Chapitre 7 : Le feu et le sang


C'était la neige qui les empêchait d'avancer. Emportée par le vent violent des montagnes, elle formait des rafales gelées qui glaçaient les corps, brouillaient les vues et embrumaient les esprits. La tempête qu'Athéna et ses chevaliers avaient à affronter ne ressemblait guère à celle que Shun et Hyôga avaient connue dans le même lieu quelques jours plus tôt. La progression du petit groupe, malgré le statut de chevalier de ceux qui le composaient, devenait de plus en plus difficile à mesure que les heures avançaient. Shun en venait à se demander s'il ne s'était pas trompé de route. Mais non, pourtant il était absolument sûr de lui. Le temps s'était seulement énormément dégradé.

- C'est à croire que la nature elle-même protège cette maudite grotte, maugréa-t-il pour lui-même.

Le chevalier Andromède remonta légèrement son bras qu'il avait placé en travers de son visage, de façon à mieux voir ce qui se présentait devant lui. A une centaine de pas environ du petit groupe, il repéra un promontoire rocheux derrière lequel ils pourraient peut-être s'abriter. Il accéléra le pas. Quelques minutes plus tard, tous, plaqués contre la roche glaciale mais protégés du vent, profitaient de ces quelques instants de répit.

- Quel maudit pays ! Ragea Ikki qui était de bien méchante humeur.
- Combien de temps encore Shun ? Interrogea Seiya qui claquait des dents malgré lui.
Shun secoua la tête en signe d'ignorance.
- Je ne sais, fit-il après quelques instants de réflexions. Je pense que nous ne sommes plus très loin mais dans de telles conditions…
- Charmante promenade en tous cas, ajouta Ikki, qui ne goûtait guère le climat sibérien.
- Profitons de cet abri pour nous reposer un petit moment, intervint Saori. Nous en avons besoin.

En effet, partis du sanctuaire depuis l'aube, les chevaliers marchaient maintenant à travers les montagnes depuis plusieurs heures. Le mauvais temps qui s'était levé peu de temps après leur arrivée sur les lieux freinait énormément leur progression.

- Quand je suis venue la première fois, nous sommes passés plusieurs fois aux abords de la grotte sans la voir, raconta Shun. Et Ayan connaît les lieux bien mieux que moi…

Tous restèrent silencieux à ces mots. De toutes façons, le principal était de trouver, et peu importe si cela devait leur prendre du temps et de l'énergie. Ils avaient tous vécu tant de souffrances qu'ils n'allaient pas geindre à l'idée de passer quelques heures de plus dans le froid ! Seul Ikki ne pouvait s'empêcher de râler mais c'était probablement plus par habitude que parce que le froid le dérangeait vraiment. Chacun le savait et le laissait donc faire comme bon lui semblait.
La petite troupe ne se reposa pas très longtemps- une demi-heure tout au plus- avant de reprendre son chemin. De nouvelles heures passèrent, à marcher ou essayer de marcher dans des décors tous semblables les uns aux autres. Même Shiryu, à l'œil si avisé, se demandait comment Shun pouvait reconnaître quoi que ce soit. La fatigue et l'engourdissement commençaient à se faire sentir, de même que l'impatience qui rongeait Seiya depuis maintenant trop longtemps.
Ce fut justement au moment où chacun commençait à désespérer d'arriver un jour à bon port que Shun, qui marchait devant, se retourna en levant les bras et s'écria :

- Nous y sommes, nous y sommes !!

Le jeune homme s'engouffra alors dans la grotte enfin découverte, bientôt suivi par ses amis. Tout comme Hyôga lors de sa première visite, tous furent stupéfaits de constater que ni vent, ni neige ne pénétrait dans la grotte comme cela aurait dû être le cas.

- C'est fascinant, murmura Shiryu en s'avançant dans la grotte. Comment un tel phénomène est-il possible ?

- Quel phénomène ? Interrogea Seiya qui était le seul à n'avoir rien remarqué.

Ikki et Milo ricanèrent à ses mots et Saori ne put réprimer un sourire bienveillant alors que Shun répondit simplement :

- Ne vois-tu pas que le vent ne s'engouffre pas dans la grotte alors que rien ne l'en empêche ?

A ces mots, les yeux de Seiya s'agrandirent de surprise et il s'approcha alors de l'entrée.

- C'est vrai que c'est étonnant… murmura-t-il en observant le vent tourbillonnant à l'extérieur.

- Une force mystique puissante doit protéger cette grotte, souffla Shiryu.

A ces mots, Ikki haussa les épaules.

- Peu importe qui ou quoi protège cette grotte. Moi je suis curieux de savoir ce qu'il y a au-delà.

- Une cité, répondit Shun presque malgré lui.

- Une cité ? Reprit Milo.

Shun hocha gravement la tête.

