Shun Vs Hadès : Un combat pour la Vie


Où suis-je ? Qui suis-je ? Tant de questions se bousculaient dans mes pensées en cet instant.
Je m'étais éveillé là, dans ces draps de soie, dans un lieu à l'atmosphère étrange, oppressante, inquiétante. Dans ma tête le visage de ces quelques personnes que je connaissais j'en étais sûr, mais dont je ne saurais dire le nom : ils m'insufflaient le courage d'avancer.
Je me levai de ce lit majestueux, colossal, qui semblait me porter depuis une éternité, ce même endroit qu'il me semblait n'avoir jamais quitté depuis trop longtemps déjà, comme enchaîné. Enchaîné…

Ma tête, elle me procurait une intense douleur, mais ces visages si familiers qui me hantaient, tous me disaient que je devais continuer, pour eux, pour ce qu'il restait. Mais que reste-t-il ?
J'avançais dans ce crépuscule quand je trébuchai sur un objet métallique qui m'intrigua et que je décidai donc de ramasser : une chaîne, une simple chaîne. Ainsi étais-je condamné à trouver sur mon chemin la preuve de ce que, quelques secondes plus tôt en m'éveillant, je pensais être une réalité ? Tout est vague, tout est flou, tout est perdu…

Là-bas, il y a de la lumière, je cours, cours à en perdre haleine, et je le vois, me vois, dans ce miroir éclatant, est-ce donc moi celui-là ? "Non !"

Les brisures de la glace étaient étalées sur le sol, du sang s'écoulait à terre du poing de cet être complètement égaré. Shun, il s'appelait Shun, à présent il s'en souvenait, il se rappelait de tout…

"Mes frères, Athéna, il vous a tués ! Saori, Seiya, Shiryu, Hyoga et toi Ikki. Où êtes-vous à présent ? Pourquoi ne suis-je pas à vos côtés ?"

Il s'écroula en sanglots, recroquevillé comme un enfant, en position fœtale. Il sombra rapidement dans l'inconscience, dans une obscurité semblable à celle régnant en ce royaume : le royaume d'Hadès.


Il se revoyait combattant des êtres aux armures noires de jais, il se revoyait comme possédé, mystérieusement sauvé par une étrange femme aux yeux pairs si magnifique, il sentait la chaleur de cet homme qui lui semblait si proche, cette personne aux yeux d'acier si plein de force et de tristesse. Et ces Chevaliers porteurs d'espoir, combattant les Dieux, puis ce lourd sommeil, pour se réveiller face à l'horreur : l'un d'eux suivait de près le Sacrifice de ceux qui éclairaient de leur aura cet endroit si sombre…
Une épée plantée dans le cœur… Du sang, du sang, encore et toujours, la fin !



"Athéna !"

Shun se réveilla en sueur dans ce même lit couleur pourpre, à peu de nuances près la couleur du sang. Ces rêves l'avaient ramené à la réalité, il se remémorait tout à présent : la mort atroce de ses frères, Athéna décapitée par l'épée tranchante d'Hadès, le Dieu ténébreux s'approchant de lui, alors que lui-même tenait en ses bras Hyoga entaché de sang…
Et ces paroles dites d'un ton froid, presque détaché : "Ta destinée est toute autre, goûte au Ultimate Drowsiness".


Toute était remonté en ma mémoire, une réminiscence totale. Je retenais mes larmes : le temps des pleurs était à présent achevé. Je devais finir ce qu'ils avaient commencé, je devais les venger, quitte à me sacrifier encore une fois. Hadès tu regretteras tes actes, c'est une promesse que je vous fais mes amis, Athéna je jure d'accomplir ce pour quoi tu te battais : l'éradication du mal pour la sauvegarde de l'Humanité.

Je fis exploser mon cosmos puis me vit recouvrir de cette armure qui me semblait connaître une nouvelle vie, cette armure imprégnée de l'aura bienfaitrice d'Athéna. : l'Andromeda Cloth, rayonnante comme jamais, transperçant la nuit ambiante de ses rayons dorés.
Les chaînes s'enroulèrent autour de moi comme mues par une volonté propre, formant une sphère autour de moi, sphère grandissant de plus en plus. Puis elles se détendirent vers le haut en s'entrecroisant, se frottant l'une contre l'autre dans un bruit métallique des plus intenses, pour enfin se déployer en un angle de quatre-vingt dix degrés, faisant apparaître entre les deux extrémités des éclairs de lumière, étincelles de rage,

Mais où pouvais-je donc être ? Tout n'était que désolation à perte de vue, le ciel était rouge sombre, pratiquement noir, la terre était morte, à la fois glacée et brûlée.
Qu'était-il donc arrivé à notre planète ? Je concentrais mon cosmos à la recherche d'êtres vivants, mais malheureusement toute la planète était infestée d'une atmosphère oppressante qui ne laissait rien transparaître. Maudits soient les Dieux qui se jouent des mortels !

