Chapitre 7 : Le Grand Frère


Résumé de la chronologie de St Seiya Next Generation
1986-87 : Batailles de Seiya et ses compagnons
1989 : Bataille de l'Olympe
2010 :
juillet : Le groupe se forme autour de Kotori Kido : Arkhan, Eric, Anton, Krell, Kassim, Rody.
aout : Les héros se soignent. Kassim est dans le coma, Krell et Anton partent dans la caverne des Vents chercher un remède.
08/08 : Quatre guerriers envoyés par le Sanctuaire débarquent à Tokyo. Ils viennent chercher Balmung.



Maardhat fit un signe et les quatre guerriers se séparèrent pour affronter les gardiens de Kotori. Arkhan faisait face à son ancien condisciple, tandis que Eric s'opposait à Marty et Lazla, et Rody à Ramon.

Quatre contre trois, le duel était assez inégal. Arkhan savait Eric puissant, mais il était à peine remis de ses blessures, peut-être ne pourrait-il faire le poids. Maardhat était bien trop fort pour que Rody ou Eric puisse l'affronter seul, quant à Rody, il ne pouvait se mesurer à deux adversaires simultanés. Arkhan avait beau tourner le problème dans tous les sens, il ne pouvait trouver de combinaison qui donne avantage aux guerriers de Kotori.

"Encore perdu dans tes pensées ??" fut la réplique qui le tira de sa réflexion. Maardhat le regardait en souriant, comme un tigre le fait devant son futur repas acculé dans une impasse. Le bonze avait raison, le temps n'était plus aux calculs stratégiques. Le combat devait commencer, et si possible, finir au plus tôt.

"N'espère pas porter secours à tes amis" fit Maardhat, comme s'il lisait ses pensées. "Tu n'es pas de taille contre moi et tu le sais bien." Arkhan serra les poings, prit une légère inspiration, et se lança en avant. "Kill ! Large Cut !"

Le tranchant de sa main déchirait l'air en une courbe parfaite, mais comme il s'y attendait, le bonze-guerrier du Tigre évita le coup facilement. Etant du Cercle Intermédiaire, la vitesse de déplacement d'Arkhan ne pouvait pas inquiéter Maardhat. Sa riposte fut fulgurante.

"Les cent crocs et griffes !"

En une fraction de seconde, Maardhat avait bondi par-dessus son adversaire et le criblait de dizaines de petits coups portés du bout des doigts, chacun touchant un point vital et provoquant une petite douleur. Arkhan avait entendu dire que cette technique n'était jamais mortelle au premier coup, mais qu'elle affaiblissait la résistance de sa victime permettant lors d'une deuxième utilisation de mettre à genoux n'importe quel adversaire. La lassitude qu'Arkhan éprouva après cet échange semblait confirmer ces rumeurs.

"Eh oui, Arkhan, c'est comme l'acupuncture : il suffit d'appuyer au bon endroit. Mais à la différence que ma technique n'harmonise pas les courants d'énergie dans ton corps, au contraire, je les brouille, et sape tes forces. C'est déjà fini pour toi, Arkhan."

Le guerrier de la Mante se permit un rictus, il avait quand même une dernière carte à jouer.



"Bon, voyons ce que tu sais faire…" fit Ramon.

Rody ne se fit pas prier. Il savait que les chevaliers d'argent étaient puissants, il en avait parlé avec Anton. D'après ce qu'il en avait compris, le maître de Rody, Yrugo, avait un niveau à peu près comparables à ces chevaliers, et Rody se savait bien inférieur à son maître. L'adversaire qui lui faisait face était donc redoutable.

"Les Crocs du Jaguar !" hurla Rody tout en lançant son assaut. Mais évidemment, une attaque portée à la vitesse du son avait peu de chance d'impressionner un guerrier comme Ramon, qui était capable de se déplacer trois fois plus vite. Ramon esquiva l'attaque sans peine, et Rody ne brassa que de l'air de ses griffes.

"Pas mal, mais pas assez rapide. A mon tour maintenant !" fit dédaigneusement le chevalier.

"La Roue Infernale !" Ramon prit un disque sur son armure, et le lança tel un freesbee. Rody n'eut même pas le temps de bouger, que le disque frôlait son flanc, les bords acérés taillant profondément sa chair. Rody tomba à genoux, pressant sa main sur la plaie.

"Ca fait mal, hein ?" fit Ramon, rattrapant le disque qui revenait comme un boomerang. "Et ce n'est que le début."



"Deux contre un, je vais avoir du mal…" pensait Eric. Ses deux opposants avançaient vers lui à pas prudents, se couvrant mutuellement.

"Si tu n'y vois pas d'inconvénient, jeune guerrier divin, nous allons commencer !" fit Marty. Et dans le même instant, ce fut Lazla qui se jeta sur lui, le cosmos rayonnant sur son poing. Eric bloqua le coup, mais Marty était sur lui et d'un large balayage de la jambe, le fit tomber. Eric esquiva la main griffue qui se ficha dans le sol, para un coup de pied destiné à son estomac, tout en se relevant d'un bond et en bloquant un coup de coude.

Les deux guerriers mettaient la pression sur lui, le contraignant à se concentrer sur la défense, et Eric savait qu'en faisant ainsi, ils ne pouvaient que gagner. Eric n'avait même pas le temps pour concentrer un peu son énergie en vue d'un assaut, seule solution à ce type de combat.

Un coup de genou dans les côtes le projeta au loin, au moins il n'était plus coincé au corps à corps, domaine où il n'excellait pas vraiment.

"Dommage, j'aurais dû écouter les conseils de mon père, plutôt que ceux de Hyoga." Pensait-il. Le Chevalier d'Athéna était certes le plus puissant des chevaliers des glaces, mais le père d'Eric était sans nul doute le plus puissant des guerriers divins, capable de vaincre n'importe qui sans l'aide d'une technique spéciale. Mais Eric, s'il n'avait pas négligé l'entraînement paternel, avait quand même eu plus 'attention envers la formation prodiguée par Hyoga.

L'heure n'était plus aux souvenirs. L'uppercut de Marty le ramena rudement à la réalité, le soulevant d'un bon mètre du sol. Eric sentit la colère monter en lui, et eut une réaction que ses deux opposants n'avaient pas prévu : alors qu'il était projeté en l'air par le coup de Marty, Eric s'agrippa au casque de Marty, et lui décocha un rapide coup de genou en plein visage.

Le chevalier d'argent recula, crachant du sang, tandis que sa comparse repoussait Eric.

"Ca, tu vas le payer, crois-moi !" gronda Marty. "Hellhounds !" De ses mains jaillirent des formes fantomatiques à l'aspect vaguement canin, qui se jetèrent sur Eric. Ce dernier en frappa plusieurs, mais les fantômes se dérobèrent ou disparurent alors qu'il les touchait, deux d'entre eux parvinrent à percer sa défense et à l'atteindre. Il sentit alors une étrange froideur courir le long de sa colonne vertébrale.

Mais Eric n'eut pas le temps de se demander quel était le rôle de cette attaque, car du coin de l'œil il surprit Lazla qui préparait son assaut.

"Par le chant de la Nymphe !" furent les premiers mots qu'elle prononça depuis son arrivée sur la propriété Kido, et sa voix était un enchantement, à la fois douce et chaude. Hélas pour Eric, la technique de la Nymphe était tout autre, et lorsque Lazla tendit ses mains, formant une sorte de cône, vers lui, ses tympans furent vrillés par un cri strident, qui faillit lui faire perdre conscience.

Eric tomba au sol, se tenant la tête, et sentit dans le même instant les chiens de Marty qui agissaient, sapant ses forces comme s'ils dévoraient ses entrailles de l'intérieur. La douleur fut intense, mais le guerrier divin tint bon. Eric se releva péniblement, ses jambes vacillant sous lui.