- Oui, une cité.
- Nous la découvrirons bien assez tôt, fit Shiryu. Prenons un peu de repos.
- Mais nous n'avons pas besoin de repos ! S'écria Seiya, saisi par un brusque accès de curiosité. Allons voir tout de suite !
- Non ! Intervint formellement Saori. Shiryu a raison. Nous ne savons ce qui nous attend au-delà de cette grotte. Un peu de repos nous fera le plus grand bien.

Seiya hocha la tête et décida de prendre son mal en patience, tout comme chacun de ses compagnons. Il s'assit à même le sol, s'adossant à une paroi éloignée de l'entrée et étendant ses jambes engourdies par le froid. Shun et Shiryu firent de même et vinrent encadrer le chevalier Pégase.
Ikki resta debout, le dos contre la paroi, prés de son frère alors que Milo s'était lui nonchalamment appuyé à un pan rocheux prés de l'embrasure de la grotte et fixait le paysage glacé de l'extérieur d'un œil distrait. Peut-être pensait-il à Camus qui autrefois- c'était à la fois si lointain et si proche dans son esprit- lui parlait avec amour des steppes gelées de Sibérie où il avait tant vécu. Lui n'avait jamais connu ce type de climat et ne voyait dans ces infinies étendues de glace qu'un triste sentiment de mélancolie. Peut-être la mélancolie qui sonnait dans la voix du chevalier du verseau quand il parlait de " son " pays, ou peut-être sa propre mélancolie à lui Milo en pensant à son ami disparu. Il n'aurait su le dire, mais une vague de douce tristesse semblait souffler avec le vent.
(Il n'aurait su le dire mais le vent semblait lui chanter une triste complainte douce-amère qu'il était le seul à entendre.)

Milo fut tiré de sa rêverie au bout de quelques instants qui lui avait paru une éternité par Seiya qui l'interpellait :

- Alors Milo, satisfait de cette balade enneigée ?

Le jeune homme se retourna vers son interlocuteur et répondit simplement :

- Très satisfait de me dégourdir ainsi les jambes.
- Pourquoi as-tu tenu à venir ? Insista Seiya.

Milo arbora un petit sourire ironique avant de gratifier Seiya de sa réponse, sur un ton railleur :

- Il fallait bien que quelqu'un de responsable vous accompagne pour veiller sur mademoiselle, fit-il en se tournant vers l'intéressée.

Seiya se mit à rire à cette déclaration.

- Je ne crois pas que si Saori avait cherché quelqu'un de sérieux et raisonnable pour nous accompagner, ce soit à toi qu'elle ait fait appel !

Milo sourit. Seiya avait raison après tout, il n'était pas la sagesse même. Mais il le savait. Et il savait aussi que les récents événements allaient contribuer à le rendre plus raisonnable et plus avisé. Cela, les autres ne le savaient pas encore.

- Bien, trêve de plaisanteries maintenant, lança Saori au bout d'un long moment que chacun avait mis à profit pour se relaxer. Allons-y.

A ces mots, le sérieux se peignit immédiatement sur les visages et tous se levèrent comme un seul homme. Chaque chevalier rechargea l'urne de son armure sur son dos et le petit groupe se remit en marche. Shun avait pris une nouvelle fois la tête. Il était suivi de Shiryu et Seiya qui eux-mêmes précédaient Saori alors que Milo et Ikki fermaient la marche.
Il ne leur fallut que peu de temps avant de retrouver la lumière du jour. Dès qu'ils l'aperçurent, les chevaliers d'Athéna accélèrent le pas, tant ils étaient impatients de voir cette vallée merveilleuse que Shun leur avait décrite. Mais arrivé à une vingtaine de mètres de l'ouverture par laquelle se profilait cette lumière, le groupe s'immobilisa : cinq silhouettes se tenaient en travers du chemin et se découpaient dans la lueur du soleil. Saori passa devant Shiryu et Seiya malgré leurs protestations et avança vers les étrangers à pas précautionneux. Puis elle s'arrêta de nouveau à quelques mètres des jeunes gens qui lui faisaient face.
Les bras croisés, placée quelques pas en avant de ses compagnons, Ayan regardait les nouveaux arrivants d'un air sévère. Derrière elle, Mirhyu et 3 autres jeunes garçons inconnus de Shun détaillaient avec attention Athéna et ses serviteurs. Ayan n'attendit pas que Saori prenne la parole pour s'en saisir :

- Vous n'avez nul droit d'être ici, chevaliers d'Athéna. Notre chef rejette votre présence. Veuillez donc tourner les talons immédiatement.

Le ton de la jeune femme était dur et n'y perçait aucune sorte d'émotion.

- Athéna elle-même s'est déplacée jusqu'ici. Nous voulons simplement voir ton chef. Conduis-nous à lui tout de suite, fit Seiya sur un ton qui se voulait autoritaire.

