Chapitre 7 : Rencontre, Amour et Altercation


Saga

Une nouvelle journée commençait. A priori, rien ne pouvait la différencier des précédentes. Le soleil continuait à darder ses feux, et la pluie pointait toujours aux abonnées absentes depuis le fameux orage qui avait marqué notre retour au Sanctuaire. Pourtant, depuis quelques temps, l'ambiance avait changé parmi nous. Oh, rien de véritablement perceptible, juste une légère fêlure. Fallait-il mettre ce changement sur le compte de la réapparition des armures d'Or ? Peut-être. Kiki avait déjà terminé les protections du Taureau, du Cancer et du Lion. Mû lui a d'ailleurs ordonné de se reposer avant de poursuivre ses efforts. D'autant qu'il me semblait bien que mon ami serait bientôt prêt à forger également ces armures. Leur réapparition avait permis à Aldébaran, Paolo et Aiolia de faire à nouveau exploser leur cosmos. Incontestablement, ils avaient retrouvé leurs pouvoirs qui faisaient d'eux des surhommes. Nous étions donc à présent cinq chevaliers à être vêtus d'une armure d'Or. Bientôt six car Kiki, je le savais, avait entrepris de confectionner une seconde armure des Gémeaux pour Kanon. C'était moi qui l'en avais prié, à l'insu de son maître et de mon frère. Après tout, si Kanon devait être reconnu comme un chevalier d'Athéna, il n'y avait aucune raison pour qu'il ne soit pas revêtu d'une protection digne de ce nom. Alors que je pensais à lui, je le regardais en train de dormir paisiblement. Son sommeil était d'un calme ! Une sérénité profonde pouvait se lire sur son visage. A se demander comment il avait pu déclencher tant de catastrophes. Je sentis alors mon habituel sourire aigu apparaître sur mon visage : pareille chose pouvait aisément se dire pour moi ! L'air angélique de Kanon m'amena à penser à Shun.