Je fis retomber mes chaînes au sol, ne souhaitant plus apercevoir ce spectacle de ruines, serrant les armes pour retenir ma tristesse. Je courus à la vue de ce temple au loin, ce temple qui me semblait si familier. Ce ne fut pas une, mais douze maisons en ruines que j'aperçus de là où je me trouvais : le Sanctuaire ! Enfin ce qu'il en restait…

En quelques secondes je me retrouvai devant ce premier temple, à présent vide de tout, même de l'aura de ce majestueux guerrier : Mû, Chevalier d'Or du Bélier. Lui aussi avait disparu, honorant de sa vie une promesse depuis longtemps conclue : vivre et mourir en l'honneur d'Athéna, pour que sa cause toujours triomphe.BR> Que de souvenirs m'assaillent, que la solitude me pèse. Je traverse ces maisons l'une après l'autre, dans l'inavouable but de retrouver ma Déesse en son temple. Gravir ces nombreuses marches, cela me ramenait en un temps si lointain me semblait-il…

En repassant par ces lieux, je ne pus que constater à quel point tout avait à présent changé, comme moi-même avais été transformé. A l'époque je n'étais qu'un enfant encore peu confiant, attendant trop que l'on s'occupe de lui, répugnant à la guerre, à la tristesse. Même si aujourd'hui faire couler le sang me provoque encore toujours cette aversion, je sais qu'il faut parfois monter à la bataille pour faire triompher le bonheur. Il est si tragique de penser que le bonheur de l'Humanité ne s'acquiert que par le sang, que l'équilibre précaire du Monde n'est que le fruit d'innombrables batailles ; pourtant c'est à ce moment là que j'ai réellement pris conscience de ce qu'impliquait le fait d'être Chevalier, quand je courais vers ce 12ème Temple, celui d'Aphrodite, en compagnie de Seiya, celui grâce à qui nous avons toujours porté le flambeau de la Victoire.
Comme je me sens seul, jamais au cours de ma vie je n'ai eu à me montrer véritablement responsable : la Fondation avait décidé de me faire Chevalier en m'envoyant sur l'île d'Andromède, car Ikki l'avait décidé, il y a toujours eu mes compagnons d'arme pour me dire qui aller affronter, vers qui me diriger, et si jamais par le passé j'ai failli, c'est aussi car je savais que je n'étais pas seul : Niissan était présent à mes côtés en cas de coup dur. Sentir mes frères auprès de moi stimulait mes capacités, Athéna emplissait mon cœur de liesse lorsque celui-ci entrevoyait le désespoir…
Même si je ne les sentais plus auprès de moi, je savais que quelque part ils m'attendaient probablement, il ne pouvait en être autrement. Après tout nous avions combattu sur Terre, dans le royaume des Océans, allant même jusqu'en Enfers pour faire valoir notre idéal, cet idéal qu'Athéna nous insufflait chaque seconde, sa douce cosmoénergie si apaisante ragaillardissant nos âmes même dans les moments les plus douloureux. Grâce à elle j'avais repoussé ce monstre qu'était le Seigneur des Ténèbres, celui qui jadis me posséda.
Il fallait que je me ressaisisse, que j'arrête de penser au passé, que j'aille de l'avant.

Ca y est, j'y étais enfin : le Temple d'Athéna. Tout du moins ce qu'il en restait.
Un amas de débris, des fragments de pierre à perte de vue. Des 13 temples, ce dernier était probablement celui qui ressemblait le moins à sa forme originelle, quant à y dénicher une quelconque présence, peine perdue : pas trace d'âme qui vive, rien que des pierres, rien que du vide. Non !

Ecarquillant les yeux, Shun distingua des morceaux d'armure : l'armure de l'Ophiucus, démantelée, complètement détruite.

Alors ils étaient restés se battre, Shina, Marine, Jabu et les autres. Baissant les paupières, je revis alors un visage qui, je n'en avais alors peut-être pas pleinement conscience à l'époque, éveillait en moi des sentiments d'amour encore méconnaissables pour ce jeune être que j'étais encore : June. Elle aussi disparue, comme tous ceux que j'aime, il n'en reste aucun…

Dressé au sommet de l'Acropole le paysage dans son immensité n'offrait décidément qu'un spectacle chaotique. La Terre semblait unie au Ciel par le mariage des Ténèbres : était-elle morte ?

La Mort… Nous avions pourtant terrassé la Mort : Thanatos avait été vaincu, alors comment se pouvait-il ? Après tout, si Hadès avait pris mes frères malgré la destruction de la Mort elle-même, alors l'Espoir demeurerait toujours, malgré la disparition d'Athéna. Tant que je vivrai, l'Espoir sera !

