien sûr référence à l'annexe de la fic " Légende " de Pegasus…



Aphrodite

Plusieurs semaines ont passé et le Sanctuaire commence à peine à retrouver son calme. Il faut dire qu'une grande agitation a régné sur notre enceinte. Je ne sais pas bien si je suis le plus qualifié pour raconter ce qui s'est passé, mais je suis incontestablement le chevalier dont le sens de l'observation est le plus développé. Encore que, comme on le verra plus loin, mon esprit sera un - bon - moment pris par autre chose. Voilà maintenant près d'un mois que les chevaliers de Bronze sont partis. Ce que peu de personnes savent, c'est que j'étais au courant de tout, avant même que Dohko ne se décide à en parler au Conseil des Chevaliers d'Or. En effet, les derniers évènements qui vous ont été rapportés sont issus des journaux tenus par les chevaliers d'Or. C'est une pratique ancestrale, instaurée par Athéna après la première Guerre Sainte qui opposa notre déesse à l'Empereur Poséidon. Elle a pour but de permettre aux générations futures d'avoir accès aux connaissances de leurs prédécesseurs et donc de faire face à leurs ennemis. C'est d'ailleurs grâce à ces connaissances que Sion et Dohko ont pu survivre à la précédente Guerre Sainte ; en effet, les deux amis avaient attentivement étudié les attaques des trois Juges des Enfers et avaient pu les vaincre, ou tout du moins les empêcher d'envahir la Terre. Ces journaux étaient en fait écrits en deux exemplaires (les archivistes du Sanctuaire avaient toujours beaucoup de travail à la fin de chaque mois), de sorte à ce qu'une copie soit toujours entreposée à la bibliothèque personnelle du Grand Pope et l'autre bien sûr, dans la demeure des chevaliers d'Or. Je n'étonnerais personne en vous apprenant que, du temps de Saga, j'avais mes entrées privées et permanentes dans cette bibliothèque. Ce que Dohko ignore, c'est que je continue à venir fureter dans cet endroit. Oh, que tout le monde se rassure, je n'ai plus aucune velléité de trahison ; simplement, je ne peux me résoudre à n'être plus au courant de tout ce qui se passe ici. De tout temps, le chevalier des Poissons a été le dernier rempart d'Athéna. Bon, évidemment, personne n'est jamais parvenu à dépasser le temple de la Vierge alors… Mais en tant que dernier rempart, je me suis toujours senti une sorte de responsabilité ; bon d'accord, je reconnais, je ne supporte pas de rester là sans rien faire. Mû n'a pas encore commencé la reconstruction de mon armure (six chevaliers sont devant moi) et au bout de quelques jours, même mes roses ont cessé de m'intéresser. Donc, en un mot comme en cent, j'ai repris le chemin de la bibliothèque et j'ai appris tout ce qui s'est passé.
Je me doutais à moitié que Shaka avait retrouvé ses pouvoirs avant tout le monde, comme je me suis rapidement rendu compte des sentiments de Milo pour la jeune prêtresse de Knossos. Je n'étais pas très loin des jumeaux le jour où ils ont décidé de tenter de ramener les armures, mais la majeure partie du dialogue m'a échappé.

