Chapitre 2 : Apprivoisé par une Femme (Fenrir d'Alioth)


Les yeux encore lourds de sommeil, je me levai d'un bond brisant ainsi la fine pellicule de glace qui tentait de prendre possession de mon corps.
- Quel était ce bruit qui m'avait brusquement fait revenir du royaume des songes ?
Passant rapidement les mains sur mon visage encore humide, je vis que Jing était déjà à l'affût du moindre mouvement comme, du reste, tous ses congénères.
-" C'est étrange, murmurai-je, on aurait dit le cri de quelqu'un. "
- Mais qui cela pouvait-il bien être ?
- Qui pouvait se trouver dans ce lieu égaré à une heure aussi matinale ?
Soudain, Jing se mit à hurler puis à courir droit devant lui, évitant les buissons avec agilité. Instinctivement, je lui emboîtais le pas, imité en cela par le reste de la meute. Après une longue course à travers une forêt encore somnolente, nous arrivâmes près d'une falaise de glace, rempart naturel préservant cette vallée de la colère d'un puissant torrent. Bien que gelée, je pouvais distinguer les formes variées prises par la glace pour pouvoir l'emprisonner dans ce cercueil si blanc, si étincelant…
Malgré l'heure matinale, le soleil dominait déjà le ciel qui semblait être peint dans un bleu presque irréel. Ses rayons, reflétés par les cristaux de givres, me brûlaient la peau mais je commençais à m'y habituer. Par contre, mes yeux me faisaient souffrir car encore peu réactifs étant donné mon busque réveil. Voir s'étendre cette mer de neige par un temps pareil était un véritable supplice.
Un long hurlement me tira, non sans peine, de ma somnolence. C'est alors que je vis Jing remuer avec énergie la queue pour m'indiquer qu'il avait flairé quelque chose. Le cœur tambourinant contre ma poitrine, j'avançais pas à pas vers le rebord de la falaise puis, lentement mais toujours intrigué, je penchai la tête. A ma grande surprise, je ne vis rien sauf un mince filet d'eau cristalline ruisseler le long de la glace qui semblait se fissurer de plus eu plus.
- Peut-être est-ce le craquellement de la glace qui m'a réveillé ?
Quoiqu'il en soit, la vue de cette eau me donna envie d'y plonger. Rappelant Jing qui arriva en trombe comme à son habitude, je me mis en route afin de trouver un endroit non prisonnier de cette glace toujours aussi palpable. Au bout de quelques minutes de marche, un bruit sourd devenait perceptible. Cela ressemblait fort à celui d'une cascade…
La vue de cette eau bouillonnante d'énergie me remplissait de joie. Bien sûr, n'importe qui ne pouvait se baigner dans cette eau proche de 0 degré mais cela me permettrait de sortir de ma somnolence une bonne fois pour toute. D'ailleurs, c'était bizarre car d'ordinaire, le réveil n'était pas aussi dur…
Quittant mon maigre gilet de fourrure, je m'avançai jusqu'au rebord de la cascade. Je sentis alors une vague d'air glaciale me parcourir le corps, s'insinuait en moi comme pour me dissuader de plonger dans cette eau d'une rare transparence. Le froid commençait à mordre ma chair faisant saillir mes muscles déjà rougis.
-" Jing, que dirais-tu d'un bon bain ? Allez mes amis, tous avec moi ! " hurlai-je, en me jetant dans le vide la tête la première…