Je fermai les yeux, me concentrant afin d'acquérir une certaine forme de sérénité, lacéré intérieurement entre tous ces sentiments contradictoires qui faisaient se déchirer mon âme en milliards de morceaux épars.
Soudainement j'ouvris les yeux et fis exploser mon cosmos.

Hadès, c'est par toi que tout s'est achevé, à présent il est temps de réécrire l'histoire !

Si personne ne vient à moi, alors je viendrai à mon ennemi. Je me concentrai pour me remémorer l'empreinte de l'essence d'Hadès, après tout naguère mes chaînes avaient bien traversé des dimensions pour frapper Saga, alors pourquoi pas Hadès ?

- Chaîne nébulaire ! Trouve mon ennemi !

Ma chaîne se dressa et fonça droit devant, soudain elle se retourna et se dirigea vers moi, mais que se passait-il ? Non, j'avais beau essayé de la retenir, elle arriva zigzagant en direction de mon cœur… J'ai toujours eu une confiance aveugle en cette chaîne qui, à force de combats, est devenue plus qu'un simple objet : elle est devenue ma protectrice. Je fermai les yeux, après tout si ma chaîne elle-même, cette chaîne qui fait partie de moi, qui est moi, avait décidé d'agir de la sorte, alors c'est que tel est mon destin, et je l'acceptais volontiers. Je rouvris les yeux et là que vis-je ? Une sorte de brèche à même l'air, à hauteur de mon plastron, juste devant mon cœur. La chaîne s'engouffrait à l'intérieur à une vitesse folle, comme devenue hystérique, chasseresse à la recherche d'une inestimable proie.

Soudain un trou béant apparu devant moi, un gouffre sombre, tel que j'imaginais le néant… Un homme avança, vêtu de ce qui semblait être un surplis, ce ne pouvait être que lui, celui qui m'inspirait à la fois tant de crainte, de dégoût, mais en même temps de pitié : j'avais bien senti au fond de moi, quand celui-ci s'était emparé de mon enveloppe de chair, qu'il recelait en lui une immense mélancolie. Il me toisa de haut, fièrement, une pointe de dédain dans le regard. Ses ailes semblaient faire de lui un archange, venant apporter autour de sa personne Mort et Destruction : tout en lui inspirait majesté et noblesse. Peut-être est-ce là l'apanage des Dieux ? Après tout Saori et Julian eux aussi transpiraient cette impression, même si la sensation qu'inspirait Hadès n'était en rien comparable avec ce que représentait Athéna.

- Toi ! Je te croyais à jamais endormi par l'effet de l'Ultimate Drowsiness !
- Le passé toujours ressurgit Hadès. Toi qui es un Dieu devrait savoir que chaque crime mérite châtiment !
- Et c'est ce qui, par le tranchant de mon épée, fut accompli. Comment oses-tu me regarder avec ces yeux emplis de défiance ? Comment oses-tu m'adresser ainsi la parole alors que j'ai, dans mon infime bonté, daigné t'épargner ?
- Jamais je ne te pardonnerai tes odieux crimes Hadès !

Le regard du Dieu des Enfers se fit plus mélancolique que jamais, comme perdu dans le vide…

- Sache, jeune Andromède, que le poids de l'immortalité que j'ai fait mienne me fait porter un regard tout autre que le tien sur ce monde que tu sembles chérir. J'ai créé les Enfers pour être vénéré des Hommes, dans l'espoir que ceux-ci puissent comprendre que la vie est un don et qu'il est essentiel de la consacrer à un idéal afin de s'accomplir personnellement. A force de temps, les Hommes ont cessé de me voir tel que j'étais, ils se sont cru maîtres de leur Destinée, ils se sont pris pour leurs propres Dieux, oubliant que la Vie n'est qu'une part infime dans leur existence : chacune de leurs âmes me revient de droit ! Athéna n'est qu'une pauvre idiote qui pense que l'Humanité ne doit vivre que pour elle : elle insuffla la Vie aux Hommes, je la leur reprends et les fais demeurer pour l'éternité en mon royaume. En oubliant ceux qui les ont créés, les Hommes se sont oubliés et ont couru vers leur propre destruction. Ils ont commis un crime capital, ils sont coupables de parricide, en nous oubliant, ils ont tenté de nous annihiler !

- En vous oubliant ? Mais comment peut-on rendre grâce à un Dieu qui dans l'éternité prend plaisir à voir souffrir les âmes de mortels ? J'ai bien constaté le funeste destin que tu concédais aux âmes en ton royaume maudit ! Comment pourrait-on honorer un Dieu qui est capable de tels crimes ?