"OK. Round 2." Se risqua-t-il à ironiser.

"Tu tiendras pas cinq minutes." Fit Marty. "A deux contre un c'est perdu d'avance."

"Mais s'il n'est plus tout seul ?" Fit une voix nouvelle.

Tous se tournèrent vers le nouveau venu, qui se dressait dans son armure, avec le regard fier de celui qui est arrivé à temps.

"Kassim ? C'est bien toi ?"

Question idiote.



"La porte…"

Anton ne savait qu'une chose : s'il n'arrivait pas à atteindre cette sortie dans les temps, Krell et lui-même étaient condamnés. Passe encore qu'il périsse, Anton était préparé à cette éventualité. Mais il ne pouvait accepter que son compagnon d'armes ait à subir les conséquences de son incompétence. Il fallait atteindre cette porte, à tout prix.

Sans le savoir, tout entier concentré dans sa hargne pour rejoindre la galerie qui n'était qu'à quelques pas, Anton approchait du septième sens. Mais son maître ne lui avait pas encore parlé de ce sens au-delà de la compréhension des hommes simples, et Anton ignorait que c'était là la source d'un pouvoir fabuleux. Comme il est étrange que la puissance ultime que peut dégager un homme ne se révèle qu'au moment où il pense le moins à sa propre personne !

Ses oreilles n'entendaient plus le hurlement des torrents d'air déchaînés. Ses yeux ne voyaient plus le contour des tornades, des volutes et des courants, pas plus qu'ils ne distinguaient les murs entourant le passage. Noire et béante était la porte, elle se dressait devant lui, le narguant de sa proximité inaccessible, et toute la volonté, la conscience et l'inconscient du chevalier des Gémeaux étaient tendus vers elle.

Ses pas lui étaient tout aussi pénibles, la résistance tout aussi grande, mais à son insu, Anton avançait plus vite, sans se rendre compte de l'accélération de son métabolisme. Ce qui lui paraissait une seconde d'effort ne lui prenait en fait qu'un centième de seconde, et lorsqu'il pensait avoir mis trop de temps pour faire un pas, il ne lui en avait finalement fallu que bien peu.

Ainsi Anton passa cette épreuve dans un temps décalé. Il ne lui restait que trois minutes, et alors que les premières lui avaient paru si rapides, ces cent quatre vingt secondes furent interminables. Mais pas un instant il ne se posa la question de savoir combien de temps il restait, ou s'il trouvait normal une telle élongation de la durée. La sortie était son unique but, et grand bien lui en prit, car si son attention avait baissé d'un iota, il aurait perdu, tant l'accès à cette puissance qui agissait en lui, que la force de résister au cœur du maelström.

Et cette concentration extrême se révéla payante. Anton atteignit la porte de sortie quelques secondes avant que le temps ne se fut écoulé. A peine eut-il mis la main sur la pierre, assurant sa prise pour lutter contre les courants d'air, que ceux-ci disparurent comme par enchantement, et entraîné par son effort continu, il fut projeté en avant contre une stalagmite toute proche. Il tomba au sol, sonné, et il lui fallut quelques instants pour reprendre possession de ses moyens.

"Krell !" pensa-t-il.

Anton se précipita à l'entrée de la caverne, et tomba nez à nez avec Euros, qui lui souriait.

"Bravo, chevalier, tu t'en es bien sorti, finalement." Dit-il dans un sourire.

"Où est mon ami ?" demandait Anton, qui scrutait la caverne au delà du Vent de l'Est.

"Je suis désolé, mais il y a eu un petit problème…" fit Euros.

"Quoi ???" Anton agrippa Euros par les épaules, prêt à passer sa colère sur lui.

"Pendant que vous luttiez contre mon vent, un de mes frères a enlevé ton ami au cœur de la tempête. Cela ne lui fut pas difficile, car il maîtrise les courants aussi bien que moi."

"Où est-il ? Où est Krell ?" Anton se fichait des explications.

"Dans la caverne suivante, bien entendu."



"Diamond Dust !"

Le courant d'air glacé toucha le sol un instant après que Marty eut bondi pour l'éviter. Une couche de givre recouvrit l'herbe verte, la rendant glissante.

"Alors, à un contre un, c'est plus pareil, hein ?" Eric reprenait courage, il avait maintenant toutes les chances de battre cet adversaire. Marty n'affichait d'ailleurs plus ce sourire narquois qu'il avait au début. Le chevalier d'argent jeta un œil plus loin, pour voir Lazla en difficulté face à Kassim. Le chevalier du Sagittaire ne paraissait pas le moins du monde souffrir de ses blessures, et la Nymphe paraît avec peine les coups de poings et de pieds puissants qu'il décochait.

Mais Marty regretta d'avoir relâché son attention, car Eric en profita pour lancer une terrible vague de froid, qui faillit bien le geler sur place. Le chevalier d'argent ne devait pas prendre son adversaire à la légère, car Eric disposait d'une force peu commune.

"OK, on va se battre d'homme à homme." Acquiesça Marty. "Hellhounds !"

Les chiens fantomatiques apparurent à nouveau, fondant sur Eric. Mais celui-ci les esquiva, et les détruisit tous sans qu'aucun ne puisse cette fois percer sa défense.

"Désolé Marty, mais la même technique ne marche jamais deux fois contre moi !"
"Mais… mais tu es un guerrier divin ! Comment… ?"
"Mon maître est un chevalier d'Athéna, il m'a enseigné le pouvoir d'Analyse commun à tous les chevaliers du Sanctuaire. Alors ton attaque est désormais inutile."
"Ton maître… Ah je vois, c'est Hyoga, le Seigneur des Glaces. Evidemment, ça explique tout. Mais rassure-toi, j'ai une autre attaque en réserve, tu m'en diras des nouvelles !"

Marty concentra alors son cosmos, tenant ses bras croisés contre sa poitrine. Eric fronça les sourcils, sentant le pouvoir augmenter autour du chevalier. Il se prépara à subir l'assaut, plutôt que de profiter de cet instant pour attaquer, ce qui le rendrait très vulnérable si Marty était prêt avant lui.

"Taïaut ! Attaquez, Chiens Démoniaques !"

Trois fantômes de chiens apparurent aux cotés de Marty, mais ceux-ci étaient différents des précédents. Plus grands, plus sombres, leurs yeux de braise fixant Eric avec envie, leurs gueules rougeoyantes laissant entrevoir des crocs impressionnants. Les spectres avancèrent vers le guerrier divin, lentement, se déployant en cercle. Eric intensifia son cosmos, attendant qu'ils attaquent pour riposter.

Et les monstres se jetèrent sur lui !



"Double roue !"

Les deux disques d'argent déchirèrent l'armure de Rody, le jetant encore au sol. Le guerrier inca saignait de plus d'une douzaine de plaies superficielles ou plus graves, car chaque coup portait. Rody n'arrivait tout simplement pas à voir les projectiles lancés à Mach 3.

Ramon le savait, et il jouait avec lui, se délectant de cette victoire facile. Après chaque attaque, il riait ou faisait une plaisanterie, humiliait Rody ou se lançait à lui-même des compliments. Rody commençait à en avoir assez. Mais comment faire pour parer ces assauts invisibles ?

"Allez Rody, un petit effort, que je puisse au moins avoir l'impression de me battre ! Tu pourrais bouger un peu ! Ou alors, tu veux mourir de suite ? Double roue !"

Les deux projectiles encore, l'un laissa une marque écarlate sur la cuisse du Jaguar, l'autre frôla sa joue gauche, à quelques centimètres de l'œil.

"Heureusement pour toi que je suis précis. Un peu plus, tu étais borgne. Allez bouge-toi, viens te battre !"

Rody ne dit rien, mais intérieurement, il souriait. Cette fois, il avait vu le disque. Son esprit s'éveillait enfin, il commençait à percevoir les mouvements de son adversaire. Mais il ne devait pas le montrer à Ramon, et attendre qu'une occasion se présente.

