Chapitre 11 : Les Liens de l'Amitié


Mu

Le cœur battant, je courrais, avec tout ce qui me restait de force. Le sang coulait sur moi et se mélangeait à mes larmes sur mon visage. Je n'avais plus conscience de la douleur, physique du moins. Mais j'avais pourtant mal.
Je ne pouvais pas croire qu'il venait de disparaître, d'offrir sa vie à Athéna alors que j'avais été si proche de lui durant les dernières secondes de son combat. J'avais même vu le final de l'endroit ou je marchais et s'il avait attendu quelques secondes de plus, j'aurais pu lui apporter mon aide. Il avait été prodigieux et plus brillant que jamais durant cet affrontement et il ne méritait pas de mourir. Dans le passé, non avions été complètement opposés sur de multiples points, à de multiples reprises mais dans l'Hadès puis dans les dimensions que nous avions été obligés de traverser, nous nous étions terriblement rapprochés. Il n'existait plus de dissension entre nous, et j'avais discuté avec lui assez souvent ces derniers temps. Nous étions devenus proches, au point que j'avais la présomption de croire que nous étions amis.
Je ne courrais plus à présent, je marchais presque sur l'eau, Athéna me donnant des ailes pour que j'arrive plus vite auprès de lui. Aphrodite n'était mort que depuis deux ou trois secondes, pas plus et j'avais peut-être encore une chance de...
Je me retrouvais en deux enjambées, alors que je recevais la fine pluie de pétales de roses sur moi, près de son cadavre qui flottait. Je ne voyais que son dos et ses longs cheveux car son visage était enfoncé dans l'eau. Les fleurs qu'il nous offrait un cadeau d'adieu recouvraient les marais d'une fine pellicule de pétales qui semblait totalement en décalage avec la laideur de l'endroit.
De mes mains fébriles, je le retournais pour voir son visage et prenais rapidement son pouls. Il était totalement inexistant.
-Non, murmurais-je. Tu ne retourneras pas dans l'Hadès son moi, mon ami.
Mes mouvements atteignaient la vitesse lumière sans même que je le réalise. Il avait reçu un coup que j'avais entendu s'appeler d'ou j'étais, la Bloody Thirsty Evaporation. Il devait donc perdre tout son sang et allait se retrouver desséché. Pourtant, il avait toujours cet aspect de poupée de porcelaine… non, peu à peu, sa peau se ridait à peine. Mais alors, si le processus n'était pas complètement terminé, même s'il ne vivait plus, il existait peut-être encore un espoir.
-Ne me laisse pas Aphro… accroche-toi, dis-je, en me remémorant la forme de sa constellation.
J'ôtais à toute allure son armure. Je n'avais plus le temps de réfléchir. Il dépendait de moi et j'allais le sauver. Mon ami, mon compagnon, mon frère… Je rejetais d'un mouvement de tête mes immenses cheveux en arrière et entamais mon projet. Vite… vite, Mu! pensais-je.
Je perçais à une vitesse vertigineuse des trous dans son corps. Le point étoilé servait d'ordinaire à faire évacuer le sang impur des corps ou à arrêter une hémorragie. Et j'espérais qu'en réalisant cette entreprise, ce qui s'était introduit en lui et l'avait tué allait disparaître et j'allais de plus laisser couler tout le sang que je perdais sur lui… oh mais non! Nous n'étions pas compatibles! J'étais du groupe A et il était O! Non! Non… c'était monstrueux… je… que pouvais-je faire?!
Je comprenais soudainement que cela n'aurait de toute manière servi à rien. Cela n'aurait jamais fait repartir son cœur. Par Zeus! Je paniquais complètement et me laissais submergé par ma peur, moins, le tempéré, le froid chevalier du Bélier! Oh! Il fallait que je trouve quelque chose, quelque chose de prodigieux qui ferait un miracle. Il ne me restait plus qu'environ une minute avant de le perdre définitivement.
-Non, le chevalier des Poissons ne mourra pas, parole de Mu! m'écriais-je alors que la lumière faisait jour dans mon esprit.
Je voyais que des trous que j'avais percé, s'échappait une substance noirâtre. Bien, c'était exactement ce qu'il fallait et maintenant...
J'apposais mes main sur sa poitrine.
-Aphro… ne baisse pas les bras. Reviens sur tes pas… reviens vers moi!
Je concentrais tout ce qui me restait de puissance en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Je demandais en même temps clémence pour lui. Il fallait que se produise un miracle et qu'Athéna me prête sa force. Je n'avais plus que quelques secondes devant moi et...
-Starligth Extinction! hurlai-je dans le silence glacé de la mort qui régnait alors sur ce côté des marécages.
Je crois que j'avais hurlé tellement fort, que l'île entière avait du m'entendre. Un choc aussi puissant que celui que je venais de lui administrer devait le faire repartir s'il y mettait du sien. Oh! Aphrodite, je t'en prie...
-Pour l'amour d'Athéna et au nom de l'amitié...
Je… Il… Il avait bougé un doigt. Était-ce possible? Était-ce une illusion? Était-ce mon envie de le voir de nouveau vivre qui avait provoqué sur moi cette hallucination? Je passais rapidement une main sous sa nuque, alors qu'il flottait sur le dos, pour l'aider à reprendre sa respiration au cas ou j'avais réussi. J'avais réussi! De l'autre main, je pris rapidement son pouls. Je ne sentais rien. Absolument rien et… si! En me concentrant mieux, je constatais qu'il était présent, très faible mais bien présent.
-Que tous les dieux de l'Olympe soient bénis! criai-je avant que mes larmes, qui s'étaient arrêtées alors que j'étais en pleine action, maculaient de nouveau mon visage, se fondant au sang que je perdais.
Aphrodite se mit à toussoter doucement, comme une personne qui n'aurait plus eu d'air dans ses poumons depuis bien longtemps et je vis ses paupières tremblées. Il revenait dans le monde des vivants. Je fermais les yeux sans cesser de pleurer de joie et lorsque je les rouvris, je vis mon ami, toujours allongé, et surtout, je croisais son regard, ses grands yeux bleu pâle pailletés de noirs par endroit… jamais, jamais je n'avais été aussi heureux depuis le jour ou j'avais été cherché Athéna à la sortie du gouffre de l'enfer. Cela me semblait d'ailleurs s'être passé il y avait de cela des siècles.
Je remarquais soudainement que mon frère tentait de me dire quelque chose. Je voyais ses lèvres bouger mais je n'entendais rien en sortir. Je rapprochais mon oreille de sa bouche pour que son murmure me parvienne. J'étais heureux, si heureux...
-Je crois bien… je crois bien que j'ai été refaire un petit tour chez Hadès pendant quelques instants.
-Oui, je sais, répondis-je presque en sanglotant. Tu m'as fait rudement peur.
-Oui. J'ai eu peur aussi, tu sais. Et pas qu'un peu.
Sa voix était à peine audible mais je devinais ses paroles.
-Mu?
-Quoi, Aphrodite?
-Merci de m'avoir sauvé la vie car je suppose que c'est à toi que je dois ce miracle.
-C'est surtout à toi que tu dois ton retour ici. Si tu n'avais pas eu une telle volonté de vivre, je n'aurais rien pu faire pour te sauver et te venir en aider.
-Bah tu penses! répliqua-t-il alors que sa voix se faisait un peu plus forte. J'attends trop de la vie. Et puis l'Hadès, j'ai déjà vu une fois et merci bien mais très peu pour moi. Non, je suis mieux ici, franchement mieux.
Je me mis à rire. En fait, je riais et je pleurais en même temps. Je ne savais plus comment je devais réagir alors que mon ami tentait de se remettre sur ses pieds. Il vacillait, tout comme moi, qui faillit tomber en arrière car je subissais le contre-coup de ce que j'avais accompli. J'étais extrêmement faible depuis mon combat contre Argus et j'avais donné toutes mes forces vitales en réanimant Aphrodite mais je ne regrettais rien. Si c'était à refaire, je le referai mille fois.
Le chevalier des Poissons passa alors, en me souriant du mieux qu'il le pouvait, c'est à dire très faiblement, un bras autour de mes épaules et j'adoptais instinctivement la même posture. Nous nous soutenions mutuellement car nous avions décidé de partager notre agonie. J'échangeais un regard entendu avec lui et d'un geste du menton, il me désigna le cadavre de son adversaire.
-Allez viens, je vais te montrer comme mon opposant était laid. Tu n'en reviendras pas. C'est une chose qu'il faut voir au moins une fois dans sa vie, je te le garantis. Oui, pas arrangé du tout par la nature...
Il voulut partir d'un grand rire ironique comme il savait si bien le faire, mais celui-ci se mua en une toue déchirante. Et j'eus une grimace de douleur alors que je sentais mes plaies s'envenimer au fur et à mesure que le temps passait.
-Ce n'est rien, Mu, allons-y.
Je hochais la tête alors que nous commencions à marcher vers l'horizon. Je sentais que la flamme de son cosmos s'était rallumé et que partout sur l'île, nos compagnons devaient être en liesse. Aphrodite n'était pas mort et nous jubilions tous.
La fine pluie de pétales de roses s'était arrêtée, laissant les domaines recouverts d'une fine pellicule semblable à celle que pouvait faire naître la neige. C'était magnifique. Je sentais moi aussi que mon âme redevenait plus légère car j'avais réussi l'essentiel.
Je jetai un rapide coup d'œil à mon ami qui ne le remarqua pas. Il avait l'air blême, extrêmement fatigué pour ne pas dire au bord de l'épuisement mais il était parmi nous. En vie. Et c'était grâce à moi, grâce à lui et surtout, grâce aux liens de notre amitié.