***

Je repoussais d'une main mes longs cheveux bleus-gris, collés à mon visage quand je vis Jing nager vers moi, suivi de toute la meute. Ses poils gris étaient devenus brillant et le voir se rapprocher de moi derrière une cascade illuminée par l'éclat immortel du soleil réchauffa mon cœur, refroidi par la température de l'eau. Se rapprochant de la berge, je me mis à arroser mes compagnons. S'en suivit un moment d'égarement lors duquel je ne pensais plus à rien. J'étais redevenu pareil à un enfant, m'amusant, riant aux éclats, profitant de la nature avec mes amis. En fait, je crois que dans ces moments là, je suis resté un enfant…
La température de l'eau commençait à se faire vivement insupportable. Je sentais des milliers de piqûres le long de mon corps tandis que du sang s'écoulait d'une plaie récente, réouverte par le choc thermique sans doute trop brusque. Je regagnais la berge, grelottant, tandis que je ne percevais plus une once de chaleur en moi. Tournant la tête, j'aperçus Jing et les autres continuer de jouer. Cela leur faisait du bien, cependant j'étais impatient qu'ils arrêtent afin que l'ont puissent se réchauffer mutuellement.
Soudain, je ressentis quelque chose de doux recouvrir mes épaules déjà bleutées par le froid. Surpris et presque effrayé, je me retournai vivement, faisant tomber par la même occasion cette protection matérielle que l'on avait déposée sur moi. Un cri s'échappa de ma bouche tandis que je fis quelques pas en arrière ce qui ne manqua pas d'alerter mes compagnons…
Une fille se tenait devant moi, un grand sourire aux lèvres. Elle était d'une rare beauté, pareille à un ange. Ses cheveux blonds étaient attachés par une longue tresse relevée sur le dessus de sa tête, et, à laquelle était mêlé un ruban rouge. Des mèches éparses retombaient de part et d'autre de son délicat visage, le cachant à moitié. Néanmoins, je pouvais distinguer ses yeux qui n'étaient pas sans me rappeler la couleur de cette eau glaciale qui m'avait presque paralysé. En effet, ils étaient d'un bleu limpide mais contrairement à cet affreux liquide, ils dégageaient de la chaleur. J'étais ébahi par tant de beauté et de grâce. Tout cela me semblait irréel car trop beau. Cependant, vînt se superposer à cette créature l'image de ma défunte mère et je ne pus contrôler les larmes qui commencèrent à perler le long de mes joues tandis que mes yeux s'embrumaient de plus en plus. Instinctivement, je baissai la tête mais une délicate main d'une douceur sans pareille se posa sur ma joue glaciale. Puis, la jeune fille se pencha pour ramasser le manteau que j'avais fait tomber tout à l'heure et le remis sur mes épaules.
-" Avec cela, au moins, tu n'auras pas froid " dit-elle d'une vois cristalline tandis que son visage se trouvait à quelques centimètres du mien. Je pouvais sentir son souffle si chaud sur ma peau de glace. Alors, toujours avec autant de délicatesse, elle essuya mes larmes tout en murmurant :
-" Pourquoi pleures-tu ? "
Depuis tout à l'heure, je ressentais une étrange sensation qui ne m'était pas coutumière. Mon cœur battait à une allure folle, allant même jusqu'à provoquer des pincements assez douloureux. Tous mes muscles étaient crispés et je sentais mon sang battre violemment dans mes veines et contre mes tempes. Ma respiration était haletante et un nœud s'était formé au niveau de ma gorge, m'empêchant de m'exprimer.
-" Je…euh…je… " balbutiai-je avec difficulté.
Je perçus soudainement quelque chose de doux m'effleurer la jambe. C'était ce brave Jing qui était venu à mon secours. Bizarrement, elle ne semblait nullement effrayée et plus incroyable encore, mes fidèles compagnons ne lui témoignaient aucune agressivité. J'en étais sûr, cette fille avait quelque chose de particulier.
-" Se sont tes loups ? " interrogea-t-elle ce qui eût pour effet de me sortir des mes réflexions.
-" Euh…oui… " articulai-je avec toujours autant de difficultés.
-" Excuses moi, je ne me suis même pas présentée. Je m'appelle Lynne et toi ? "
-" Fen…Fenrir, je me nomme Fenrir " murmurai-je, non sans gêne…