Mais cette intervention n'eut pas le moindre effet sur Ayan qui esquissa un petit sourire suivi d'un vague signe de la main.

- Partez. Vous n'avez rien à faire ici.

- Je suis la déesse Athéna, intervint alors Saori. Je t'en prie, je désire simplement m'entretenir avec votre chef. Nous n'avons aucune intention hostile.

- Je n'ai que faire de qui vous êtes. Que vous soyez Athéna elle même ne change rien. Rentrez chez vous.

- Nous ne partirons pas d'ici sans avoir rencontré le chef des Kiai, intervint à son tour Milo. Et nous le verrons que tu le veuilles ou non. Il serait plus simple pour tout le monde que tu te décides tout de suite à nous guider jusqu'à lui.

Ayan esquissa de nouveau un sourire ironique.

- Serait-ce des menaces que vous formulez là ?
- Non il n'y a aucune menace la-dedans ! Intervint une nouvelle fois Saori. Nous voulons juste lui parler.
- Ayan, je t'en prie… Glissa Shun à son tour.

A ces mots, Ayan, qui commençait à s'éloigner, s'arrêta et se retourna avec vivacité.

- Toi, Andromède, tu n'as rien à dire, vociféra-t-elle en pointant un doigt accusateur vers le frère d'Ikki. Tu as trahi ma confiance en amenant tes amis jusqu'ici. Si ça ne tenait qu'à moi, je te tuerais tout de suite.

Cette dernière phrase eut pour effet de réveiller Ikki qui jusque là suivait la conversation d'assez loin.

- Pour qui te prends-tu ?

Disant ces mots, Ikki s'avança vers la jeune fille et reprit :

- J'ignore qui tu es et cela m'importe peu de toutes façons. Mais si tu crois que nous avons fait tout ce chemin simplement pour le plaisir d'admirer le paysage, tout ça parce qu'une fillette veut nous imposer sa loi, et bien tu rêves !

Loin de relever la provocation, Ayan fit face à Ikki et arbora de nouveau son petit sourire ironique.

- Eh bien, je vois que vous n'avez pas décidé de faire dans la finesse ! Je n'ai qu'une chose à dire : deux de vos envoyés ont été conduits devant Sirius il y a quelques jours à peine. Ils ont pu s'entretenir avec lui comme vous le souhaitiez. La position des Kiai vis à vis du sanctuaire n'a pas changé depuis et ne changera pas. Il est donc inutile de perdre un temps précieux à répéter les mêmes choses. L'accès à la terre des rêves vous est interdit. Si vous bravez cette interdiction, ce sera à vos risques et périls…

Puis Ayan fit un geste du bras vers ses compagnons qui hochèrent la tête en signe de compréhension avant de s'éloigner en bondissant et de disparaître de la vue de Saori et de sa garde.

- Maintenant, partez. Il n'y aura aucun dialogue supplémentaire.
- Attends !

Mais trop tard ! Ayan aussi s'était envolée de la vue des chevaliers d'Athéna. Les six amis restèrent seuls, stupides, ne sachant quelle attitude adopter.

- Que faisons-nous maintenant ? Interrogea placidement Shiryu.
- Nous y allons ! S'écria Seiya. Nous n'allons pas nous laisser impressionner par si peu !
- Mais si nous y allons, c'est une déclaration de guerre, avança Shiryu. Ils n'ont pas l'air décidés du tout à nous laisser faire.
- Shun, toi qui as eu l'occasion de les côtoyer quelque peu, qu'en penses-tu ? Interrogea Saori.

Shun fit la moue avant de répondre :

- Je vous l'ai dit : leur chef Sirius respire la droiture et l'honnêteté. Par contre Ayan nourrit une forte animosité pour le sanctuaire de même que d'autres combattants de la cité que j'ai à peine aperçus. Je ne peux prédire leur réaction si nous rentrons dans la cité…
- Pour moi, c'est clair, murmura Milo. Ils nous attaqueront sans aucun doute.

Tous échangèrent un regard à ces mots. Il y eut un instant de silence et enfin Shiryu demanda :

- Quelles sont leurs forces ?

Shun secoua la tête en signe d'ignorance.

- Ils sont au moins sept : Sirius, ses trois lieutenants, Ayan, Alkaid et Mirhyu. Plus un certain nombre d'apprentis. Quant à leur niveau, je ne peux rien en dire.

Nouveau regard de concertation.

- Au moins sept, répéta Ikki. Plus des disciples…
- Et nous sommes six, continua Shiryu.
- Mais enfin, s'écria Seiya. De quoi avons-nous peur ?