Les larmes de chagrin avaient fait place aux larmes de joie sur le visage de la princesse Athéna. Elle avait donné de sa force à Mu pour que ce dernier réalise un miracle dont elle le savait capable. Le chevalier du Bélier avait été prodigieux et malgré le peu d'énergie et de capacité à raisonner qui lui restait, suite à son terrible combat, il avait accompli une véritable résurrection. La flamme de la vie s'était rallumée en Aphrodite, doucement, fébrilement car celle-ci vacillait mais on sentait qu'elle était bien présente. Sur toute l'île, des cris de joie s'élevaient dans les airs.
Saga et Athéna pressaient leur mains ensemble alors qu'un sourire satisfait paraissait sur le visage de Shaka. Milo et Hyoga se donnaient de joyeuses bourrades pendant que Masque de Mort respirait de nouveau mieux. Shiryu et Nikè se souriaient sans vraiment y croire alors que Dohko hochait pensivement la tête. Kanon se releva péniblement, songeant que ce qui était arrivé devait lui redonner courage, lui redonner l'envie de vivre, d'avancer, comme Mu et Aphrodite le faisaient en parallèle. Évidemment il était seul, physiquement du moins, mais il savait qu'Athéna l'accompagnerait partout ou il se rendrait. Nikè aussi était à ses côtés et il ne devait pas les décevoir. Aioros et Shun eurent un même cri euphorique alors qu'ils avaient de plus en plus de mal à contenir leurs adversaires.
Le territoire d'Arès résonnait des battements de cœur apaisé, des palpitations des âmes rassurées des chevaliers d'Athéna.
Et il ne pouvait pas y croire. Il ne le supportait pas. Comment avait-il fait? C'était ce maudis chevalier du Bélier qui avait agi à sa guise en jouant au médecin et en annulant de part la même une mort qui lui aurait été bien utile. Jamais il ne le lui pardonnerait. Jamais. Il se vengerait le moment venu et il saurait attendre son heure. Pour une fois, il allait se montrer patient, même si ce n'était pas dans sa nature.
Il arpentait de long en large son immense salle du trône, faisant les cents pas dans son allée principale dallée de marbre. Il faisait par moment de larges mouvement tout en pensant, ce qui le rendait, dans sa toge de couleur noir et rouge, encore plus impressionnant qu'à l'habitude.
Il avait une affection particulière pour Leech. C'était grand dommage. Ce monstre était l'un des berserkers les plus endurants existants et maintenant… Aphrodite le paierait très chèrement. La sangsue avait toujours été facile à contrôler, ses pensées rapides à deviner. Pas comme d'autres. Pas comme Bételgueuse pour prendre le plus bel exemple. Leech, lui, était la représentation qu'il se faisait du parfait soldat, obéissant et presque invulnérable et maintenant… il était mort.
-Soyez tous maudis! hurla-t-il alors que sa voix résonnait dans l'immense salle que l'on aurait pu croire vide de toute autre présence que la sienne.
Mais dans l'ombre de son trône, appuyées contre les accoudoirs, se tenaient deux silhouettes qui semblaient observer le dieu de la guerre.
-Calmez-vous un peu, votre majesté. Ce n'était qu'un commandant et vous savez aussi bien que nous qu'ils ne parviendront jamais jusqu'à nous. Les empereurs les en empêcheront, voyons. Et ils sont loin d'avoir tout vu.
Arès s'arrêta de marcher et regarda la personne qui venait de lui parler avec sérieux et intensité.
-Je sais tout ce que tu viens de me dire.
-Et puis... ajouta une autre mystérieuse voix, pensez que nous sommes là. Nous ne les laisserons jamais passer, ni même gagner. Si on doit en venir jusque là évidemment, ce qui m'étonnerait.
Le ton était tranchant, incisif presque et Arès éclata d'un rire franchement amusé. Il comptait bien sur la présence de ces fidèles serviteurs auprès de lui. Il avait entière confiance en eux et après tout, comment aurait-il pu en être autrement? Il ne s'agissait pas de n'importe qui tout de même. Il sourit en hochant la tête. Sa colère venait de retomber et il se sentait de nouveau prêt à se réjouir des difficultés des chevaliers d'Athéna et de la déesse elle-même.
-Et puis, si l'un d'entre eux a perdu la vie, cela prouve bien notre supériorité… Leech est mort aussi me direz-vous, mais il est loin d'être le seul combattant en faction! Et puis, Mu je crois, oui, comment oublier ce nom que je maudis, ne pourra pas être dans tous les domaines pour tenter de faire repartir le cœur de ses amis. Mais sincèrement, ils m'ont étonné, sur cette histoire là.
Il y eut un rire dur, froid et sardonique qui s'éleva dans l'air. Arès aimait les entendre ainsi, cela avait un goût de victoire. Et puis, cela le calmait, lui apaisait ses nerfs qui étaient mis la plupart du temps à rude épreuve. Il y avait encore à peine quelques minutes, il aurait enfourché l'un des deux chevaux que Zeus lui avait offert il y avait bien longtemps, alors qu'il était encore du côté du dieu le plus puissant, pour aller combattre lui-même sur son terrain. Cela n'aurait pas seulement été un acte de fureur, mais aussi un soulagement. Il avait particulièrement envie de répandre lui-même du sang sur ses terres, d'en sevrer le sol, d'entendre les cris de douleur, de voir de lentes agonies qu'il aurait engendrées… mais il devait se montrer patient. S'il se rendait, comme son instinct et son sang chaud lui disait de le faire, dans Azura, alors le nombre de chevaliers d'Athéna ayant péri serait nettement réduit, puisqu'ils perdaient tous la vie en se rendant jusqu'à lui. Il était donc logique qu'il patiente encore un peu, même s'il ne se sentait pas toujours la force de le faire. Il souhaitait être dans l'action, au centre des affrontements, pour pouvoir se gorger d'images de supplice, mais les voix de la raison était là pour le faire redescendre de ses rêveries. Et il les écoutait toujours.
Arès haussa les épaules et revint s'asseoir sur son trône. Et bien soit, il attendrait si telle était la meilleure solution.
Tout ce qui comptait, c'était sa victoire.


Aioros

Mon Nunchaku à trois branches me manquait cruellement mais je savais que Shun en avait encore plus l'utilité que moi-même. J'avais d'abord cru, en voyant pour la première fois Phaéton et Épiméthée, que le premier des deux était le plus puissant, le plus hargneux et le plus sanglant mais la vérité était toute autre.
Certes, il malmenait, à ma plus vive angoisse, le pauvre chevalier d'Andromède avec beaucoup de satisfaction, mais la soif de sang la plus étendue était incontestablement celle de mon opposant. Notre corps à corps n'avait cessé que lorsque nous avions cru Aphrodite mort. Dieu merci, il avait été sauvé et j'aurais aimé me réjouir plus longtemps si seulement mon ennemi ne m'avait pas pris à la gorge et projeté contre les parois des rocheuses. Ma tête avait pris un coup difficile et j'avais du mal à tenir sur mes jambes, sans voir double ce qui était loin d'être pratique.
Épiméthée se déplaçait aussi vite que moi et je me rendais bien compte que les Berserkers étaient les pires ennemis que l'on puisse trouver. Mais quoi de plus normal? Cette guerre sainte opposait après tous les combattants du dieu de la guerre, contre ceux de la déesse de la guerre. Il allait de soi, dans de pareilles conditions que les forces qui s'affrontaient se trouvaient être à peu près du même niveau. Et ce n'était pas de gaieté de cœur que je me l'avouais car rien de tout cela n'était fait pour m'arranger la vie.
De plus, j'avais l'esprit ailleurs car je sentais de moins en moins la présence de mon frère sur l'île. Il n'avait pourtant pas encore livré de bataille… alors que lui arrivait-il? Était-il aux prises avec un personnage si puissant qu'il n'avait pas même le temps d'attaquer? Cela m'étonnait grandement de lui. Je le connaissais et le jugeais extrêmement fort. Et quoi qu'il pouvait lui arriver, je savais qu'il emmènerait, dans le pire des cas bien entendu, son ennemi avec lui dans la mort. Mais là, il n'y avait pas le moindre éclat de cosmos alors que le sien disparaissait au fur et à mesure que les secondes s'égrenaient.
Mes réflexions m'emmenaient bien trop loin et Épiméthée s'en rendit immédiatement compte et profita de ma situation d'inattention pour me faire rouler à terre avec une violence accrue pour sa soif de vaincre.
-Alors, chevalier du Sagittaire, encore perdu dans tes pensées?
Je ne répondis rien et me redressais immédiatement. Je devais faire vite, et ne pas me laisser détourner du court de mon combat car sinon, c'est moi qui risquait de perdre la vie. Cependant, une infime partie de mon esprit ne pourrait pas cesser de penser à Aiolia, ce frère que j'avais trop peu retrouvé et que je ne voulais pas perdre. Nous avions encore trop de choses à nous dire et à partager et le destin ne pouvait pas nous faire subir encore une nouvelle épreuve.
Épiméthée sourit en découvrant ses dents de carnassier et je vis ses yeux noirs étinceler d'une lueur de sauvagerie à glacer le sang de tout autre qu'un chevalier.
-J'en ai assez de ces préliminaires, laissa-t-il tomber au bout d'un bref silence que seuls les cris du combat voisin perçaient. Passons donc un peu aux choses sérieuses.
Je compris que tout allait s'accélérer et que ma vie et celle de millions d'être humains allaient se jouer maintenant, entre nous deux.
-Mais avant, pourrais-tu me répondre? interrogea Épiméthée avec un sourire sarcastique.