Elle se présenta. Ramon fit l'erreur d'employer encore une fois la même technique, et Rody put anticiper le coup, tout en tenant compte de sa nouvelle capacité à voir les mouvement si rapides de son ennemi. Les disques le frôlèrent cette fois-ci sans le toucher, lorsqu'il esquiva de quelques millimètres les dangereux projectiles.

Profitant de ce que les disques étaient loin derrière lui, Rody contre attaqua.

"Tu es désarmé, c'est à mon tour de te surprendre ! Les Crocs du Jaguar !"

Mais Ramon souriait alors que Rody fonçait vers lui, toutes griffes dehors. Et le jeune guerrier ne comprit son erreur qu'au dernier instant : les disques revenaient comme des boomerangs, et allaient le frapper dans le dos !

Il parvint in extremis à en éviter un tout en faisant volte-face, mais le second mordit cruellement son épaule, déchirant chair et acier, le jetant au sol.

Rody tentait de se relever lorsqu'il sentit le présence de Ramon derrière lui. Celui-ci avait levé ses deux bras au dessus de sa tête, prêt à frapper.

"T'as du bol, gamin, j'ai pas envie de te tuer. Mais tu vas faire un gros dodo !"

Puis Rody sentit une masse s'abattre sur sa nuque, et il perdit conscience.



Arkhan se préparait à une difficile épreuve. Il lui fallait encaisser la prochaine attaque pour pouvoir placer sa riposte, mais il ne savait pas s'il tiendrait le coup. En théorie, Maardhat n'aurait pas le temps de finir, et seuls quelques-uns uns des cents crocs et griffes porteraient. En théorie.

Il n'avait plus le temps d'hésiter. Arkhan balaya les doutes de son esprit, se concentra sur un mantra pour assainir son esprit. Il devait, l'espace d'un instant, balayer celui de son adversaire.

"Tu es prêt ?" fit Maardhat. "Les cent crocs et griffes !"

Le bonze se jeta en avant, prêt à réitérer sa technique portée du bout des doigts. Arkhan resta là sans bouger, attendant l'instant propice. Maardhat fut sur lui en une seconde, et Arkhan enregistra dans un recoin de son esprit, comme s'il était désincarné, les premiers impacts sur son corps. Puis Maardhat fit une erreur.

Le regard du bonze croisa celui de sa victime. A cet instant, pourtant si fugace, Arkhan ouvrit son esprit, et libéra son pouvoir. Immédiatement, Maardhat cessa tout assaut.

"Hein ? Quoi ?" fit ce dernier, comme s'il ne comprenait pas.

Arkhan ne répondit pas, il peinait pour conserver son équilibre, son système nerveux était tout désorienté. Maardhat, secouant la tête comme pour chasser le doute, reprit la parole.

"Je sais pas ce que tu as fait, mais c'est fini maintenant ! Meurs ! Les Cent crocs et…"

Mais il ne finit pas sa phrase, sa langue paralysée dans sa bouche. Comme tout le reste de son corps, d'ailleurs. L'effet ne dura pas, et Maardhat put à nouveau bouger, mais son assaut avait échoué.

"Qu'est-ce que…?"

"Je t'ai hypnotisé." Expliqua Arkhan. "C'est le pouvoir de la Mante Religieuse que de réduire ses victimes à l'impuissance. Au moment où nos regards se sont croisés, j'ai imprimé ma volonté dans ton esprit. Ton subconscient refuse désormais de me considérer comme un ennemi, et interrompt toute tentative de ta part de m'attaquer."

"Quoi ? Tu mens ! Tu ne peux…"

"Souviens-toi des paroles de nos maîtres : si votre adversaire est physique, soyez mental. S'il est mental, soyez spirituel. S'il est spirituel, soyez rationnel. Etc… tu connais les principes. Tu as porté le combat sur le seul aspect physique, j'ai riposté par le mental."

Maardhat enrageait que ce soit son cadet qui lui fasse la leçon, mais il devait bien avouer que Arkhan avait raison.

"Et maintenant, que fait-on ? " fit Maardhat. "Tes attaques sont inutiles sur moi, et je ne peux rien te faire. On est coincés là pour un moment."

"Pas tout à fait. D'ici quelques minutes j'aurai recouvré mes forces, et on verra alors si mes attaques ne te font rien."

Arkhan ne souriait plus, il se préparait à tuer un condisciple.



"Krell ! Où es-tu ?"

Il semblait à Anton qu'il courrait dans ce couloir depuis des heures, sans jamais trouver le troisième adversaire qui détenait Krell en son pouvoir. Et puis, au bout du corridor de pierre, une lumière apparut. Anton accéléra le pas, et atteignit la lumière.

Encore une fois, il entrait dans une caverne étrangement lumineuse. Encore une fois, un homme s'y tenait debout, fier et droit dans son armure. Son regard était glacé, tout comme la température ambiante. Son visage impassible exprimait une hautaine indifférence, et il semblait émaner de lui une aura qui le rendait intouchable. De longs cheveux lisses, d'un bleu pâle descendaient dans son dos jusqu'à hauteur des genoux, lui donnant un air androgyne. Son armure blanche et bleue, semblable dans sa forme à celle de ses deux compagnons, trahissait déjà le nom, repris de la divinité correspondante, et la spécialité de cet homme. Borée, Vent du Nord, expert en techniques glaciaires.

"Où est Krell ?" questionna sans attendre le chevalier des Gémeaux.

Avant même que Borée n'ait répondu, Anton vit le bloc de glace. Un parfait cercueil, d'un cristal translucide, qui contenait le corps inerte de son compagnon.

"Krell ! Noon !"

"Du calme, gamin. Ton ami n'est pas encore mort, même s'il ne résistera pas bien longtemps dans ce bloc de glace. Si tu veux le sauver, fais comme lui, garde la tête… froide."

La plaisanterie n'était pas la meilleure chose à dire à Anton quand il était énervé. Avec un cri de rage, ce dernier se jeta en avant vers le gardien du vent, avec l'évidente intention de le réduire en charpie à mains nues. Anton était furieux, mais quelque chose en lui hurla, et il se figea sur place. Son instinct l'avait bien averti. Baissant les yeux, il vit enfin le précipice qui le séparait de Borée et du cercueil. Un trou béant sur toute la largeur de la grotte et au-delà, une faille sans fond large d'au moins vingt mètres. Seul un mince pont de pierre franchissait le gouffre. Anton devina immédiatement la nature de l'épreuve que Borée voulait lui infliger.

"Oui, tu as bien compris, gamin. Il te faudra traverser ce pont. Regarde bien la grotte, les murs sont lisses, sans aucune prise, le pont est le seul passage."

"Attends un peu que je prenne mon élan, tu vas voir ce que j'en fais, de ton épreuve."

Anton fit volte face, rejoignit l'entrée de la caverne, puis commença à courir vers Borée.

"Idiot. Crois-tu que je n'y ai pas pensé ?" fit Borée. Et au même instant, des profondeurs du gouffre se leva un terrible blizzard, un vent d'une force inouïe, et où tourbillonnaient des fragments de glace et de pierre. Le blizzard fit comme un mur au-dessus du précipice, et Anton fut forcé de s'arrêter devant.

"Bon, le jeu est simple, gamin" fit Borée dont la voix de stentor résonnait par-dessus le hurlement venu du fond de la terre "tu traverses, je te laisse ton copain. Tu échoues, et bien je suppose que tu devines ce qui t'arrivera, hein ??"

Anton serra les poings, il commençait à en avoir assez de se plier aux ordres de ces énergumènes. Malgré tout, il se dirigea vers le mince pont de pierre, et posa le pied dessus. Il faillit tomber, car la roche était verglacée.

