Chapitre 5 : La blessure secrète de Mû


- Rune de Balrog, fit Mû ? Et tu crois que tu vas être assez puissant pour nous abattre tous les trois ?
- Cela ne fait aucun doute. Je compte parmi les plus forts des Spectres. Seuls les trois Titans me sont supérieurs, et encore, je n'en suis pas certain.
- Présomptueux ! En garde, moi Isaak chevalier d'Or du signe du Verseau, je te défie !
- Non, Isaak, c'est moi qui vais l'affronter. Passez votre chemin, je me charge de lui. N'oublie pas que nous avons une mission à accomplir.
- Soit, Mû, comme tu le voudras. Viens Mime, nous partons.

Le chevalier du Poisson, qui était resté silencieux durant tout ce dialogue, se contenta de hocher la tête et de suivre son camarade. Toutefois, avant de quitter les lieux, il se retourna et adressa un sourire à Mû.

- Attendez, fit Rune, je ne vous laisserai pas partir !

Pour toute réponse, Mime prit sa harpe et joua quelques accords ; la réaction fut immédiate. Rune se prit la tête à deux mains et commença à s'agenouiller de douleur. Mime s'arrêta et s'en fut avec Io. Le Spectre mit quelques instants avant de se reprendre tout à fait.

- Par Hadès, que s'est-il passé ?
- Tu as entendu la harpe de Mime. D'habitude, c'est un son que l'on n'entend pas deux fois.
- Pourquoi ne m'a-t-il pas achevé, alors ?
- Parce que je lui avais donné l'ordre de partir.
- Tu es donc le chef des chevaliers d'Or présents aux Enfers.
- Exact.
- Parfait, en ce cas, je vais me faire un plaisir de te tuer et de rapporter ta tête à notre maître. Fire Whip !

Le fouet que tenait Rune se déroula à la vitesse de l'éclair pour aller s'enrouler sur le chevalier du Bélier. Mais, au moment de le toucher, il s'arrêta net.

- Mais… Mais qu'est-ce qui s'est passé ? C'est la première fois que mon fouet ne frappe pas mon ennemi ! On dirait qu'il est protégé par un mur…
- C'est exact, Rune. J'ai dressé entre toi et moi un mur de Cristal que rien ni personne ne peut briser.
- C'est impossible ! Il n'existe pas de défense parfaite au monde. Chaque défense, aussi solide soit-elle, a un point faible.
- Il semblerait que si.
- C'est ce qu'on va voir. Fire Whip !
- Tu te fatigues pour rien.

***

Siegfried, Orphée et Io se dirigèrent vers le bâtiment qui leur faisaient face. Une imposante bâtisse qui rappelait beaucoup l'ancienne architecture grecque. Rien d'étonnant finalement puisque les Dieux habitaient - habitent ? - en Grèce. Siegfried marchait en tête, Io suivait et Orphée fermait la marche, à quelques pas de ses compagnons. Le chevalier de la Vierge se sentait mal à l'aise ; des réminiscences de son séjour aux Enfers l'assaillaient sans cesse. Pourtant Mime avait modifié le cours de l'histoire en l'empêchant de se rendre au Royaume d'Hadès, alors comment expliquer cela ? Où qu'il tournât la tête, des images lui rappelaient son passage en ces lieux.

Sa tête se mit soudain à tourner. Il s'arrêta et s'adossa contre un mur. Les deux autres se retournèrent immédiatement.

- Qu'y a-t-il Orphée, interrogea Io ? Tu ne te sens pas bien ?
- Je… Je ne sais pas ce qui m'arrive. J'ai la tête qui tourne et…
- Et quoi, fit Siegfried ?
- Rien, ce n'est rien. Reprenons notre route, nous n'avons pas de temps à perdre.

Siegfried plongea ses yeux gris dans ceux d'Orphée, comme s'il cherchait à lire dans son âme. Mais, soit il ne trouva rien, soit qu'il décida de ne rien dire, il tourna les talons et reprit sa marche. Il ne se passa rien pendant plusieurs minutes. Puis Orphée commença à se sentir lourd, comme s'il était terrassé par une invincible fatigue. Bientôt, il fut incapable d'avancer.