***

Cela ne devait pas faire loin d'une heure que nous marchions le long de ce torrent et je n'osais toujours pas parler. De temps à autre, je lui jetais un rapide coup d'œil et à chaque fois, je la voyais toujours souriante, regardant à droite, à gauche comme si elle ignorait tout de ce qui l'entourait.
Elle était si ravissante et son parfum sentait si bon que je me blottissais avec énergie dans ce manteau qu'elle m'avait si gentiment prêté afin de mieux en apprécier son être. Son joli gilet était aussi blanc que la neige qui commençait à tomber délicatement, se déposant avec grâce dans ses longs cheveux dorés. Elle portait une longue robe verte-pâle. Puis, je regardais attentivement Jing qui nous suivait tranquillement. La langue pendante et la fourrure quasiment sèche, il semblait avoir chaud. Cela était sans doute dû aux fougueuses caresses qu'elle lui avait données afin de le débarrasser des dernières gouttes qui souillaient sa belle fourrure.
- Comment était-ce possible ?
Lui, qui d'ordinaire montrait de l'agressivité envers tous les Hommes, un peu comme moi, se soumettait parfaitement à cet ange tombé des cieux. Vraiment, je ne comprenais pas ou plutôt je ne voulais pas faire l'effort de comprendre car la même chose m'arrivait. Je ne me sentais pas le courage de lui refuser quoique se soit.
-" Dis-moi Fenrir, où habites-tu ? " me demanda-t-elle soudainement ce qui eût pour effet de me faire sursauter.
Inexplicablement, je sentis mon cœur arrêter de tambouriner et ma gorge se dénoua. Un calme souverain s'empara de moi.
-" Tu sais Lynne, il y a sept ans, mes parents ont été tués par un ours lors d'une promenade en forêt. J'avais alors six ans. Ils étaient ma seule famille. Vois-tu, ce sont ces loups qui m'ont sauvé la vie car après avoir mis ce monstre en déroute, ils se sont occupés de moi et ont su me montrer plus d'affection que tous les humains qui se disaient être nos amis. Je les aime plus que n'importe qui ou n'importe quoi, surtout Jing… "
Ce dernier aboya lorsqu'il entendit son nom comme pour signaler sa présence. Lynne tourna la tête et lui sourit ce qui eût pour effet de lui faire remuer la queue comme jamais il ne l'avait fait.
-" Tu sais, commença-t-elle, moi aussi je suis orpheline. Ma famille était très pauvre et mes parents se sont sacrifiés afin que je puisse avoir la meilleure vie possible. Peu avant leur décès, ils m'ont offert les vêtements que tu vois ainsi que le superbe manteau rouge que tu porte… "
Lorsqu'elle prononça ces derniers mots, je me figeai sur place. Je me saisis du manteau, tout en y faisant attention, et lui tendis. Surprise, elle me regarda avec ses grands yeux bleus et un fin sourire vint éclairer son visage.
-" Gardes le Fenrir, s'il te plaît… "
-" Mais…mais je ne peux pas ! C'est tout ce qu'il te reste de ta famille. Comment veux-tu que j'ai la force de le porter ? "
-" Parce que je te le demande. Je préfère le voir sur toi et surtout, tu en as plus besoin que moi " me répondit-elle toujours avec calme.
Ne voulant absolument pas la contrarier ni la blesser, je le remis sur mes épaules presque à contre cœur.
-" Lynne, interrogeai-je alors que nous reprenions tranquillement notre marche, pourquoi fais-tu cela ? et que faisais-tu ce matin au bord de ce torrent ? "
Quelques minutes s'écoulèrent pendant lesquelles seul le bruit de nos pieds fendre la neige fraîchement déposée se faisait entendre. Je me sentais mal à l'aise car d'après ce lourd silence, j'en déduisais que j'avais involontairement touché un point sensible ou alors j'avais poussé ma curiosité un peu loin. J'allais m'excuser lorsqu'elle pris la parole.