-Cela dépend de la question, répliquai-je avec méfiance.
-Mon nom ne te rappelle-t-il rien?
Quelle curieuse question il me posait alors que nous nous apprêtions à combattre. Était-ce un piège? Une manière de me faire perdre ma concentration? Cela n'en avait pas l'air à en juger par l'expression suffisante qui se peignait sur son visage. Je devais avoir affaire à quelqu'un de connu et de, sans doute, très vexé, car je ne l'avais pas identifié.
Épiméthée… si, bien-sûr, cela sonnait comme familier. Je songeais qu'il serait peut-être bon d'écouter son histoire avant de commencer à attaquer car cela ne pourrait que m'en apprendre plus sur son compte. Et, par conséquent, peut-être m'apporter un avantage sur lui. Je pensais déjà avoir bien cerné sa personnalité, mais ses motivations… il en allait tout autrement, si toutefois il en possédait, évidemment.
Je cherchais encore un peu dans ma mémoire, faisant un effet louable car mon mal de crâne était de plus en plus insoutenable. Épiméthée… qui était-ce? Il avait raison, je le connaissais. Je regardais les traits de son visage comme si je procédais à une inspection. Il avait l'air ravi de l'examen auquel je me livrais.
Pourquoi m'était-il si… comment expliquer ce qui m'arrivait? J'éprouvais en sa présence, une sensation de déjà-vu mais j'étais pourtant persuadé de ne jamais avoir rencontré nulle part sa physionomie. Je m'en serrais rappeler… Épiméthée, non vraiment, j'avais beau faire des efforts mais à part trouver que cela avait les mêmes consonances que Prométhée, je ne voyais vraiment pas. Décidément je perdais mon temps et...
Je me figeais. Épiméthée. Prométhée. Non, non, je ne pouvais pas croire à ce que je venais de songer.
Je lançai un regard vers mon adversaire et compris à sa mine orgueilleuse que j'avais mis le doigt sur la vérité. Mais alors, si tel était la cas, j'étais dans de très graves problèmes. Oui, dans de très graves problèmes. Je venais d'assembler deux pièces d'un puzzle terrifiant que je n'osais pas encore regarder en face. La lumière qui avait fait jour dans mon esprit m'effrayait, m'aveuglait. Cela devait se lire clairement sur mon visage, car Épiméthée eut un sourire ironique.
-Je vois que tu as enfin retrouvé un peu de ta capacité à réfléchir. Est-ce à cause du coup sur la tête que je t'ai asséné tout à l'heure que tu es aussi lent, ou bien serait-ce ton état naturel?
Mon étonnement, non plus que cela, mon effarement, lui donnait la possibilité de se permettre tous les sarcasmes qu'il désirait sans que je puisse l'en empêcher. J'étais abasourdi par ma découverte et je voulais confirmation. Cependant, je devais tenter de dissimuler mon trouble et ma confusion pour ne pas lui donner l'avantage. Mais cela allait être difficile car s'il était bien l'homme que je le soupçonnais d'être, cela voulait dire que je risquais de perdre la vie dans mon combat. Il était si puissant et… je devais à tout prix essayer d'en savoir plus.
-Épiméthée… cela me rappelle en effet une histoire mythologique, avançais-je prudemment et avec un calme qui m'impressionnait moi-même alors que j'avais envie de débiter une cascade de paroles.
Il ne répondit pas. Il attendait que je parle car il savait que la position du demandeur était celle qui rendait le plus faible.
"Le bougre! pensais-je, il a tout prévu. Surtout que je ne peux pas me soustraire à l'interroger sur un problème aussi grave que celui-ci."
-Serais-tu, le frère de Prométhée?
Il serra les poings et grinça presque des mâchoires en entendant prononcer le nom de son illustre aîné. Mais il tâcha de récupérer son sang-froid, d'après le mouvement impérieux d'autorité, qu'il s'imposait à lui-même en toutes circonstances, qu'il eut. Il désirait visiblement garder le contrôle de la situation et ne pas laisser son heure de gloire lui filer entre les mains.
-C'est exact, dit-il. Je suis bien le frère de Prométhée.
Il réprima une petite grimace de dégoût avant de laisser échapper entre ses dents en un long sifflement:
-Mais je te serai gré de ne pas me qualifier comme cela.
Je l'avais mis en colère par une simple question mais je ne me demandais pas pourquoi. Je connaissais les dissensions qu'il avait existé des siècles et des siècles auparavant entre eux et leurs histoires de famille ne m'intéressaient nullement. Tout ce que je voulais savoir, c'était comment et surtout, pourquoi Épiméthée était actuellement en faction parmi les Berserkers d'Arès. Mais sa position n'avait finalement rien d'étonnant, car, venant d'un homme tel que lui, on pouvait véritablement s'attendre à tout.
Maintenant, je me souvenais clairement des légendes se rapportant aux deux frères. On nous les enseignait au Sanctuaire lorsqu'on était jeune car il était naturelle de les savoir mais je n'avais jamais songé que c'était parce que l'un des deux protagonistes de ses mythes avait une âme immortelle. Même si on me l'avait dis, je n'aurais jamais cru que le cadet des deux frères était un berserker. A présent tout me revenait.
Après la création de la race humaine par les dieux, ces derniers trouvaient que les humains n'avaient que bien peu d'occupations et bien peu de sentiments. Un titan du nom de Prométhée était d'ailleurs de cet avis et c'est pourquoi, il se décida un jour à créer les émotions tels que l'amour, l'amitié, la générosité… pour en faire cadeau aux habitants de la Terre. Il se chargea ensuite d'enfermer dans une boîte tout ce qu'il ne désirait pas voir distribuer et qui était de véritables fléaux pour le genre humain, tels que la jalousie, la haine et bien d'autres encore.
Cette boîte, il n'avait pas le temps de la garder lui-même et il choisit de la confier à la personne en qui il avait le plus confiance, son propre frère, Épiméthée. Mais celui-ci détestait les hommes au plus haut point mais ne voulait malgré tout pas briser la promesse qu'il avait fait à son aîné comme quoi il n'ouvrirait jamais le petit coffret. Les dieux, n'aimant pas non plus les hommes, lui envoyèrent la solution, une femme nommée Pandore, à la beauté hors du commun et à la curiosité dépassant l'imaginable.
Cette dernière, que nous autre chevalier, ne connaissons que trop bien pour l'avoir croisé dans le royaume d'Hadès, ne put résister à l'envie de découvrir ce qui se cachait dans cette boîte et elle l'ouvrit sur l'insistance un peu pressante d'Épiméthée. C'est à cet instant que se répandit sur la terre tous les fléaux.
En apprenant cela et au comble de sa détresse, Prométhée chercha une sorte d'antidote qui eusse permis à tout cela de s'arrêter mais, n'en trouvant qu'un, qui, bien loin d'arrêter les vagues de mauvais sentiments et de la maladie qui s'abattaient sur la terre, rendait simplement ce peu enviable sort plus vivable: cela s'appelait l'Espoir. Le dernier recours de ceux qui ont tous perdu.
Épiméthée se chargea de le dénoncer aux dieux et Prométhée fut emprisonné pour l'éternité, mais malgré tout ce qu'on lui fit subir, il ne trahit jamais le genre humain.
Cette histoire m'avait toujours profondément ému et touché. J'éprouvais, depuis ma plus tendre enfance, une admiration sans borne de Prométhée et maintenant, je me retrouvais en face de celui à qui l'humanité devait tous ses problèmes et celui qui avait été la cause de l'arrestation de la personne qui m'avait toujours servi d'icône.
Je me demandais soudainement pourquoi je n'avais pas réagi avant. Comment avais-je fait pour ne pas reconnaître immédiatement Épiméthée? Celui-ci sourit, voyant que je m'étais rappelé son histoire dont il n'avait pas l'air peu fier. Comment osait-il arborer un sourire aussi orgueilleux et suffisant après tous les crimes qu'il avait sciemment commis?!
-Et bien, Aioros, visiblement, tu ne me portes pas dans ton cœur. Serais-ce le souvenir de mon passé qui t'affecte tant? Personnellement, j'en suis ravi, mais est-ce que cela t'intéresserait de savoir comment je me suis retrouvé sur l'île d'Azura?
Je ne répondis pas. Je ne désirais même plus échanger un mot avec ce monstre qui me répugnait.
-Et bien, figure-toi, continua-t-il, que Prométhée a été enfermé ici même, sous la juridiction d'Arès et que je fus son geôlier durant de très longues années. A force d'être ici, le dieu de la guerre a décidé de faire de moi l'un de ses commandants. C'est tout simple et je n'ai pas eu envie de refuser. Le mode de vie des Berserkers me convient parfaitement.
-Pas étonnant, répliquai-je d'un ton acerbe alors que l'un des sourcils de mon adversaire formait soudainement un arque ironique. Mais… Prométhée est-il encore là?
-Non, plus depuis quelques siècles… il est maintenant chez Hadès qui s'en occupe tout aussi bien. Cela a l'air de te contrarier. Pourquoi, comptais-tu le délivrer?
Il partit alors d'un rire mauvais et troublant qui me déplaisait très fortement. Je l'observais derrière les yeux froidement lucides de la colère.
-Tu es l'être le plus méprisable existant, Épiméthée, déclarai-je en tentant de contenir ma voix qui vacillait légèrement sous l'effet d'une rage sourde. Et je peux te garantir que tu vas mourir ici même. Je vengerai ton frère au nom de tous les hommes.
-Que de menaces, Aioros, mais ce ne sont jamais que des paroles. Il serait peut-être temps de mettre tes plans à exécution, quand dis-tu?


