Chapitre 13 : Le choix d'Ivan des Gémeaux


A l'orée d'une forêt, dans une nuit douce et éclairée par la Lune, deux chevaliers s'affrontaient depuis quelques instants. L'un d'eux, une femme, ne portant pas de masque, contrairement aux femmes chevaliers d'Athéna, affichait un sourire sournois et suffisant, comme témoignant de sa certitude de l'issue du combat. Son adversaire, un homme jeune et à l'armure rudimentaire, faisait face avec moins d'assurance, mais son regard exprimait néanmoins la volonté farouche de lutter jusqu'au bout, tant que son corps le lui permettrait.

Khalid : jusqu'ici, tu as réussi à contrer mon attaque parce que je n'y avais pas mis toute mon âme, mais je vais me ressaisir. Par le Galop de la Licorne !
Callisto : Encore cette pitoyable attaque…tu tiens plus du comique que de l'héroïsme, tu sais…
Khalid : Je crois plutôt que, cette fois, tu risques d'avoir une petite surprise !
Callisto : j'ai déjà pu voir plusieurs fois ta technique et je peux l'éviter sans aucune difficulté. Comme cela...mais…

L'attaque avait changé subitement d'aspect ; sous la même appellation, c'étaient des milliers de coups simultanés, et non plus seulement quelques-uns, que portait le chevalier de la Licorne. Il avait parvenu à intensifier son cosmos de manière prodigieuse.

Callisto : il a atteint le septième sens, et a réussi à surprendre ma défense ! Aaahh !

Callisto s'écrasa contre une paroi rocheuse près de là et, sous la violence du choc, provoqua l'éboulement d'une partie de la paroi. Elle eut juste le temps de sauter sur le côté pour éviter la chute des pierres, et de se remettre debout face à Khalid.

Callisto : Comment as-tu réussi un tel miracle ? ?
Khalid : Mon cosmos augmente de seconde en seconde, car l'énergie qui m'anime est l'énergie des vainqueurs, Phébus de Vénus ! Quatre Phébus ont été vaincus par notre détermination, à nous, chevaliers d'Athéna. Vous n'êtes plus que trois à menacer encore la vie de l'humanité, et je jure que ce nombre continuera à diminuer…je n'arrêterai pas de me battre tant que je ne t'aurai pas vaincue, et envoyée dans la tombe ! !
Callisto (en pensée) : C'est incroyable, ce n'est qu'un simple chevalier de bronze, il fait pourtant partie de la piétaille des petits chevaliers d'Athéna, il devrait n'avoir à peine que le centième de mon pouvoir, et pourtant, il parvient, par sa volonté, à pousser sa cosmo-énergie quasiment au même niveau que le mien…il a découvert le septième sens sans même s'en rendre compte, et son cosmos continue encore à augmenter…de quoi est-il encore capable ? Non, je suis un Phébus, l'un des plus puissants chevaliers au monde, et il ne pourra jamais me vaincre…
Khalid : Que marmonnes-tu, Callisto ? Je te l'ai dit, bientôt, tu seras réduite à l'état de poussière, et mes compagnons encore en vie vaincront les deux derniers Phébus. Ensemble, nous irons devant Apollon et nous le forcerons à sauver Athéna du mal qu'il lui a fait !
Callisto : Mmm, quelle naïveté, chevalier…même si tous les Phébus venaient effectivement à mourir, apprend que toi et tes compagnons ne pourriez rien contre Apollon…vous ne pouvez pas vous mesurer à un Dieu…la seule personne qui aurait pu est Athéna elle-même, mais elle est stupidement tombée dans le piège que nous lui avons tendu, et elle est perdue à jamais. Ha ha ha !
Khalid : Même si Athéna doit mourir, j'arriverai au moins à venger la mort de mon maître…
Callisto : Comment ? Ton maître ?
Khalid : Oui ; Jason, le chevalier d'or du Bélier, que vous avez lâchement assassiné, était mon maître. Et je ne vous pardonnerai jamais cet acte inqualifiable. Au nom de celui qui m'a tout appris, je vous tuerai, toi et les autres !
Callisto : Je comprends mieux, maintenant, la volonté farouche qui t'anime, et qui t'a permis d'élever ton cosmos à un niveau aussi surprenant…Mais tu ne vaux certainement pas mieux que ton misérable maître. Nous avons réussi à l'éliminer sans la moindre difficulté, et j'en aurai encore moins pour un simple chevalier de bronze, tel que toi…Mais assez discuté, maintenant. Reprenons ce combat, et finissons-en ! Par la Prise de l'Ourse !
Khalid : Par le Galop de la Licorne !