"Bon sang, il est impraticable, ton pont !" grogna le chevalier.
"Je n'ai jamais dit que ce serait facile…" ironisait le Vent. Son visage se transforma, prenant un air moqueur. "Mais il y a une position dans laquelle tu risques moins de glisser. Allez, hop, à quatre pattes !"



"Saletés ! Ils me lâchent pas !"

Eric courrait dans l'immense parc de la Fondation, poursuivi par les chiens fantomatiques. Il avait beau courir aussi vite qu'il pouvait, les monstres ne se laissaient pas distancer. Derrière eux, Marty suivait, donnant des ordres à la meute.

"Il faut que j'en finisse avec leur maître !" conclut le guerrier divin.

Eric s'arrêta net, fit volte face, évita les spectres qui se jetaient sur lui, et fondit sur leur propriétaire. Marty fut décontenancé par la manœuvre, et ne put freiner à temps.

Eric lui décocha un coup de coude en plein visage en arrivant sur lui, ce qui projeta Marty au sol. Les chiens se placèrent entre leur maître et son ennemi, pour le protéger, et Eric profita de cet instant où ils étaient immobiles.

"Diamond Dust !"

La glace enveloppa les spectres, figeant leurs formes en des statues de glace, tandis qu'à l'intérieur, les esprits se dissolvaient, coupés du lien mental avec leur maître.

Mais Eric ne s'arrêta pas en si bon chemin. Marty se relevait à peine quand il reçut lui aussi une puissante vague de froid qui le paralysa. Il n'eut pas le temps de comprendre que déjà le sang se glaça dans ses veines, et que son cœur s'arrêta. Quelques instants plus tard, il était mort, son corps transformé en une statue de verre.

Eric se permit de souffler un peu. Il regarda autour de lui, car ayant couru au hasard, il ne savait plus dans quelle partie des jardins il se trouvait.

A quelques mètres de lui, une dalle de pierre reposait au milieu du gazon. La tombe de Karen.

"Profaner un tel endroit…" se dit Eric. "C'est vraiment nul."



"Bronze Arrows"

Encore une fille. Kassim commençait à se poser des questions. Pourquoi, à chaque fois qu'il se battait, devait-il tomber sur une femme ? Kassim se demandait si le destin n'était pas un peu trop ironique.

La guerrière de Poséidon esquiva l'assaut, y compris les dernières flèches que Kassim préparait pour le piège final. Connaissait-elle cette technique ?

"Par le chant de la Nymphe !" Lazla dirigea le cône formé par ses mains vers Kassim, qui se déroba pour ne pas subir l'atroce vibration. Il avait pu entendre les échos de cette attaque en arrivant sur les lieux où Eric affrontait ses deux adversaires, et il n'avait pas envie du tout de profiter de la pleine puissance de ce son.

Kassim enchaîna avec un Silver Missile, mais là encore la Nymphe se révéla trop vive pour que l'attaque puisse porter.

"Bon sang, qu'est-ce qui se passe ?" se demandait Kassim. Lazla avait beau être vive, sa vitesse n'était pas si différente de celle de Kassim, ou de ses anciens adversaires comme Karen ou Isis. Pourquoi n'arrivait-il pas à la toucher ?

Encore une attaque dans le vide. Kassim commençait à comprendre. Son inconscient lui jouait des tours, le freinait dans ses efforts. Une part de lui-même se rebellait contre le fait qu'il devait à nouveau affronter une femme.

"Je ne dois pas penser à elle en tant que femme, mais en tant qu'ennemi qui pourrait me tuer !" se dit-il. Mais il savait dans le même temps qu'il était inutile d'essayer de se mentir.

Lazla était belle : un visage ravissant qui émergeait de l'adolescence mais avec les contours précis et délicats d'une femme accomplie ; des cheveux d'ange, qui virevoltaient à chacun de ses mouvements ; des yeux profonds, rieurs tandis qu'elle esquivait les vains assauts du Sagittaire. Lazla était belle, désirable, comment en faire abstraction ? Comment ne voir en elle qu'un danger ?

"Tu hésites, chevalier ?" fit sa voix mélodieuse. "Moi je n'hésiterai pas, tu peux me croire."

"Alors qu'attends-tu ? " La moquerie de Kassim sonnait faux, et il le savait.

"J'attends le bon moment."

Kassim ne dit plus un mot, tandis qu'il continuait d'attaquer. Ce supplice en devenait douloureux, comme si son cœur allait éclater. Plus le temps passait, et plus les coups de Kassim devenaient imprécis, ne brassant que l'air.

Enfin il s'arrêta, incapable du moindre mouvement. Lazla s'approcha de lui.

"C'est toujours comme ça avec les hommes. Parce que je suis belle, ils doutent, et finalement se laissent avoir. Dis-toi que tu n'es pas le premier, chevalier."

"Tu… te trompes…" souffla Kassim. Car il venait lui-même de comprendre que sa volonté de combattre était encore vive, quoique émoussée. Mais c'était son corps qui ne suivait plus. Un filet de sang s'échappa de ses lèvres. L'hémorragie interne devait être importante, pour que le sang remonte à sa gorge ainsi. Son poumon devait à nouveau être largement ouvert.

Lazla n'eut pas l'air de comprendre, mais Kassim bascula en arrière sans qu'elle ne le touche. Elle le fixa un instant, comprenant à son tour qu'il n'avait pas été vaincu par elle, mais par l'effort. Avec un haussement d'épaule, elle s'éloigna.



"A quatre pattes ? Eh oh, j'suis pas un animal moi !"

"Tu ne vaux guère plus en cet instant. Ton instinct te dit de t'arrêter là, et tu aboies vers l'objet de ton désir sans savoir quoi faire. Brave toutou…"

Anton réfréna sa rage, Borée avait raison. Il fallait abaisser son centre de gravité le plus possible pour éviter la chute, c'était naturel. Anton se baissa, posa ses mains sur la roche glacée, et commença à avancer, une main puis une autre, un genou puis un autre. Avant de bouger un muscle, il s'assurait qu'il ne risquait pas de déraper, puis effectuait le mouvement. Vingt mètres ainsi, ça allait être long. Le vent rugissait autour de lui, des fragments de roche et de glace cognaient parfois sur ses flancs, et des à-coups dans les courants le déstabilisaient pendant quelques instants.

"Oui, pas mal, tu te débrouilles bien, je trouve." Borée semblait admiratif. Anton se dit que cette épreuve ne serait pas si difficile qu'il se l'imaginait. Mais Borée poursuivit : "C'est vrai, ça, tu fais un chien plus vrai que nature. Une belle imitation. Dis, tu peux japper aussi, pour voir ? Ou aboyer ?"

"Oh ça va, hein ! N'en rajoute pas !" Finalement, Anton détestait cette épreuve.

"Non mais sans rire, t'es vraiment fait pour être un clébard. On dirait que t'as fait ça toute ta vie. Tu sais donner la patte aussi ?"

"Ca suffit maintenant !" Anton, sous la colère, se redressa un peu, et une violente bourrasque s'engouffra sous son torse, le soulevant du sol de quelques millimètres. Anton se sentit décoller, il n'avait plus aucune prise et allait tomber !

En une fulgurante accélération, il se raccrocha à la pierre, s'aplatissant contre le pont, l'enserrant de ses deux bras. Il lui serait impossible de se relever désormais. Il attendit quelques instants, les yeux clos, tandis que le vent rugissait à ses oreilles. Puis il entendit à nouveau la voix de Borée.

"…core mieux comme ça ! Ramper au raz du sol, c'est sûr, c'est nettement moins risqué qu'à quatre pattes. Evidemment, c'est moins noble. Si tu étais un homme, tu marcherais, droit comme un I, sur tes deux jambes. Mais un mollusque comme toi n'a pas de meilleure solution que de ramper face contre terre."

"Tais-toi ! " hurla Anton. Borée eut l'air surpris pendant un instant, puis éclata de rire.