- Ne joue pas les vertueux au nom de ta Déesse Shun. As-tu oublié qu'à cause d'elle toi, ainsi que tes frères, avez souffert milles morts ? As-tu volontairement effacé de tes souvenirs tous ces hommes qui par votre faute ont été décimés ? Et toutes ces femmes qui ont souffert en apprenant que leur seul et unique amour était mort au combat pour une Déesse de Compassion ? Sans compter tous ces enfants achevés lors de leur entraînement car trop faibles pour devenir les valets de celle qui se fait appeler la Déesse de la Justice. Tes justifications me dégoûtent Shun : Athéna est en bien des points pire que moi : elle est autant coupable, sinon plus encore, de crimes envers l'Humanité ! Et tu sais ce qui outrepasse tout cela : elle traite les Hommes comme s'ils n'étaient que de vulgaires animaux, incapables de prendre en main l'avenir de la Terre. Si comme elle se plait à le dire la Terre n'appartient qu'aux Hommes, alors pourquoi ne les laisse-t-elle pas se débrouiller seuls ? Tout simplement car elle sait que sans elle, la Terre verrait sa propre fin ! Sa mauvaise foi est sans limite et elle fait de vous ses marionnettes…

Shun porta un regard blessé sur le Seigneur des Enfers puis tomba à genoux, fixant le sol. Une larme vint entacher la terre desséchée. Soudain celui-ci releva fièrement la tête, essuyant d'un revers de la main ses yeux humides, et marcha en direction d'Hadès.
Une brise vint soulever les cheveux d'Hadès et de Shun quand ce dernier passa à côté du Dieu en Kamui, sans même lui accorder un regard.

Hadès se retourna et ne put s'empêcher d'apostropher Shun.

- Ainsi tu t'en vas ? Mais où vas-tu ? Sache que la Terre est morte, elle est à présent sous ma domination. "Vous qui venez ici, abandonnez tout espoir" : ceci est à présent valable à l'échelle mondiale. A présent la Terre ne t'apportera plus rien, accepte de te joindre à moi Chevalier, je ferais de toi mon bras droit : en tant que dernier vestige de la pureté humaine, tu mérites une place privilégiée dans mon monde.

Le jeune Saint se retourna vivement et défia Hadès du regard.

- Je ne pars pas détrompes-toi. Je crois qu'aujourd'hui je comprends mieux Ikki. Parfois rien ne sert de parler…

Soudain la chaîne d'Andromède fila en ligne droite sur la Divinité crépusculaire qui n'eut aucun mal à l'éviter.

- Pathétique Shun.
- "Boomerang Shoot"

L'attaque avait échoué du fait du décalage vers la gauche de la divinité en surplis. Instinctivement, alors que la chaîne comptait frapper ce Dieu austère par la droite, elle revint en arc de cercle vers le gauche, prête à le transpercer dans le dos. Malheureusement, face à un des trois Empereurs Suprêmes de l'Univers, il en fallait bien plus.
Hadès, dans un mouvement d'une rapidité déconcertante, se retourna pour attraper dans sa main l'arme acérée juste avant que celle-ci ne l'atteigne. C'est là qu'une décharge de dix-milles volts parcourut en un instant les maillons de ce lien indestructible pour aller s'éteindre dans la paume du Dieu impassible.

- Est-ce comme ça que tu comptes me vaincre ?
- Après tout n'avons nous pas toute l'éternité ?
- Je t'apprendrais à modérer tes paroles, stupide mortel ! Je te croyais digne d'être mon serviteur dévoué. J'aurais dû me douter que même le plus pur des hommes reste avant tout homme…

En disant cela le regard d'Hadès s'assombrit encore plus qu'en temps normal.

- On dit qu'un Dieu est par nature omniscient et omnipotent, pourtant j'avoue avoir commis une erreur : avoir cru en toi…

Hadès prit alors son épée et la pointa en direction du Saint d'Andromède

- Ici s'achève définitivement le sursis d'existence que je t'ai gracieusement offert : "Dark Sword Judgment".
- "Rolling Defense"

Au moment même où des tourbillons d'acier venaient faire rempart de leurs maillons au corps de Shun, l'épée d'Hadès se vit entourer du cosmos de son détenteur et, mû par sa détermination, fonça directement en direction du dernier représentant d'Athéna.

Une lumière aveuglante traversa le paysage en ce moment fatidique. Le Maître des Enfers lui-même dût clore ses yeux un instant afin d'apercevoir l'issue de cette attaque destructrice.
Shun était inerte, étendu par terre, sa chaîne brisée en maillons épars, l'épée plantée dans le flanc gauche. Ca et là des débris d'armure, pourtant réputée comme quasi-indestructible au vu de son rang, jonchaient le sol, rapidement souillés par le sang s'écoulant d'Andromède.
Pourtant celui-ci bougeait encore…

Les yeux fermés par la douleur, sa main droite se saisit du pommeau de l'épée et d'un coup sec, il retira cette masse douloureuse qui pénétrait sa chair et traversait son corps.
Ses yeux, ses yeux reflétaient, par delà même la douleur, une volonté inébranlable.