*****

Adam de l'Horloge mit quelques instants avant de reprendre ses esprits. Non, il ne rêvait pas, c'était bien Yoko du Tigre, chevalier de bronze d'Athéna, qui se tenait devant lui. Elle portait une armure de Phébus, celle protégée par la planète Mars du Système Solaire, et était aujourd'hui son adversaire. Elle ne portait plus son masque de femme chevalier mais Adam la reconnaissait sans peine. Il n'avait pas oublié son visage lors de son arrivée au Sanctuaire, quelques semaines plus tôt, en compagnie de Doko du Dragon et d'Aritaki du Cocher, lorsqu'elle avait demandé à s'entretenir en personne avec Athéna, embarrassée, pour lui avouer avoir toujours masqué son identité féminine. Yoko, elle si douce, si dévouée à la déesse qu'elle était sensée protéger ! Comment pouvait-elle désormais combattre auprès d'Apollon et se dresser contre ses anciens compagnons, les chevaliers d'Athéna ? Comment une telle chose était-elle possible ?

- Yoko, ce n'est pas possible ! Pourquoi portes-tu cette armure qui n'est pas la tienne ? ? Qu'est-ce que cela signifie ?
- Oh que si, cette armure est désormais mienne. Vois comme elle resplendit de puissance ! La puissance du Dieu Apollon, que je sers désormais, à jamais ! !
- Explique-moi ce qui s'est passé après que Doko ait perdu ta trace, l'autre jour, à l'entrée de ce Sanctuaire ! Qu'as-tu fait ensuite ? Que t'est-il arrivé ?
- Tout cela ne te regarde pas, chevalier de l'Horloge, et je n'ai pas à me justifier. Je regrette seulement de ne pas avoir ouvert les yeux plus tôt et découvert où se situait la vraie force et la vraie justice !
- Tu…tu me mens depuis le début. En fait, tu t'es volontairement faite passer pour un Phébus en attendant notre arrivée, pour nous aider à nous battre contre Apollon ! C'est bien cela, n'est-ce pas ?
- Que t'imagines-tu ? Nous ne sommes pas, nous ne sommes plus du même côté, chevalier ! Et j'en ai assez de discuter ! Passons maintenant aux choses sérieuses ! Par les Griffes de la Panthère !

Adam fut surpris par cette attaque et ne put l'esquiver. Jusqu'au dernier instant, il voulut croire que Yoko se jouait de lui, qu'elle feignait d'être son ennemie pour ne pas alerter l'attention, mais il dut se rendre à l'évidence, ce n'était plus la même Yoko qu'il avait en face de lui. Et son attaque était bien plus puissante que par le passé. Ses Griffes du Tigre étaient désormais celles de la Panthère, et c'est avec bien plus de puissance qu'autrefois qu'elles attaquaient leur adversaire, afin de le saigner à blanc. Comme si l'armure de Phébus qu'elle portait désormais lui donnait un formidable surplus d'énergie. Adam n'eut pas la force de résister à cette attaque, et l'encaissa de plein fouet. Il se serait sans doute défendu avec facilité contre cette même attaque venant d'un autre adversaire, mais ses sentiments fraternels pour Yoko prenaient le dessus. Ainsi, il s'écrasa lourdement sur le sol, contre les dalles du couloir où il se trouvait, et du sang s'écoula de ses membres, s'étendant en petites flaques sur la pierre.