Shaka nous avait rapporté sa conversation avec le chevalier Andromède. Dire que nous avions été surpris était un doux euphémisme. Je me rappelle encore voir la mâchoire de Kanon pendue et la mienne qui devait faire de même. Pareille sortie ne nous aurait guère étonné de la part de Seiya ou d'Ikki, mais de la part du plus doux des chevaliers d'Athéna, la chose ne laissait pas d'être curieuse. Ce qui l'était plus encore, toutefois, était l'incroyable histoire que Shun avait raconté à Shaka. Les chevaliers de Bronze s'étaient montrés les plus ardents défenseurs de notre déesse. Ils avaient surmonté des obstacles qui semblaient pourtant infranchissables - j'étais bien placé pour le savoir - et ils avaient réussi grâce à leur foi en Athéna. Comment Shun avait-il pu se laisser circonvenir par une histoire aussi abracadabrante qui ne pouvait avoir comme but que la déstabilisation des envoyés du Sanctuaire. Cette histoire ne pouvait pas contenir ne serait-ce qu'une once de vérité ! A moins que… Non. Je ne pouvais m'y résoudre. Mais comment le savoir ? Les archives du Sanctuaire ne recelaient rien de la sorte. Je le savais, j'avais épluché minutieusement les moindres volumes de la bibliothèque afin de m'imprégner au maximum de mon rôle de Grand Pope. Mais, d'un autre côté, cela était logique.
L'histoire de Minos étant loin d'être à l'avantage de notre déesse, comment pourrait-il y en avoir ne serait-ce qu'une mention au Sanctuaire ? Ou chercher dans ce cas ? Nous savions que Knossos avait été détruite et de toute façon leurs archives seraient aussi subjectives que les nôtres. Interroger les deux prêtresses ? Aucun intérêt, elles seraient probablement également conditionnées. D'autant que l'une d'entre elles était sans cesse fourrée dans la maison de Milo et que l'on pouvait commencer à discerner chez l'autre les premiers signes de grossesse. Après plusieurs minutes de réflexion la solution, aveuglante, m'apparut. Il fallait interroger les autres Sanctuaires : Asgard, le Panthéon Egyptien et le Panthéon Aztèque. Sur les trois, il devrait bien y en avoir un qui pourrait nous répondre. Mais comment quitter le Sanctuaire, sans autorisation ? Car il y avait gros à parier que Dohko ne nous laisserait jamais partir. De tous temps les chevaliers d'Or avaient été consignés en Grèce, à quelques très rares exceptions près (Mû), ou envoyés pour des missions très courtes (Aiolia, Milo). Non, les seuls qui pourraient obtenir l'accord du Grand Pope n'étaient autres que les chevaliers de Bronze. Oui, mais voilà, accepteraient-ils ? Il fallait leur parler. Shaka m'aiderait sûrement à les convaincre. Sans faire de bruit, je me levai et quittai la chambre. Vu l'heure, Shaka se trouverait sûrement aux Arènes, pour l'entraînement quotidien du chevalier de l'Autel. A nouveau, je sentis un sourire apparaître sur mon visage. Se pouvait-il que le spirituel chevalier de la Vierge soit amoureux ? Après tout, cela voudrait dire qu'il était un homme comme nous, même s'il était l'être le plus proche de Dieu ! Je descendis rapidement les marches, saluant au passage Aldébaran qui me lança son oreiller à la tête, objet que j'eus le plus grand mal à éviter, vu sa taille. Mû se contenta de répondre à mon salut par un simple hochement de tête. Il était pris par la reconstruction de l'armure de la Vierge, sans doute l'une des plus difficiles avec celle de la Balance. Je m'arrêtai quelques instants pour observer mon ami travailler. Cela me fascinait totalement. J'avais lu de nombreux ouvrages sur la réparation et la reconstruction des armures, mais le moyen d'y arriver m'échappait complètement. La concentration que montrait Mû en ce moment était impressionnante. Son aura l'entourait d'ailleurs, comme s'il devait faire appel à toute sa cosmo-énergie pour parvenir à ses fins. Et c'était probablement le cas, d'ailleurs. Cela me fit penser que Kiki devait donc avoir trouvé le moyen de faire exploser son cosmos. Le jeune garçon était incontestablement doué. Bientôt, sans doute, il deviendrait un chevalier. Il était d'ailleurs presque dommage que toutes les armures d'Or soient prises, sinon il ne faisait aucun doute qu'il en aurait mérité une. Comme quelques chevaliers avant lui, il allait probablement devoir se contenter d'une armure d'Argent, pour ne prendre la succession de Mû que bien plus tard.

Il était encore bien tôt et seuls se trouvaient dans les Arènes Shaka, Néa, Ikki et Jen. Les deux maîtres avaient organisé un petit duel entre leurs disciples, afin de pouvoir mesurer l'étendue de leurs progrès. Jen et Néa firent exploser leurs cosmos et je ne pus réprimer un mouvement de recul. Comment deux chevaliers d'Argent pouvaient-ils manifester une telle puissance ? Certes Seiya et ses compagnons étaient arrivés encore plus loin, mais tout de même. La hiérarchie entre les différents chevaliers commençait vraiment à partir à vau-l'eau. Jen fit un pas en avant et attaqua.

- Flash Sabre !

Le bras droit de Jen s'illumina, semblant prendre vie et se dirigea à toute vitesse vers Néa. Il était évident que le chevalier de Cassiopée avait atteint la vitesse de la lumière car j'avais moi-même quelques difficultés à percevoir son attaque. Néa ne bougea pas. Sa stratégie m'échappait complètement quand je vis l'attaque de Jen s'arrêter net à quelques centimètres de la jeune femme. C'est alors que je compris. A la manière de son maître, Néa avait érigé une défense devant elle qui empêchait toute attaque de l'atteindre. Cela me rappela instantanément mon affrontement avec Shaka au début de la bataille d'Hadès. Jen ne mit pas longtemps à reprendre l'initiative. Mais je ne voyais pas bien ce qu'il pouvait faire. Mon Galaxian Explosion avait à peine suffi à toucher Shaka et l'arcane du chevalier d'Argent était loin d'être aussi puissant que le mien. Son aura violette l'entoura à nouveau tandis qu'il lançait.