Se tenant debout à l'aide de l'épée, Shun hurla :

- Est-ce ça qu'être un Dieu ? Je pensais que derrière cet être austère que tu représentais se trouvait un cœur ! Quand je t'ai abrité en mon corps j'ai ressenti ta douleur, j'ai cru que je mourais, non pas de souffrance, mais de peine. Je pensais que cette mélancolie que depuis toujours je porte en moi, cette destinée liée au Sacrifice, n'était que le reflet du lien profond qui nous unissait : ma recherche de la mort, ma recherche de toi, et toi qui portait tant de regrets, et tes yeux emplis de nostalgie.
- Sache que tu n'es que le corps qui m'était destiné, sache que je t'ai offert ce privilège, et non l'inverse. En aucun cas un homme ne peut ne serait-ce qu'effleurer la compréhension de Dieu.

Hadès se mit à marcher lentement en direction du Saint ébranlé. Aux yeux du détenteur de l'armure d'Andromède, chaque pas qu'effectuait le Seigneur ténébreux semblait durer des minutes, accentuant encore plus la sensation qu'il avait d'aller réellement vers sa destinée.

- Arrêtes-toi !

Le Maître du Meikai s'arrêta effectivement et fixa étrangement le jeune être humain.

- Ainsi tu es décidé ? Tu ne veux pas même céder à l'honneur de mourir des mains de l'Ultime Dieu ?
- Jamais !

En cet instant, des larmes coururent sur le visage d'Andromède. Ses armes se reformèrent, chaque chaînon reprenant vie tout comme leur propriétaire semblait l'avoir fait quelques instants auparavant : les maillons se reconstituaient invariablement. Comme lors de son éveil, ses chaînes se dressèrent vers le ciel comme défiant de par leur grandeur l'austère divinité à présent menace mortelle. Elles s'entrechoquèrent dans un bruit métallique des plus puissant, se frottant l'une contre l'autre, s'enlaçant et se fondant en parfaite symbiose, montant vers les cieux, encore et toujours. Arrivés à une hauteur phénoménale, celles-ci se séparèrent en un bruit sourd, liées par la pointe et la sphère en un étrange filet lumineux.

Une lumière intense éclaira soudain le Sanctuaire.

Un éclair venait de tomber droit sur Hadès qui n'eut que le temps d'apposer sa main, paume vers le haut, afin d'arrêter la foudre dans sa chute.
En effet, Shun venait de charger sa chaîne en électricité grâce au frottement des deux extrémités et, à présent, il déchaînait son pouvoir. Si la fin du monde n'avait pas déjà eu lieu, tout être vivant à des kilomètres à la ronde aurait cru à l'apocalypse : des éclairs zébraient le ciel en multiples striures, déchirant la voûte obscure afin de lui rendre sa lumière d'antan.

Le Dieu du Monde des Morts restait là à observer d'un regard morne et interrogateur celui qui un jour lui servit d'enveloppe de chair, celui qui déjà en cette époque avait osé se rebeller et s'opposer à son assujettissement.

Que les humains sont stupides, décidément aucun d'eux jamais ne comprendra. Si être Dieu est une condition supérieure, ressentir est également un état supérieur aux Dieux. Ainsi souffrir pour l'éternité est bien supérieur à la souffrance d'une vie… Que je les déteste, eux de simples mortels, comment peuvent-ils jouir d'un tel privilège ? L'Amour durera bien une vie, mais jamais dans l'éternité ne perdurera. Je les admire pour cet espoir qu'ils portent en eux, malgré tout, l'espoir ne vit qu'une vie : l'éternité vient à bout de tout sentiment, et chaque élément, même sentimental, finit par doucement s'effriter, pour finalement disparaître…

Un éclat de diamant vint entacher la joue albâtre du sombre Seigneur, mais cela Shun ne pût le voir.

En effet, ajoutant aux éclairs pourfendant le ciel, une tornade d'une intensité sans pareille menaçait de s'accroître encore plus violemment de seconde en seconde. Sous l'effet des bourrasques les chaînes tournoyaient et se tordaient de manière à ce que la foudre tombant des cieux gagne encore plus en violence et en intensité. La cosmoénergie de Shun tournoyait autour de lui en flammes roses mêlées d'étincelles dorées. Ses yeux n'étaient pas visibles, il baissait la tête en vue de se concentrer : son aura emplissait les lieux de douceur mais aussi, et chose étrange, de soif de revanche. Malgré la violence des éclairs et de la tornade, l'air respirait la sérénité. Son regard vint soudain transpercer Hadès.