Masque de Mort

Altaïr s'était ruée sur moi comme une furie alors que Fomalhaut regardait le spectacle avec amusement. J'avais saisi ma double chaîne et parais avec tous ses coups. J'étais encore très loin d'avoir une maîtrise parfaite de l'arme, surtout que la mort d'Aphrodite et sa subite résurrection m'avait beaucoup troublé et me préoccupais l'esprit. Ce qui c'était passé tenait du miracle et je sentais à distance la flamme de son cosmos familier se remettrait à brûler lentement. Mon esprit ne cessait pas de dériver vers lui et vers ce qui lui était arrivé. Il avait du tombé sur un commandant d'une puissance extrême pour que cela se produise, alors qu'allais-je faire face à deux ennemis en même temps?
Pour le moment je m'en sortais avec les honneurs car ils ne m'attaquaient qu'à un à la fois et en plus, j'avais Aiolia à sauver. Franchement, je ne le remercierai jamais assez de m'avoir mis dans une pareille situation.
Alors que j'envoyais d'un coup de poing Altaïr à terre, je ressentais de plus en plus fortement la disparition de l'esprit d'Aiolia. Il avait d'habitude, comme nous tous, les chevaliers d'Or, une présence remarquable car il dégageait une aura très puissante, mais là… j'avais l'impression qu'il s'enfonçait dans les limbes de son passé. Mais comment pouvais-je l'en en faire sortir? Non seulement, je ne connaissais pas la manière d'arrêter la "Nigthmare Vision" mais en plus, même si j'avais su, je n'aurais pu l'appliquer car on ne m'en aurait pas laissé le temps.
Enfin, un problème à la fois. Quel était le plus urgent à faire? Abattre Altaïr ou sauver Aiolia? La réponse m'apparut assez rapidement comme évidente. Mon ennemi pouvait bien patienter alors que plus le temps passait, plus mon compagnon se retrouvait dans une situation irrécupérable. C'était à moi d'agir vite et si possible, et c'était moins sûr, bien.
J'assenais un coup de Nunchaku violent en un geste exaspéré à Altaïr qui fut projeté à plusieurs dizaine de mètres devant moi. Avant qu'elle n'est le temps de se relever, je me précipitais sur elle et la rouait de coups de pieds pour qu'elle ne se relève pas immédiatement. Elle protégeait sa tête de mes coups et me donna soudainement un violent coup dans le mollet ce qui me fit vaciller. Elle se mit d'un bond sur ses pieds en cria:
-Anger Elements...
Il me sembla que le sol s'ouvrait sous moi, qu'il essayait de m'attirer en lui alors qu'une pluie déchaînée tombait du ciel. Elle m'envoyait la colère des éléments, c'était cela son attaque? Et bien j'étais mal parti. La terre me maintenant prisonnier, incapable de bouger alors que le sol devenait de plus en plus chaud et je savais que si je n'avais pas porté une armure d'Or, mon corps aurait été calciné.
Derrière, Fomalhaut me regardait avec impassibilité et il jetait de temps à autre de légers coups d'œil en direction d'Aiolia. Ce pouvait-il que… j'avais trop mal pour réfléchir. La pluie qui tombait était acide et provoquait de sérieux dégâts sur la peau de mon visage.
-Qu'est-ce que c'est que cette m… vociférais-je en suspendant ma phrase car tout tremblait autour de moi.
La terre essayait de m'absorber, de se nourrir de moi et j'étais loin d'être d'accord. Altaïr riait de plaisir à l'idée de sa victoire et battait presque des mains de joie. Elle ne me pensait pas très coriace et malgré la douleur qu'engendrait ce qui m'arrivait, je me sentais capable de réfléchir… même si ce n'était plus pour très longtemps.
Je ne devais pas me débattre. C'était comme des sables mouvants, plus l'on bouge, plus on disparaît vite. Je devais rester stoïque et me calmer pour trouver comment… il n'était vraiment pas dans mes habitudes d'être calme et posé et j'avais du mal à me contrôler. Mon attaque ne m'aurait strictement servi à rien en pareil cas et je n'aurais de toute façon pu la porter qu'avec une puissance insignifiante car je ne pouvais plus bouger.
Cette bonne femme… quand j'allais ressortir de cet immonde pétrin, allait en voir de toutes les couleurs. Ah! oui! J'allais bien la faire valser. Cette dernière pensée me redonna un peu de courage. La vengeance avait toujours été quelque chose qui me permettait de garder les idées froides et la seule pensée que j'allais pouvoir accomplir la mienne me donnait plus de force.
Soudainement, je sentis quelque chose dans ma main… le nunchaku, bien-sûr! Comment avais-je pu l'oublier alors qu'il était incontestablement la solution pour m'extirper de ce piège.
Je respirais de plus en plus doucement car je m'ensevelissais à une vitesse vertigineuse. Vite, il me fallait intensifier mon cosmos, même si cela signifiait mettre encore plus en colère les éléments. J'allais pratiquer la vitesse lumière et fendre l'épais linceul de terre dont seul ma tête arrivait encore à dépasser.
Je fus bientôt entouré de lumière dorée et poussais un cri de rage autant que d'espoir et je surgis du sol, fendant les racines et tant ce qui m'avait recouvert en deux. Je bondissais en l'air, bravant la pluie d'acide de laquelle mon armure me protégeait. J'avais bien failli y rester mais je ne comptais à présent plus me laisser surprendre deux fois par la même attaque.
Altaïr me regardait avec étonnement, mais visiblement sans grande inquiétude. Mais pourquoi? Elle aurait normalement du s'étonner, paraître surprise de ce que j'avais réussi à accomplir. Mais ce que je faisais lui semblait naturel! Cela cachait quelque chose et je ne savais pas si j'avais envie de découvrir quoi.
Je portais rapidement une main à mon visage pour essuyer la sueur qui je sentais couler mais me découvris finalement… en sang!
Ma tête était en sang et mon cou aussi, comme si toutes mes veines s'étaient passées le mot pour éclater et laisser échapper tout mon sang. Alors que je retombais à terre, j'observais mes doigts couverts de rouge et d'une fine pellicule de ma propre peau qui était entrain de tomber sous l'effet de l'eau acide qui m'arrivait du ciel. Les gouttes d'eau avaient-elles aussi réussi à traverser la protection de mon armure, à s'insinuer en dessous? C'était improbable mais les berserkers étaient capables de beaucoup de choses.
La douleur me prit d'un coup à la gorge et se répandit ensuite dans tout mon corps. C'était comme si la terre dans laquelle j'avais été plongée avait été faite du même acide que la pluie et… bien-sûr! C'était cela la réponse et elle ne m'avançait guère.
Les plaies que le sol avait fait naître sur moi m'arrachèrent un cri de douleur autant que de colère, mais celle-ci était dirigée autant contre moi-même que contre mon opposant. J'avais envie d'arracher mon armure pour que ma peau puisse respirer alors qu'elle se recouvrait d'une fine couche de blanc pâle. En passant mes doigts sur ma joue, je me rendis compte qu'une cloque était entrain de percer… et pas seulement à cet endroit! Mais partout sur mon corps! Mais j'étais complètement défiguré. Mon front, mes pommettes, mes doigts, mes bras… des cloques épaisses et jaunâtres se formaient et je serrai les dents pour ne pas me mettre à hurler comme un fou à lier.
Mais qu'est-ce que c'était que cette attaque?
-Le "Anger Elements" n'est pas forcément mortelle, Masque de Mort, tout dépend en réalité de la force avec laquelle je le déclenche. Dans ton cas, tu vas devoir affronter une très lente et douloureuse agonie avant de dépérir. J'ai hâte de te voir te tordre à mes pieds et me supplier d'arrêter, ce que, évidemment, je n'ai nullement l'intention de faire. Tu seras bientôt victime de convulsions, comme si tu avais pris une décharge électrique… ou un coup de foudre. L'attaque que je t'ai portée est terriblement grisante, pour moi du moins. C'est ma favorite. J'en ai d'autre, mais je voulais te faire savourer celui-ci.
Je poussai un cri de rage. J'amais je ne me traînerai à ses pieds, elle pouvait y compter! Je mourrai debout si tel était mon destin mais en gardant ma dignité de combattant.
Je me rendais bien compte qu'elle avait raison. Que je n'en avais plus pour très longtemps à vivre. La douleur était très vivace et aurait tué sur le coup n'importe qui d'autre qu'un chevalier. Mais je n'avais pas le droit de me laisser aller à la mort. Ce n'était pourtant pas l'envie qui m'en manquait parce qu'une délivrance, même celle qu'offrait la mort, me paraissait acceptable. Mais j'avais promis à Athéna de vaincre pour elle des berserkers et de la rejoindre au palais d'Arès. Je lui avais promis aussi, de regarder le soleil se coucher ce soir avec elle. Et même si je ne pouvais pas réaliser mes deux derniers serments, au moins, pouvais-je emmener avec moi dans la mort Altaïr.
Mais avant toute chose, il me restait à sortir Aiolia de son misérable état. Je devais demander à Fomalhaut comment… ma tête me faisait souffrir et j'aurais voulu me la cogner contre l'une des tombes qui nous entouraient pour m'assommer et ne plus penser à rien. N'être ni vivant, ni mort, telle était la solution de facilité que j'aurais aimé pouvoir m'offrir. Mais c'était impossible et...
-Fomalhaut...
Ma voix était terriblement rauque par rapport à d'habitude et son propre son me choqua l'oreille.
-Qui a-t-il Masque de Mort? Tu as besoin d'aide?
-Ah vraiment? répliquai-je toujours aussi acerbe, Je n'avais pas remarqué… Aiolia… y a-t-il un moyen de le faire sortir de son propre esprit?
Le chevalier du Poisson Austral éclata de rire, mais je sentais que c'était sans grande conviction. Pourquoi? Y avait-il un espoir, même ne serait-ce qu'infime auquel j'aurais pu me raccrocher et qui aurait signifié que j'avais peut-être une chance de faire revenir Fomalhaut du côte d'Athéna?
De toute manière, quelque soit la réponse à mon interrogation, cela n'avait plus grande importance. Je n'aurais jamais eu assez de force pour trouver des arguments et le convaincre définitivement. Je n'avais plus que quelques minutes devant moi et je devais séparer mon temps eu deux. Aider Aiolia. Tuer Altaïr.
Je sentais d'ailleurs la présence de celle-ci derrière moi et je devinais son regard narquois glisser sur ma personne et sur mon corps recouvert de cloques jaunâtres alors que ma peau s'effritait. Je devais offrir un spectacle pathétique, à demi-courbé en avant, les yeux presque devenus glauques...
-Écoute, chevalier du Cancer, il n'existe aucune solution pour arrêter les effets dévastateurs de la "Nigthmare Vision". Aucune. Et même si elle existait, ce qui n'est pas le cas, je te le précise encore, tu t'imagines sans peine que je n'irai pas te la donner.
Je hochai la tête. J'aurais voulu réfléchir mais j'avais mal partout et… j'essayais de me redresser pour reprendre mon ancienne stature et tous mes os se mirent à craquer à l'unisson. Cela ne m'étonnait pas. Quand j'avais été pris dans le sol tout à l'heure, l'étreinte des racines avaient été particulièrement forte et avait du réduire certains de mes os en poussières, ou tout du moins les casser. C'était le cas de ma cheville gauche en tout cas mais je ne devais pas montrer qu'elle ne fonctionnait plus. Faire croire à un minimum de dégâts, tel était le mot d'ordre que je m'étais fixé. Je ne souhaitais pas donner satisfaction à cette furie d'Altaïr en lui montrant ouvertement combien je souffrais.
Je me détournais de Fomalhaut. Regrettait-il quelque chose? Était-il content de sa condition de Berserker? Autant de questions qu'Aiolia aurait, et avait sans doute, dû se poser mais qui ne m'intéressais pas.
Mes yeux s'écarquillèrent soudainement. Là, au pieds d'Aiolia, gisait… une arme d'Orichalque! Une épée! Et aucun des deux fous ne s'en étaient encore emparés.
Je bondis en avant sans plus réfléchir et la saisit avant même qu'ils ne comprennent ce qui se passait. Avec deux armes comme celles-ci en ma possession, ils ne pourraient même plus m'approcher! Ce qui ne m'empêcherait pas de mourir et de ne pas savoir sauver Aiolia…
Mon esprit essayait de retrouver des informations qui aurait pu m'aider mais sans y parvenir. Dans le bond et la chute que j'avais fait pour récupérer une des armes de la Balance, plusieurs de mes cloques avaient éclaté, laissant échapper du pue et se reformant ensuite immédiatement par-dessus.
Altaïr partit d'un long rire mauvais qui m'arracha une grimace et Fomalhaut me regarda droit dans les yeux, comme pour tenter de me mettre à l'épreuve. Je n'avais jamais vu un chevalier d'Argent aussi arrogant, d'autant plus que j'étais d'un rang supérieur au sien. Il n'y avait pourtant rien de dur ou de sournois dans ses yeux là et je me demandais finalement s'il ne me témoignait pas une marque de respect en ne m'achevant pas. De plus, contrairement à ce que tout autre Berserker aurait fait, il ne s'était pas mêlé au combat qui s'était disputé entre moi et Altaïr.
Il gardait quand même quelques règles du Sanctuaire, malgré son honneur perdu.
J'étais mal placé pour le juger et je ne me le permettais d'ailleurs pas mais je trouvais étrange ce revirement soudain de sa part du côté d'Arès. Enfin, j'essayais de hausser les épaules sans y parvenir le moins du monde car les cloques jaunâtres tiraient ma peau et la tendaient au maximum, menaçant de la faire craquer d'un instant à l'autre.
Durant les brèves secondes qui suivirent, la douleur devint de plus en plus aiguë, mais je n'avais pas le droit de me laisser mourir. Pas encore du moins, car je ne pourrais plus tenir bien longtemps dans cet état. Un plan devait vite se mettre en place dans mon esprit. Ainsi donc, il n'existait aucun moyen pour arrêter la "Nigthmare Vision "… Aiolia était-il condamné à errer éternellement dans ses propres souvenirs et dans son esprit? Quelle fin cruelle et malsaine! Cela signifiait alors qu'aucun de nous deux n'avait réussi à battre son opposant et que ceux-ci s'en iraient sûrement après rejoindre Hyoga et Milo pour les arrêter. Ils n'auraient plus grande chance de combattre l'empereur et encore moins d'atteindre le Temple d'Arès. Non, cela ne pouvait pas se terminer de cette abominable manière.
Altaïr allait bientôt m'achever et une idée me vint soudainement.
Je n'avais plus rien à perdre de toute façon, absolument plus rien. J'allais mourir, c'était quelque chose d'acquis et je m'y résignais, mais je ne désirais pas m'en aller sans agir pour la cause d'Athéna. Quand je pense que c'était moi, Masque de Mort du Cancer, qui tenait un pareil discours! Quelle ironie et quelle bonne plaisanterie! Je ne pus m'empêcher de m'adresser un sourire narquois. Vraiment, le temps changeait les gens. Ou n'était-ce pas plutôt les personnes qui, par leur comportement, modifiaient les époques?
Je secouais la tête alors que l'idée qui venait de me traverser se dessinait et se dévoilait de plus en plus clairement sous mes yeux. Ce n'était pas stupide mais il fallait que je réfléchisse. Soit je sauvais Aiolia et je perdais la vie, tout en sachant que ce dernier serait beaucoup plus en forme que moi pour abattre les deux berserkers, soit je le laissais à son sort, abattais Altaïr, malgré ma terrassante douleur, je m'en savais encore capable avec un peu de chance, mais Fomalhaut restait de ce monde. Il n'y avait pas trop à hésiter. Un sacrifice était loin d'être mon genre malgré tout. Surtout de cette ampleur. L'aurait-il fait pour moi? Je me mordis la lèvre inférieure, incapable de répondre. De toute manière, là n'était pas la question.
Altaïr s'approcha de moi alors que j'étais campé sur mes jambes, les deux armes d'Orichalque en avant. A sa prochaine attaque, j'allais périr. Soit je l'attaquais, soit je tentais quelque chose pour Aiolia, tout en sachant parfaitement que cela ne marcherait peut-être pas. J'allais prendre des risques énormes mais certain jour, il n'y avait plus de choix possibles.
-Désolez, Masque de Mort, mais j'ai été ravie de t'avoir connu. Dommage que je n'ai pas pu plus m'amuser avec toi. Tu ne me semblais pas très en forme aujourd'hui...
-A qui la faute? répliquai-je, excédé et acerbe.
Elle se mit à rire avec un amusement teinté d'excitation et de nervosité. Elle avait hâte d'en finir avec moi. Pour ma part, j'avais hâte d'en finir tout court. J'allais la combattre… oui, c'était ce que je devais faire même si je me sentais très indécis.
Elle leva ses bras aux cieux, comme pour en appeler les forces à elle. Elle concentrait son énergie alors que j'en faisais de même. Plus que quelques secondes, quelques fractions de secondes et le destin serait écris, scellé à jamais pour nous quatre. Et tout dépendait de moi… un tremblement me parcourut, non pas de peur, cela ne me ressemblait pas, mais d'impatience, d'impuissance face à ce que l'on ne peut pas retenir.
Je levais mon index en l'air, rassemblant autour de volutes blanches qui se formaient dans l'atmosphère. Elle allait en prendre pour son grade.
-Je ne pensais pas que tu allais être capable de m'attaquer, chevalier...
-Il ne faut jamais mésestimer son adversaire.
-Une leçon venant d'un homme qui va bientôt mourir sous mes coups, je ne sais pas si je dois la prendre au sérieux, ou non.
-Essaye de réfléchir par toi-même pour une fois, et fait comme bon te semble.
Elle fulminait. Je la détestais. Au moins, nous partagions les mêmes sentiments l'un envers l'autre.
C'est alors que le sol sous mes pieds se mit à trembler, que des éclairs rougeâtres fendirent le ciel alors que l'herbe pliait sous un vent d'une force incomparable. J'avais presque du mal à tenir debout, mais je n'avais le choix alors je résistais aux éléments.
Fomalhaut n'avait pas l'air touché par ce qui se passait près de lui et il regardait fixement Aiolia. Il l'achèverait sûrement une fois que j'aurais disparu...
-Capture Elements! hurla Altaïr.
-Par les vagues d'Hadès, rétorquai-je sur le même ton de voix en lui offrant mon dos et en envoyant mon attaque de plein fouet à Aiolia lui-même.