- Que les Ailes du Phénix t'emportent !

Je vis l'étonnement apparaître sur le visage de Néa. Comment Jen pouvait-il maîtriser l'attaque d'Ikki ? Pendant un bref instant, je sentis sa concentration diminuer. Et je compris. Jen avait envoyé un leurre. Il ne maîtrisait pas du tout l'attaque d'Ikki, mais il savait que cela surprendrait Néa.

- Flash Sabre !

Cette fois le coup fit mouche. Néa se rendit bien compte de son erreur, mais elle ne fut pas assez prompte pour se reprendre. Si Shaka ne l'avait pas enveloppée de son cosmos, elle serait allée percuter les bancs pierreux des Arènes. Jen se tourna alors, fier, vers Ikki comme pour solliciter l'approbation de ce dernier. Le chevalier Phénix, était homme de peu de paroles. Mais le regard et le hochement de tête dont il gratifia son élève disaient assez à quel point il avait apprécié la démonstration.

- Félicitations, Jen, ajouta Shaka. Je dois reconnaître que ta petite diversion a été totalement efficace. Avais-tu prévu de l'utiliser ?
- Pas spécialement, répondit Jen avec un petit haussement d'épaules. Je voulais d'abord utiliser mon attaque afin de voir où en était Néa. Le fait qu'elle ait paré aussi aisément mon coup m'a obligé à trouver autre chose. C'est alors que m'est venue l'idée de tenter de la distraire.
- Tu as eu un peu de chance toutefois, intervins-je. Un adversaire plus expérimenté que Néa se serait aperçu plus tôt que tu ne lançais aucune attaque et aurait frappé avant toi.
- C'était là tout le propos contra Ikki. Il était évident que la technique de défense employée par Néa ne pouvait être vaincue que par une attaque mentale. Soit une illusion, soit une diversion. Jen ne maîtrisant pas les arcanes mentaux, il a sagement opté pour la seconde illusion. Mais ne te crois pas arrivé pour autant, ajouta-t-il en se tournant vers Jen. Tu as incontestablement progressé, mais tu peux encore mieux faire.

J'étais assez d'accord avec Ikki. J'avais également le sentiment que Jen n'avait pas touché le maximum de ses pouvoirs, pas plus que Néa d'ailleurs. C'est alors qu'un cosmos gigantesque explosa. Une aura bleu mer se dessina peu à peu sous nos yeux. Jamais je n'avais vu autant de puissance, ni ressenti à quel point ma propre aura était insignifiante. Sauf avec… Mais oui, bien sûr ! Cette aura ne pouvait appartenir qu'à…

- Poséidon, hurlais-je !

Le Dieu des Océans se matérialisa alors. Deux personnes l'accompagnaient. Un homme aux cheveux bleu pâle et aux yeux rouge, revêtu d'une Ecaille, que j'identifiai immédiatement comme Sorrente, le dernier Général des Mers encore en vie. Une femme aux cheveux blonds et aux yeux clairs, qui portait quant à elle une protection rouge. Aucun de nous ne bougea pendant plusieurs secondes. Puis, semblant sortir de sa torpeur, Ikki se dirigea vers Poséidon et s'inclina brièvement. Quand on connaissait le personnage, le geste avait de quoi étonner. Poséidon lui répondit par un franc sourire et Sorrente s'approcha pour serrer la main du chevalier Phénix.