Tous les regards convergèrent vers le chevalier Pégase qui reprit :

- Nous avons tous suffisamment vécu pour ne rien craindre. Vous l'avez dit vous-mêmes : nous ne sommes pas venus ici pour rien. Alors avançons et à Dieu va !

Un court silence suivit cette déclaration, chacun semblant méditer les paroles de Seiya.

- Bien, fit finalement Ikki. Un groupe n'a qu'à partir en éclaireur.
- Cela me paraît sage, renchérit Saori. Cela nous permettra d'évaluer, et leur hostilité et leurs forces.

Tous hochèrent la tête.

- Qui part alors ? Demanda Shiryu.
- Moi ! S'écria Seiya.
- Et moi ! Répétèrent-ils tous.
- Un peu de calme ! Réclama Saori.
- Certains doivent rester ici avec Athéna, fit Milo.

Saori allait se récrier et affirmer son intention d'avancer mais Shiryu lui coupa la parole.

- Milo a raison. Vous devez rester ici le temps que nous explorions le terrain.
- Oui, c'est la meilleure chose à faire, ajouta Seiya.

Saori hocha alors la tête et distribua ses ordres :

- Shun, dans la mesure où ils semblent t'en vouloir, il vaudrait mieux que tu restes ici. Milo tu resteras aussi.

Les deux intéressés allaient ouvrir la bouche pour protester mais Saori ne leur laissa pas le temps de dire quoi que ce soi.

- J'ai dit. Maintenant, partez et soyez prudents.

Seiya, Shiryu et Ikki hochèrent la tête et s'élancèrent sur le chemin escarpé qui descendait vers la vallée. Puis ils disparurent de la vue de leurs amis qui les regardaient s'éloigner avec un petit pincement au cœur.



A l'ombre des colonnes du palais qui régnait sur la vallée, Ayan faisait les cents pas, les sourcils froncés, l'œil noir, de toute évidence contrariée.

- Trois d'entre eux sont entrés dans la vallée, répéta un jeune apprenti du nom de Felow.
- Ainsi, ils n'ont pas tenu compte de nos avertissements, bougonna Ayan qui contenait tant bien que mal sa colère.
- C'était à prévoir, risqua Mirhyu. Il n'y avait que peu de chances pour qu'ils tournent les talons…

Le jeune homme était nonchalamment appuyé sur l'une des colonnes du palais le long desquelles Ayan ne cessait d'aller et venir. Il portait le même accoutrement dans lequel Hyôga l'avait rencontré la première fois et les mêmes cheveux en bataille encadraient son fin visage, bruni par le soleil de la Terre des rêves. Mais Mirhyu avait perdu son sourire. Un profond pli barrait son front, indiquant toute l'attention et le sérieux dont le jeune kiai était capable.

- Que devons-nous faire Ayan ? Interrogea un autre disciple.

A cette question, Ayan arrêta son va-et-vient et se saisit le menton ce qui était chez elle un signe d'intense réflexion. Puis au bout de quelques instants, elle se remit à marcher de long en large sans pour autant formuler de réponse. Enfin elle s'arrêta et se tourna vers Felow, l'air grave :

- Va chercher les lieutenants.

Le jeune garçon hocha la tête et partit en courant.

- Que comptes-tu faire ? Demanda Mirhyu.

Ayan haussa les épaules d'un air désinvolte et répondit :

- C'est aux lieutenants d'affronter les envoyés du sanctuaire. Nous n'allons pas envoyer ces gosses- elle désignait quelques apprentis qui les entouraient- à la mort juste pour éviter de déranger Oyan et Aubéric. Après tout, puisqu'ils veulent tant en découdre, qu'ils y aillent !

Mirhyu resta un peu surpris de cette réaction puis sourit intérieurement. Décidément, Ayan n'était pas à prendre avec des pincettes ! Mais la mauvaise humeur de la jeune femme amusait singulièrement le jeune garçon qui avait rarement vu son amie ainsi. Alkaid avait eu beau lui parler des mémorables colères d'Ayan, Mirhyu avait toujours eu du mal à y croire et espérait bien y assister lui aussi un jour. Evidemment, le moment n'était pas idéal pour cela et il aurait préférer s'amuser du mauvais caractère d'Ayan en d'autres circonstances.
Oyan et Aubéric ne tardèrent pas à se montrer. Ils étaient accompagnés d'un troisième garçon aux yeux et aux cheveux couleur de terre et qui portait une tunique marron. Il était de toutes évidences un peu plus âgé que ceux qu'il accompagnait et se tenait un peu en retrait. Ayan le scruta un instant avec curiosité avant de s'adresser aux deux lieutenants :

- Vous avez été tenu au courant je suppose ?
- Effectivement, fit Aubéric.
- Tu vois où nous mènent tes grandes idées de conduire des chevaliers d'Athéna ici ! lança Oyan d'un ton rageur.