- Mais enfin Orphée, que t'arrive-t-il ? ? ?
- Je ne peux plus bouger… Je suis paralysé. Mon corps ne me répond plus. Je suis si fatigué… Je sens que je vais m'endormir.

Le chevalier de la Vierge ferma alors les yeux et se laissa tomber sur le sol. Ses deux compagnons se précipitèrent vers lui, trop tard : Orphée dormait à poings fermés et il semblait impossible de le réveiller.

- Par tous les Dieux, finit par hurler Io après avoir vainement essayé de ranimer son camarade ! Que lui est-il arrivé ?
- Je ne sais pas Io, répondit calmement Siegfried. Mais nous devons poursuivre. Je suis navré pour Orphée, mais nous n'avons pas le temps de le pleurer.
- Oui, tu as raison… C'est curieux…
- Quoi donc ?
- Je ne sais pas. Je sens une odeur bizarre, un parfum curieux.

Io fit un geste de la main, comme pour chasser son impression.

Quelques mètres plus haut, se tenait un homme. Son regard allait d'Orphée à ses compagnons. Une voix se fit alors entendre, et pourtant il n'y avait personne aux côtés de l'homme.

- Il semblerait que tu sois repéré.
- Qu'importe, j'en ai déjà tué un et les deux autres vont suivre.
- Crois-tu ?
- Quoi ?
- Que celui-ci soit mort ?
- Mais enfin, c'est évident ! Reste pour vérifier si ça t'amuse, mais moi je vais m'occuper de ses compagnons.

***

Rune avait les yeux écarquillés d'incompréhension : non seulement son adversaire avait résisté à la formidable puissance de son fouet mais en plus il l'avait détruit ! Il ne restait plus que le manche dans la main du Spectre. Mû souriait. Et cela plus que tout rendait le Spectre ivre de rage. " Allons, je dois me calmer… Je sais ! Je vais utiliser la " Réincarnation " et mettre ce chevalier devant ses méfaits passés… Oui, mais est-ce que cela va marcher ? Il respire la pureté. C'est à croire qu'il n'a jamais commis de crimes, encore moins de fautes. Mais c'est impossible ! Chaque homme, aussi pur soit-il, a commis des fautes. Je vais chercher et foi de Spectre, je trouverai ! "

Rune fit brûler son cosmos. Une puissante aura l'entoura alors.

- Chevalier du Bélier, je dois admettre t'avoir sous-estimé. Néanmoins, tu finiras par courber l'échine devant moi.
- Ah ? Tu as perdu ton fouet et sans lui, tu ne m'as pas l'air très dangereux.
- C'est ce que tu crois ! Subis la Réincarnation !

Comme il l'avait fait pour Seiya et Shun, Rune ferma les yeux et se mit à explorer à une vitesse incroyable le passé du Mû. Tout d'abord il ne trouva absolument rien ; il commençait à désespérer lorsqu'il mit la main sur un point sombre de la jeunesse du chevalier du Bélier.

Ce dernier ne se doutait de rien. Il se demandait toujours en quoi pouvait bien consister l'attaque de son adversaire. Il n'avait vu aucun jet de lumière partir de son poing et l'intensité de son aura n'avait pas diminué, comme s'il n'avait pas lancé son attaque. Pourtant, Mû savait instinctivement que ce n'était pas le cas.

Tout à coup, lentement mais sûrement, un sourire apparut sur le visage de Rune. Il rouvrit ses yeux.

- Chevalier, te souviens-tu de Dahlia ?

La foudre s'abattit alors sur Mû, vaillant défenseur de la première maison du Sanctuaire d'Athéna…

***

Le Sanctuaire, plusieurs années plus tôt

Le Grand Pope surveillait ses deux disciples. Une fille, nommée Dahlia et un garçon nommé Mû. Indiscutablement le jeune garçon était puissant. La fille aussi certes, mais elle était loin de valoir son ami. Car les deux disciples étaient amis. Cela était devenu possible car ils ne concouraient pas pour obtenir la même armure. Mû, c'était évident, lui succéderait bientôt en tant que chevalier du Bélier.