- Toi disparu, je pourrai reconstruire la Terre des Hommes !

Instinctivement le vent se vit devenir véritable arme destructrice, soufflant d'une puissance humainement inégalée, faisant reculer le Dieu en surplis de plusieurs mètres. Le sable volait en tout sens, aucun des deux ne pouvait plus distinguer son adversaire. Hadès décida de mettre fin à ce jeu ridicule et, du tranchant de la main, vint séparer le mur de poussière rendant impossible toute vision de l'autre. Telle la mer se séparant en deux, le nuage de sable ouvrit la voie de leur positionnement respectif. Voilà ce qu'il attendait : la foudre née des chaînes d'Andromède vint à ce moment là s'abattre sur le Seigneur Noir dans un bruit gigantesque, résonnant jusque dans les entrailles de la terre. Hadès n'avait rien vu venir…
Et comme pour achever sa meurtrière attaque Shun rappela à lui ses chaînes et les lança à la recherche de son ennemi.

Le silence se fit soudain pesant, l'obscurité n'était plus dérangée par les éclats de lumière, le vent ne gratifiait plus l'atmosphère de son bruit cinglant, seule la poussière voletait encore ça et là, doucement, ne laissant guère apparaître l'état de nos deux combattants…
Alors que lentement les impuretés retombaient au sol, un souffle destructeur vint éloigner tous ces gravats qui empêchaient de voir convenablement. Hadès était là, à genoux, se tenant l'épaule droite en sang. Deux ailes s'étaient détachées de son surplis, ailes qui avaient efficacement servi de paratonnerre, laissant au plus pur des Saint l'opportunité d'attaquer dans toute sa puissance l'auteur du sauvage meurtre des êtres qu'il aimait plus que tout au monde, le meurtrier d'Ikki…

Est-il possible que lentement il s'éveille au 9ème sens ? Est-il possible qu'un humain malgré sa condition puisse avoir dans ses actes de réels fondements autres que des sentiments égoïstes ? Ce jeune garçon agit bien sûr à travers sa souffrance, mais l'idéal qui l'habite est bien plus noble : il veut honorer la mémoire des êtres qu'il a perdus, accomplir sa destinée et achever celle de ses amis. Malgré tout je suis l'un des premiers détenteurs de la Big Will, je suis destiné à siéger en tant que Maître Suprême de l'Univers.

Shun s'avança, comme un de ces habitants du monde des morts dénué de toute volonté, vers Hadès, perdu dans ses pensées, afin de lui porter le coup de grâce, afin d'accomplir enfin ce pourquoi il était né : lui aussi était Chevalier de l'Espoir, il honorerait la mémoire de ses frères et de sa Déesse.

C'est là que ce dernier, malgré le sang maculant son épaule, dans un geste majestueux, faisant retomber gracieusement son épaisse chevelure noire sur son surplis de jais, fièrement vint oppresser de son aura la stature du jeune Saint.

- Je te concède une qualité Andromède, tu n'es pas auteur de paroles en l'air. Toutefois tu as émis l'acte le plus répréhensible qu'il est possible d'exécuter en tant que mortel : tu as levé la main sur Dieu, pire, tu m'as blessé ! Et cela tu vas le payer de ta vie, mais bien plus encore, de ta mort !

Shun resta prostré, les yeux exorbités : Hadès s'était levé à la vitesse de la lumière et était passé derrière lui en une fraction de seconde. La dernière chose qu'il entendit fut "Eternal Pain".

Une éternité de souffrances, voilà ce qu'il m'en coûtait. Je tombais dans un gouffre sans fin, un gouffre profond, chaque visage qui apparaissait à mes yeux était celui de l'une de mes victimes. Oh non, par Athéna, tant de personnes se montraient à moi ! Finalement j'atterris… j'atterris en Elysion ! Ils étaient là, mes frères, Athéna ! Je sentis des larmes me monter aux yeux. Ils étaient tous les quatre en armure divine, Saori elle aussi était vêtue de sa divine Kamui. Mon cœur était libéré de toute peine, qu'il était bon de les revoir en vie !
Soudain l'ambiance paradisiaque régnant en ces lieux se vit entachée de cette aura si sombre.
Je regardais Seiya quand, tout à coup, une tâche écarlate apparue à l'endroit même de son cœur… Non ! Je criais mais ils ne m'entendaient pas. Dans ses yeux se lisait l'incompréhension. Son regard traversa le mien et il sembla me demander : pourquoi ?
Je tournais la tête en direction de Hyoga, mais ce que je vis me glaça d'effroi : un corps sans tête. Ikki, Shiryu ! Non, noooooooooooon ! Athénaaaaaaaaaaaaaaaaa !
Et là je me vis tomber à nouveau dans ce précipice sans fond, tenant ma tête entre mes mains de peur que cette dernière n'explose ! N'explose…

Quand je rouvris les yeux je me vis à nouveau entouré de mes frères : ils semblaient si fiers. Mais pourquoi donc cet air si serein sur leur visage ? Ils me sourirent et Ikki tendit le poing en ma direction, un fin rayon orange en jaillit, venant me frapper au cerveau.