Yoko : Quel faible adversaire…il n'a pas été capable de faire abstraction de ses sentiments face à moi, et s'est laissé frapper comme un enfant vulnérable…quand je pense que tu fais en principe partie des meilleurs chevaliers de bronze et d'argent qui servent Athéna ! Je suis déçue, chevalier ; tu n'es vraiment pas à la hauteur de ta réputation…mais, ne t'en fais pas, ta mort arrivera vite. Je n'avais pas mis toute ma puissance dans l'attaque que je viens de te porter, et la prochaine te fera vider progressivement de tout ton sang.
Adam : Ne m'enterres pas aussi vite ; tu risques d'être surpris par ma résistance…
Yoko : Tu te relèves, malgré le coup que je t'ai porté ? Le suivant n'aura aucune mesure avec le premier, et je te conseille de dire adieu à tes compagnons encore en vie…
Adam : Je t'en prie, Yoko…s'il le faut, si tu m'y pousses, je me battrai contre toi…mais pas avant que tu ne me répondes ! ! Que s'est-il passé depuis ta disparition ? ? Doko m'a parlé d'un certain Actéon du Cerf, Phébus de Neptune, qui vous a attaqués et vaincus tous deux. Lorsque Doko a repris connaissance, tu n'étais plus là. Explique-toi ! !
Yoko : Ne t'ai-je pas déjà répondu ? ? Je ne suis pas disposée à me justifier sur les choix que j'ai fait depuis ! Puisque tu y tiens tellement, je te dirai seulement qu'Actéon m'a permis de rencontrer Apollon en personne, et que cette rencontre a été la plus éblouissante de toute mon existence…j'ai pris conscience de mes convictions en la véritable justice qui doit régner sur Terre…celle de la Force et du Pouvoir ! Cette misérable Athéna a montré sa faiblesse à cause de sa trop grande compassion à l'égard de l'humanité, et regarde où ça l'a menée !
Adam : Non…il y a autre chose, que tu ne me dis pas…il est impossible que tu tiennes de tels propos envers celle que tu avais juré de protéger, au péril de ta vie…tu as prêté serment, Yoko ! ! As-tu donc tout oublié ?
Yoko : J'en ai assez de t'entendre geindre, pauvre misérable. Je vais te faire taire ! Par les Griffes de la Panthère !
Adam : Aaaaahhhh ! !

Encore une fois, Adam n'avait pas trouvé la force de réagir face à Yoko et avait encaissé toute la puissance de son attaque. Lui qu'on disait l'un des chevaliers les plus calmes, réfléchis et imperturbables, se donnait à lui-même l'illustration de sa faiblesse face à ses sentiments.

Adam (Se relevant) : Quelle épreuve le destin me fait subir…affronter une personne qui a été du même côté que moi pendant des années, et qu'une raison que j'ignore a fait basculer dans le Mal absolu…je dois à tout prix me ressaisir et faire abstraction de tout sentiment face à Yoko, si je veux remporter ce combat et la vaincre. Le sort du monde en dépend…

Il regarda Yoko fixement, tandis qu'il se relevait, saignant de partout et sanglotait légèrement, et fit brûler son cosmos.

Adam : Tant pis…les pires sacrifices sont parfois nécessaires pour préserver la paix du monde. Yoko ! Prend ça ! Par l'Evasion de l'Horloge !

Adam se démultiplia en plusieurs entités qui se mirent toutes à encercler Yoko et à tourner autour d'elle de plus en plus rapidement, avant de toutes lancer de petites boules de feu sur leur adversaire. Yoko ne put les éviter et fut touchée de plein fouet. Elle s'écroula.

*****

Le Temple d'Artémis

Un homme casqué et masqué, revêtu d'une longue robe sombre, montait les marches qui menaient au Temple d'Artémis d'un pas décidé. Une jeune femme toute vêtue de blanc se tenait à l'entrée et, le voyant arriver, appela à l'intérieur du Temple.

- Voici venir le Grand Pope, Maîtresse Artémis
- Bien, Niobé, laisse-moi seule avec lui, à présent, et va rejoindre les autres nymphes auprès du corps d'Athéna ; nous vous rejoignons très bientôt.

Artémis, la déesse de la Chasse, se trouvait maintenant seule face au représentant d'Athéna sur Terre. Le Grand Pope. Les flammes des torches dansaient et éclairaient leurs visages dans l'obscurité de la nuit.

- Vous voilà enfin, Grand Pope. Je ne doutais pas un seul instant que vous refuseriez notre proposition…vous êtes courageux, vous savez ?
- Artémis, nous nous retrouvons, après toutes ces années, mais ce n'est certainement pas pour nous congratuler. Dis-moi où est Athéna et conduis-moi à elle immédiatement. Je n'accepterai pas de perdre la moindre seconde de mon temps précieux.
- Oh, calmez-vous, Grand Pope, je vous y emmène, ne vous inquiétez pas. Elle vous attend ; enfin, façon de parler…
- Artémis, je t'ai déjà combattue aux côtés de ton frère il y a 187 ans, et je sais de quoi tu es capable. Vous m'avez promis la libération d'Athéna en échange de ma contribution, et vous avez grand intérêt à tenir votre promesse. Je n'hésiterai pas à me mesurer à vous, et que vous soyez des dieux ne me fait pas peur. Je suis déjà venu à bout de vous deux par moi-même à l'époque, et je n'hésiterai pas à recommencer !
- Si vous êtes si sûr de vous…je croyais que vous ne vouliez pas perdre votre temps en bavardages ; dans ce cas suivez-moi auprès de mon frère, et acceptez ses conditions.
- Qu'est-ce qu'Apollon attend de moi, Artémis ? En échange de quoi libérera t-il Athéna du sommeil dans lequel tu l'as plongée ?
- Vous devriez vous en douter, non ?
- J'attends une réponse !
- En échange de votre vie, bien évidemment !