-" Tu sais Fenrir, je…comment dire…, tu es un garçon tout à fait fascinant. Tout à l'heure, près du torrent, je pensais mettre fin à mes jours car j'étais seule au monde… Mes parents étant morts, je n'avais nul endroit où aller car, de plus, des gens ont acheté ma demeure et m'ont expulsé. Ensuite, je t'ai aperçu en haut de cette falaise de glace et j'ai été intriguée. Te voir t'amuser dans cette eau gelée, ignorant par la même occasion la morsure du froid et la paralysie qui devait gagner ton corps, me réchauffa le cœur. Tout semblait être contre toi et pourtant, tu jouais avec tes loups. J'ai senti que tu étais content de vivre. Quand tu t'es approché de la berge, j'ai pu mieux de distinguer… "
Je remarquai soudainement que ses joues commençaient à se teinter de rouge et sans pouvoir l'expliquer, les miennes aussi.
-" Ta longue chevelure flottait doucement derrière toi, laissant s'envoler de fines gouttes scintillant sous les incessantes caresses des rayons du soleil. Tes grands yeux orangers reflétaient tout l'amour et la tendresse que tu portais à ces animaux s'amusant dans le torrent. Ton corps, rougi par le froid, était ruisselant d'un mélange d'eau et de glace qui glissait délicatement, épousant parfaitement les contours de tes muscles saillants. Le sourire que tu arborais, capturait bien la magie de cet instant; tu étais épris d'une joie de vivre sans pareil.
Lorsque je t'ai vu grelotter, je n'ai pu m'empêcher de venir de réchauffer… "
C'est alors que j'aperçus des larmes perler le long de ses joues et venir s'écraser dans cette neige si enivrante. Aussi soudainement que rapidement, elle se précipita sur moi et j'eus juste le temps de tendre mes bras afin qu'elle puisse s'y blottir. Mon cœur battait la chamade et je ressentais ce maudit nœud s'emparer de nouveau de ma gorge tandis que je la serrais contre moi.
-" Fenrir, murmura-t-elle, je cois que…que je suis tombée amoureuse de toi et je voudrais ne jamais te quitter. "
Je ne savais que faire. Durant ma vie, jamais je n'avais été confronté à ce genre de situation. Pourtant, c'était bien réel. Lynne était là, blottie dans mes bras, et je pouvais même l'entendre respirer. Tandis que je la regardais pleurer doucement, une envie folle de l'embrasser s'empara de moi.
- Pourquoi ?
Elle était si belle, vraiment je ne pouvais résister. Je pris mon courage à deux mains et lui redressa la tête en lui levant le menton. Ses grands yeux bleus me fixaient alors que les larmes continuaient de couler. Passant une main dans ses cheveux couleur or, je lui murmurais non sans ressentir mon cœur accélérer le rythme de ses battements :
-" Moi aussi…je t'aime Lynne,, je t'aime. "
Ses yeux se fermèrent relançant par la même occasion une nouvelle vague de larmes. J'approchais doucement mon visage du sien, ignorant les battements effrénés de mon cœur déchirant ma poitrine. Son délicat parfum m'enivrait et m'attirait irrésistiblement. Mes lèvres effleurèrent les sienne quand je sentis des larmes venir embrumer mes yeux déjà à demi-clos.
Puis, les fermant complètement, je me laissai emporter par l'émotion de l'instant et l'embrassa.
Je pouvais sentir ses lèvres sucrées chercher les miennes tandis que sa bouche s'arrondissait pour me laisser entrer en elle. Je l'embrassais fougueusement et mes mains l'agrippèrent encore plus fort. Je voulais lui faire ressentir ce que, désormais, elle représentait pour moi…