Ayan ouvrit la bouche comme pour répondre quelque chose mais celle-ci se referma sans qu'aucun son n'en sorte : Après tout, ce n'était pas le moment pour se chamailler sur un tel sujet. Elle ne releva donc pas la remarque désobligeante de son frère et finit par demander :

- Qu'avez-vous décidé ?

Aubéric et Oyan échangèrent un regard entendu et Aubéric prit la parole :

- Trois d'entre eux sont entrés dans la vallée. Apparemment, ils se sont séparés pour l'explorer. Trois d'entre nous vont donc aller les intercepter. Yura- il désigna du menton le jeune homme qui les accompagnait- ira, de même que toi Mirhyu.

Ce disant, il s'adressait à Mirhyu directement.

- Enfin, j'ai déjà envoyé Alkaid à leur rencontre.

A ces mots, Ayan faillit s'étrangler.

- Alkaid ! Pourquoi avoir envoyé Alkaid ? s'écria-t-elle, contenant difficilement sa colère naissante.

- Sirius a ordonné que tu restes en dehors de ça, il fallait bien trouver trois guerriers pour y aller, répondit calmement Oyan qui se délectait visiblement de la fureur de sa sœur.

- Et pourquoi pas vous ?

- Ce n'est pas le rôle des lieutenants d'entrer en première ligne, fit simplement Aubéric.

Ayan voulut dire quelque chose mais elle se retint et serra les poings de rage. Devant son silence, Aubéric reprit la parole.

- Bien, Yura, Mirhyu, allez-y. Votre mission est d'intercepter les chevaliers d'Athéna et d'utiliser tout moyen à votre convenance pour les faire rebrousser chemin.

Les deux intéressés hochèrent gravement la tête et tournèrent les talons. Mirhyu eut un clin d'œil bienveillant à Ayan avant de s'éloigner puis de disparaître. Ayan le suivit un instant des yeux puis quand elle fut sûre que Mirhyu était hors de portée de voix, elle fit volte face.

- Qu'est ce que c'est que ces histoires ? Pourquoi n'y allez-vous pas vous-même ? Vous savez très bien que les chevaliers d'Athéna sont puissants, ils vont se faire massacrer !

Aubéric eut un petit sourire moqueur et un revers de la main désinvolte.

- Arrête donc de les traiter comme des enfants, il est temps qu'ils se prennent en main. Toi qui passe ton temps à vanter les mérites d'Alkaid et Mirhyu, c'est l'occasion pour eux de nous montrer que l'estime que tu as pour eux et la confiance que nous leur témoignons ne sont pas usurpés.

Il disait cela d'un ton tranquille, sur de son fait, comme s'il venait d'asséner une évidence qui ne souffrirait d'aucune forme de contestation. Mais Ayan ne voyait pas les choses ainsi. Elle avait beau bien connaître Mirhyu et Alkaid, elle avait beau savoir qu'ils étaient forts et entraînés, les voir partir affronter des hommes qui avaient réussi à franchir les douze maisons du zodiaque ne lui disait rien qui vaille. Mais il n'y avait malheureusement rien d'autre à faire que protester vainement et attendre. Attendre et espérer. Ayan aurait souhaité intervenir elle-même mais elle ne pouvait désobéir ouvertement à Sirius et enrageait de constater que ce dernier avait suivi les conseils des deux lieutenants. Avaient-ils pris cette décision pour la contrarier ? Ayan y pensait sérieusement mais ce n'était pas le moment de sombrer dans une paranoïa qui ne serait bénéfique à personne. Aussi essaya-t-elle de se calmer et de paraître aussi détendue que possible devant Oyan et Aubéric.

- Et bien je suppose qu'il n'y a plus qu'à attendre maintenant…

Aubéric hocha la tête.

- Nous allons voir ce que valent ces chevaliers d'Athéna…



Shiryu avançait prudemment. Après avoir descendu ensemble le chemin qui serpentait vers la vallée, les trois amis avaient décidé de se séparer de façon à explorer plus rapidement les lieux. Lui avait décidé d'emprunter un chemin rocailleux qui remontait dans la montagne et le suivait depuis maintenant presque un quart d'heure et n'avait pas vu ou ne serait-ce qu'aperçu âme qui vive. Malgré son attention toute en éveil, il ne pouvait s'empêcher de jeter parfois un coup d'œil à la vallée qui s'étendait à ses pieds. La vue était vraiment superbe : Le mêlé de couleurs vives, baigné par la lueur du soleil et le reflet du ruisseau qui traversait la plaine donnait à ce lieu un aspect féerique qu'il ne se souvenait pas avoir déjà vu dans d'autres endroits. Mais malgré la beauté et la tranquillité de ce paysage de rêve- comme cette vallée portait bien son nom pensa-t-il !- Shiryu ne se sentait pas à son aise. Il ressentait une énergie hostile dans la vallée et il lui semblait que des âmes torturées la traversaient. Un terrible dilemme déchiraient certaines d'entre elles, rendant les cosmos de ces guerriers d'une tristesse qui faisait froid dans le dos du chevalier du dragon. Shiryu essaya de distraire son esprit de cette ambiance et se concentra sur les roches avoisinantes et sur la texture du chemin. A la pierre brune sur laquelle il marchait succédait un parterre d'herbe sauvage. Des arbres faisaient leur apparition sur le bord de la route. Et plus Shiryu avançait, plus la végétation s'épaississait. Si bien qu'au bout de quelques minutes, le chevalier du dragon s'arrêta, troublé. Il regarda attentivement autour de lui. Il faisait sombre tant la végétation était devenue drue. Les arbres, hauts, forts, serrés, masquaient la douce chaleur du soleil. Shiryu ne put s'empêcher de frissonner.