Camus

Il s'était de nouveau passé quelque chose dans l'un des domaines. Je ne savais pas quoi mais c'était inquiétant. On ressentait de plus en plus souvent de brusque montées de cosmos qui disparaissaient immédiatement après. Et là...
Je me figeais. Masque de Mort. Que s'était-il passé? D'habitude, mon sixième sens me permettait d'imaginer les scènes avec beaucoup de réalisme et de facilité, mais là… le chevalier du Cancer avait été attaqué, celui du Lion aussi, mais Masque de Mort avait déchaîné son attaque en même temps, mais aucun Berserker n'était touché… non, j'avais du faire une erreur quelque part.
Je continuais de courir dans les marais sans m'arrêter. J'étais à la hauteur d'Ikki, alors que Shura était juste un peu plus en avant que nous. Le temps nous pressait et nous avions déjà perdu deux chevaliers de notre groupe.
Comme j'avais eu peur tout à l'heure! J'avais sincèrement pensé qu'Aphrodite était mort. J'avais vu les pétales de roses tomber du ciel en une pluie agréable et délicate. Ce dernier adieu m'avait touché, même si aucun des traits de mon visage ne pouvait en témoigner. Quel effet cela avait fait sur moi! Le chevalier des Poissons n'était plus. C'était impossible, inconcevable et puis, le cauchemar avait pris fin, grâce à Mu et aux secours urgents qu'il lui avait porté. J'avais bien senti le Starligth Extinction être déclenché et faire repartir le cœur d'Aphrodite. Le mien aussi était reparti suite à cela.
Je songeais aussi aux armes de la Balance. A la force que mon épée dégageait. J'avais l'impression de savoir d'instinct comment m'en servir, de communiquer avec elle et j'étais sensible à chacune de ses vibrations, car elle se répercutait dans tout mon être. Mon âme comme mon corps était accordé à elle en une union incroyable. Cela me rendait surpuissant, j'en étais persuadé.
Shura, pour sa part, avait eu le droit à un bouclier. Cela plus Excalibur, il alliait à la perfection l'attaque et la défense et devenait de part la même presque invulnérable. Avait-il pensé à cela? Sans nulle doute.
Qui affronterait l'empereur? Je me posais des dizaines et des dizaines d'interrogations par seconde car cela me permettait de m'occuper l'esprit, de ne plus songer à cet endroit putride dans lequel j'évoluais. Ni à l'inéluctable ou à la destinée, deux sujets qui revenaient sans cesse me hanter.
Combien de temps cela faisait-il que nous courrions? Sans doute un bon moment, mais le palais de l'empereur était loin d'apparaître sous nos yeux. J'étais tout prêt à l'affronter, comme le chevalier du Phœnix ou celui du Capricorne. Cela n'avait pas d'importance, après tout, le principal était d'arriver jusqu'à Arès et nous ne serions pas de trop pour aider Athéna à enfermer l'impitoyable Arès dans l'urne qu'il n'aurait jamais du quitter.
Quelque chose m'ennuyait cependant dans toute cette histoire et ne collait pas avec les autres morceaux du puzzle que je reconstituais peu à peu, au fur et à mesure que l'heure tournait.
Les Berserkers s'étaient réveillés sous l'impulsion du dieu de la guerre, cela, je le concevais parfaitement. Mais ce dernier… comment avait-il fait pour sortir de l'endroit ou il était enfermé? Le scellé d'Athéna s'était-il brisé? Cela avait quand même quelque chose d'étonnant car il fonctionnait depuis des siècles et des siècles et nulle n'avait prévu une guerre dans Azura pour notre période.
Dohko lui-même, quand il avait eu un mauvais pressentiment, était monté sur Star Hill et n'avait strictement rien lu dans les étoiles. C'était donc que le sceau d'Athéna fonctionnait encore, c'était logique. Mais pourtant, Arès était bel et bien parmi nous, alors qui l'avait réveillé? Qui avait eu la puissance nécessaire pour arrêter les effets magiques du scellé de notre déesse? Mais je n'adhérais pas à l'hypothèse comme quoi quelqu'un serait venu délivrer ce dieu maléfique. Personne ne passait sur cette île, je m'en étais moi-même fait la remarque alors que je posais un premier pied sur cette dernière.
La seule hypothèse possible devenait alors qu'Arès avait, de son propre chef, réussi à se délivrer de l'emprise de Saori, grâce à sa colère de voir son meilleur ami Hadès vaincu et Athéna revenir parmi le monde des vivants. Ce qui signifiait qu'il avait brisé son urne. Mais alors, cela posait un nouveau problème… à moins que ce ne soit ces mystérieuses énergies divines que je percevais en permanence qui ne soient venues en aide à Arès et lui avaient permis une résurrection. Cela aussi était possible.
Mon esprit fonctionnait à toute allure, mais au moins, pendant ce temps, je ne voyais pas les eaux boueuses et gluantes dans lesquelles je nageais à présent car nous n'avions plus pieds. Les sangsues n'avaient de cesse de nous attaquer et il fallait y faire face du mieux que nous le pouvions. Nous avertissions toujours les autres quand l'on en découvrait une sur notre propre corps, juste au cas ou. Ce lieu était vraiment une infection, à l'image d'Arès selon mon avis et je comprenais qu'Aphrodite ait eu du mal à se battre dans pareil endroit. Cela ne devait pas être facile que de faire des mouvements rapides dans ces vastes étendues glauques et lugubres. Et son adversaire avait eu l'air particulièrement coriace.
Je soupirais intérieurement, car je ne pouvais pas ouvrir la bouche sans me mettre à avaler des litres et des litres de cette saleté dont était composée les marécages et que je refusais d'appeler de l'eau ou de la boue.
Mes réflexions dérivèrent soudainement vers Hyoga. Mon disciple. Je sentais bien qu'il n'avait pas encore, moi non plus d'ailleurs, eu à combattre. Mais son tour approchait car nous devions tous, d'une manière ou d'une autre, y passer. Mais j'avais confiance en lui. Je le savais assez fort et courageux pour triompher d'un berserker, même si la brève mort d'un homme aussi puissant qu'Aphrodite m'avait échaudé. Plutôt ironique comme propos lorsqu'on est un chevalier des glaces.
Je savais que Hyoga était bien assez grand et mature pour se débrouiller sans mon soutien même si je devinais, qu'à distance, il pensait beaucoup à moi. Il aurait voulu être dans mon domaine, je l'avais bien senti tout à l'heure, lorsque Dohko avait désigné à chacun vers ou se diriger. Le chevalier de la Balance avait eu raison en le laissant partir seul. Cygnus n'avait plus besoin de moi, et même si j'étais toujours à ses yeux un réconfort, un soutien dans les moments difficiles, il savait qu'il devait acquérir une certaine maturité et que ma présence à ses côtés l'entraverait grandement dans son évolution. Un orage avait éclaté au-dessus de l'île et nous trempait la tête, seule partie de notre corps à ne pas être immergé dans les marais. Des immenses et tortueux éclairs rouges venaient souvent illuminer le ciel. Nous allions être foudroyés si cela continuait, surtout dans le lieu ou nous nous trouvions. Et puis, les lourdes gouttes d'eau que nous offraient le ciel allaient faire monter les eaux boueuses des marécages, ce qui n'était pas fait pour nous arranger.
-Vous ne sentez rien? demanda soudainement Shura tout en continuant à faire de longues brasses, son bouclier solidement campé dans l'une de ses mains.
Je me concentrais quelques instants, pour reprendre mes esprits car j'avais, jusqu'alors, la tête complètement ailleurs.
-C'est étrange, s'aventura à dire Ikki, mais j'ai bien l'impression que cela recommence.
Je fermais les yeux et pris une profonde inspiration.
-Oui, déclarai-je, nous sommes de nouveau suivis.


Saga

Les combats s'accéléraient, se multipliaient partout sur l'île. Cela avait quelque chose d'inquiétant pour la vie des mes compagnons, mais de rassurant, car cela signifiait que le dénouement de la guerre allait arriver. A mes côtés, je sentais le cosmos d'Athéna se déployer de plus en plus, car, tout en courant, elle continuait d'apporter son soutien à tous ses chevaliers. Elle était entourée de son aura dorée et je voyais qu'elle avait de plus en plus de mal à courir, ses jambes ne la portant plus. Il fallait dire que ma vitesse et celle de Shaka devait la fatiguer mais elle savait aussi que nous ne pouvions pas nous permettre de ralentir. Dehors, des centaines de millions de vies menaçaient de s'éteindre à tout instant et il fallait faire cesser à tout prix ces carnages.
Que pensait la déesse en ce moment? Peut-être ses réflexions allaient-elles vers Aphrodite et Mu, qui, de par leur bravoure, méritaient son attention, ou vers les flammes des cosmos de ses guerriers qui devenaient de moins en moins brillantes.
C'était le cas d'un certain nombre d'entre nous. De Shun par exemple, qui faiblissait, du chevalier des Poissons et du Bélier, même s'ils réussissaient à s'agripper à l'existence en se supportant mutuellement, d'Aiolia, de Masque de Mort plus récemment et de Kanon.
Mon frère. Son combat l'avait laissé éreinté, je le sentais, mais il n'abandonnait pas. Je me le représentais comme il devait être en ce moment, dans son domaine, entrain de marcher, de ramper s'il le fallait pour poursuivre sa route qui menait au palais d'Arès. Comme moi, après s'être repenti, nous servions la justice avec toutes les forces de notre âme. Maintenant que nous avions ouvert les yeux sur notre passé et donné notre parole à Athéna, nous lui serions fidèle en tout et jusqu'au bout.
Saori trébucha soudainement sur une pierre qu'elle n'avait sans doute pas vu et je me précipitais en avant juste avant qu'elle ne tombe.
-Princesse, faites attention...
-Oui, excuse-moi Saga, mais j'avais la tête complètement ailleurs. Je...
Elle interrompit brusquement sa phrase et, alors que je l'aidais à se remettre sur pieds, je voyais à quel point elle avait l'air préoccupé. Elle me cachait quelque chose, j'en étais sûr et certain, une information à propos de cette guerre Sainte. Mais je savais que si elle me la dissimulait, c'était qu'il y avait une bonne raison et que je ne devais pas la forcer.
Shaka aussi devait sentir que le comportement de Saori n'était pas tout à fait naturelle. Et il se doutait de pourquoi, comme moi. C'était ces énergies divines dont nous ne connaissions pas la provenance mais dont nous n'osions pas encore parler à voix haute, comme par peur d'attirer le mauvais sort. Mais que pouvait-il nous arriver de pire qu'en ce moment?
La pluie tombait à présent de plus en plus fortement, et je supposais que c'était l'œuvre d'un guerrier d'Arès car celle-ci tombait beaucoup plus drue, presque avec violence. Les gouttes nous transperçaient, avait-on l'impression, la peau et je vis la princesse réprimer une légère grimace de douleur. Elle n'était pas protégée par une armure, pas encore du moins, et était par conséquent à la merci des éléments. Sa toge blanche virait à une curieuse couleur marron et collait à sa peau. Cela devait la déranger terriblement dans notre course.
Je lui pris le coude pour l'aider à avancer car je ne souhaitais pas qu'elle trébuche de nouveau. Shaka, lui, ne paraissait pas remarquer les difficultés qu'engendraient le temps qu'il faisait et courrait en éclaireur devant nous, nous prévenant au moindre changement de paysage. Ses immenses cheveux blonds avaient une couleur maintenant plus foncé à cause de l'humidité et de l'eau ruisselait sur son visage et son armure, rendant les teintes de cette dernière encore plus brillantes, comme pour moi d'ailleurs.
Je me demandais quand nous verrions surgir de nouveaux ennemis. Nous avions déjà rencontré les deux commandants de ce domaine et Aioros et Shun étaient entrain de s'en occuper. Il nous restait encore à affronter l'empereur pour parvenir à Arès lui-même et pour découvrir cette puissance inconnue qui ne cessait d'hanter l'esprit de ma déesse.
Tout à coup, je sentis la main de Saori s'agripper à mon bras avec intensité. Je m'arrêtais brusquement, alors qu'elle se tenait devant moi, ses grands yeux voilés de peur. Shaka ne remarqua que quelques secondes plus tard que nous nous étions arrêtés. Athéna était bien droite face à moi et avait saisi mes épaules avec délicatesse malgré la peur qui se lisait sur son visage.
-Oh, Saga! Je viens de trouver qui sont les personnes qui se trouvent sur le domaine d'Azura, aux côtés d'Arès.
Le chevalier de la Vierge se rapprocha avec intérêt et laissa errer son regard sur la déesse puis sur moi. Saori laissa glisser ses doigts sur mes bras pour prendre mes mains dans les siennes.
-C'est terrible. Il ne s'agit pas que d'une seule autre divinité, Saga… c'est bien pire que cela et explique notamment une partie du retour de Nikè sur terre. Écoute moi bien, et toi aussi, Shaka…