***

Le soleil était déjà quasiment couché lorsque j'achevai la construction d'une petite cabane en bois. Bien sûr, elle n'était pas très grande mais au moins, cette nuit, Lynne, Jing, moi et les autres seront protégés des éventuels caprices de la nature. J'avais passé toute la journée à la confectionner tandis que Lynne m'avait apporté les matériaux nécessaires. C'était une modeste cabane avec quelques fenêtres dont les rideaux étaient fait en peau de cerf. A l'intérieur, une petite table accompagnée de deux chaises occupait quasiment tout l'espace disponible. Un grand lit en bois massif faisait l'angle avec la porte. D'épaisses couvertures en fourrure le recouvraient tandis que de nombreuses bougies, placées sur une petite table de chevet, l'éclairaient. A part cela, il n'y avait rien d'autre parce que je n'avais pas eût le temps de tout faire. Nous dînâmes à l'intérieur car dehors, une tempête de neige s'amorçait. Le vent soufflait de plus en plus fort et il fallut attacher solidement les peaux qui couvraient les fenêtres pour que l'intimité de notre demeure reste inviolée. Une douce chaleur emplissait la pièce étant donné que Lynne avait tenu à mettre plus d'une dizaine de bougies en plus du feu de bois dans la cheminée. Bizarrement, le repas s'était effectué sans aucun échange de paroles, même Jing avait dévoré sa carcasse en silence. Pour ma part, j'étais trop gêné pour pouvoir parler.
- Qui aurait pu imaginer ce matin que la journée se déroulerait comme cela ?
C'était d'ailleurs une des rares choses qui me fascinait. En effet, le destin était vraiment quelque chose de particulier…
Après le repas, je m'allongeais sur le lit de fourrure, épuisé par cette mystérieuse journée. Le contact des poils soyeux, si doux et de ma peau me provoqua une sensation de bien être. J'avais légèrement chaud mais rien que d'imaginer la tempête glacée gronder dehors me donna des frissons. J'étais bien, j'étais enfin chez moi…
Les yeux quasiment clos, je sentais le sommeil qui commençait à prendre possession de moi. Mes muscles se relâchaient petit à petit quand je sentis une main d'une infinie douceur se poser sur mon torse. Inexplicablement, un sourire s'empara de mes lèvres tandis que mes joues s'empourprèrent. Mes yeux s'ouvrirent lentement d'eux même et, je vis Lynne, éclairée par la lueur des bougies, me rendre mon sourire. Délicatement, elle me débarrassa de mon gilet et apposa sa deuxième main. Je crus mourir. Mon cœur ne supporterait sûrement pas longtemps les différents états d'émotions par lesquels elle me faisait passer. Je pouvais le voir soulever fortement ma poitrine dans une succession de bruits sourds. Tout en posant une de ses mains dessus comme pour le calmer, elle vint se placer au-dessus de moi avec cette grâce dont je m'accoutumais doucement. Elle était si belle, si rayonnante. Les bougies faisaient pétiller ses grands yeux bleus qui ne me quittaient pas un instant. Je me noyais littéralement dedans comme perdu dans un océan de douceur. Silencieusement, elle approcha ses lèvres des miennes et avant qu'elles ne se touchent, je pus l'entendre murmurer ces quelques mots :
-" Je t'aime Fenrir… "
Je sentais ses mains parcourir mon corps avec agilité tandis que je n'arrivais pas à esquisser le moindre mouvement. Sa langue devenait brûlante tout comme sa peau. J'ouvris les yeux qui s'écarquillèrent non pas par surprise mais plutôt par émotion. Elle venait de découvrir le haut de son corps me laissant, volontairement, découvrir ses charmes. C'est alors qu'elle s'allongea sur moi et, d'une certaine façon, m'obligea à l'entourer de mes bras. Sa peau sentait si bon et était si chaude que j'avais l'impression de bouillir. J'étais bien et pour rien au monde je n'aurais voulu être ailleurs. Il y a longtemps que je n'avais ressenti ce que l'on appelait la chaleur humaine, je crois.
Ceci dura pendant quelques minutes puis, Lynne se redressa et quitta définitivement sa belle robe. Une immense vague de chaleur me parcouru et je sentis des gouttes de sueur perler sur mon front. Toujours avec cet immense sourire qui rayonnait dans la quasi pénombre de la pièce, elle se rallongea sur moi, plus brûlante que jamais. En effet, seule la dizaine de bougies nous offrait de la lumière, ce qui accentuait le côté romantique de la scène…
Je ne sais par quelle magie mais je sentais mon pagne se détacher de mon corps. Et puis…
Je sentis un immense plaisir m'envahir tandis que je voyais Lynne doucement effectuer un mouvement de va et vient, ce qui m'arracha, tout comme à elle, un petit gémissement. Ses ongles pénétraient lentement la chair de mon torse tandis que la sueur commençaient à se faire plus abondante. Elle avait les yeux fermés et je pouvais voir ses lèvres se pincer tendrement. C'était comme un rêve et j'avais du mal à sortir d'une sorte de somnolence dans laquelle j'étais plongé depuis quelques instants. Mes mains, posées sur ses hanches, pouvaient sentir ses muscles se contracter puis se relâcher dans une série de mouvements assez rapides. Je percevais son souffle court, si chaud, me soulever délicatement les quelques mèches rebelles qui me recouvraient le visage. Ma chevelure était collée à ma nuque par ce liquide, cette sueur qui reflétait parfaitement l'intensité du moment.
La chaleur se faisait de plus en plus incandescente tandis que la tempête grondait particulièrement fort. La neige venait se fracasser sur les peaux couvrant les fenêtres dans un bruit infernal mais je n'entendais rien hormis les gémissements répétés de Lynne. A la lueur des bougies, je voyais la sueur ruisseler sur ses membres qui prenaient l'éclat du cristal le plus pur. Un éblouissement total me déchirait les yeux mais, je continuais de la regarder, encore et toujours.
Je sentais le plaisir final approcher tandis qu'elle continuait de s'amuser de moi…