*****

Non loin du Temple d'Artémis, un combat très disputé opposait toujours Khalid de la Licorne à son adversaire Callisto de l'Ourse. Les deux chevaliers avaient lancé simultanément leurs attaques au maximum de leur force et s'étaient mutuellement touchés. Tous deux retombèrent à terre et restèrent sans bouger un instant, mais le Phébus de Vénus se releva rapidement la première, à peine éméchée par l'attaque de Khalid. Son armure de Phébus n'avait rien et resplendissait d'une lumière qui la rendait visible toute entière dans l'obscurité de la nuit. Khalid, lui, n'avait pas eu la chance de sortir indemne de l'attaque de Callisto, et son armure s'était fissurée en de nombreux endroits.

- Tu as de la chance, Khalid, lui dit-elle ; ton armure t'a permis de survivre in extremis à mon attaque, mais c'est bien la dernière fois. Regarde-toi ; ta protection commence à se briser et tu es déjà blessé à de nombreux endroits. Ma prochaine Prise de l'Ourse te sera mortelle.
- Sans cette armure que tu portes, tu serais dans le même état que moi, Callisto ! Ton cosmos n'est pas supérieur au mien, et j'arriverai bien à trouver la faille qui te fera mordre la poussière ! ! Même si je dois y laisser la vie !
- Même si tu gagnais, ta victoire ne te servirait à rien. La Terre est déjà condamnée de toute manière, et rien ne peut empêcher la volonté de notre maître Apollon de s'y répandre peu à peu. Athéna a été vaincue tout à l'heure, et rien ne pourra la faire revenir…
- Tu as l'air d'en savoir long, Phébus ! Qu'est-il arrivé à Athéna ? Parle !
- Au cas où tu ne le saurais pas encore, ta chère déesse a été touchée par la Flèche Divine d'Artémis. Elle n'est pas vraiment morte mais a été plongée dans un sommeil éternel dont elle ne se réveillera jamais…
- C'est faux ! ! Il doit bien y avoir un moyen de la ramener à la vie ! Tu me mens !
- Tu as peut-être raison…la seule personne capable de ramener Athéna elle-même est Artémis elle-même…elle seule a le pouvoir d'effacer l'enchantement de la flèche. Mais ne t'imagine pas qu'Artémis puisse céder et consentir à réveiller Athéna…
- Nous y arriverons bien, par n'importe quel moyen ! ! Et, si ce n'est pas moi, mes deux compagnons encore en vie s'en chargeront !
- J'aimerais bien voir ça…
- Tu n'auras pas l'occasion de le voir, Phébus, car tu seras morte avant ! Par le Galop de la Licorne !
- Tant pis pour toi…Que l'Ourse de Delphes te dévore !

Sous l'impact de cette attaque, l'armure de Khalid explosa littéralement en miettes qui se répandirent sur le sol et volèrent peu à peu, balayées par le remuement de l'air provoqué par l'attaque. Il ne restait plus aucune protection au chevalier de la Licorne, et les plaies de celui-ci s'ouvrirent d'un coup, faisant couler son sang abondamment. Il s'écroula, les yeux écarquillés par l'incompréhension. Callisto, quant à elle, n'avait pas une égratignure, et son armure avait absorbé sans la moindre difficulté son Galop de la Licorne.

- Je suis perdu, dit encore Khalid, tant qu'il était conscient, allongé à terre. Je n'ai plus d'armure, mon corps est couvert de blessures, je vais mourir…est-ce la fin ?
- Khalid !
- Qui me parle ainsi ?
- Khalid ! Khalid, chevalier de la Licorne !

Khalid regarda au-dessus de lui et, à l'intérieur de la Lune qui éclairait le ciel de la nuit, vit apparaître le visage d'un homme roux, qui s'adressait à lui. L'âme de son maître, Jason du Bélier, s'adressait à lui.