"Mais je ne prends pas d'ordre d'une limace, moi ! Tu me cries de me taire, mais en cet instant, tu es terrorisé, accroché à ta branche comme un lémurien, et totalement vulnérable. S'il me prenait l'envie maintenant de monter sur ce pont et de t'écraser la face de ma botte, tu ne pourrais rien faire contre." Le visage de Borée redevint dur. "Alors écrase un peu, limace, laisse moi profiter du spectacle de ta lamentable fin. J'aurais préféré voir mourir un homme, je me contenterai néanmoins d'une larve."

Anton ne rétorqua pas, cette fois, il ne dit pas un mot.

Il pleurait.



"D'ici quelques minutes, dis-tu ?" Maardhat se permit un gloussement dédaigneux. "D'ici quelques minutes, je me serais peut-être débarrassé de ton hypnose, et pourrais te réduire en charpie."

"Possible." Dit Arkhan. "C'est un risque que je veux bien courir. Je mise sur ma capacité de récupération, et toi sur tes capacités mentales. Quel pari !"

Maardhat ne dit rien, sentant que la moquerie d'Arkhan visait à l'échauffer afin de lui faire perdre de sa concentration.

"Si ton adversaire est mental, sois spirituel." Tel était le conseil de son mentor. Maardhat, sous le coup d'une hypnose, ne pouvait s'en défaire qu'en faisant appel à toutes ses ressources spirituelles. Il devait envahir son esprit de son cosmos, et avec quelques mantras bien choisis, faire peser la parole du Bouddha sur le maléfice, qui plierait alors.

Simple en théorie. En pratique, cela voulait dire qu'il devait surtout concentrer tout son cosmos, et ce dans un autre but que l'accumulation de pouvoir pour effectuer une attaque. Maardhat devait bien avouer que cela faisait un certain temps qu'il n'avait pas pratiqué ce genre d'exercice. Son cosmos lui servait surtout à se battre, non à prier.

"Ca m'apprendra la dévotion." Se dit-il. Fermant les yeux, il fit le vide dans son esprit et se concentra sur le néant. Tout d'abord, le vide. Puis, y apporter le cosmos, ensuite, le développer.

Il expira lentement, accompagnant son souffle des mouvements millénaires du Taï-Chi. Il bloqua sa respiration un instant, puis il inspira profondément, tandis qu'en lui, le cosmos explosait, tout son être concentré dessus.

L'univers entier brillait, s'embrasait, à l'intérieur de son crâne. L'univers prit une forme, celui du visage du Bouddha, un visage bienveillant. Maardhat n'eut qu'à penser les mots sacrés pour qu'ils résonnent d'un bout à l'autre de l'univers, détruisant sur leur passage tout ce qui était faux. Nul doute, nulle illusion.

Maardhat ouvrit les yeux. "Je suis prêt…" commença-t-il, mais Arkhan l'était aussi, sa main luisant d'énergie.

"Je t'attendais. Prends ta garde."

Le Tigre approuva gravement en hochant la tête, et prit la position des Cent Crocs et Griffes. Cet assaut serait le dernier.

"Les Cent…"
"Kill ! Large Cut !"

Arkhan fut bien plus rapide. Maardhat n'avait en fait aucune chance, le seul fait d'avoir vu en ouvrant les yeux son adversaire prêt avant lui, l'avait déstabilisé.

Le bonze guerrier tomba à genoux, regardant incrédule ses tripes se dévider sur le sol comme une pelote de laine. Il leva les yeux vers Arkhan, qui assistait en pleurant aux derniers instants de son condisciple.

"Ne pleure pas, mon frère." Fit Maardhat d'une voix douce. "Tu m'as donné une grande leçon d'humilité pour laquelle je te remercie. Je souhaite que dans notre prochaine vie, nous soyons amis."

Le garçon sourit, puis bascula en arrière.



"Et alors Princesse ? On va pas aider ses petits copains ?"

Ramon s'approchait de Kotori, un sourire mauvais aux lèvres. La jeune fille reculait, soutenant le regard de l'homme.

"Ne jouez pas l'enfant. Je sais que vous l'avez."

Kotori avait les mains derrière le dos. Elle tenait vraisemblablement quelque chose. Et Ramon avait raison, c'était bien Balmung. Elle tendit l'épée devant elle.

"N"approchez pas ou vous le regretterez." Fit-elle. Mais elle n'en menait pas large, cette fois. Le combat qu'elle avait mené contre Râ lui revenait en mémoire, ainsi que l'horrible douleur quand l'épée du dieu l'avait transpercée.

Ramon de l'Aurige prit un disque à sa ceinture.

"Ne m'obligez pas à vous faire mal. Donnez-moi cette lame."

Il tendit la main pour la poser sur l'épée, et Kotori fit jouer la garde. La pointe effilée effleura la main du chevalier, y laissant une marque écarlate.

"Ne touchez pas cette épée ou la prochaine fois, je vous tranche le poignet." La voix de Kotori avait plus d'assurance, cette fois.

"Oh, mais j'ai affaire à une vraie terreur ! Gamine, je crois qu'il va falloir que JE te tranche une ou deux mains pour que tu comprennes qui sait se battre ici." Ramon essuyait sur son pantalon le sang qui gouttait de sa main. Il brandit son disque, prêt à le lancer.

Kotori n'eut pas un instant d'hésitation. Dans un grand mouvement, elle pivota sur elle-même, tenant l'épée à bout de bras, et la lança le plus loin possible. Etrangement pour une arme d'un tel poids, elle s'envola comme une flèche au dessus des arbres du jardin, et disparut à la vue de la jeune fille et de son agresseur.

"Inutile." Cracha Ramon. "Je remettrai la main dessus bien assez vite."

Il se mit à marcher vers l'endroit où l'épée devait être tombée, ignorant Kotori. Il sembla même passer à coté d'elle sans la voir. Mais il se retourna soudain.

"Ca, c'est pour ma main !"

Et il lui décocha une gifle du revers de sa main gantée. Kotori tomba au sol, inconsciente.



"Tchoc"

Eric se retourna en entendant le bruit. Balmung venait de tomber du ciel à quelques pas de lui, se fichant dans la terre. Intrigué, il allait ramasser l'arme quand une voix mélodieuse le surprit.

"Touche pas à ça, toi."

Lazla sortit de l'ombre des grands arbres. Eric poussa un soupir, puis lui fit face.



"Alors escargot, tu vas y arriver oui ?"

Anton avait les yeux pleins de larmes, mais il continuait à avancer, ondulant comme une chenille sur le pont verglacé. Borée continuait à l'injurier, à lancer des quolibets, et chacun d'entre eux était une torture pour Anton. Car chacun d'entre eux faisait mouche, contenant une part indéniable de vérité, et détruisait une part de la confiance qu'avait Anton en lui-même. Les dents serrées, pleurant de rage plus contre lui-même que contre Borée, il tendait une main, se hissait un peu plus, rétablissait son équilibre, et recommençait. Tout comme la traversée de la grotte d'Euros, cette épreuve était interminable.

"Bah, je me demande pourquoi je perds mon temps à te regarder traîner ta bave sur mon pont. Tu n'es qu'un perdant, gamin, tu as laissé ton copain se faire prendre et maintenant, tu tentes de rattraper le coup. Tu aurais pu traverser la caverne d'Euros en un instant, pourquoi ne l'as-tu pas fait ? A cause de toi, ton copain va ressembler à un poisson surgelé, c'est vraiment lamentable."

"Pitié… arrête…" geignit Anton, qui poursuivait sa route malgré tout.

"Comment ? J'ai bien entendu ? Heureusement que j'ai de bonnes oreilles, avec tout ce vent, t'es tout juste audible. Faut avoir du coffre, gamin, quand on veut se faire entendre. Remarque, un type qui implore pitié, faut pas trop lui en demander niveau présence, hein…"

Anton tendit le bras pour saisir à nouveau le pont, mais ses yeux ne voyaient plus, noyés dans les larmes qui parfois gelaient sur ses joues. Il manqua sa prise, et faillit tomber.