- Il y a quelque chose d'étrange ici…

Oui, il avait un étrange pressentiment. A mesure qu'il s'enfonçait dans cette curieuse forêt, Shiryu ne se sentait guère rassuré. Mais il n'aurait su dire pourquoi. Et c'était certainement cela qui l'inquiétait le plus. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas remarqué cette forêt de loin ? Ou alors parce qu'à chaque pas supplémentaire il lui semblait s'enfoncer de plus en plus profondément dans ce qui lui avait paru d'abord être un bosquet et qui ressemblait maintenant de plus en plus à une jungle ? Une indicible angoisse lui enserra le cœur.

- Allons c'est ridicule, se força-t-il à penser. Ce n'est jamais qu'un bois !

Ce n'est jamais qu'un bois se répéta-t-il. Ce n'est jamais qu'un bois…
Non, ce n'était pas qu'un simple bois. Et Shiryu l'avait senti depuis le début. Quelque chose de peu naturel régnait dans l'air. Shiryu ferma les yeux et se concentra. Oui il sentait une chose nouvelle. Il sentait tout simplement ….une présence humaine !
Shiryu ouvrit brusquement les yeux, pris d'un haut le cœur. Il n'eut que le temps d'apercevoir une forme humaine fondre sur lui tous poings en avant. Il eut un réflexe de protection instinctif mais reçut tout de même un violent choc de face qui le projeta quelques mètres en arrière. Shiryu se releva, quelque peu endolori mais indemne. Après s'en être assuré, il considéra son assaillant : devant lui se tenait un jeune homme à l'allure princière, drapé dans une cape écru et vêtu d'une combinaison couleur émeraude. Shiryu ne put s'empêcher de ressentir immédiatement une certaine forme d'admiration pour Alkaid qui lui faisait face.

- Je suis Alkaid de Shedar, guerrier Kiai. Au nom de mon peuple, je te somme de quitter ces lieux en lesquels ni toi ni tes amis ne sont les bienvenus !

Shiryu resta d'abord pantois devant cette entrée en matière mais il se ressaisit rapidement.

- Je suis Shiryu, chevalier du Dragon. Je suis envoyé par la déesse Athéna elle-même. Nous voulons simplement rencontrer votre chef. Nous n'avons pas d'intentions hostiles.

- Si c'est le cas, alors va-t-en. Je ne tiens pas à t'affronter. Mais si tu refuses de tourner les talons, alors je remplirais mon devoir.

- Je ne partirais pas.

Disant ces mots, Shiryu se mit en garde.

- Alors nous devrons nous battre. Jamais je ne te laisserais passer.

- Alors tant pis pour toi.

A peine avait-il fini de prononcer ces mots qu'Alkaid se précipitait sur lui pour le provoquer au corps à corps. Il était rapide et précis dans ses gestes mais Shiryu était un maître du combat au corps au corps et son adversaire malgré son évidente maîtrise de cet art ne réussissait pas à vraiment l'inquiéter. Alkaid se rendit rapidement compte de son inefficacité et s'arracha d'un bond de l'emprise de Shiryu. Ce dernier n'était même pas essoufflé. Il jaugea son adversaire qui en faisait de même tout en se tenant à quelques distances. Alkaid semblait attendre. Il se tenait bien droit et regardait Shiryu droit dans les yeux.

- N'as-tu donc pas d'armure pour te protéger Alkaid de Shedar ? finit par demander le chevalier du Dragon.

- Je n'en ai pas besoin, répondit non sans une certaine fierté le jeune Kiai.

- Comment comptes tu encaisser mes coups lorsque j'invoquerais mon cosmos alors ?

Comme réponse, Shiryu n'obtint qu'un mince sourire sur le visage de son adversaire.