- Maître Jason !
- Khalid, as-tu oublié la promesse que tu m'as faite, tout à l'heure ?
- La…promesse ?
- Oui, tu as promis que, quoi qu'il arrive, tu vengerais ma mort en abattant l'un des Phébus et en combattant Apollon jusqu'au bout de tes forces. Et que tu sauverais Athéna du sort qui lui a été jeté.
- Oui ! C'est…vrai !…
- Alors, qu'attends-tu pour te relever, chevalier…relève-toi, et augmente ton cosmos ; surpasse celui de ton ennemi, et fais que rien ne puisse t'abattre ni te détruire…tu es un chevalier d'Athéna, et, même sans ton armure, tu parviendras toujours à te relever et à combattre, tant que la foi en la victoire guidera tes pas…ne laisse pas cette foi te quitter…je compte sur toi, Khalid ! Ne me déçois pas ! Ne déçois pas Athéna !

La silhouette de Jason s'évanouit alors et laissa de nouveau place à la lumière éclatante de la Lune. Khalid semblait avoir compris le message, et il se relevait de plus belle, en faisant brûler son cosmos de toute son âme.

- Mais c'est impossible ! Comment peux-tu encore te relever ? Je t'ai privé de ton armure, tu es plus mort que vif, tu n'as plus rien !
- Il me reste encore la vie, Callisto ! Cette vie que tu ne m'as pas prise, et que tu ne me prendras pas ! PAR LE GALOP DE LA LICORNE ! ! !
- Aaaahhh ! ! !

Callisto alla s'écraser contre une paroi proche de là et retomba à terre, inconsciente.

*****

Dans le couloir qui prolongeait l'entrée du Temple d'Apollon, Adam de l'Horloge venait de parvenir à porter un coup violent à Yoko de la Panthère, son funeste adversaire, qui l'avait envoyer s'écraser contre l'un des piliers qui bordait le couloir et briser celui-ci. Mais la vitesse avec laquelle elle se releva témoignait de la puissance relative qu'Adam avait mis dans son attaque.

- Bien joué, Adam, fit-elle en s'essuyant le bouche des quelques traces de sang qui la recouvraient. Ton attaque est redoutable, et tu serais peut-être parvenue à me tuer si tu y avais mis toute ta puissance. Malheureusement, c'est loin d'être le cas…Tu t'es volontairement retenu de déployer la totalité de ta puissance, car tu avais peur de me tuer. Une fois encore, tu t'es laissé guider par tes sentiments !
- Soit, dit Adam, j'ajouterai le fait que tu sois une femme, et que je répugne à porter mes coups contre quelqu'un qui est en principe moins puissant que moi. Mais cela ne durera pas indéfiniment. A force de te porter des coups, tu finiras par renoncer à ce combat stupide auquel tu me pousses.
- Que dis-tu ?
- Yoko, je t'en prie, ouvre les yeux ! Athéna est en ce moment même aux portes de l'autre monde, et a besoin de nous ! Cesse de me barrer la route, redeviens la Yoko que j'ai connue il n'y pas encore pas très longtemps, et viens m'aider à combattre Apollon !
- Tu ne sais pas ce que tu dis…je suis ton ennemie, Adam !
- Alors laisse-moi quand même passer ! Laisse-moi traverser ce couloir et atteindre Apollon !
- Ma mission est claire et précise, et je n'y dérogerai pas. Prend ça, Adam ! Que les Crocs de la Panthère te dévorent !
- Par la Compression du Temps !

Adam tenta son attaque favorite, qui stoppa net l'attaque de Yoko alors que la Panthère bondissait sur lui. Il devait maintenant déclencher la deuxième partie de sa technique, le Rappel du Temps.

- Eh bien, Adam ! Je sais que ce que tu viens de faire n'est que la première partie de ta technique, et que tu dois maintenant me renvoyer cette attaque que tu viens de bloquer. Qu'attends-tu ? ?
- Par le Rappel…du…
- Cette hésitation te sera fatale ! Que les Crocs de la Panthère te dévorent !

Adam fut touché sans moyen d'esquiver les Crocs de la Panthère, et ses plaies précédentes se rouvrirent de plus belle.

*****

Artémis avait accompagné le Grand Pope, silencieusement, de son temple jusqu'à celui de son frère, pas très loin, sans un échange de regard ni de parole. Sentant qu'un combat était en train d'avoir lieu près de l'entrée du Temple entre un Phébus et un chevalier d'Athéna, en l'occurrence Yoko et Adam, elle entraîna le Pope par une entrée souterraine secrète et connue d'elle seule et des Phébus, qui permettait d'accéder directement aux cachots du sous-sol du Temple. Des torches en éclairaient les murs mais l'absence de fenêtres et l'exiguïté des lieux donnait une nette impression de lugubre et de morbide. Comme si la mort s'était emparée de l'endroit.