Quant à Dahlia, c'était plus délicat. Si elle parvenait à extérioriser toute l'énergie qu'elle avait en elle, elle pourrait sans problème prétendre à revêtir une armure d'Argent. Sinon, elle devrait se contenter d'une protection de Bronze, peut-être celle de Pégase. A moins que ce jeune japonais qui venait d'arriver…

Le Grand Pope, Sion de son prénom, se leva alors, signifiant par-là que l'entraînement était terminé pour la journée. Mû et Dahlia se tournèrent alors vers lui et s'inclinèrent très bas. L'espace d'un instant, Sion se demanda si Dahlia avait déjà enlevé son masque devant Mû. Certes, cette situation amènerait la jeune fille à choisir entre tuer ou aimer son camarade ; mais Sion était à peu près persuadé que le lien qui unissait ses disciples était plus qu'amical. Il sourit alors légèrement. Son visage étant caché par son masque, personne ne le remarqua. Il remonta alors vers le treizième temple du Sanctuaire. Soudain, il fut pris de vertiges et manqua de tomber. " Il faut que je fasse plus attention… A plus de deux cent ans, il est plus que temps que je fasse attention. " Il regarda alentour ; personne ne semblait avoir été témoin de la faiblesse passagère du Grand Pope.

Toutefois, un peu plus loin, tapi dans l'ombre, une paire d'yeux avait tout observé. Au bout de quelques minutes, il sortit de sa cachette et l'armure d'Or du signe des Gémeaux scintilla sous les rayons du soleil. Un sourire démoniaque apparut sur le visage du chevalier Saga.

Pendant ce temps, très loin de ces intrigues, Dahlia et Mû rentraient vers leur demeure main dans la main. Une fois qu'ils furent arrivés et que plus personne ne pouvait les voir, Dahlia retira son masque. Elle s'avança alors lentement vers Mû et déposa un chaste baiser sur ses lèvres. Cette nuit-là, comme toutes les nuits depuis bien longtemps, ils dormirent ensemble, la jeune fille blottie dans les bras de son ami.

Le lendemain, Mû fut convoqué au Palais du Pope. Il arriva dans la Grande Salle du Trône et s'agenouilla.

- Mû, fit le Grand Pope, tu es pratiquement arrivé au bout de ton entraînement. Je t'ai enseigné toutes mes connaissances. Tu es à présent mon égal.
- Grand Pope, se récria vivement Mû…
- Toutefois, poursuivit le représentant d'Athéna comme s'il n'avait rien entendu, il te manque quelque chose.
- Quoi donc ?
- La sagesse, Mû. Tu es naturellement très sage, mais tu es loin d'avoir atteint tes limites en la matière. Il te faut encore apprendre.
- Auprès de qui, Grand Pope ? Existe-t-il quelqu'un de plus sage que vous ? A part Athéna, bien évidemment…
- En effet, il existe un chevalier plus sage que moi, à qui Athéna a confié la surveillance des Etoiles Maléfiques.
- Les Etoiles Maléfiques ?
- Une autre histoire, Mû… Tu vas te rendre sur-le-champ aux Cinq Pics en Chine. Tu devras trouver Doko, qui t'apprendra ce qui te reste à savoir. Une fois qu'il aura estimé que tu en sais suffisamment, tu repasseras par Jamir, afin de prendre ce qui te revient de droit, l'armure d'Or du Bélier. As-tu des questions ?
- Avec votre permission, oui Grand Pope.
- Je t'écoute.
- Qui est ce Doko ? Pourquoi n'ai-je jamais entendu son nom auparavant ?
- Doko est un très vieil ami ; il a combattu autrefois à mes côtés contre les armées d'Hadès. Rien que pour cela, il serait digne de t'enseigner. Mais il est également le défenseur de la septième maison, c'est à dire le chevalier de la Balance. Autre chose ?
- Oui, puis-je dire au revoir à Dahlia avant de partir ?
- Je regrette Mû, mais c'est non. Cependant, rassures-toi, je lui ferai tes adieux.
- Dans ce cas, j'y vais.

Mû fit brûler son cosmos et disparut.

- Au revoir, mon fils, et qu'Athéna te garde.

Sion se leva alors et tira sur un cordon. Un garde apparut immédiatement.

- Que l'on appelle les chevaliers des Gémeaux et du Sagittaire.
- Bien, Grand Pope.