- Seigneur Poséidon, fit la voix calme et douce de Dohko qui venait d'apparaître derrière nous, que nous vaut l'honneur de votre visite ?
- Je te salue, Grand Pope d'Athéna, répondit le Dieu. Je suis ici en visite officielle et j'aimerais avoir un entretien privé avec toi.
- Suivez-moi. Saga et Ikki, vous tiendrez compagnie aux Marinas.

Poséidon et Dohko partirent alors. Jen, Shaka et Néa en firent autant et nous restâmes à quatre dans les Arènes.

- Peut-être désireriez-vous boire quelque chose, fit Ikki en un effort pour paraître poli ?
- Volontiers, chevalier.
- Un instant, intervint la femme. J'aimerais bien savoir qui est cet…

Ikki regarda la femme puis la direction que son léger geste indiquait et eut un petit rire.

- Bien sûr, cela doit vous faire un léger choc. Voici Saga, chevalier d'Or des Gémeaux et frère…
- … Jumeau de Kanon, n'est-ce pas, compléta la jeune femme ? La ressemblance est réellement frappante.
- Allons, suivez-moi, Mû du Bélier nous accueillera bien volontiers dans sa maison. Tu viens, Saga ?

Il fallut qu'Ikki me répète deux fois la question. Mon regard était bloqué à l'endroit où s'était tenue, seulement quelques secondes auparavant, la plus belle femme qu'il m'avait été donné de voir. Une sirène…

***

Shiriu

Le coup prit Shun par surprise. Certes Seiya était réputé pour son impulsivité, mais personne ne s'attendait à ce qu'il étende notre petit frère de la sorte. Je m'attendais vaguement à ce qu'Ikki intervienne, mais mon bouillonnant aîné ne manifesta pas la moindre intention de corriger Seiya.

- Qu'est-ce qui te prend, Shun, interrogea Seiya, la voix vibrante de colère ? Nous avons lutté contre des adversaires toujours plus puissants et nous avons vaincu grâce à notre foi en Athéna ! Et maintenant, tu veux abandonner ton rôle de chevalier ?
- Ouvre les yeux, Seiya, répondit Shun en se relevant. C'est en Saori que nous avions foi et non en Athéna. C'est pour ses beaux yeux que tu t'es battu de la sorte et que tu es parvenu à enflammer ton cosmos au point d'atteindre le statut de chevalier divin. C'est l'Amour qui t'a permis de t'élever de la sorte, nous sommes d'accord. Mais ce n'est en aucun cas l'amour d'une déesse, mais celui d'une femme !
- En admettant que tu aies raison Shun, intervint Hyoga, comment expliques-tu que nous ayons également pu devenir des chevaliers divins ?
- Parce que nous étions tous amoureux de Saori. Certes à des degrés divers, mais c'est cet amour, combiné à autre chose, qui nous a élevés là où nous sommes.
- Et quoi ?
- L'amour de ta mère, Hyoga, fit Shun en pointant son doigt vers le chevalier de Cygne. Ces deux amours t'ont permis de devenir ce que tu es. C'est la Justice, avec un J majuscule, qui a aidé Shiriu tandis qu'Ikki a laissé la haine et le désespoir se mêler en lui pour former le guerrier qu'il est aujourd'hui. Nieras-tu, Ikki, ajouta-t-il en se tournant vers son aîné, que le désespoir de Pandore t'as permis de te sublimer encore plus ?