Des pas s'éloignaient de moi.


Hadès curieusement se retourna, alerté en cela par son 6ème sens aguerri. Il ne pouvait en croire ses yeux ! Shun était plus mort que vif, venant de subir l'ultime attaque psychique du Dieu des Enfers, et pourtant encore possesseur de la gerbe de vie qui anime tous ces humains, il tentait désespérément de se relever.

Même les prisonniers du Cocyte n'étaient sujets à tel châtiment ! Et pourtant pas un seul d'entre eux n'avait réussi à s'échapper de par sa propre volonté de cet Enfer de glace. Alors comment un minable Chevalier avait-il pu échapper à l'Eternelle Souffrance ?

Cet étrange enfant a fait naître en moi un sentiment que je ne saurais décrire. Après tout si Athéna, une déesse, a pu faillir, suis-je-moi aussi faillible ? Mais qu'est-ce que je raconte ? Je ne suis pas comme Athéna, je suis Dieu tout puissant ! Ma volonté est loi, mon désir est réalité, et mon envie est ordre. Je suis Hadès, Seigneur tout puissant, et cet être qui a su éveiller en moi cet étrange sentiment va devoir périr une bonne fois pour toutes. Après tout lui-même me l'a dit : s'il ne veut pas mourir, il me reste l'éternité pour le faire souffrir…


Mes frères… Ils n'ont donc pas été annihilés, leurs âmes sont saines et libres de l'emprise d'Hadès. Leur sourire représente l'Espoir qu'ils portent en moi. Ils m'ont accordé une ultime chance, elle sera la dernière. Relève-toi Shun, relève-toi, pour toi et pour tes frères, pour l'idéal que vous représentez : un idéal de Justice et d'Amour. Pour Athéna !



Le temps semblait s'être arrêté entre les deux êtres se tenant face à face. Hadès avait perdu de sa majesté, son surplis gravement atteint. Pourtant son aura n'avait en rien faiblie.
Shun quant à lui saignait abondamment du flanc gauche, le corps entièrement meurtri, les os brisés, les débris d'armure, de sang souillés, encore collés à lui.
Pourtant le jeune Saint avait en lui quelque chose qui valait largement la colossale cosmoénergie du Dieu ténébreux : l'Espoir et la force de ses frères !

Derrière Shun apparurent quatre auras de couleur vert, rouge, orange et blanc, le tout entremêlé de son cosmos rose et doré. Le Chevalier d'Andromède se vit recouvrir d'un véritable rempart de chaînes, formant une sphère infranchissable, les maillons se frictionnant les uns aux autres dans un crissement inhumain. Les chaînes se mirent à rougir et devinrent aussi chaudes que la braise.

- "Nebula Sphere !" Pour Ikki

La sphère incandescente fonça sur Hadès à la vitesse de la lumière, celui-ci se vit littéralement écraser par la force de cette boule d'acier flamboyante. Déjà il avait perdu ses dernières ailes et son casque au loin avait volé.

La sphère s'arrêta à quelques mètres du Dieu et soudain, tels les rideaux s'ouvrant avant le dernier acte d'une pièce, les chaînes s'écartèrent pour laisser passer un courant d'air glacial comme le givre du Cocyte.

- "Freezing Capacity !" Pour Hyoga.

Le gel aussi brûlant que les flammes de l'Enfer vint entourer le Dieu aux noirs desseins pour le recouvrir d'une épaisse couche de glace éternelle.

Une aura d'un noir éclatant grandit et vint briser le verglas entourant son corps. Il essayait de reprendre son souffle mais Andromède ne lui en laissa pas le temps.

- "Chain Fists !" Pour Shiryu et Seiya…

Les chaînes se virent former des boulets et frappèrent Hadès sur chaque parcelle de son corps, laissant échapper à ce dernier d'intenses cris de douleur.

La chaîne nébulaire se regroupa pour ne former qu'une immense masse, semblable à une colonne. Tout autour de ce pilier fait d'acier, un courant rosâtre à l'allure d'une tempête des plus violentes prit forme.
Hadès à ce moment là, en tant que digne représentant des Enfers, se redressa et croisa ses mains devant lui, afin d'encaisser cette attaque qui, de par sa forme, semblait être l'ultime arcane du Chevalier d'Andromède. Cependant le jeune Saint n'attaquait plus, il semblait réfléchir, tiraillé entre son devoir et un tout autre sentiment….
Tout à coup, une volute de fumée noire apparut des paumes du Seigneur des Ténèbres.