Il courrait. Il n'avait pas le temps de s'arrêter, ni même de respirer. Il fallait faire vite, agir le plus rapidement possible car il n'était pas trop tard. Pas encore du moins. Il courrait dans les immenses landes de l'île d'Azura. Il n'aurait jamais imaginé le domaine d'Arès comme cela, non, il en avait plutôt des visions apocalyptiques.
Depuis le début de la journée, il avait pu suivre le combat à distance, en fermant simplement les yeux et en tentant de localiser la cosmo-énergie d'Athéna. Elle allait bien pour le moment. C'était ce qui comptait. Mais il avait cru à plusieurs reprises que des chevaliers, ces hommes braves et au courage sans limite allaient périr. Cela avait été le cas d'Aphrodite, de Masque de Mort, qu'il avait peur de voir s'éteindre d'une minute à l'autre, de Kanon, et de bien d'autre encore. Il n'oubliait pas non plus que le début de la guerre avait été soldé par la mort du chevalier du Taureau. Ce dernier n'avait sans doute pas du être très engagé sur le terrain et il n'allait plus tarder à tomber sur lui, ou plutôt sur son cadavre.
Il reprit un peu d'air dans ses poumons alors que ses jambes foulaient le sol du plus vite dont il était capable. Il avait la tête haute, regardant droit devant lui. Il avait malheureusement beaucoup de retard par rapport aux autres groupes et à la déesse et il priait Zeus pour qu'il arrive à temps avant qu'Arès ne se décide à révéler que plus rien n'était possible pour la princesse. Elle ne s'en doutait sans doute pas encore, pas plus que lui-même ne l'avait supposé.
Il fallait reconnaître que sans l'intervention du jeune Kiki, le disciple de Mu -ce dernier avait d'ailleurs été incroyable peu de temps auparavant- il n'aurait jamais été là, à parcourir les vastes étendues d'herbes qui lui arrivaient jusqu'à la taille. Il ne pouvait pas accélérer plus, c'était impossible avec l'énergie d'Arès maintenu sur toute l'île. La téléportation était rendue impossible et cela lui compliquait nettement la mission.
Il soupira, passa une main sur son front alors que de l'autre, il tenait un précieux paquet entouré d'un linge, pour être sur qu'il n'arrive rien à l'objet contenu dedans. Oui, sans Kiki, tout aurait été impossible. Et sans Olivier, le disciple de Milo aussi. A ces deux-là, ils faisaient décidément une bonne pair. C'est Sorrento qui les avait amenés devant lui, en lui expliquant qu'ils prétextaient avoir quelque chose d'urgent à signaler. Et c'était vrai.
Il remarqua qu'il n'avait jamais vu un ciel aussi obscur, ni autant d'éclairs rougeâtres et flamboyants traverser la voûte céleste. Le vent lui faisait plisser les yeux et courbait l'herbe. Le spectacle était grandiose, mais absolument pas naturel. Même du Sanctuaire, on pouvait observer ce qui se passait sur Azura. On avait déjà vu des colonnes de lumière s'élever, des explosions éblouissantes, des éclairs comme celui qui fendaient les cieux à la même seconde. Autant de phénomènes étranges et terrifiants. Tous les chevaliers étaient en état d'alerte et il avait eu beau essayer de les calmer, rien n'y faisait. Ils avaient tous, certes, une apparence de calme assez rassurante pour les plus jeunes, mais leur anxiété se lisait sur leur visage, dans leurs mouvements saccadés, dans leurs brusques sursauts à chaque gigantesque explosion de cosmos provoquée par les Saints combattant le dieu de la guerre.
Est-ce qu'Athéna et ses compagnons se doutaient que chaque bonne âme du Sanctuaire les soutenait, pensait et priait pour eux? Sans doute, et c'était ce qui redonnait de la force dans les instants les plus dramatiques, ceux ou l'on croit que tout est terminé et qu'il n'y a plus rien à faire qu'à se laisser couler dans le sombre repos qu'offre la mort.
Il passa une main sur son front avant de fixer son regard sur… un temple! Il apercevait dorénavant un immense temple qui se dressait à encore plusieurs centaines de mètres de lui. Il était donc en bonne voie. Il trébucha sur une racine et faillit perdre son équilibre avant de réussir à se rattraper grâce à son arme. Il l'avait emmené car il était déjà certain d'en avoir besoin. Si jamais Athéna venait à mourir dans son affrontement contre Arès, tout ne serait pas perdu. Il pourrait la venger, elle et ses fidèles guerriers qui avaient tout donnés pour les autres, qui avaient voulu acheter la paix de la planète au prix de leur sang.
Le monde était de plus en plus fou d'ailleurs et une guerre civile venait d'être déclarée en Grèce, seul pays du monde jusqu'alors non touché par les barbaries humaines. La nouvelle s'était répandue comme une traînée de poudre dans le domaine de Saori et la panique avait bien failli germé dans les esprits. Mais il avait rapidement endigué le mal en rassurant chacun du mieux qu'il l'avait pu. C'était ce moment qu'avait choisi Kiki et Olivier pour venir lui parler, lui exposer un fait auquel il n'avait pas même songé.
Zeus bénisse ces enfants! Ils méritaient honnêtement une juste récompense pour leur découverte capitale dans cette guerre Sainte. Il espérait qu'Athéna s'en occuperait si elle revenait. Non, il ne devait pas se montrer pessimiste. C'était les perdant qui parlaient ainsi. Son amie reviendrait régner sur la Grèce et sur le monde, il en avait l'intime conviction au plus profond de son être. Elle ne pouvait pas perdre. Le bien devait annihiler le mal, c'était une évidence, comme une vérité universelle jamais remise en cause.
Il se rapprochait de plus en plus du temple et il put bientôt en gravir, au pas de course, les premières marches. Il se trouvait dans "l'Atrium". L'entrée du domaine d'Azura en quelque sorte. Est-ce qu'Arès savait qu'il s'était introduit dans son île? Oui, il ne fallait pas se faire d'illusions, son cosmos était très facilement remarquable et identifiable entre tous. Comment un dieu aurait-il pu ne pas en remarquer un autre?
La lumière bleue qui l'entourait jusqu'alors s'intensifia encore et l'enveloppa de sa douce chaleur qui lui donnait un peu plus de courage à chaque seconde. Il referma sa main avec fermeté sur son trident et continua sa route, sans s'arrêter alors qu'il passait devant le cadavre d'un géant en cuirasse rouge... sang! Quel horreur! Il n'avait pas le temps de s'arrêter mais cela aurait sans doute valu la peine. C'était affreux! Enfin, il allait devoir s'habituer à ce genre de visions, car tout au long de sa route, il en aurait sans doute largement plus d'une. Et la découverte du corps d'un chevalier de Saori serait autrement plus difficile.
Il se sentait bouleversé par cette bataille, par tous ces évènements, par sa propre mission. Il ressentait de plus en plus fortement la présence de son paquet dans sa main au fur et à mesure qu'il courrait, ses pieds touchants à peine la terre. L'apporter à temps. C'était son leitmotiv, ce qui le faisait avancer toujours un plus vite, plus rapidement. Il devait atteindre le temple d'Arès. A tout prix.
C'est alors qu'il vit quelque chose de curieusement brillant sur le sol, quelque chose d'énorme. Qu'était-ce? Il craignait déjà le pire et chercha autour de lui un éventuel assaillant. Mais il était vrai qu'il ne risquait pas d'en voir, tous les chevaliers les ayant annihilés avant son passage. De toute manière, s'il avait fallu, il aurait combattu. C'est ce qu'il avait dis à Sorrento avant de partir, de mettre sa Kamui et de lui confier la garde et la gérance du Sanctuaire. Son général serait à la hauteur car il était l'homme de toutes les situations. Il ne savait pas, aujourd'hui encore, ce qu'il aurait fait sans lui.
Il pressa encore sa course, ayant presque l'impression de voler, de ne plus effleurer le sol, pour rejoindre ce qu'il supposait déjà être...
Le corps d'Aldébaran. Il l'avait deviné au moment ou il avait vu la force de la lumière. Ce ne pouvait être que l'éclat d'une armure d'Or. Il freina. Devait-il continuer sur sa lancée? Devait-il tenté quelque chose? Qu'aurait fait Saori en de pareilles conditions?
"Chaque vie compte", lui avait-elle un jour dis. " Et aucune existence n'a le droit d'être négligée".
Oui, bien-sûr, il était parfaitement accord avec cette doctrine, seulement, en temps de guerre, c'était différent. On ne pouvait pas retourner sur ses pas pour aller chercher une victime, aussi intense soit le désir qui nous y poussait. Le temps était toujours le pire ennemi de ceux qui combattent, il le savait mieux que personne.
Oh! Et au diable toutes ces questions! S'il pouvait ramener à la vie un chevalier d'Or, cela ferait un adversaire en plus pour Arès et puis, il ne pouvait pas laisser ce lourd corps inerte comme cela, sans aucun soin.
Peut-être la flamme de son cosmos n'était-elle pas toute à fait éteinte, peut-être y avait-il encore quelque chose à faire, peut-être n'était-il que dans un coma profond dont il avait du mal à réchapper.
Il en avait assez de toutes ces interrogations et s'agenouilla après du cadavre, en posant une main sur le dos d'Aldébaran. Le souffle de la vie n'était plus en lui. Mais il pouvait peut-être faire quelque chose. Après tout il était un dieu.
Il était la réincarnation de Poséidon et rien ne lui était vraiment impossible.