"Oui, c'est ça, tu y es presque ! Laisse toi tomber, fais le grand saut ! Allez, qu'est-ce que t'attend ? C'est le seul truc pour lequel t'es bon. Allez, meurs, tu manqueras à personne. De toutes façons, tu n'aurais jamais obtenu ce pour quoi tu es venu."

Kassim ! En entendant les mots de Borée, Anton se remémora Kassim. C'était pour lui qu'ils étaient venus ici. Ils avaient une mission, la vie de Kassim en dépendait. Qu'ils meurent en l'accomplissant, c'était un risque pour lequel ils étaient prêts, Krell comme lui-même. Mais ils n'avaient pas le droit d'échouer, pas le droit !

Avec un hurlement de rage, Anton raffermit sa prise, sécha ses larmes, et reprit son avance, plus rapidement. Il ne pleurait plus, ses yeux brûlaient d'une flamme nouvelle.

"Oh oh, on en veut alors ? Mais que peut faire une limace dans ton genre ?"

Mais Anton ne ressentait plus rien. Les mots de Borée glissaient sur lui comme le vent sur ses flancs, sans l'atteindre. Cette mission était importante, plus que de sauver Krell ou de rester en vie lui-même. Il atteindrait son but, maintenant, quoi qu'il lui en coûte.

Et Anton s'approcha du bord du précipice, lentement. Il ne se rendit pas compte que Borée ne l'insultait plus, mais attendait patiemment, les bras croisés, au bout du pont. Les yeux de Borée n'étaient plus aussi froids qu'au début. Enfin Anton posa sa main sur la corniche, et dans son champ de vision apparut une main tendue.

"C'est bon, tu l'as réussie, ton épreuve."

Anton prit la main qu'on lui tendait, et Borée l'aida à se relever. A peine fut-il debout que le vent derrière lui cessa, et après ce tumulte, le silence se fit incroyablement puissant. Le chevalier le brisa le premier.

"Merci."

Ce fut son seul mot à l'attention de Borée, et encore ne put-il le lui dire en face. Il s'approcha du cercueil, posa son oreille contre la glace, et perçut un son étouffé mais régulier.

"Son cœur bat, je peux te l'assurer." fit Borée. "Tu as gagné le droit de le sauver, mais cela, seul mon dernier frère peut le faire. Franchis la porte de la caverne, et tu le trouveras."

Anton hocha la tête à l'attention du gardien du vent du Nord, et passa la porte. Oui, il allait sauver Krell.



"Bon sang, pourquoi c'est toujours sur moi que ça tombe ?"

Eric se trouvait de nouveau face à deux adversaires. Lazla avait sans doute vaincu Kassim trop affaibli pour lutter, et Ramon remplaçait le défunt Marty, après avoir à son tour gagné contre son adversaire.

Les deux guerriers lançaient leurs assauts de concert, se couvrant mutuellement ou au contraire combinant leurs attaques, de sorte qu'Eric n'avait aucune marge de manœuvre. Un sentiment de déjà-vu démoralisant le travaillait.

"Arkhan, grouille-toi, j'ai besoin d'aide !" priait-il mentalement.

"Cette fois, t'es cuit !" fit Ramon. Et sur un signe de la main, les deux guerriers se lancèrent en avant, leur aura se concentrant sur leurs poings.

Eric leva les bras, prêt à parer l'assaut quand soudain une énorme explosion eut lieu derrière lui. Il sentit l'onde de choc avant d'avoir pu se retourner, et celle-ci stoppa net les deux assaillants.

Tombé au sol, Eric se relevait à peine quand il entendit une voix familière demander ironiquement "Qui c'est qui a besoin d'aide, ici ?"

Levant les yeux, il ne put croire que devant lui se tenait, bel et bien vivante, fière dans son armure étincelante, Karen du Phénix !

"Eh bien Eric, que croyais-tu donc ? Sache que le Phénix ne meurt jamais !"



Le Sanctuaire, 17 ans plus tôt

Il pleuvait, en cette fin d’après midi. Il avait fait beau toute la journée, puis des nuages menaçants s’étaient accumulés au-dessus des reliefs. Enfin, le soir approchant, ils avaient éclaté en un violent orage sur toute la péninsule.

Seiya et Saori étaient blottis l’un contre l’autre sous une couverture, assis sur un banc de bois à l’abri d’une des galeries en face du jardin du Temple. Parfois le vent rabattait la pluie vers eux, éclaboussant leurs visages, mais ils en riaient, et profitaient de cet instant de tranquillité, seuls spectateurs de l’orage qui cinglait les statues millénaires au milieu du gazon verdoyant.

Seiya frissonna, sous les couvertures. Bien qu’ils fussent tout habillés, le contact, la chaleur de Saori contre lui agissaient malgré tout, maintenant une vague tension à mi-chemin entre le désir et la complicité. Seiya se mit à anticiper un peu. L’orage les occuperait encore une heure ou deux, jusqu’à la nuit noire. Puis ils rentreraient au Temple, mangeraient ensemble, regarderaient distraitement quelques dossiers avant de retourner dans la chambre d’Athéna où ils feraient tendrement l’amour, comme ils en avaient l'habitude. Seiya, sentant que son corps déjà s’excitait, quitta ces pensées pour regarder Saori avec douceur, puis l’embrasser sur la joue. Saori, surprise, le fixa étrangement avant de lui offrir ses lèvres pour un long baiser passionné.

Un éclair soudain zébra le ciel, l’emplissant d’une intense lumière blanche. Seiya et Saori clignèrent ensemble des yeux, éblouis par la lueur. Quand ils les rouvrirent, Ikki se tenait au centre du jardin battu par la pluie. Il portait quelque chose dans ses bras.

"Ikki !" Saori se leva, l’air inquiet, et Seiya se leva à son tour pour poser la couverture sur les épaules de la jeune femme. Il regarda, inquiet lui aussi, Ikki courir vers l’abri, son paquet serré contre lui. Bien qu’il ait passé peu de temps à découvert, il était trempé.
"Ikki ! Que se passe-t-il ? Pourquoi cette apparition ?"
"Ikki…" Seiya regardait le paquet, qui était en fait un bébé emmailloté dans des linges sales et rougis de sang. "Qui est cet enfant ?"

Ikki baissa les yeux vers le bébé inerte. Il ouvrit les vêtements, révélant une large cicatrice qui courrait sur tout le corps du nouveau-né. La plaie était encore vive et profonde, mais ne saignait plus. Saori eut un haut-le-cœur, et Seiya réalisa que l’enfant ne respirait plus.

"Elle est morte il y a deux heures" dit Ikki d'un ton neutre. "J’ai trouvé la voiture de ses parents au fond d’un ravin. Tous sont morts. Pourtant, je l’ai emmenée avec moi. Vous ne pouvez pas voir pourquoi, mais moi si. Il y a deux heures, la plaie était plus profonde encore. Ca y est. Regardez…"

Devant les yeux de Saori et Seiya, la profonde blessure se mit à se refermer, lentement d’abord, puis de plus en plus vite. Quelques secondes plus tard, elle était entièrement cicatrisée, et plus aucune trace ne subsistait. Mais la petite fille ne respirait toujours pas.