Seiya marchait à travers la vallée et ne pouvait s'empêcher d'être distrait par la beauté des lieux et le parfum enivrant des fleurs. L'endroit était parfaitement désert malgré la présence d'habitation dont l'aspect permettait de croire qu'elles étaient habituellement occupées. Il s'arrêta bientôt au bord du chemin qu'il suivait pour observer de plus près une fleur à la couleur inhabituelle : un bleu-violet pastel qu'il n'avait encore jamais vu. Il allait cueillir la fleur qu'il trouvait si belle lorsqu'un corps s'abattit avec violence devant lui, le faisant brusquement sursauter. Par réflexe, Seiya fit un bond en arrière. Il se releva pour faire face à celui qui l'avait ainsi tiré de sa contemplation fleurie : un jeune homme aux cheveux châtains et aux yeux couleur de terre, portant une tunique brune et sans aucun signe particulier.

- Qui es-tu ?
- Je suis Yura de … et j'ai pour ordre de t'empêcher d'aller plus loin. Repars d'où tu viens !

Seiya fit la moue. Il s'était évidemment attendu à ce genre d'accueil mais d'être de nouveau replongé dans ce type de situation le contrariait malgré tout.

- Je n'ai pas envie de me battre. Et tu n'as même pas d'armure. Alors laisse moi passer, cela vaudra mieux pour toi.

- C'est ce que nous verrons ! Tu ne me fais pas peur !

Ce disant, Yura avait armé son poing et le projetait vers Seiya qui l'évita sans aucune difficulté. Le kiai esquissa une série de coups sans grande puissance puis s'arrêta, frustré par l'inutilité de ses efforts.

- Tu vois que c'est inutile. Laisse moi donc passer et conduis moi à ton chef.

En guise de réponse, l'autre se remit en garde. Seiya le vit se concentrer quelques instants puis il se précipita vers lui en hurlant :

- Steel Rain !

De fait, cette attaque ressemblait beaucoup aux météores de Pégase mais elle était d'une telle lenteur que Seiya n'avait aucun mal à éviter les coups qui se succédaient sans aucun rythme lui semblait-il.
Lorsque enfin Yura cessa son attaque, il semblait épuisé et Seiya n'avait subi aucun dommage.

- Arrête, insista Seiya. Conduis moi au seigneur Kiai.

Devant l'assurance de son adversaire, Yura sembla hésiter un instant. Seiya crut qu'il allait lui répondre quelque chose mais le jeune kiai se ravisa, inspira profondément et se remit en garde.

- Steel Rain !

Sans même bouger, Seiya bloqua l'attaque de son adversaire. Une nouvelle rafale, tout aussi inutile que la précédente, suivit. Puis une autre, et encore une autre. Son impuissance faisait enrager Yura qui redoublait d'efforts. Seiya, qui n'était pas la patience même, finit par estimer que la plaisanterie avait suffisamment duré et se mit en garde.

- Les météores de Pégase !

Il invoqua son cosmos dans un souffle et lança contre le jeune kiai son attaque avec maîtrise. Yura esquissa un geste de défense malheureux et s'écroula, touché de plein fouet.
Seiya se pencha sur le garçon. Il était vivant.
- Un seul coup aura suffi, murmura Seiya. Quel fou ! Que protègent-ils donc pour se battre ainsi ?



Non loin de là, à quelques hauteurs de la vallée, la bataille faisait rage entre Shiryu et Alkaid. Ce dernier était un maître en matière d'illusions et d'esquives et il se faisait insaisissable à Shiryu et ses attaques. Shiryu qui tentait vainement de l'atteindre commençait à craindre le moment où son adversaire passerait à l'attaque. Mais pour l'heure, celui-ci laissait une fois de plus l'initiative au chevalier du dragon.

- La colère du dragon !

Les coups partirent une nouvelle fois, plus puissants, plus précis que la fois précédente. Et une fois de plus, Alkaid sembla se fondre et disparaître dans la végétation alentour.

- Tu ne pourras pas toujours te cacher chevalier ! Je trouverais la faille si tu ne sais que fuir !
- Ne sois pas si impatient ! Je ne compte pas te décevoir Shiryu et si tu le veux tant, et bien soit ! Que t'engloutissent les ténèbres de la nature !!