- "Poison Dark Shield"

La spirale faite de cette effluve sombre qui émanait du Dieu, s'étala soudain devant sa personne, telle une toile arachnéenne créée dans le but même d'attirer sa proie vers la mort.

- A présent tu ne pourras plus rien faire contre moi ! Quiconque porte un coup en présence de mon ténébreux bouclier envenimé se voit réduit à encaisser sa propre attaque. Tu ne peux plus rien contre moi, tu es condamné !
- Cela fait longtemps déjà que tu nous as tous condamnés Hadès.

Un cri, ultime, retentit finalement

- "Athena Victory !"

La colonne vint à l'encontre du rempart crépusculaire érigé par Hadès, mais celui-ci, tiraillé entre force brute due à la chaîne, et force naturelle, enfant du souffle venteux, ne parvint pas à contenir toute la force de cet homme qui, à présent, était devenu l'égal d'un Dieu. Le cosmos de Shun perfora littéralement le mur protecteur.

L'ultime arcane du Saint d'Andromède vint transpercer l'abdomen de celui qui avait jugé bon de reprendre son corps originel.
A ce moment là, le bouclier empoisonné se disloqua et, dans un nuage gazeux, vint pénétrer les narines de celui qui avait attenté à l'existence même de Dieu. A l'instant même un trou se creusa de l'intérieur dans l'abdomen de Shun, stigmates similaires à celles infligées à son adversaire. Tenant encore difficilement debout, le jeune Chevalier cracha du sang…

Les deux se laissèrent tomber au sol, ce fut le dernier bruit que l'on entendit : un bruit sec, lourd de sens.


Ainsi donc l'Espoir existe ? En me terrassant, cet homme m'a prouvé que les millénaires passés à haïr les hommes n'étaient en fait que des millénaires passés à les envier. Bien des êtres ont réussi en une vie à se réaliser à travers un sentiment que je viens à peine d'atteindre : l'Amour. Est-ce donc l'Amour l'ultime sens qui a permis à ce Chevalier de me vaincre ? Ma mélancolie perdure à présent, car à défaut d'avoir pu connaître ce sentiment, j'ai enfin pu l'effleurer. Athéna, si tu savais à quel point tu es chanceuse d'être à ce point aimée, et d'avoir offert ce don à ces hommes que tu as créés. Ma destinée est donc de disparaître dans les ténèbres, car ténèbres je suis et ténèbres je resterai… Pardonne-moi Shun d'Andromède, je n'ai pas réussi…

La tête du Seigneur du Royaume des Morts se vit pencher sur le côté : des larmes maculaient son visage.


J'ai réussi, j'ai enfin accompli ce pourquoi j'étais né : le Sacrifice. Cette chose que certains nomment folie pure m'aura permis de m'accomplir en mon Destin. Andromède ma protectrice, mène-moi vers mes frères je t'en supplie. A présent j'ai vengé ma Déesse et mes frères, la Terre retrouvera le chemin de la Vie, plus personne ne viendra lui barrer le chemin. Qui sait, peut-être que l'Humanité n'est-elle pas morte ? J'ai vaincu grâce à ma foi, je mourrai en conservant mes espoirs… Je sais, j'ai toujours su que tu n'étais que souffrance, mélancolie et peine, seulement tu n'as pas voulu te laisser aller à la douce chaleur de ton cœur engourdi. Pardonne-moi Hadès, je n'ai pas réussi…

La tête de Shun s'inclina du côté d'Hadès. Les larmes lui vinrent aux yeux. Il tendit sa main en direction de celle du Dieu déchu, et lâcha son dernier souffle lorsque celle-ci vint se poser dans la paume de son ennemi le plus redoutable, mais aussi de celui qu'il lui semblait le mieux connaître.



Quelque part à des milliers de kilomètres de là, deux jeunes enfants, un garçon et une fille, tremblaient au fin fond d'une grotte. Soudain un rayon de lumière pénétra l'obscurité éternelle de cette caverne crépusculaire : une lueur d'espoir dans la nuit.

Entre deux corps inanimés se mit à pousser une plante des plus étranges qui scella dans un sépulcre de Vie deux êtres destinés à la Mort : Shun, Chevalier d'Athéna, et Hadès, Dieu Souverain du Royaume des Morts.

La Mort en soi n'est donc pas une fin, mais bel et bien un renouveau.
Le tombeau commun des deux sera le lieu de renaissance d'un nouveau Sanctuaire : une Terre d'Amour…



En offrande au dieu ténébreux qui, de par sa présence, irradie même les plus sombres coins des Enfers.

A un ami très cher : Hadès.

Andromeda Shun


Retour au sommaire - Chapitre suivant

www.saintseiya.com
Cette fiction est copyright.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.