- Nous y sommes, Grand Pope…j'espère que vous avez médité la proposition d'Apollon durant les quelques instants où nous avons marché jusqu'ici. Il n'est pas trop tard pour renoncer à ce que nous vous demandons, mais avouez que ce serait dommage pour cette pauvre Athéna…
- Je n'ai que faire de tes sarcasmes ! Où sommes-nous, Artémis ?
- Nous sommes ici dans les cachots du Temple d'Apollon, précisément au-dessous de la Salle où il trône habituellement. Je crois qu'il s'est rendu spécialement ici pour vous y retrouver…et retrouver également quelqu'un d'autre…celle pour qui nous sommes tous réunis en ce lieu !

Artémis tira alors un rideau pourpre cachant l'entrée d'une des geôles bordant le couloir où ils marchaient, et, au fond d'une pièce dénuée de tout ornement, le Grand Pope vit un lit de fortune dressé là pour l'occasion, où, sur un simple drap, était allongée, sur le dos, une jeune femme qui paraissait dormir d'un sommeil qu'on aurait dit léger.

- ATHENA ! ! !

A la vue de la déesse ainsi allongée sans connaissance, le Grand Pope se précipita vers elle et lui prit la main, espérant naïvement une réaction. Mais sa main était d'une froideur repoussante. Il la lâcha rien qu'en la sentant, craignant que le pire ne soit déjà arrivé.

- Est-ce qu'elle est déjà… ? ?
- Non, Grand Pope, je vous l'ai expliqué, fit Artémis ; Athéna n'est pour l'instant qu'endormie, elle n'est pas encore passée de vie à trépas, et il ne tient qu'à moi de faire que ce soit le cas…tout comme il ne tient qu'à moi de la faire revenir à elle.
- Alors fais-le sur le champ, je te l'ordonne ! !

Le Grand Pope perdit d'un seul coup son sang froid et fit brûler son cosmos devant Artémis, comme prêt à l'affronter sans délais. Artémis, nullement surprise, le regardait, avec un sourire presque amusé.

- Voyons, Grand Pope, réfléchissez à ce que vous faîtes…pensez-vous que vous pourrez m'attaquer, dans cette salle étroite où nous nous trouvons, sans risquer de faire d'écrouler l'édifice et de mettre en danger la vie d'Athéna qui est juste à côté de vous ?
- Grrr…il doit bien y avoir un moyen ; j'arriverai bien à te forcer à libérer Athéna ! Prend ça, Artémis !
- Vous allez le regretter ! ! Fit Artémis, qui se mit en position de défense.

Au moment où le Grand Pope allait porter son coup, une force mystérieuse l'interrompit sur le champ et le repoussa contre un mur où il s'encastra en un instant. Un homme grand et élégant, une cithare à la main, venait d'entrer dans la pièce.

- Tu es… ! ! !
- Allons, Ivan, te rends-tu compte de ce que tu viens de faire ? Porter la main sur une déesse ?
- Apollon ! ! !
- Nous nous retrouvons enfin, après toutes ces années…

Apollon venait de faire son entrée dans la pièce, et faisait resplendir son cosmos pour marquer la pièce de sa présence. Il portait sa cithare dans sa main gauche et, dans sa main droite, une mystérieuse boîte sombre. Le Grand Pope se remit debout et calma provisoirement sa colère. Il aurait attaqué Artémis sans hésiter si Apollon n'était pas intervenu, mais, face à celui-ci, il n'osait plus lever le petit doigt.

- Eh bien, Ivan ? Tu as peur ? Ne t'inquiètes pas, je serai bref. Et d'abord, enlèves-moi ce casque et ce masque ridicules. Allez, montre-moi à nouveau ce visage, que je n'ai pas vu depuis si longtemps !

Le Grand Pope, ne discutant pas et résolu à obéir, s'exécuta et porta ses mains à sa tête, ôtant son casque rouge grenat puis son masque bleu. Pour la première fois depuis 187 ans, le Grand Pope dévoilait son visage, et redevenait celui qu'il était autrefois. Apollon vit avec un plaisir non dissimulé le visage de son adversaire d'autrefois, qui ne cachait pas une certaine inquiétude. Ses cheveux mi-longs avaient tiré sur le blanc et de nombreuses rides lui parcouraient une peau flétrie et dépigmentée, mais c'était bien le même homme qu'il avait connu à l'époque. Ivan, chevalier d'or des Gémeaux !