"Extraordinaire…" souffla Seiya. "Tu crois qu’elle va.."
"Revivre ? J’en suis certain. Tu ne t’en rends pas compte mais moi je l'ai senti. Elle émet les mêmes radiations que l’armure du Phénix. Elle EST le Phénix, en quelque sorte. Et elle renaîtra de ses cendres. Toujours."
Saori effleura la joue du bébé. Elle sentit une pulsation de chaleur, puis plus rien que la froideur cadavérique.
"Elle ne bouge toujours pas. Elle est si froide…"
"Mais elle revivra. Ses régénérations sont cycliques, apparemment. Et la phase finale de sa résurrection est sans doute plus longue. Mais elle reviendra, j’en suis sûr." Ikki regardait l’enfant avec fierté.
"Que vas-tu en faire ? Ton disciple ? Pour qu’elle devienne le Phénix à ta place maintenant que tu as abandonné l'armure ?"
"Mieux que ca, Seiya." Ikki leva l’enfant au-dessus de sa tête. "Je vais l’adopter, elle sera ma fille. Mon étincelle de vie, mon oiseau de feu. Kâ, le feu, dans notre langue. Kâ… Karen !"



Le feu. Toujours une caverne, toujours un homme en armure. Notos, le Vent du Sud portait la même protection que ses comparses, mais celle-ci flamboyait, orange et rouge, de motifs chaleureux. Les cheveux roux, hirsutes, le sourcil sévère, Notos était le contraire de Borée. Mais il était le dernier espoir de Anton.

"Je suis venu pour…"
"Je sais." Fit Notos. "Et le temps presse. Tu n'as que quelques instants devant toi. J'ai besoin de chaleur pour dégeler ton ami. La combustion de chair est suffisante. Décide-toi maintenant : acceptes-tu la mutilation ?"

Anton n'eut pas l'ombre d'une hésitation.

"Oui" s'entendit-il dire.

Aussitôt sa main droite prit feu, comme par magie, et le jeune homme hurla. La douleur était insupportable, Anton tenait son bras au niveau du poignet, mais les flammes ne remontaient pas sur lui, et seule sa main brûlait. La douleur s'apaisa tandis que les nerfs étaient cautérisés, et Anton regarda avec horreur la chair de sa propre main noircir et se désagréger, les os tomber au sol, au milieu des bandelettes métalliques de son armure, qui pleuvaient, fondues, en gouttelettes argentées.

Les flammes prirent fin, et Anton fixait, incrédule, le moignon noirci au bout de son bras. Notos, lui, tenait une boule de feu dans le creux de sa main, et il se dirigea vers le cercueil de Krell posé contre le mur tout proche.

"Krell ici ? Mais comment ?" se demandait Anton.

Notos posa la boule de feu contre la glace, la réverbération lumineuse fut si forte que Anton dut protéger ses yeux.

Quant il les rouvrit, Krell était debout face à lui. Il ouvrait les yeux, l'air surpris.

"Anton ? Tu vas bien ?"
"Comment ça ? Et toi surtout, tu vas bien ?"
"J'ai dû sacrifier ma main, mais au moins tu as pu sortir du bloc de glace."
"Hein ? Mais c'est toi qui étais dans la glace, et c'est moi qui ai sacrifié…" mais lorsque Anton leva le moignon vers son compagnon, sa main droite y avait repris sa place.

"Un rêve ???" se demanda Krell, qui fixait lui aussi sa main.

"Où sommes-nous ?" questionna Anton, regardant autour de lui.
"Dans la caverne du Roi des Vents." fit une voix dans l'ombre.

Et les quatre Vents s'approchèrent. Zéphyre, Euros, Borée et Notos. Ouest, Est, Nord et Sud. En se tournant vers eux, les deux chevaliers virent une masse sombre dans la roche de cette caverne. Ils s'avancèrent pour découvrir une statue représentant un homme aux traits délicats, protégé par une armure finement ciselée.

"Il s'agit du Dieu Eole, notre père à tous quatre."

"Dites" demanda Krell, "comment avez-vous fait ?"
"Pas besoin que vous restiez conscients après l'épreuve d'Euros. Nous vous avons plongé dans un sommeil profond, vous avez rêvé le reste. Mais si vous échouiez dans vos songes, alors…" Notos fit apparaître une boule de feu qui éclaira un coin de la caverne. Quelques squelettes y pourrissaient.

"Alors on a chacun rêvé qu'on sauvait l'autre ? Mais pourquoi ces épreuves ?"

"Quatre qualités. Intelligence, volonté, humilité, sacrifice. Les épreuves n'avaient nullement pour but de tester vos forces physiques ou cosmiques. Seules vos âmes devaient être mesurées."
"Il est rare que deux personnes réussissent en même temps. Vous êtes vraiment bien accordés." Euros était visiblement sincère.
"Vous méritez votre récompense ! " fit Borée avec un sourire.

Les quatre vents s'approchèrent de la statue, appliquèrent une outre sur la bouche de celle-ci. Il y eut un bruit d'expiration, et l'outre se tendit, gonflée. Notos referma prestement le bouchon, et tendit l'outre à Krell.
"Inutile de dire ce qu'il adviendra si vous l'ouvrez avant d'avoir rejoint celui pour qui vous êtes venus."
"Inutile en effet. Nous en prendrons soin." Acquiesça Krell.

"Fermez les yeux maintenant." Dit Zéphyre. Les deux garçons obtempérèrent, sans poser de question. "Adieu, jeunes chevaliers." Furent les derniers mots qu'ils entendirent de la bouche de l'un des vents - mais lequel ?

Ils se sentirent soulevés du sol, caressés par une brise, il y eut une brusque accélération, et puis plus rien. Les deux chevaliers ouvrirent les yeux, ils étaient en pleine montagne, à l'air libre.

"En route." Fit simplement Anton.



Le combat fut bref et sauvage. Karen s'était littéralement jetée sur Lazla, trouvant en elle l'adversaire idéale pour passer ses nerfs après ces quelques jours de repos forcé dans l'autre monde. Lazla subit une pluie de coups décochés avec une énergie incroyable, et en quelques instants, fut jetée au sol comme un pantin. Elle ne bougeait plus.

"Karen…" soufflait Ramon, sidéré par tant de puissance chez un chevalier de bronze, fut-il le disciple du légendaire Ikki.

"Karen !" reprit-il à voix haute. "Tu étais toi aussi envoyée par le Sanctuaire. Pourquoi te retourner contre nous ?"

"Parce qu'on m'a menti." Fit la jeune femme. "On m'a envoyé dans une mission suicide sous un faux prétexte pour que j'accomplisse une sale besogne contraire à mes principes. Je ne sais pas qui a manigancé ça, mais j'ai bien l'intention de le découvrir. Et pour commencer mon enquête, j'ai besoin d'avoir les coudées franches par rapport au Sanctuaire."

"C'est… C'est de la trahison ! Les Chevaliers d'or ne te laisseront jamais…"

"Mon père est un chevalier d'or ! " coupa-t-elle. "Il saura surveiller ses pairs. Ou alors, c'est qu'il fait lui aussi partie de cette embrouille, mais ça…" sa voix se fit plus douce, presque un murmure "ça, je ne veux pas y croire…"

"A toi Ramon !" fit une voix. Lazla venait de se relever, et s'agrippait au dos de Karen, la clouant sur place. "Vas-y, attaque-la !"

Ramon hésita un instant, il pouvait blesser Lazla, mais il prit une décision. Il prit l'un de ses disques, et le décocha en direction du cou du Phénix.

Le disque se désintégra dans l'air, transformé en une pluie de flocons.

"Pas question que je te laisse faire ! " lança Eric. "Désormais, tu es tout seul, je vais m'occuper de toi."

"On va s'y mettre à deux, alors." Fit Arkhan, arrivant sur les lieux.

Karen eut un sourire, puis elle décocha un coup de coude dans l'estomac de Lazla, qui lâcha prise. Malgré la douleur, elle parvint à parer les attaques suivantes, et les deux jeunes femmes disparurent dans les bois, courant l'une derrière l'autre.

"Attends ma jolie, tu vas regretter de t'être relevée, crois-moi ! Hoyoku Tenshô !"