Par contre, je dois reconnaître avoir été abasourdi par la discussion, si tant est qu'on puisse l'appeler de la sorte, entre Shun et Shaka. Quelle mouche avait bien pu piquer ce jeune garçon ? Et surtout, quelle était cette histoire abracadabrantesque de trahison d'Athéna ? J'ai relu le compte-rendu de la discussion un nombre incalculable de fois et je n'y comprends toujours rien. Je connais Shun. Sans doute pas aussi bien que ses quatre frères, mais on connaît toujours celui qu'on a combattu à mort. Et je sentais derrière ses paroles une grande blessure, une profonde déception. Et si Shun passait toujours pour être le plus naïf des cinq, impression sans doute due à sa jeunesse, il n'était pas facile de le tromper. C'est donc qu'il croit fermement à l'histoire qui lui a été racontée. J'ai passé deux nuits blanches à la bibliothèque, à l'heure où tout le Sanctuaire dormait. J'ai fouillé tous les ouvrages, épluché tous les journaux, parcouru toutes les notes laissées par les différents Grands Popes : je n'ai rien trouvé, mis à part bien sûr le résumé de l'affrontement tout à l'honneur de la chevalerie d'Athéna. Rien d'étonnant à cela, toutefois. Comme le pressentait si justement Saga, le compte rendu de la bataille de Thera ne saurait être pris au sérieux s'il est rédigé par l'un ou l'autre des deux camps. Que faire, alors ? Comment être certain que l'interrogation qui lancinait mon cœur n'était qu'un horrible mensonge de Minos ? Athéna était-elle coupable ? Non, je ne pouvais m'y résoudre. En désespoir de cause, je décidai de m'en remettre à Dohko. Nul doute que cela me vaudrait de me faire taper sur les doigts pour avoir violé les règlements, mais l'enjeu était trop important. Si jamais l'histoire de Minos venait à être connue des chevaliers, elle pourrait déstabiliser l'Ordre et avoir des répercussions terribles. Je quittai alors ma maison et me dirigeai vers le palais du Pope. Je marchai depuis quelques minutes lorsque j'entendis quelqu'un courir. En réalité, je perçus d'abord son souffle se rapprocher avant de m'apercevoir qui c'était.

- Que fais-tu ici à cette heure, Shiriu ?
- Je dois voir Dohko au plus vite.
- Coïncidence, moi aussi. Et j'ai comme l'impression que c'est pour la même chose.
- Ecoute, Aphrodite, je n'ai pas le temps, là. Si je ne vois pas Dohko rapidement…
- Shun risque de faire une énorme bêtise, c'est ça ?

Shiriu est un homme bien trop maître de ses sentiments pour marquer une quelconque surprise à mon insinuation, mais je sentis ses muscles se tendre et accuser le coup. Et ce fut avec une voix étouffée qu'il reprit.

- Par quelle magie peux-tu être au courant ? Nous venons juste de l'apprendre.
- Rassure-toi, je ne sais rien de ce qui vient de se passer. Je sais juste que Shun croit dur comme fer qu'Athéna est une déesse fourbe et qu'il a perdu la foi en celle qu'il a le devoir de défendre.
- Si tu ne sais pas ce qu'il veut faire, pourquoi veux-tu voir mon maître ?
- Parce que, répondis-je en le regardant droit dans les yeux, si cette histoire vient à s'ébruiter, les conséquences seront catastrophiques.

Shiriu ne dit rien. Il était évident que cet aspect du problème lui avait échappé. Il ferma quelques secondes les yeux, puis secoua la tête, ses longs cheveux noirs se balançant délicatement de chaque côté de son visage.

- Bien, je crois que nous devrions aller voir Dohko tous les deux.

J'étais déjà arrivé à la même conclusion, alors je me contentais de hocher la tête.

- Je te suis.

Les appartements privés du Grand Pope sont situés dans une aile reculée du treizième temple du Sanctuaire. On ne peut la voir de l'entrée ni y pénétrer sans l'assentiment des multiples gardes postés là pour assurer la protection d'un homme un million de fois plus puissant qu'eux. Je me suis souvent demandé quelle pouvait bien être l'utilité de ces gardes, à part un simulacre de vigilance ? Car, franchement, que pourrait faire une poignée d'hommes armés de lances face à un seul chevalier de Bronze ? Rien. Imaginez alors ce que ce serait si un Spectre ou un Marina se présentait ? Plusieurs fois j'ai expliqué ce point de vue à Saga, en lui faisant valoir qu'un chevalier d'Or, moi en l'occurrence, serait bien plus indiqué pour défendre le treizième temple. Après tout, personne n'avait jamais dépassé la sixième maison, alors… Personne, jusqu'à l'adolescent qui marchait à côté de moi et ses compagnons. Alors que je me dirigeais vers la lourde porte de bronze, des images affluèrent dans mon cerveau, comme des bribes de mon passé. Des images qui me rappelèrent que moi, Aphrodite, chevalier d'Or du signe du Poisson, j'avais trahi ma maîtresse. Pour la première fois peut-être, une question s'imprima en moi : comment en étais-je arrivé là ?