- Qu'attends-tu de moi exactement, Apollon ? Quelles sont tes intentions ? Ne t'avise pas de me mentir ! Fit le Grand Pope.
- Tu devrais le savoir, maintenant…je te fais une proposition. Athéna a été touchée par la Flèche Divine d'Artémis, et plongée dans un sommeil qui devrait être éternel. Seulement, comme tu t'en doutes, Artémis contrôle ce sommeil comme elle le souhaite et possède autant le pouvoir d'endormir ses victimes que celui de les réveiller. C'est pourquoi nous avons décidé de te laisser une chance de libérer Athéna.
- En échange de ma vie, c'est bien ça ?
- Absolument, tu as tout compris…ta mort, ou celle d'Athéna; à toi de décider qui de vous deux doit mourir…

Le Grand Pope eut un instant d'hésitation dont il se culpabilisa très vite. Il n'avait pas peur de la mort, et savait que, de toutes façons, ce moment devait arriver tôt ou tard. Seulement, il pensait à ce que manigançait Apollon. Il se souvenait du dernier combat sacré contre lui, de la manière dont il l'avait battu, aux côtés d'Athéna, grâce à cette technique dont il avait gardé le secret pendant très longtemps. Sans doute, en se débarrassant de lui, Apollon voulait-il s'assurer que ce secret serait perdu à jamais et que personne ne pourrait plus jamais le vaincre. Mais s'il se sacrifiait, alors le Grand Pope laissait échapper du même coup la dernière chance qui restait de pouvoir mettre un terme à l'ambition meurtrière d'Apollon. Mais la résurrection d'Athéna lui était promise, en échange de ce sacrifice…il osa alors penser qu'Athéna, même seule, parviendrait à trouver un autre moyen de venir à bout d'Apollon. Tant qu'elle pût vivre, rien d'autre, pas même sa propre mort, ne lui importait.

- Que t'arrive t-il, Ivan ? Fit Apollon. Tu hésites ? Je pensais que tu n'aurais aucune hésitation devant ma proposition…
- C'est le cas, Apollon ! Je suis décidé ! Décidé à mourir !

Et il le regarda dans les yeux.

- Pour Athéna ! ! !

*****

Adam se relevait une nouvelle fois de l'attaque de Yoko. Blessé, il ne pouvait toutefois perdre la face devant son adversaire. Il se disait que, à force de coups, Yoko finirait bien par reprendre ses esprits et redevenir elle-même.
Mais, alors qu'il s'apprêtait à porter une nouvelle attaque à son adversaire, Adam ressentit comme une impression de malaise inexplicable, en même temps qu'une présence toute proche, qui lui était familière. Un cosmos qu'il avait peine à identifier.

- Ce cosmos…non, ce n'est pas possible !
- Qu'as-tu, Adam ? Fit Yoko, qui connaissait la réponse, avec un air amusé.
- Le Grand Pope…le Grand Pope en personne ! Il est ici, tout près de nous ! Et un grand danger le menace !
- Tu as l'air surpris, on dirait…
- Et comment se peut-il que, toi, tu ne le sois pas ?
- Il est venu faire comme vous tous…rejoindre Athéna dans la tombe…
- Que dis-tu ? ?

D'un seul coup, spontanément, Adam se retourna et se mit à courir vers l'entrée du Temple d'Apollon derrière lui, à l'opposé de Yoko, dans la direction d'où provenait le cosmos du Grand Pope. Nullement décidée à le laisser filer, Yoko fit un bond prodigieux et atterrit devant lui, lui bloquant une nouvelle fois le passage.

- Tu n'es toujours pas décidé à accepter la défaite, Adam ? Tu veux encore te battre ? Pour cette misérable déesse ? A moins que tu te battes pour pouvoir aller la rejoindre plus vite ? Dans l'autre monde ?
- Tais-toi ! ! Par l'Evasion de l'Horloge !
- Tant pis pour toi. Tu ne parviendras jamais à m'atteindre ! Par les Griffes de la Panthère !

L'attaque de Yoko eut raison de celle d'Adam, et le chevalier de l'argent de l'Horloge vint une nouvelle fois s'écraser, sans résistance, sur les dalles qui composaient le sol du couloir. Seulement, cette fois, il ne bougeait plus et gisait dans une mare de sang.