Un océan de flammes se déversa sur la Nymphe, qu'on entendit crier au cœur du maelström. Quand les flammes s'éteignirent, la jeune femme gisait au sol, inconsciente.

"T'as de la chance que ton armure ait encaissé." Lui confia Karen, bien inutilement.



Pendant ce temps, Ramon, Arkhan et Eric se faisaient face, prêt à s'entre-tuer. Mais soudain, Ramon vit l'épée qui était toujours fichée en terre là où elle était tombée. Comme les choses tournaient mal, il prit une décision. Il se lança en avant, directement vers l'épée. Eric, tout comme la Mante, crut un instant qu'il bondissait pour les attaquer, mais comprit la seconde suivante les réelles intentions de Ramon. Il allait s'emparer de l'épée, et s'enfuir !

Le guerrier divin du Cristal fut le plus rapide. Il était plus près de l'épée que son adversaire, et sans qu'il le souhaite, son cosmos décupla sa vitesse. En une fraction de seconde, il fut sur elle, et tendit la main pour ramasser Balmung, il avait encore quelques dixièmes de seconde d'avance sur le chevalier d'argent.

Mais Eric retira prestement sa main alors que deux flèches d'or se fichaient en terre entre lui et l'épée ! En un instant, trois hommes furent sur les lieux. Le premier, celui qui avait tiré les flèches, apparut devant Eric et recula en entraînant Balmung à coups de pieds, loin du guerrier divin. Le deuxième retint Ramon par l'épaule alors que ce dernier ne réalisait toujours pas que le combat venait de prendre fin. Et le troisième fit face à Arkhan, qui déjà se préparait à intervenir.

"Ne bouge pas, Arkhan." Fit le guerrier en armure blanche qui s'opposait à lui. Il conservait ses yeux fermés, ses autres sens compensaient sa cécité.

"Qui… qui êtes vous ?" fit Eric.
"Vous venez du Sanctuaire ?" demanda Arkhan.

"Parfait les gars, vous tombez à pic ! On se débarrasse d'eux et on rentre avec Balmung !" s'enthousiasmait Ramon.

Mais Veiya, le guerrier en armure dorée, ne partageait pas ce point de vue.

"Désolé Ramon, mais ce n'est pas notre mission. Et je crois que toi, tu as raté la tienne, tu devrais rentrer avec nous."

"Quoi ? Mais c'est l'occasion rêvée ! C'est le moment de piquer Bal…"
"Ramon, on t'a dit non, il me semble." Fit le chevalier aveugle d'une voix ferme. Kengo n'avait beau être qu'un chevalier de Bronze, d'un rang inférieur à celui de Ramon, ce dernier se tut immédiatement. Le chevalier de l'Aurige ne savait quoi répondre, il ne comprenait plus rien.

Arkhan brisa le court silence qui suivit.

"Mais vous êtes nos alliés ou ceux du Sanctuaire, à la fin ?"

Et Kengo de sourire énigmatiquement. "On joue uniquement les curieux, c'est tout."

A cet instant, Karen fit son apparition, déboulant d'entre deux buissons.

"Ces cosmos ! Je m'en doutais."

"Salut cousine ! " fit Kengo. "Tiens, tu veux bien garder ça pour la princesse ?" Et sur ce, Veiya donna un coup de pied, jetant l'épée devant le Phénix. Karen posa son pied sur la lame, comme pour empêcher qu'on la lui prenne, sans mot dire.

Puis Ayaïn, Ramon, et Veiya, disparurent. On vit Ayaïn partir dans la direction où brûlait encore le faible cosmos de Lazla. Kengo allait lui aussi partir quand Arkhan l'interpella.

"Attends ! Je suis sur de t'avoir déjà rencontré ! Qui es-tu ?"

Kengo désigna Karen d'un geste. "Pose-lui la question. Elle sait." Puis il disparut à son tour.

Arkhan resta interdit quelques instants avant de se tourner vers la jeune femme, leur nouvelle alliée. "Karen, tu sais qui il est ?"

Eric s'approcha, lui aussi avec une question "Il t'a appelée 'cousine', ou j'ai rêvé ?"

Karen resta muette, fixant le sol, comme si elle hésitait sur la marche à suivre. Puis elle fixa Arkhan droit dans les yeux.

"Il est bien mon cousin, nos pères sont frères. Il s'appelle Kengo, chevalier de Bronze de Pégase. Et si tu crois te souvenir de lui, c'est bien parce que tu l'as déjà rencontré, il y a fort longtemps, avant que ton père ne t'abandonne alors que tu n'étais qu'un bébé. Kengo est ton grand frère."



à suivre dans le chapitre 8 : "Sans Famille"



un mot de l'auteur :
Et oui, Karen du Phénix est revenue.

Avant toute chose, une précision : oui, le retour de Karen était prévu depuis le début. Dans le projet de jeu de rôle originel, elle faisait partie du groupe principal de personnages, en PNJ (*) d'abord avant que je ne la refile à un joueur en remplacement d'un PJ (*) tué. Pour moi, Karen a toujours été un personnage principal.

Et ce fut sans doute là mon erreur. Malgré sa courte apparition dans le chapitre 1, Karen portait déjà en elle ce rôle important, et vous lecteurs l'avez bien senti. Combien de fois m'a-t-on demandé si elle allait revenir ? Et moi, pour garder le suspense, combien de fois ai-je éludé la question en répondant simplement qu'elle était bel et bien morte (ce qui en plus est vrai !) ?

Mais au charisme du personnage, sans doute (trop ?) hérité de celui de son père, à qui elle ressemble beaucoup (mais maintenant, vous connaissez la vérité !), s'ajoute un malentendu qui vient de l'animé et auquel je n'avais pas pensé. Pour de nombreuses personnes en effet, Ikki est véritablement immortel. Sa résurrection contre le chevalier des Flammes, ses multiples réapparitions surprises, ont créé la légende du chevalier immortel, légende qui n'est qu'illusion dans le manga. En effet dans ce dernier, Ikki ne meurt pas à la fin du combat contre les chevaliers noirs, et il réapparaît un peu plus tard. De même, je doute que dans la maison de la Vierge il soit bien mort (car si c'était le cas, on peut en dire autant de Shaka. Or celui-ci ne semble pas immortel. Je pense que les deux chevaliers ont été projetés dans une autre dimension par l'explosion, dimension qu'ils quitteront grâce à l'aide de Mu). Et par la suite, il n'y a plus d'ambiguïté. Ainsi conçois-je Ikki : un chevalier dont l'armure seule est immortelle, mais qui joue de sa légende pour impressionner l'adversaire, et qui malgré sa résistance exceptionnelle, n'en est pas moins mortel. Malheureusement, le mal était fait, et de nombreuses personnes ont pensé que Karen, comme son père, était immortelle. C'est bien le cas pour elle, mais ça ne l'est pas pour Ikki (du moins dans ma compréhension) !

Bref, le malentendu ainsi qu'un raté de ma part (j'aurais dû faire de Karen un personnage moins impressionnant au début) ont fait que beaucoup avaient éventé l'immortalité de Karen. Je me suis demandé pendant longtemps si du coup je devais précipiter son retour ou au contraire, le retarder le plus possible (comme Karen était un personnage de "réserve", son entrée en scène n'était pas chronologiquement figée dans le scénario originel), mais comme j'ai improvisé la bataille du Temple du Soleil (afin de mieux présenter les personnages), cela m'a permis de gagner du temps, et finalement sa réapparition n'a lieu qu'au chapitre 7 (sans la bataille, elle aurait eu lieu au chapitre 4, bien trop proche du 1).

En tous cas, ce sont les fans de Karen (et ils sont nombreux ! ) qui vont être contents !!

(*) vocabulaire de jeu de rôle. PJ = personnage joué, PNJ = personnage non joué, donc manipulé par le maître du jeu (l'arbitre).

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Cette fiction est copyright Patrick Huart.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.