Contrairement à de nombreux chevaliers, je pense en particulier à Paolo ou à Aiolia, mon enfance n'a pas été un enfer, loin de là. Je suis né dans une banlieue aisée de Stockholm. Né sur le tard, j'étais un fils unique et dorloté de manière incroyable. De ma mère, une ancienne Miss Europe, j'avais hérité des traits fins et ma superbe chevelure. De mon père, ancien athlète olympique, la résistance à l'effort et le goût du dépassement de soi. Mais les traits de ma mère, si beaux soient-ils, faisaient que je ressemblais bien plus à une petite fille qu'à un jeune garçon. Ma voix, encore infantile, ajoutait en plus au trouble. Ce qui faisait que chaque personne que je croisais me disait :

- Oh, quelle ravissante petite fille !
Je ne pouvais le supporter. Certes, jamais je ne me risquai à attaquer des adultes, mais les enfants qui se moquaient - que ces derniers sont cruels à un certain âge ! - je les corrigeai. Parce qu'ils commettaient la même erreur que, bien plus tard, d'autres firent : en raison de mon apparente douceur, ils me croyaient incapable de la moindre méchanceté. Ce n'est que lorsqu'ils comprirent que j'étais redoutable qu'ils se mirent à m'attaquer à plusieurs : d'abord à deux, puis à trois, puis à quatre, avant qu'une dizaine de gamins déchaînés ne se jette un jour sur moi. En voyant cette meute s'abattre sur moi, je crus ma dernière heure arriver. Curieusement, je n'avais pas peur de mourir ; je ne fermai pas les yeux et serrai mes petits poings. Quitte à mordre la poussière et perdre quelques dents, je n'irai pas seul. C'est alors que mon destin bascula en une voix bourrue.

- Ca suffit !

Tous les enfants s'arrêtèrent, net. L'homme qui venait de parler était très grand ; du moins me paraissait-il très grand, du haut de mes cinq ans. Vêtu sommairement, d'un pantalon de toile grossière et d'un blouson à col de fourrure, il avait des yeux dont l'étincelle bleu acier qui s'en dégageait me mettait mal à l'aise. En le voyant, tous les enfants s'enfuirent sans demander leur reste. L'un d'eux, qui semblait être le chef de cette bande, prit tout de même le temps de me lancer.

- Tu ne perds rien pour attendre ! La prochaine fois on t'aura !

Un regard en coin de l'homme suffit à le faire déguerpir dans la seconde qui suivit.

- Pourquoi êtes-vous intervenu ?
- Parce que tu pensais pouvoir les battre tout seul ?
- Non, répondis-je de ma petite voix aigue, mais maintenant ils vont me prendre pour un lâche qui a besoin des grandes personnes.
- En es-tu un ?
- Quoi ?
- Un lâche ?
- Jamais de la vie, hurlais-je !
- Alors suis-moi.
- Où ?
- Tu le sauras bien assez tôt.
- Non ! Si je ne sais pas pourquoi je quitte ma famille, alors je ne viens pas.

Ce qui était le plus étrange dans ma phrase, c'est que j'étais prêt à effectivement ne plus jamais voir mes parents. Il y avait quelque chose dans cet étranger qui m'attirait. Comme si un étrange lien nous liait. Il irradiait un lumière forte et douce à la fois. Evidemment, il s'agissait de son cosmos. Mais allez expliquer ça à un gamin de cinq ans… Il ne mit pas très longtemps à me convaincre. De toute façon mon instinct me disait de suivre cet homme. C'était un chevalier, bien sûr.

Mais jamais, au cours de mes quatre années d'entraînement au Groenland je n'ai réussi à savoir quelle était son armure et quel était son rang dans la chevalerie. C'était un homme d'un certain âge, que je quittai sitôt mon armure d'Or acquise. Plus je grandissais, plus mes traits, au lieu de s'affermir, s'adoucissaient et ma ressemblance avec une fille se faisait plus grande. Mais curieusement, alors que je ne supportais pas les sarcasmes des autres enfants, en vieillissant je trouvais ma ressemblance féminine plutôt… excitante est le mot que je cherche, je crois. En obtenant mon armure, j'ai informé mon maître de ma volonté de changer de nom, comme le voulait une ancienne coutume de la chevalerie d'Athéna, symbole du renoncement de sa vie antérieure.