- Voilà qui devrait le calmer…, se dit Yoko en le regardant, à ses pieds. Il n'est pas encore mort, mais je ne vais pas le tuer tout de suite. Il reste un chevalier d'Athéna encore en course, et je vais me servir d'Adam pour l'attirer ici, et lui réserver le même sort…Il risque d'être encore plus surpris de me voir…Ha ha ha ha ha ! Doko du Dragon, je t'attends de pied ferme !

*****

Au même moment, à l'entrée du Sanctuaire de Delphes, Doko parvenait dans le lieu même où la bataille avait commencé, bien des heures plus tôt, lorsque le jour éclairait encore la région.

Doko : Cette fois, après des heures de course à travers l'Europe, me voici de retour au Sanctuaire d'Apollon…je sens que la situation a empiré durant mon absence. Je ne ressens plus que le cosmos du chevalier de la Licorne, mais de plus en plus faiblement. Et j'ai l'impression de ressentir aussi celui de…non, ce n'est pas possible ! Le Grand Pope lui-même ! Ce ne peut pas être lui ! Je dois y aller, vite !

Le chevalier de bronze du Dragon se remit alors à courir de toutes ses forces, guidé par les cosmos qu'il ressentait au loin.

*****

Dans les geôles du Temple d'Apollon

Le Grand Pope venait d'annoncer sa ferme décision à Apollon ; il acceptait sa proposition sans délais, si cela pouvait permettre de ramener Athéna à la vie.

Apollon : Très bien, dans ce cas, Ivan, voici l'instrument de ton sacrifice…
Le Grand Pope : Promets-moi, une dernière fois, que tu réveilleras bien Athéna sitôt que le sacrifice aura eu lieu ! Comme promis !
Apollon : Oserais-tu douter de la parole d'un Dieu, Ivan des Gémeaux ?

Apollon posa sur une petite table la boîte sombre qu'il portait dans une main depuis le début, et l'ouvrit délicatement, tandis qu'Artémis regardait la scène adossée contre un mur, sans mot dire, nullement perturbée, et qu'Athéna, au fond de la petite pièce, dormait toujours aussi paisiblement, comme étrangère à la scène qui se déroulait près d'elle.
De la boîte, Apollon sortit un long couteau à la lame aiguisée, qui luisait dans la lumière des torches murales, et il le tendit au Grand Pope.

Apollon : A présent, Ivan, tu sais ce qu'il te reste à faire…

Dans un silence angoissant, en jetant à Apollon un regard déterminé, le Grand Pope se tourna vers Athéna et se mit en position pour lever les mains vers lui , le couteau pointé vers sa gorge. Alors qu'Apollon crut qu'il allait s'exécuter dans la seconde qui suivait, il lui adressa subitement la parole, dans une voix un peu tremblotante.

Le Grand Pope : A…attends une seconde, Apollon. Avant de mourir, je…je voudrais que tu répondes à une question.
Apollon : Laquelle ?
Le Grand Pope : Il y a 187 ans, avec Athéna, je pensais t'avoir vaincu définitivement, grâce à ma technique spéciale, et sans espoir de ressusciter à nouveau un jour. Si tu as pu revenir, c'est que quelqu'un t'y a aidé. Quelqu'un qui connaissait le secret de l'Autre Dimension. Alors, dis-moi : qui ? Qui est cette personne qui t'a permis de revenir ?
Apollon : Hmm…je me doutais que tu me poserais cette question, et je vais te répondre. Cette personne fait en effet partie du Sanctuaire d'Athéna. C'est…
Le Grand Pope : QUOI ? ? ?

Le Grand Pope, réellement bouleversé à cette réponse, à laquelle il ne s'attendait pas, sanglota et versa quelques larmes. Les premières qu'il versait depuis près de deux siècles.

Le Grand Pope : Tu mens ! Ce n'est pas lui, ce n'est pas possible ! Tu dis cela pour semer le trouble dans mon esprit!
Apollon : Absolument pas, et c'est cet homme qui va me permettre, d'ici quelques heures, de régner sans partage sur la Terre entière purifiée !
Le Grand Pope : Aaaargghhh ! ! Nooooonnnnn ! ! !
Apollon : Mais, assez discuté ! Obéis, Ivan des Gémeaux ! Exécute-toi ! Ta vie contre celle d'Athéna !

Le couteau tomba vers sa cible et le mur face à lui se tâcha de sang instantanément, dégoulinant jusqu'au rebord du lit où dormait toujours Athéna, paisiblement.

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Cette fiction est copyright Christophe Becquet et Fabrice Willot.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.