***

J'ouvris doucement les yeux, réveillé par le chant mélodieux des oiseaux du Nord. Les rayons du soleil m'éblouissaient et me doraient doucement la peau. J'étais bien. Mes muscles, déjà chauds étaient tous endoloris et mon estomac me faisait légèrement souffrir. Me retournant dans mon lit, je vis que Lynne n'étais plus là. Je n'eus pas le temps de faire le moindre mouvement que j'entendis :
-" Bonjour Fenrir, as-tu bien dormi ? "
Tournant lentement la tête, je l'aperçue sur le pas de la porte portant deux lapins à bout de bras. Non sans étonnement, je remarquais que Jing se tenait à ses côtés comme tous mes compagnons. Ils avaient l'air paisible et tranquille. Elle posa les gibiers sur la table et vint me déposer un tendre baiser sur les lèvres.
-" Dépêches toi, je vais préparer le petit déjeuner. "
Puis, rallumant un feu, elle s'affaira à la tâche. Je n'avais pas remarqué Jing qui se tenait près de moi lorsqu'une douce langue m'humidifia la joue. Aussitôt, il sauta sur le lit et commença à me mordiller. Pris dans l'action, j'agrippai mon ami et le fit basculer afin d'essayer de le dominer. Lynne nous regardait avec un grand sourire. De dehors, on pouvait entendre des rires mêlés à des aboiements et des grognements…
Une fois la nuit tombée, je sortis pour prendre l'air et pour m'isoler un peu. Je marchais sous un magnifique ciel étoilé, éclairé par une lune pâle. Je m'assis sur un rebord surplombant le torrent dont l'eau ne cessait de s'agiter. J'avais le regard perdu dans l'immensité de cette voûte céleste décidément magnifique. Pris d'une soudaine mélancolie, je me mis à murmurer ce que j'avais sur la conscience :
-" Depuis que je connais Lynne, j'ai complètement changé. Je suis devenu gaie et souriant alors qu'avant, seule la tristesse et la souffrance emplissaient mon cœur. Elle m'a apportée ce que vous, Papa et Maman, n'avez pu m'offrir de part votre mort. Mais je ne vous oublie pas pour autant. Au contraire, même elle ne pourra jamais effacer la blessure béante qui déchire mon cœur et mon âme… "
Des larmes commencèrent à perler le long de mes joues tandis que je sentais quelque chose se frotter contre moi. Je n'avais pas peur car depuis le temps, je savais que dans les moments difficiles, Jing était toujours présent. Le loup vint se coller contre moi et je pouvais entendre les battements de son cœur. Je sentais les muscles rouler sous sa peau tandis qu'il m'offrait son réconfort. Je passai mon bras autour de lui, qui était maintenant assis, et je repris de plus bel :
-" Jing, mon vieux, toi et moi sommes liés jusqu'à la mort. Jamais je ne t'abandonnerais, non, jamais. Avec Lynne, tu es la seule personne que j'aime dans ce monde hostile. Durant ma vie, tu as su me montrer plus d'affection que n'importe quel être humain. Papa, Maman, à partir de maintenant, je vais essayer de mener une vie digne d'un homme. J'espère que de là où vous êtes, vous serez fiers de moi… "
Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que je me décide à retourner à la cabane. Lynne m'y attendait alors que sentais un délicieux fumet transcendé mes sens. La nuit fut comme les précédentes, à la fois calme et agitée…
Quatre mois s'écoulèrent et je m'épanouissais de plus en plus. J'étais redevenu celui que je croyais mort et cela grâce à l'amour de mon ami Jing et de ma compagne Lynne. Les journées filaient tranquillement et je ne m'ennuyais pas le moins du monde. Nous avions commencé à bâtir des projets et j'avais la volonté de les réaliser. J'avais promis à mes deux amis qu'un jour, nous quitterions le royaume d'Asgard pour des cieux plus cléments. En fait, notre quotidien était basé entre rêve et utopie mais nous étions heureux de vivre comme cela, au milieu de la nature…