Ikki ne répondit pas. Il demeura adossé à un tronc d'arbre, les bras croisés et les yeux fermés. Pourtant, à un œil attentif, il était possible de percevoir des légers tremblements de ses mains. Mon cerveau fonctionnait à toute vitesse. Se pouvait-il que Shun ait raison ? Je refusais de le croire, mais une voix ne cessait de marteler mon esprit avec ces deux mots " Et si… ? " Pour la première fois depuis longtemps, je me pris à douter. Tout ce qui avait été ma vie ces dernières semaines, tous ces combats, tous ces morts, juste pour l'amour d'une femme ??? Que Saori fut belle à un point inimaginable n'était guère contestable ; mais par tous les dieux, j'étais amoureux de Shunrei ! Je jetai un coup d'œil à mes compagnons. Ikki n'avait pas bougé. Seiya avait toujours le poing dressé, prêt à frapper, mais les larmes coulaient à présent sans retenue sur ses joues.
Hyoga avait lancé son poing sur l'arbre le plus proche et l'avait déraciné sans même y prêter la moindre attention. Et au milieu de nous tous, fier, tel que nous ne l'avions jamais vu, Shun nous regardait les uns après les autres, d'un air de défi.

- J'ai décidé de quitter le Sanctuaire, reprit Shun au bout de plusieurs minutes. Ariane et moi partirons dans deux jours.
- Tu ne pourras pas, répondis-je machinalement. Dohko te le refusera.
- Mais je me fiche complètement de ce que pourra dire ton cher vieux maître, Shiriu ! De par mon statut de chevalier divin, je suis en marge des chevaliers sur lesquels le Grand Pope a autorité. Et même s'il voulait m'en empêcher, je suis prêt à utiliser la force !
- La force ? Toi Shun, chevalier d'Andromède, réputé pour ta répugnance à combattre, serais prêt à te battre à nouveau face aux chevaliers d'Or d'Athéna ? Parce que c'est à ça que ça revient !

L'intervention d'Ikki nous surprit tous. Il s'était tenu coi pendant toute la discussion et sa première intervention était d'une véhémence incroyable. Il y avait longtemps que pour ma part, je n'avais pas vu briller ses yeux de cette façon.

- Je n'en ai aucune envie, mais s'il le faut, je combattrai et vaincrai les chevaliers d'Or.
- Dans ce cas, tu auras besoin de cela.

Ikki saisit quelque chose dans son dos et le lança à son petit frère.

- Je n'ai plus rien à te dire, Shun. Aujourd'hui, en présence de tes frères, tu t'es toi-même exclu des chevaliers d'Athéna. En tant normal, une telle trahison te vaudrait la mort, mais je ne suis pas le justicier du Sanctuaire. Sache toutefois qu'à partir de cet instant, je considère nos liens de sang comme dissous. Adieu.

Sans ajouter un mot de plus et sans attendre de réponse, Ikki tourna les talons et disparut dans la forêt. Je me penchai pour voir ce qu'il avait lancé et vis la Chaîne d'Andromède qui traînait, comme privée de vie, aux pieds de Shun.

- Je ne croyais pas que ce jour arriverait, fit la voix claire de Seiya. Quelque part, je m'étais dit que nous resterions toujours ensemble. Il semble que je me sois trompé. Adieu, Shun. Je salue en toi le chevalier Andromède avec qui j'ai disputé ces si nombreux combats et que je n'oublierai jamais, mais j'effacerai de ma mémoire celui qui a trahi Athéna.

Seiya regarda Shun droit dans les yeux une dernière fois et s'en fut également.

- Tu avais juré, Shun.

La voix neutre de Hyoga fit sursauter Shun. Il n'y avait aucune colère dans les paroles de mon frère, aucune émotion. Et peut-être cela faisait-il encore plus mal.

- Lorsque tu as reçu ton armure de chevalier, te rappelles-tu seulement avoir juré à la déesse fidélité jusqu'à ta mort ? Tu m'as sauvé la vie, dans la maison de la Balance. Tu n'as pas quitté la maison des Gémeaux, alors que tu aurais pu t'enfuir quand tu as combattu Saga. En souvenir de ces moments passés ensemble, en souvenir de la fraternité qui nous unissait, je te souhaite beaucoup de bonheur, Shun. Mais mon cœur ne peut réprimer la déception que ta trahison y a fait naître.