***

Mû passa près de deux ans auprès du chevalier de la Balance. Ce dernier lui apprit la patience, la foi et la maîtrise de soi. Au bout de ces deux ans, Mû avait acquis un sang-froid extraordinaire. Il semblait impossible de lui faire perdre son calme. Lorsque son nouveau maître lui annonça qu'il pouvait partir, Mû tressaillit de joie. Mais curieusement, pas à cause de l'armure du Bélier qui allait être désormais sienne, mais plutôt parce qu'il allait enfin revoir Dahlia. Au cours de ces deux années passées loin d'elle, le jeune homme s'était rendu compte à quel point il tenait à elle. En secret de son maître, il lui écrivait une lettre chaque semaine.

Il se rendit donc à toute vitesse à Jamir où il revêtit son armure d'Or qui faisait de lui l'un des douze plus puissants chevaliers de la confrérie. Puis, il se présenta, un soir, au Sanctuaire. Il demanda alors à voir le Grand Pope. On lui répondit que ce dernier était en méditation et qu'il était hors de question de le déranger. On informerait Sa Majesté de sa présence et le Grand Pope le ferait appeler lorsqu'il le désirerait.

Mû erra pendant deux jours à travers le Sanctuaire à la recherche de Dahlia. Il ne trouva rien. Puis, à la fin du second jour, le Grand Pope le fit demander. Lorsqu'il se présenta devant lui, Mû ne put réprimer un froncement de sourcils. Au moment de son départ, le masque du Grand Pope était doré ; aujourd'hui il était rouge écarlate, de la couleur des Enfers.

- Je suis heureux de te revoir, mon disciple.

Mû tiqua à nouveau ; jamais le Grand Pope ne l'avait appelé de la sorte.

- Tu es devenu un chevalier d'Or à présent. Jures-tu fidélité à Athéna et à moi-même ?
- Oui.
- Jures-tu de lui obéir en toutes circonstances, lorsqu'elle te parlera par ma bouche ?
- Je le jure.
- Bien. J'ai une mission à te confier. J'ai appris qu'une femme chevalier, qui vient d'obtenir l'armure d'Argent du Bouclier a trahi le Sanctuaire. Je t'ordonne d'aller l'éliminer et de me rapporter l'armure.
- Une femme ? Grand Pope ! Je ne peux pas m'abaisser à frapper une femme !
- Renierais-tu déjà ton serment, Mû du Bélier ?

Mû baissa la tête.

- Non, Grand Pope. J'obéirai. Où se trouve cette traîtresse ?
- En Equateur.
- J'y pars immédiatement. Toutefois…
- Quoi encore ?
- Dahlia… Je l'ai cherché, mais je ne l'ai pas trouvé. Savez-vous où elle se trouve ?
- Non, mais je te fais la promesse qu'une fois que tu auras exécuté ta mission, je répondrai à ta question.
- Je vous en remercie.

Mû s'en fut en Equateur. Là, il chercha la source d'énergie que devait dégager tout chevalier d'Argent. Mais il avait du mal à se concentrer ; l'attitude du Grand Pope était bizarre. Lorsqu'il trouva enfin celle qu'il était chargé d'éliminer, la nuit venait de tomber.

La femme était assez grande, environ 1m70. Ses cheveux étaient de couleur foncée et tirés en arrière, afin qu'aucune mèche ne puisse la gêner au combat. Quand Mû apparut, elle se dépêcha de faire appel à son armure.

- C'est inutile. Ton armure ne te protégera pas de mes coups.
- Qui es-tu ?
- Je suis Mû, chevalier du Bélier. Chevalier, tu as trahi le Sanctuaire. Prépares-toi à en payer le prix. Star Light Extinction !

Le coup avait été fatal. La femme avait été projetée à plusieurs dizaines de mètres, incapable de faire face à l'incroyable puissance de Mû. Ce dernier s'approcha alors d'elle pour récupérer l'armure. Sous l'impact, le masque de la femme s'était brisé. Soudain, le cœur du chevalier se mit à battre de plus en plus fort. Il se mit à genoux et mit le visage de sa victime sous les rayons lumineux de la Lune.

Il ne put retenir un cri d'horreur : il tenait dans ses mains le corps sans vie de Dahlia.

Au loin, alors que Mû criait son désespoir, un homme riait aux éclats.

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Cette fiction est copyright Emmanuel Axelrad.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.