Aiolia

Tout se brisa, comme si le monde dans lequel jamais été transporté n'avait été qu'une galerie de glaces, sorte de kaléidoscope de mes propres souvenirs, ou j'avais été retenu prisonnier contre mon gré.
J'avais régressé au stade de l'enfance, je n'avais plus été âgé que de huit ans! Cela avait été tout bonnement terrifiant. Ne plus pouvoir se rappeler de son existence présente et penser sincèrement que l'on était encore qu'un petit garçon qui venait de perdre son frère…
J'avalais difficilement ma salive, alors que mes yeux étaient encore obstinément fermés. Je ne savais pas comment j'avais fait pour me délivrer de… de quoi déjà? J'avais complètement oublié ce… l'emprise de Fomalhaut! Ma mémoire se remettait à fonctionner. Comment avais-je fait pour réussir à m'échapper de cette prison mentale dans laquelle on m'avait enfermée? Je n'en avais pas la moindre idée.
Je battis doucement des paupières pour réintégrer le monde normal… et! Je rêvais! Je n'étais absolument pas dans le monde normal. J'étais allongé sur une sorte de colline, dans une terre sombre et noirâtre qui était loin de ne pas me rappeler l'enfer. Mais j'étais… sur le chemin qui mène au puit de la mort! C'était un rêve ou plutôt un cauchemar. J'avais perdu la vie, c'était bien cela? Impossible, je n'avais pas pu me laisser emporter ainsi par les bras de la Faucheuse sans emmener avec moi un Berserker! Et puis, dans ma vision provoquée par le chevalier du Poisson Austral, je n'étais pas mort alors...
Je me remettais à bouger doucement, tâchant de remettre de l'ordre dans mes pensées. Que s'était-il passé durant mon absence de la réalité? J'avais senti quelque chose de très fort, comme une explosion de cosmos incroyablement puissante et... Aphrodite! Son décès, sa résurrection… même dans un monde ou je n'avais plus de volonté et ou j'étais le pantin de mon passé, j'avais ressenti la disparition de l'un de mes compagnons. Dieu merci, il avait été sauvé, mais cela ne m'aidait pas beaucoup pour ma part.
Et que devenait Masque de Mort pendant ce temps là? La dernière fois que je l'avais vu, il était au prise avec cette femme, Altaïr des Éléments. Et...
"Par les vagues d'Hadès!"
Cette phrase, je l'avais entendue juste avant de me retrouver ici et… l'association d'idées se fit dans mon esprit. Le chevalier du Cancer avait-il pu me sauver la vie? Je n'étais pas mort puisque je n'étais pas tombé dans le gouffre de l'enfer. La situation se faisait plus claire dans mon esprit et je comprenais enfin quelque chose à ce qui m'arrivait. Du moins, je commençais.
Masque de Mort m'avait sûrement frappé de son attaque, car il avait du saisir que rien ne pourrait jamais me faire sortir de la "Nigthmare Vision". Et il avait du en déduire que s'il me frappait avec une grande violence de son attaque, je me retrouverais en dehors du cachot de mes pensées. Son plan avait été excellent et j'avais encore du mal à réaliser qu'il venait tout simplement de me sauver la vie… au prix de la sienne!
Tout en réfléchissant, je n'avais eu de cesse de balayer du regard la longue fil d'âmes qui allaient se jeter dans le gouffre et je venais tout juste d'apercevoir la silhouette de mon compagnon. Il fallait que je sorte de cet endroit en toute urgence. Dans le monde réel, j'avais peut-être encore une chance de le sauver, de lui rendre la pareille.
Il m'avait aidé, n'avait pas hésité à se sacrifier pour ma personne en méprisant sa propre existence, lui, le chevalier autrefois si barbare et sanglant! Décidément il avait beaucoup changé et mon opinion sur lui n'avait pas tout à fait été fondée. J'avais d'abord cru qu'il ne se repentait que pour ne pas avoir affaire à la justice du Sanctuaire ou à Athéna, mais cela avait été sincère. Comme j'avais honte d'avoir douté de lui, mon compagnon et ami...
Bon, je ne devais plus m'attarder si je désirais un jour pouvoir le remercier et m'excuser de vive voix. Mais je ne savais pas exactement comment sortir de ce lugubre endroit ou j'avais, à mon goût, trop de fois séjourné. Et j'avais aussi à discuter avec Fomalhaut si toutefois il ne m'envoyait pas une nouvelle attaque encore plus puissante que la première car je me sentais incapable de riposter face à lui. J'intensifiais mon cosmos alors que j'entrais en contact télépathique avec l'énergie d'Athéna. Il n'y avait qu'elle qui pouvait m'aider à me sortir de ce piège et… une lumière dorée envahit par flots le lieu morbide, le baignant dans la clarté, me prenant dans son aura bienveillante et réparatrice.
Je mis immédiatement ma puissance à l'unisson de la sienne, sachant qu'il s'agissait là du seul moyen pour m'en sortir. Je m'élevais à présent de terre, mon âme plutôt se transformait en une flamme lumineuse et intense qui allait rejoindre l'extérieur. Cet extérieur dans lequel j'avais tant à faire.


Seiya

-Par les météores de Pégase! hurlais-je pour la seconde fois avec tant de conviction que cela ne pouvait que fonctionner.
-Puisque je te dis que cela ne sert à rien! répondit Bétélgueuse avec une moue d'excuse qui m'excédait.
Mais à la fin, comment faisait-il?! Mes météores avaient pris une ampleur, une puissance incroyable durant tous mes combats et ils étaient réputés pour toujours toucher leur cible, mais là...
-Je te rappelle juste, mon cher Seiya, que je lis dans les pensées et chaque attaque que tu prévois de m'envoyer, je peux l'anticiper.
-Mais comment? m'écriais-je alors que j'aurais pu m'arracher les cheveux par touffes entières d'énervement.
-Comme j'éprouve une certaine affection pour toi, je vais te l'expliquer. Je sais d'avance, comme je viens de te le préciser, qu'est-ce qui va se diriger sur moi. Il ne me suffit alors plus que de modeler mon "Protection Wall", de l'adapter à ton coup pour que je reste en vie. C'est aussi simple que cela. Oui! Seiya! Excellente pensée! C'est exactement comme la chaîne nébulaire qui trouve une riposte à tous les coups. Seulement, je ne les retourne pas, je me contente juste de les stopper.
C'était aberrent et complètement stabilisant! Mon adversaire me livrait ses secrets, m'expliquait sa technique comme si de rien était, comme si tout cela n'avait pas d'importance et que je n'allais pas me servir de ces renseignements. Cela dépassait mon entendement et provoquait chez moi un effet de confusion comme je n'en avais encore jamais ressenti.
Mais pourquoi faisait-il cela? Je n'osais pas lui poser la question, de peur de me retrouver encore dans l'une des ses explications farfelues et complètement abracadabrantes. Cet homme n'était pas normal, j'aurais du m'y attendre de la part d'un Berserker, mais à ce point... Non pas qu'il soit d'une violence ou d'une barbarie extrême, loin de là, mais son manque d'intérêt pour notre affrontement, pas sa cause et pour ce qui allait advenir de lui était incompréhensible. Ces raisonnements semblaient toujours si imparables et je n'arrivais pas à arrêter mes réflexions. Elles allaient plus vite que ma raison qui tentait de créer un barrage autour d'elles, sans grande réussite puisque Bétélgueuse continuait à lire dan mon esprit comme dans un livre.
Non, ce combat était trop étrange pour moi!
-Mais tu peux abandonner, Seiya, je ne t'en empêcherai pas, bien loin de là. Cela me permettrait comme cela de me débarrasser d'un autre de tes compagnons, n'oublie pas que je leur ai promis de revenir pour les abattre, et une serment doit toujours être honoré, n'est-ce pas? En fait, si tu déclarais forfait, tu m'arrangerais bien parce qu'ainsi, j'aurais plus vite fait de me soustraire à mon encombrante mais néanmoins nécessaire mission.
Encore un de ses discours sans queue ni tête. Il me donnait mal aux tempes, ce guerrier!
-Abandonner? rétorquai-je avec animosité. Cela se voit que tu ne me connais pas! Je n'en ai pas le droit ni l'envie! Athéna compte sur moi, mes compagnons aussi et je n'aurais plus aucune estime pour moi-même après cela. Je préfère mille fois mourir en combattant plutôt que de vivre en lâche! Comprends-tu au moins cette notion?
Bételgueuse haussa les épaules et sourit à demi.
-Oui, je crois. C'est un discours que j'ai beaucoup entendu au fil de toutes mes vies. Et je cédais généralement à leur envie de combattre à ce moment, alors je ne vois pas pourquoi je n'en ferai pas de même pour toi. Adieu, Seiya. J'ai été ravi de pouvoir discuter quelques minutes avec toi. Je te souhaite bonne chance dans l'autre monde et espère que lorsque tu renaîtras, tu seras capable de faire comme moi, de t'élever au-dessus des envies, d'atteindre une indifférence reposante. Adieu, Pégase. Mind Distortion!
Sa voix avait été si calme que je ne me rendis pas compte tout de suite de ce qui m'arrivait. Mon cerveau… je… je n'étais plus capable de rien, de… penser, je… J'étais complètement immobilisé, incapable de bouger mais pourquoi? Je n'étais pas privé de mes cinq sens, loin de là. Je voyais, j'entendais, je respirais sans difficulté, mais alors… c'était mon esprit, il était incapable de se faire obéir par mon corps. Je n'avais plus de contrôle sur rien.
Mes mains, mes jambes, comment Bételgueuse avait fait cela? Et qu'allait-il faire de moi à présent? Je me rendis soudainement compte que je sentais que du sang coulait de mon nez. Je ne faisais tout de même pas une hémorragie interne, ce n'était pas possible! Et mes réflexions mais, elles allaient de moins en moins vites, étaient de plus en plus lentes et difficiles à former, comme si… tout s'endormait peu à peu. J'avais terriblement mal derrière les yeux et ma vue se brouillait lentement, comme si un brouillard soudain et particulièrement épais venait de se lever.
J'entendais un curieux bourdonnement aussi… mais je distinguais encore un peu la voix de mon opposant dans le floue ou j'étais plongé.
-Tu vas mourir, Seiya, doucement et sans trop de douleur. Tu ne peux rien faire pour te dérober à mon emprise. Et quoi que tu fasses, il n'y a aucune moyen d'arrêter ton hémorragie. J'en suis désolé pour toi car tu avais l'air de tenir à la vie si je ne m'abuse. Enfin, on doit tous s'en aller un jour, alors, n'ait pas trop de remords. Je ne sais pas qui gagnera d'Athéna ou d'Arès moi non plus, mais je pense que mon maître sera le vainqueur. Mais cela n'a plus grande importance pour toi. Reposes en paix, Pégase.
-Et toi, Bételgueuse, tu n'as pas envie de le rejoindre?