Il ne restait plus que moi. Qu'ajouter à ce qu'avaient dit mes frères ? Que dire qui puisse tenter de recoller les morceaux ? Et si je trouvais, fallait-il que je le fasse ? Mes frères voudraient-ils seulement se réconcilier ? Comment diable en étions-nous arrivés là ? Brusquement, une lueur se fit dans mon esprit. Peut-être. Peut-être y avait-il moyen de tout arranger. Mais il fallait agir vite, avant que tout ne soit irrévocablement détruit.

- Shun, si je peux t'assurer que Dohko te donnera la permission de partir et que tu n'auras donc pas à combattre, accepteras-tu de me rendre un service ?

Shun me regarda droit dans les yeux, cherchant manifestement à savoir ce que je pouvais avoir en tête. Au bout de quelques secondes, il secoua la tête, renonçant à trouver. Il ramassa sa chaîne et me dit :

- Soit Shiriu. Si tu parviens à m'obtenir l'accord de Dohko et que ton service ne remet pas en cause ma volonté de partir, je te rendrai ce service.

Shun s'en alla à son tour. Je demeurai quelques instants encore dans cette petite clairière qui avait vu la première véritable dispute des chevaliers divins, puis je me mis à courir en direction du palais du Grand Pope.

***

Néa

Ses longs cheveux blonds reposaient éparpillés sur le lit. Sa poitrine se soulevait doucement au rythme de sa respiration. Pas un détail chez lui qui ne me plut totalement. Shaka… Jamais je n'aurais cru aimer un jour. En tant que chevalier d'Athéna, ces sentiments m'étaient bien entendu interdits. Longtemps pourtant, suite à mon exil volontaire du Sanctuaire, je m'étais cru éprise de Calios. Mais mon amour pour Shaka balaya bien vite ce qui ne devait être que les restes d'une légère amourette. Athéna m'est témoin que je n'avais que des pensées " guerrières " lorsque je demandai à Shaka de m'entraîner. Il était vrai que je ne possédai qu'un seul arcane et que j'eus été incapable de me défendre si un adversaire avait compris ma technique. Shaka m'enseigna un million de choses en très peu de temps.
Apparemment, j'avais un très grand potentiel, dont je ne m'étais jamais rendue compte. Shaka commença par me faire travailler ma défense. Il m'exposa clairement que, sans une bonne défense, je ne pourrais jamais élever véritablement ma cosmo-énergie. Il m'expliqua que les cinq chevaliers de Bronze avaient, à leur façon, une défense presque parfaite. Le bouclier du Dragon, bien évidemment. La chaîne d'Andromède ensuite. La glace pour Hyoga, qui pouvait lui permettre d'ériger un mur protecteur dès qu'il le voulait. L'Illusion du Phénix, contrairement à ce qu'on pouvait croire, n'était pas un arcane offensif. En effet, le coup avait pour but la victoire avec le moins de blessures possibles et de ce fait, pouvait être considéré comme une défense.

- Et Seiya, demandais-je ? Il n'a aucune technique de défense !
- Pas à proprement parler, non. Pourtant, sa défense est à la fois la plus puissante et la plus faible que l'on puisse imaginer.
- Comment cela ?
- Seiya espère. Il croit en un monde meilleur. Cet espoir perpétuel le pousse sans cesse à dépasser ses limites. Athéna le guide et le rend virtuellement invincible. Tant que cet espoir se trouve en lui, je ne vois pas qui pourra l'abattre.
- Tant que cet espoir se trouve en lui ? Que veux-tu dire ?
- Rien… Juste un pressentiment. Reprenons.

Je concentrai mon cosmos et lançai mon poing.

- Par le Miroir de l'Autel !

Lors de notre premier assaut, ce coup était parvenu à atteindre Shaka. Cette fois, il n'en fut rien. Il se contenta de se déplacer à la vitesse de la lumière pour l'éviter.