Ma décision a choqué mon maître, c'est certain. Je voyais sa tête se secouer doucement lorsqu'il m'apercevait en train de m'admirer régulièrement devant la petite glace qu'il y avait dans la hutte. Mon maître a bien tenté de m'inculquer les préceptes de la chevalerie : fidélité envers Athéna, aide envers son prochain et toute cette sorte de choses. Mais déjà, je ne reconnaissais qu'une seule chose : la force. C'est elle qui m'a permis de survivre au climat insupportable du Groenland, de résister à l'entraînement inhumain de mon maître et enfin de réussir l'ultime épreuve. Mais, si je n'acceptais que la force, je n'étais pas encore totalement fermé au monde extérieur. Mon destin a basculé une première fois lorsque Saga a combattu cet homme qui s'était infiltré au Sanctuaire et qui m'avait vaincu sans que je puisse lever le petit doigt : son nom était Hélios, comme je l'ai appris plus tard. Et il était le père de Saga. J'ai vu les cosmo-énergies quitter le Sanctuaire, comme j'ai senti celle de Saga revenir un peu plus tard, quelque peu différente. Saga ne m'a jamais vu, mais lorsque son visage apparut à la lumière des quelques torches qui bordaient l'allée de la salle du trône, je reconnus immédiatement le chevalier des Gémeaux. Or, il était de notoriété publique que le Grand Pope était Sion, ancien chevalier du Bélier. A ce moment-là, plusieurs choix s'offrirent à moi. Saga était grièvement blessé et malgré sa puissance, si je l'avais frappé à ce moment-là, il n'aurait sans doute pas pu résister. J'aurais donc pu soit révéler son imposture, soit même prendre sa place ! Mais je n'ai rien fait, rien dit. Non, si Saga avait réussi par la force à s'emparer de la place de Grand Pope, alors il méritait de la garder. Le lendemain, je lui ai demandé audience et lui ai clairement fait comprendre que je connaissais son identité et que je ne révélerais rien. A partir de ce moment-là, je suis devenu l'âme damnée de Saga. J'ai exécuté nombre de ses basses œuvres, toutes prétendument au nom d'Athéna. Je n'ai commencé à changer d'attitude, et encore imperceptiblement, que lorsque j'ai affronté Shun. Je me suis alors rendu compte que la force n'était pas la seule chose à respecter dans l'univers. Et maintenant, on avait menti à ce jeune garçon. Et ça je ne pouvais pas l'accepter ! C'était ce qui m'avait décidé à parler à Dohko, réellement.

J'étais tellement perdu dans mes pensées que Shiriu dut probablement répéter deux ou trois fois sa question.

- Je te demande pardon, Shiriu. Tu disais ?
- Je voulais savoir si tu désirais parler en premier ou si tu voulais que je le fasse ?
- Commence, Shiriu. S'il manque quelque chose, je compléterai.

Un garde sortit des appartements du Grand Pope et nous informa que celui-ci était disposé à nous recevoir.

***

Aldébaran

Encore une nuit blanche. Depuis le retour des chevaliers de Bronze, je ne dors plus. De la même manière que Dohko, je me sens responsable de la mort de la petite amie de Seiya. Après tout l'idée d'envoyer les chevaliers à Knossos était mon idée ! C'est pour cela que, malgré l'amitié que j'éprouvais pour Androgée, j'avais demandé la mort lors du tribunal qui avait jugé les deux Crétois. Comme si leur mort aurait pu ramener la jeune femme, ou même mettre un terme à ma culpabilité. Et voilà qu'aujourd'hui les cinq chevaliers de l'Espoir sont partis dans une nouvelle quête. Athéna les protège…
D'un coup de pied, j'envoie balader la pierre qui me bloque le chemin. C'est un mouvement naturel, où je fais appel à mon cosmos sans même m'en rendre compte. L'armure du Taureau m'a permis de retrouver l'intégralité de mes pouvoirs, sans que je sache très bien si c'est une bonne chose ou non. Certes, je suis et demeurerai un chevalier d'Athéna jusqu'à ma mort, je crois l'avoir déjà démontré. Toutefois, je suis fatigué de ces guerres, de ces morts. Si les Dieux veulent la Terre, alors qu'ils se combattent eux-mêmes ! Depuis la nuit des temps, ces divinités se servent des hommes pour assouvir leurs désirs de conquêtes. Bien sûr, n'importe qui me rétorquera que c'est précisément pour défendre l'humanité que la chevalerie d'Athéna a été créée ; et que, sans des générations de chevaliers, la Terre serait sous la domination d'Hadès, Arès ou Poséidon. Mais, encore une fois, la tragédie crétoise m'a ôté tout goût de bataille, de défense de l'humanité et toute cette sorte d'imbécillités. Après tout, où est la gloire, où est la victoire si les gens que l'on aime doivent mourir ? Passe encore s'il s'agit de guerriers, mais s'il s'agit de victimes innocentes ?