Aiolia

La première chose que je vis en rouvrant les yeux dans le monde réel, que j'avais bien cru ne jamais devoir réintégrer, fut l'expression inquiète peinte sur le visage de Fomalhaut. Il n'avait, alors que je le surprenais dans ses pensées profondes, plus rien de l'intransigeant Berserker qui m'avait envoyé une attaque foudroyante.
Je repris doucement ma respiration, sans lui faire voir que j'étais de nouveau parmi les vivants.
Il était de toute façon bien trop concentré dans ses réflexions pour remarquer quoi que se soit. Je ne compris pas immédiatement vers quoi ou qui son regard se dirigeait et j'avais du mal à regagner totalement la réalité. Ce n'est que lorsque je voulus agiter un peu le pied que je réalisais qu'il était écrasé sous quelque chose. Je sentais comme un poids dessus, qui m'empêchait de bouger, de reprendre possession de chaque partie de mon corps.
-Qu'est-ce qu'il a fait, tu crois? demanda Altaïr à Fomalhaut qui s'obstinait dans le silence.
Ils parlaient tous les deux de Masque de Mort et… mon esprit fit la relation entre mon sauvetage et ce qui pesait si lourdement contre ma cheville. Il était mort. Non, je sentais encore un peu de vie couler dans ses veines, je savais qu'il s'accrochait et qu'il n'était pas encore, je l'avais vu de mes propres yeux et pouvais donc l'affirmer en toute connaissance de cause, tombé dans le puit de l'enfer. Il y avait donc encore quelque chose à faire et il fallait que je me débarrasse d'Altaïr pour pouvoir parler à Fomalhaut et aider celui qui m'avait sauvé la vie.
Je ne pouvais pas croire que le chevalier du Poisson Austral soit ainsi passé de l'autre côté de la barrière, du côté des meurtriers. Pourtant, je voyais bien, alors que j'osais enfin montrer à tous que j'étais bel et bien éveillé, le rouge éclatant dans lequel était fait sa cuirasse. A qui appartenait ce sang? Jamais, même au comble de sa folie, il n'aurait été capable de tuer des innocents, du moins, je me plaisais à le croire.
-Aiolia! s'exclama Altaïr en mettant une main devant sa bouche avec stupeur.
Fomalhaut sursauta et posa ses yeux, jusqu'alors rivés sur le corps de Masque de Mort, sur moi. S'en voulait-il? Pourtant, j'étais certain que ce n'était pas lui qui avait achevé mon compagnon.
Je me baissais et posais le corps presque vidé d'âme de mon confrère plus loin et avec assez de délicatesse pour être sûr de ne pas abréger son existence de secondes qui pourraient m'être précieuses. Le chevalier du Poisson Austral n'avait nullement l'air effaré devant ma subite réapparition et il gardait son sang-froid. J'aurais souhaité le voir soulager de ma résurrection mais rien de tel ne transparaissait sur son visage.
-Que s'est-il passé? interrogeais-je en vérifiant les battements de cœur de Masque de Mort. Comment a-t-il pu se retrouver dans cet état?
-C'est grâce à moi, revendiqua immédiatement Altaïr, qui, comme tous les Berserkers, était assoiffée de gloire. Il n'en a plus pour très longtemps à vivre et je préfère le voir souffrir encore quelques minutes plutôt que de l'achever.
Je ne répliquais pas. Je savais déjà qu'il n'y avait aucun moyen de le sauver à par sa propre volonté à vouloir s'en sortir et la mienne à l'épauler. Cet homme, qui gisait à mes pieds, celui qui autrefois n'était pas si éloigné des guerriers d'Arès, avait donné sa vie contre la mienne et, s'il vivait, ce dont je n'osais pas douter, je supposais déjà que jamais il ne voudrait un remerciement de ma part.
Comment avais-je pu me tromper à ce point sur son compte? Comment avais-je pu douter de sa fidélité envers Athéna et envers nous autres, ses frères chevaliers d'Or? Il possédait certes une personnalité indifférente, sarcastique et ironique, mais chacun avait sa nature et je ne pouvais pas lui reprocher d'avoir du caractère. Il n'avait pas hésité à se sacrifier et maintenant… je soupirais et me relevais. Je ne devais pas perdre de temps. S'il m'avait sauvé, c'était sans doute parce qu'il me croyait capable de terrasser nos deux opposants et je n'avais pas le droit de le décevoir. Cette victoire, je devais la remporter pour lui et pour notre amitié, que j'avais, jusqu'alors, considérée comme plus qu'improbable.
Je me levais et plongeais mes yeux dans ceux de Fomalhaut.
-Et bien, es-tu fier de ce que commettent tes pairs? demandais-je, non sans une pointe d'animosité mélangée à de la tristesse dans la voix.
-Mes pairs? Je te signale que je fais exactement la même chose et que tu as parfaitement le droit de m'inclure dans ce groupe.
Je secouais la tête avec conviction tout en ramassant à terre l'épée qu'Athéna et Dohko m'avait envoyé et le Nunchaku de mon ami qui agonisait.
-Je ne peux pas croire à ce que tu dis...
C'était le moment ou jamais de lui révéler ce que je pensais vraiment, ce dont je me souvenais, car les secondes qui défilaient ne marchaient pas en ma faveur.
-Fomalhaut, tu ne peux pas avoir tout oublier de ton passé, tu ne peux pas, toi, le chevalier considéré durant mon enfance, comme le plus brave, le plus courageux et surtout le plus intègre, avoir renoncé à toutes ces valeurs que tu défendais avec tant d'acharnement, de passion. Tu étais un véritable exemple pour chacun de nous… je me souviens comme je t'admirais, même avant que mon frère ne vienne à disparaître.
" Te rappelles-tu comme Milo et moi étions admiratifs des discours que tu faisais aux autres chevaliers d'argent. Tu étais… le modèle de la chevalerie pour tous les disciples, le Grand Pope te faisait pleinement confiance et même Aioros ne cessait de vanter tes mérites. Te souviens-tu, Fomalhaut, comme vous étiez amis? Et de ta gentillesse lorsqu'il a disparu et que tout le monde a cru qu'il était un traître? Le pensais-tu, toi-même?
Je tentais de le remettre sur la voie de son passé, la seule, jugeais-je, capable de le détourner de son présent. Il esquissa un bref sourire.
-Non… cela dépendait des jours, vois-tu. Beaucoup de choses l'accusaient et notamment le Grand Pope lui-même. Mais je le considérais comme mon propre frère et je n'osais pas toujours songer qu'il était le monstre que l'on décrivait.
-Mais alors pourquoi, m'écriais-je soudainement ce qui le fit sursauter, pourquoi Fomalhaut, avoir basculé du côté d'Arès? Explique-moi, je t'en prie et ensuite, je me laisserai tuer si c'est cela que tu veux, bien que j'en doute...
-Je t'en prie, mon garçon, n'est pas la prétention de me dire ce que je désire ou non.
Mes yeux l'imploraient presque de me fournir au moins un détail qui m'aurait permis de comprendre pourquoi il se trouvait ici. Il passa sa langue sur ses lèvres et semblait chercher ces mots.
-Dans le Sanctuaire, je n'ai compris que trop tard que pour un homme juste, il y en avait vingt de franchement mauvais. La mort de ton frère m'a ouvert les yeux. Elle m'a montré la véritable nature de mes pairs, la manière dont ils te traitaient, leurs idées préconçues, leur vanité... tout ce que je méprisais chez les autres et que je retrouvais dans ceux que j'avais cru mes amis, des défenseurs, au même titre que moi, d'Athéna.
" Mais j'ai vite déchanté et la désillusion m'a fait très mal. J'ai vu que leurs existences étaient loin de suivre une ligne de conduite guidée par la justice. Même de notre déesse, ils n'avaint que faire. Je me sentais si… seul, si isolé, j'étais presque un cas exceptionnel dans ce ramassis d'imbéciles. Et puis, j'en suis moi aussi venu à me poser des questions. Nous ne voyions jamais notre déesse, elle ne faisait rien pour nous aider… j'ai perdu ma foi jusqu'alors inébranlable en sa personne. Et puis, chaque jour un peu plus, je constatais que le mal rongeait les chevaliers de l'intérieur. Et j'ai décidé de partir, de m'éloigner de cet endroit dans lequel je n'avais plus rien à faire, pour qui je n'avais plus rien à offrir.
Il hocha la tête alors que ses grands yeux noisettes se troublaient.
-J'ai erré pendant plusieurs mois un peu partout en Europe, j'en avais l'habitude car le Grand Pope m'envoyait très souvent en mission à l'étranger. Cela ne me changeait pas trop. Mais j'avais envie de consacrer mon existence à quelque chose d'entièrement nouveau. J'ai toujours eu besoin de dédier mes actes à une cause et j'ai atterri ici, sur l'île d'Azura.
" A l'époque, personne n'était encore revenue, mais la présence du dieu de la guerre était déjà très forte. Nous avons même pu communiquer et il m'a proposé de devenir l'un de ses chevaliers. Je n'ai pas vu pourquoi refuser puisque le mal venait du Sanctuaire même et qu'il fallait l'éradiquer… et comme ce dieu combat ta déesse, je n'ai pas hésité. Surtout en voyant que vous vous détruisiez tous par une guerre complètement stérile, quand j'ai appris que l'on nous mentait sur la présence d'Athéna dans l'enceinte du Sanctuaire. Ma décision était et est toujours irrévocable.
Je comprenais enfin ce qui s'était passé en lui. Il avait été déçu, et le mot était faible, par ses comparses. Cependant, je voyais parfaitement qu'il n'avait nulle envie d'être sur Azura non plus et qu'il parlait de son passé avec une certaine nostalgie. Je devais à tout prix le ramener à la raison.
-Comment peux-tu ensuite accuser d'Athéna d'injustice? Évidemment, elle ne pouvait pas t'aider, ni surveiller son Sanctuaire puisqu'elle n'était pas là. Cela te prouve au moins la bonne foi de notre déesse à tous deux. Et puis, les hommes que tu méprisais ont tous été tués par les cinq chevaliers de Bronze rebelles qui ont purifiés le Sanctuaire.
" Maintenant, Saori, c'est le prénom d'Athéna, je te l'apprends, est revenue parmi nous et elle vit à Athènes, dans son Sanctuaire. Il n'existe plus d'hommes aux intentions impures qui foulent le sol du domaine de la déesse de la guerre et j'y veille même personnellement. Il y a de nouveau beaucoup de disciples, tous plus droits et justes l'un que les autres, prêts à remettre ces armures laissées à l'abandon par les chevaliers d'Argent morts que tu haïssais et pour qui je n'avais pas plus d'estime.
" Et tu sais, au fond de toi, qu'Athéna est et sera toujours l'icône de la justice et de la paix. Et toi, trouves-tu juste qu'Arès soit entrain de tuer des millions d'êtres humains? N'entends-tu pas les cris de douleur, leurs appels au secours, auxquels nous autres, chevaliers, sommes les seuls capable de répondre?
" Parle-moi, Fomalhaut et écoute-moi. Je sais que tu ne penses pas qu'ils méritent tous de mourir, de disparaître. Les humains n'ont pas tous le cœur sombre et c'est pour ces personnes aux mœurs semblables aux nôtres que nous nous battons. Tu te souviens, n'est-ce pas, je ne fais que répéter tes propres dires. Je ne les ai pas oublié. Et regardes, ou en serai-je sans toi, aujourd'hui? Je ne porterai sans doute pas cette armure, je n'essayerai sans doute pas de te raisonner...
Je me tus. Il n'y avait plus rien à ajouter. Je fermais les yeux car à présent, je devais jouer un quitte ou double. Masque de Mort comptait sur moi, tout comme mes autres compagnons, comme Athéna et le genre humain. Altaïr riait derrière de mes paroles, mais je n'en avais que faire. Je m'occuperai de son cas plus tard.
Je posais le Nunchaku à mes pieds et m'agenouillais devant le chevalier du Poisson Austral, ébahi par ma réaction. Je lui tendis de mes deux mains l'épée d'Orichalque. Je sentais que mes genoux s'enfonçaient un peu dans la terre rendue boueuse par le déchaînement des éléments qui avait du avoir lieu durant mon voyage dans mon passé.
-Tu vois, Fomalhaut, je te donne cette arme. Je ne veux pas que tu me tues avec ton autre attaque " Eternal Sleep", si ma mémoire est bonne. Je te remets l'une des douze armes de la Balance. Tranche moi la tête avec si tu désires toujours servir Arès, ce dieu maléfique et barbare. J'ai tant confiance en toi que je n'hésite pas à te remettre ma vie et si je dois mourir, je mourrais et pourquoi pas de la main de l'homme que j'ai le plus admiré, au même titre qu'Aioros, plutôt que de celle d'un autre. N'hésite pas, Fomalhaut et adieu... mon ami.
Je courbais alors la tête, attendant la sentence finale qu'il allait m'être donnée. Je lui jetai un simple coup d'œil. Il avait brandi l'épée en l'air qu'il tenait de ses deux mains au-dessus de sa tête. Je voyais que devant ses yeux, défilait sa propre existence, ses souvenirs, ses images, tout ce qu'il avait emmagasiné et qu'il avait essayé en vain d'enfouir au plus profond de lui-même. Je me décidais à ne plus le regarder et fermais les yeux. Cette attente m'était presque insoutenable.
-Soit, dit-il. Alors meurs!
J'attendais quelques secondes mais ne sentis rien. Pourtant, j'entendis un cri de douleur devant moi. Je relevais précipitamment la tête et vit Altaïr, le cœur transpercé de l'épée d'Orichalque, Fomalhaut la tenant toujours par le manche.

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Cette fiction est copyright Caroline Mongas.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.