- Cette attaque est beaucoup trop lente, soupira-t-il. Elle te suffira peut-être pour vaincre des chevaliers d'Argent, mais pour des adversaires supérieurs, il te faudra des arcanes d'un autre acabit. Il te faut comprendre une chose. La constellation de l'Autel est celle qui peut s'apparenter le plus à une constellation " religieuse ". Cela peut éventuellement t'aider à semer le doute dans l'esprit de ton ennemi.
- Une attaque mentale ?
- Exactement.
- Mais je ne sais pas comment faire.
- Concentre-toi. Fais appel à ton cosmos ainsi qu'à ton mental et essaie de pénétrer mon esprit.

Je fermai les yeux et obéis. Je me forçais à me représenter l'image de Shaka. Lorsque j'y parvins, je me concentrai sur son cerveau. Je fus surprise de voir à quel point il était facile d'y rentrer. J'y vis de nombreuses choses : sa sérénité, sa joie de vivre, mais aussi ses remords d'avoir combattu, sans le savoir certes, pour les forces du mal. Puis, plus loin, quelque chose de caché.
Manifestement, Shaka ne voulait pas que j'y aie accès. Je sentis alors mon propre cerveau me parler, me dire " C'est là qu'il faut attaquer ". Mon cosmos s'enflamma malgré moi et je me préparai à frapper. Immédiatement, l'esprit de Shaka se ferma et je ne pus poursuivre mon geste. Lorsque je rouvris les yeux, mon index droit était tendu vers Shaka, prêt à lancer mon attaque.

- Bravo Néa, je te félicite. Je t'avais facilité la tâche en ouvrant mon esprit, mais je ne pensais que tu parviendrais si facilement à lire en moi. Mais il faut à présent que tu apprennes à contrôler ce nouveau pouvoir, à canaliser cette énergie. Tu vas donc méditer jusqu'à demain matin, avec interdiction de bouger bien entendu.
- Mais Shaka, il est 11h du matin !
- Et alors, rétorqua-t-il ? Lorsque je m'entraînais pour obtenir l'armure de la Vierge, il m'arrivait de méditer pendant des jours entiers.

N'ayant plus rien à ajouter, je m'assis en tailleur et tentai de calmer mon cœur qui battait la chamade à l'idée de ce qu'il pouvait y avoir de si important que Shaka voulait me cacher. J'ai tant appris à ses côtés. Bien sûr, je ne lui parvenais pas à la cheville, mais je voyais mon cosmos augmenter de jour en jour. Et plus je passais de temps avec lui, plus je sentais des sentiments s'infiltrer en moi, comme une plante qui prend vie et qui étend ses ramifications partout. Bientôt, j'étais incapable de penser à autre chose qu'à lui. Tout ce qui n'était pas lui m'insupportait. Je ne parvenais plus à faire les exercices les plus simples. Ma concentration était erratique, sans qu'aucun de mes - maigres - efforts ne parviennent à la stabiliser.

- Mais enfin Néa, que t'arrive-t-il, m'interrogea-t-il après que je me sois une nouvelle fois montrée incapable de réussir à exécuter ses ordres ?

Son ton n'était même pas énervé, juste surpris. L'espace d'un instant, je balançais à lui dire la vérité. Puis je pris mon courage à deux mains et me jetai à l'eau.

- Je suis amoureuse de toi Shaka.

Je ne savais pas à quoi m'attendre. Une explosion ? Pas dans le genre du personnage. Un sermon ? Peut-être. Mais je n'avais pas prévu le sourire qui illumina alors son visage, un de ces sourires dont il était si avare. Il s'approcha doucement de moi et commença à me caresser les cheveux, ses yeux bloqués sur les miens. Puis, tout aussi doucement, il me ferma les paupières et ses lèvres se posèrent sur les miennes. Le frisson qui parcourut mon être dura une éternité. Ou peut-être pas.

Mais chaque fois que je ferme les yeux, je peux le ressentir.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.