Mes pas me dirigent depuis plusieurs minutes dans l'un des défilés qui entourent le Sanctuaire. Depuis notre retour des Enfers, Dohko a aboli l'ancienne coutume qui voulait que les chevaliers n'aient pas le droit de quitter l'enceinte sacrée. Bien sûr, quiconque veut partir pour un temps plus long que quelques heures doit en demander la permission au Grand Pope, mais en dehors de cela toute latitude nous est laissée pour nous promener. Mais aucune balade n'arrangeait réellement mon humeur. Tout au plus me permettait-elle de fracasser des rochers tranquillement sans avoir à abîmer ma demeure.

- Et puis merde, lançais-je une nouvelle fois en envoyant mon poing briser une paroi rocheuse !
- Eh, ça va pas non, fait une voix féminine manifestement furieuse ?

Je me retourne immédiatement et vois trois jeunes femmes masquées, armures sur le dos. L'une d'entre elles se tient légèrement devant les deux autres, les deux bras sur les hanches.

- Qui êtes-vous ?
- Je suis Myriam du Serpent, fait la première. A ma gauche, Annelys de la Chevelure de Bérénice et à ma droite, Jessalynn de la Petite Ourse. Et toi, quel dangereux malade es-tu pour frapper des rochers et menacer de tuer tout le monde aux alentours ?
- Myriam, intervient la plus petite avant que j'ai eu le temps de dire quoi que ce soit ! Cela ne se fait pas d'interroger un chevalier de cette façon.
- Je vais vous répondre. J'ai pour nom Aldébaran, chevalier d'Or du signe du Taureau.

La dénommée Myriam qui avait pointé son index vers moi, se redresse lentement. Sous son masque je peux deviner l'ébahissement, et surtout le remords d'avoir parlé trop vite. Les trois jeunes femmes se mettent ensuite à genoux.

- Nous implorons votre pardon, implore la troisième femme chevalier qui n'avait encore rien dit et qui, ma foi, a une voix criarde difficile à supporter.

Je reste un peu étonné par cette scène. Bien sûr, tout guerrier d'Athéna doit le respect à un supérieur et plus spécialement à un chevalier d'Or, mais là…

- D'où venez-vous ? Et qui était votre maître ?
- Nous venons du Kamchatka, fait Myriam. C'est maître Kurt qui nous a tout enseigné.

Je suis parti d'un énorme éclat de rire.

- Ce bon vieux Kurt ! Alors, toujours à faire des misères à ses apprentis ?
- Vous… vous le connaissez, demande Annelys ?
- Ma foi, oui. J'ai été envoyé il y a une dizaine d'années dans son camp, afin d'observer ses méthodes et de faire un rapport au Grand Pope. Alors comme ça, repris-je, vous venez d'obtenir vos armures ?
- En effet.
- C'est Kurt qui vous a parlé de ces masques ?
- Oui.
- Vous pouvez les enlever.
- Quoi ???

Un cri prononcé par trois voix à l'unisson, surtout adolescentes. Tout ce que je déteste. Je me bouche les oreilles jusqu'à ce qu'elles aient fini de sauter dans les bras les unes des autres. Quand elles en ont terminé, je reprends.

- Le Grand Pope a décidé d'abolir cette coutume ancestrale.
Sans un mot cette fois, chacune ôte son masque, avec un soulagement manifeste. C'est l'occasion pour moi de les détailler plus avant.