***

Un matin, comme à son habitude, Lynne se préparait pour aller chasser en compagnie de Jing et des autres. Cependant, cette idée ne me plaisait guère car ces derniers temps, de nombreux pillards et autres crapules rôdaient dans les parages. C'est pourquoi, précipitamment, je me levai afin d'y aller moi-même.
-" Attends, Lynne, je ne veux pas que tu y ailles, c'est trop dangereux et tu le sais ! Je vais le faire à ta place. "
Elle allait essayer de m'en dissuader mais mon regard sévère l'arrêta.
-" Jing, lançai-je à mon ami qui se redressa instantanément, je veux que tu restes ici et que tu gardes la maison. Je vais chercher le petit déjeuner. A tout à l'heure. "
Me retournant, je déposai un baiser sur les lèvres de Lynne et me mis en route.
La température était basse et le ciel gris annonçait la proximité d'une tempête, sans doute pour ce soir. Je me hâtais car l'idée de la laisser toute seule même si Jing était présent ne m'enchantait guère.
Après une petite heure, je prenais le chemin du retour, portant à ma ceinture quatre lapins assez gironds. L'air frais m'avait fait le plus grand bien et je me sentais moins angoissé. La cabane que j'avais construite de mes propres mains était désormais en vue quand soudain, je fus pris d'une sorte de malaise. Les images de la fuite de nos amis et de la mort de mes parents vinrent hanter mon esprit.
- Pourquoi ?
Incrédule, je me mis à courir comme jamais je ne l'avais fait auparavant vers cette construction en bois qui me paraissait plus éloignée que jamais. J'avais un mauvais pressentiment.
C'est alors que je vis un grand nombre de loups étendus dans la neige, baignant dans leur sang. Ils étaient là, inertes, alors qu'il y a une heure à peine, je les revoyais encore s'agitant dans tous les sens comme des enfants. Certains avaient grandis en même temps que moi, nous avions tout partagé et maintenant, ils étaient…morts. Mes yeux orangers s'embrumèrent rapidement et je fus rapidement submergé par les larmes. Une douleur indescriptible se fit sentir au niveau du ventre tandis que je pleurais abondamment. Je n'y avais guère prêté attention mais des cadavres d'hommes étaient mêlés à ceux de mes amis. De longs fusils graissés jonchaient le sol, lui subtilisant l'innocence qu'il arborait fièrement.
-" Lynne, où es-tu ? répond-moi ! " hurlai-je, regardant aux alentours comme si je m'attendais à la voir là, allongée sur cette terre maudite, dans une marre de sang.
Ne voyant rien, je me précipitai à l'intérieur de la cabane, le cœur tambourinant de plus en plus fort. Tous mes muscles étaient crispés et ma mâchoire me faisait souffrir. Les poings serrés, je regardais partout quand mon regard s'arrêta sur une silhouette étendue sur le lit.
-" Lynne, Lynne, ça va ? " m'égosillai-je, la poitrine en feu.
Je n'avais pas voulu regarder mais ses vêtements étaient déchirés surtout au niveau de ses hanches. M'approchant d'elle, je me mis à genoux et la pris délicatement dans mes bras.
-" Lynne, ma chérie, ça va ? "
Un sourire illumina son visage maculé d'ecchymoses tandis qu'un mince filet de sang s'échappait de sa bouche. Les fourrures étaient couvertes de sang et je réalisai avec frayeur qu'il fuyait de son ventre.
-" Oh mon dieu, Lynne, qu'est ce qu'ils t'ont fait subir ? " murmurai-je tandis que mes larmes venaient s'écraser sur son visage d'ange. Mon souffle, haletant, se faisait de plus en plus court et la douleur dans l'abdomen devenait poignante. Je vis alors sa main droite se dresser avec difficulté et venir effleurer ma joue pour sécher mes larmes.
-" C…Comme la première…fois…que je t'ai…rencontré, souffla-t-elle, visiblement à bout de force. Fen…Fenrir, mon amour, écoute-moi. Tu es…un garçon formidable et…et il faut que tu continues…à v…vivre… "
-" Tu ne vas pas mourir ! criai-je, coupant sa phrase. Je ne te laisserais jamais mourir, jamais ! Accroche-toi Lynne, je vais te soigner. "
-" Non Fenrir ,il…il est trop tard pour moi m…mais pas pour toi, murmura-t-elle. Ecoute ! Construits la…vie dont tu r…rêves et soit heu…heureux avec Jing. Tu sais, je ne…regrette rien. J'ai passé…avec toi les…les meilleurs moments de ma vie… "
Ses yeux bleus se fermaient malgré elle mais, continuant à lutter, elle voulait encore me dire quelque chose avant de rejoindre le pays des ombres et se transformer en étoile. Sa peau pâlissait et ses muscles se relâchaient rapidement. Le sang s'échappait de ses plaies abondantes en même temps que s'envole sa vie mais elle voulait encore réaliser sa dernière volonté.
-" Tu..tu sais, je portais en…moi ta propre chair, ton p…propre sang. Je ne t'avais…rien dis pour ne…ne pas t'inquiéter et…je m'excuse de te l'…avouer dans un moment pareil…mais, je ne pouvais…me taire. Tiens, p…prends ce ruban rouge…et gardes le…en souvenir de m…moi. Je voudrais,…juste…avant de m'en aller, un dernier…baiser de mon prince…charmant…Je…je t'aime Fenrir. "
Puis, me tendant le ruban qui d'ordinaire nouait ses cheveux dorés, sa tête retomba doucement en arrière. Je m'approchais d'elle pour exaucer sa dernière volonté alors que mes larmes redoublaient d'intensité. Ma bouche se posa sur la sienne, déjà inondée de sang et je vis des larmes perler le long de ses joues si fragiles. Puis, sentant une dernière contraction musculaire, je vis ses yeux se clorent pour l'éternité.
-" Nonnnnnnnnnnnnnnnnnn ! Lynne ! " hurlai-je non sans peine ni colère.
C'est alors que Jing s'arrêta sur le pas de la porte imité par la meute, enfin, ce qu'il en restait.

***

Une dernière fois je la regardais reposer sur le lit que j'avais fabriqué. Elle était toujours aussi belle et paisible. Je serrai son ruban avec hargne afin d'essayer de me calmer mais cela était impossible. J'avais délicatement déposé tous mes compagnons morts dans la cabane et y avait mis le feu. J'observais, les larmes aux yeux, les flammes lécher le lit et la table puis dévorer la cabane entière. A travers ce brasier, je distinguais toujours mon ange endormi avec, à ses côtés, la ceinture que mon père m'avait offerte. Elle exhibait les armoiries de la famille. Le spectacle auquel j'assistais me répugnait mais je n'avais pas le choix. Plus jamais je ne voudrais souffrir comme actuellement, j'enterrais donc mon passé et tous mes sentiments.
Néanmoins, mon regard s'attarda sur son ventre.
-" Tu sais, je portais en moi ta propre chair, ton propre sang. Ma propre chair et mon propre sang… " murmurai-je avec difficulté. Les hommes, ces créatures ignobles. En plus d'avoir fait de mon enfance un enfer, ils viennent aujourd'hui de me voler ma fiancée et mon…enfant. J'allais être papa et j'aurais enfin pu goutter au bonheur auquel j'aspirais tant. Pourquoi ! Poooooooooourquoiiiii ! "
Tandis que je hurlais ces paroles, une rage folle s'empara de moi. Mes poings se serrèrent jusqu'à exploser. Tous mes muscles se contractèrent dans un entrechoquement d'os et de tendons. Mes yeux se révulsèrent tandis que je respirais bruyamment. Je sentis un amer goût de sang m'emplire la bouche. C'était celui de Lynne et aussi celui qui avait été en contact avec mon enfant…
Quelques minutes plus tard, je m'attachai le ruban autour de la poitrine afin qu'il protège mon cœur, à la manière d'une armure, contre tous les sentiments humains. Je remis mon gilet par- dessus et appela Jing. Lui qui était parti à la poursuite des assassins n'avait pas hésité à risquer sa vie, comme ses congénères, pour la sauver.
Tournant les talons, je me mis à marcher en compagnie de mes amis vers un autre lieu où il fallait que je retourne.
-" Oui, je veux rentrer chez moi ! " dis-je sereinement tandis que me revenait l'image de Lynne.
Je me remémorais une dernière fois tout ce que nous avions vécu ensembles et ces quelques mots se mirent à couler presque naturellement de ma bouche :
-" Fenrir le louveteau est désormais devenu un vrai loup grâce à toi, Lynne. Merci ! Jamais je n'oublierais les instants forts que tu m'as fait vivre ni ce que tu as changé en moi mais le temps de tourner la page est venu. Adieu mon ange, nous nous reverrons bientôt, je pense…adieu… "
La forêt s'étendait à perte de vue et, avec mes compagnons, nous nous y engouffrâmes afin de quitter ces terres maudites où trop de souvenirs me blessaient. Les ombres des arbres nous recouvrirent tandis que les dernières larmes s'échappaient de mes yeux encore humides.
-" Un jour, soufflai-je, je me vengerais de tout. La vie n'a était que cauchemar pour moi et cela, je le ferais payer. Je ne suis plus un homme mais un fauve, une bête…Une bête qui pourtant, à été touché par le sourire innocent d'une femme. Oui, moi, Fenrir, le loup solitaire ai été apprivoisé par une femme…

FIN

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Cette fiction est copyright Julien Verdon.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.