Myriam a la peau brune, les yeux sombres et des cheveux noirs et emmêlés qui lui tombent jusqu'à la taille. Sa maigreur est très surprenante pour une femme chevalier mais n'affecte en rien la grâce qui anime ses mouvements. Elle semble posséder un caractère en acier trempé et surtout être la meneuse de ce trio hétéroclite. La seconde est celle qui a une voix insupportable. Annelys, si j'ai bien retenu les présentations initiales. Aussi différente de Myriam en apparence que le jour l'est de la nuit, Annelys a la peau claire, des cheveux blonds et bouclés dont elle semble prendre particulièrement soin et de grands yeux bleus. Cette coquetterie ne me plaît guère et ne sied vraiment pas à un chevalier d'Athéna. Mais après tout, Aphrodite est pareil et ça ne lui a pas empêché de devenir chevalier d'Or. Ils feraient un couple intéressant d'ailleurs ! Cette Annelys a également des formes particulièrement captivantes pour ses quinze ans - du moins, c'est là l'âge que je lui donne - et à mon avis, l'effet sur les novices masculins a du être dévastateur.

Et enfin vient Jessalynn, qui ne ressemble pas beaucoup non plus à ses deux amies. Elle doit à peine dépasser le mètre trente-cinq, ce qui fait que je dois largement me pencher pour parvenir à la regarder dans les yeux, qu'elle a fort jolis d'ailleurs. Elle a des cheveux très roux, coiffés en une courte natte, et un regard gris vert pénétrant. Son air de gamine est de plus renforcé par un visage parsemé de tâches de rousseur et une voix assez aiguë, encore que bien moins intolérable que celle de sa comparse. Je ne parviens pas à lui donner un âge, mais je dois être influencé par sa petite taille. On peut raisonnablement penser qu'elle a au moins quatorze ans.

- Chevalier Aldébaran, reprend Jessalynn, nous voudrions voir le Grand Pope.
- Bien sûr. Même si, à mon avis, il ne pourra pas vous accorder beaucoup de temps.
- Pourquoi cela, interroge Myriam ?
- Poséidon est venu nous voir, il y a quelques jours.
- Po.. Poséidon ? Le Poséidon ?
- T'en connais beaucoup Annelys, la rembarra Myriam ?

Je ne peux réprimer un sourire. L'air faussement contrit d'Annelys est à hurler de rire.

- Oui, l'Empereur des Mers s'est entretenu avec le Grand Pope. Que se sont-ils dit, je ne sais pas, mais depuis Dohko ne sort plus de son temple.
- Dohko, intervient Jessalynn ? Mais Maître Kurt nous avait dit que le Grand Pope était l'ancien chevalier du Bélier, Sion je crois ?

Evidemment. Dans le Kamchatka du sud-ouest, les nouvelles n'arrivent jamais, et encore moins celles-là.

- Beaucoup de choses se sont passées dans les dernières années au Sanctuaire. Je crains que vos informations ne datent quelque peu.
- Mais vous allez bien nous mettre au courant, minauda Annelys ?
- As-tu déjà essayé d'attraper un taureau avec du miel, jeune fille ?

Ma réponse laisse Annelys sans voix. Mais, après tout, ce que je dis est vrai. Je déteste les minauderies des femmes, leurs accès de sensibleries mal placées et qui n'ont rien à faire dans la chevalerie d'Athéna. Je respecte énormément pour cela Marine et Shina qui ont su faire abstraction de leur condition féminine… Encore que, pour être honnête, tel n'est plus le cas, loin de là. Marine a trouvé un certain équilibre auprès d'Aiolia et Shina se consume d'amour pour Seiya ; mais ce dernier est encore loin de pouvoir ne serait-ce qu'apporter un embryon de réponse à la jeune femme.

- Que tu es bête, Annelys, fait Jessalynn. Ce n'est pas le rôle du chevalier du Taureau que de s'abaisser à faire la leçon à trois malheureux chevaliers d'Argent !
- Mais ça ne me dérange pas, dis-je. Simplement…

Je m'arrête immédiatement. Dans le regard de Jessalynn, une lueur fugace vient de passer. Une lueur de contentement. Comme si… J'éclate à nouveau de rire.

- Bien vu, Jessalynn. Tu m'as piégé. Allez, rentrons au Sanctuaire, je vous résumerai la situation en route.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.