Shiryu l'avait tant attendu qu'il fut finalement déstabilisé par cette attaque soudaine. Il vit Alkaid fondre sur lui puis brusquement disparaître tout comme le monde qui l'entourait un instant auparavant. Le sol se liquéfia, les arbres se firent plus nombreux, plus serrés, la montagne s'évanouit comme dans un rêve et Shiryu vacilla, ne sentant plus rien sous ses pieds. Alors il se mit à tomber, tomber, à une allure de plus en plus vertigineuse.
Que lui arrivait-il ? Il essaya de maîtriser sa peur et de rassembler ses idées tant qu'il le pouvait encore. Alkaid était-il capable d'ouvrir des portes sur d'autres mondes, tout comme Saga ? Ou tout cela n'était-il qu'illusion ? Shiryu ferma les yeux pour ne plus voir ce monde sans âme défiler le long de sa chute qui semblait ne pas devoir avoir de fin. Le simple fait de fermer les yeux suffit à le calmer et il parvint à se concentrer de nouveau. Il évacua la peur qui l'avait saisi en même temps que cette sensation de chute. Il rassembla ses souvenirs, pensa à ses combats passés, aux sensations éprouvées lorsqu'il était aveugle et que ses yeux ne pouvaient le tromper sur la véritable nature des choses qui l'entouraient. Alors il en fut sûr : il ne tombait pas, il était toujours dans la montagne, face à Alkaid, sûrement fier de son coup. Cette certitude suffit à faire disparaître cette sensation de chute et Shiryu put ouvrir les yeux et se retrouver de nouveau face à son adversaire qui le détaillait d'un air admiratif.

- Pas mal ! fit-il simplement. Vous faites honneur à votre réputation.

Shiryu eut un petit sourire à cette réflexion et ne put s'empêcher de rétorquer :

- Il faut que tu sois complètement inconscient pour avoir cru un seul instant m'avoir avec cette attaque. Mais je dois reconnaître que cette illusion était plutôt convaincante. Mais tu n'as pas de chance d'être tombé sur moi : je suis le plus insensible de nous tous à ce type d'attaque… Et maintenant, il va être temps de passer aux choses sérieuses ! Conduis-moi à ton maître ou tu devras subir ma colère !

Shiryu attendit une seconde de voir la réaction de son adversaire, espérant vaguement que celui-ci reviendrait à la raison et obtempérerait. Mais il n'en fut rien. Aucun son ne sortit de la bouche d'Alkaid et ce dernier se remit en garde, prêt à affronter de nouveau le chevalier du dragon.



A l'autre bout de la vallée, Ikki venait de stopper net sa progression dans les champs de fleurs de la Terre des rêves en apercevant la silhouette d'un jeune homme blond se découper dans la lumière du soleil. Mirhyu se tenait droit et fier en travers du sentier que suivait Ikki. Le chevalier du Phœnix détailla le garçon, visiblement plus jeune que lui et dont le visage brun et rond reflétait encore toute la candeur de l'enfance. Ikki, d'ordinaire si détaché, ne put s'empêcher de lui trouver un abord sympathique.

- Qui que tu sois chevalier, j'ai pour ordre de ne pas te laisser avancer plus avant. Repars donc d'où tu viens si tu veux éviter une confrontation fâcheuse !

Ikki s'attendait à ce type de discours et n'offrit au garçon qu'un sourire narquois et une réponse cinglante :

- Qui que tu sois gamin, sache que je ne repartirais pas et que si confrontation il doit y avoir, c'est pour toi qu'elle sera fâcheuse !

- Alors en garde !

Et Mihryu de se jeter sur Ikki. Ce dernier commença par simplement esquiver et bloquer les coups de son jeune adversaire. Il aurait sans doute pu le mettre hors de combat rapidement mais il souhaitait le mettre à l'épreuve car le gamin lui paraissait de valeur et il ne tenait pas à l'humilier. Et puis cela lui dégourdirait un peu les jambes après tout ! Il manquait singulièrement d'exercices ces derniers temps. Le combat s'intensifia progressivement, à mesure que Ikki bloquait les attaques de son adversaire et tentait quelques attaques à son tour. Mirhyu, d'abord timide, s'enhardit rapidement et ses coups se firent plus précis et plus rapides. Bientôt, Ikki dut sortir de sa réserve et faire quelques efforts pour contenir le jeune homme.

- Tu te défends bien gamin ! Mais sais-tu à qui tu as affaire ? Tu n'as aucune chance. Renonce !

- Nous verrons bien !

Sur ces mots, le jeune kiai enflamma son cosmos pour la première fois depuis sa rencontre avec Ikki et celui-ci se prépara à encaisser l'attaque avec une certaine curiosité.

- Sun brightness !!

Un torrent de lumière s'abattit sur Ikki à une vitesse qu'il n'aurait pas soupçonné. Mais malgré sa surprise, il sortit sans dommage de l'attaque.

- Tu te défends bien petit ! Mais ce ne sera pas suffisant pour m'abattre et je n'ai plus de temps à perdre ! Que les ailes du Phœnix t'emportent !

Ikki projeta son attaque sur son adversaire en prenant garde de ne pas le tuer. Comme il l'avait prévu, Mirhyu fut balayé comme un vulgaire fétu de paille et s'écrasa violemment au sol, sans connaissance.
Ikki eut un petit sourire de satisfaction de s'être débarrassé facilement de son adversaire sans avoir eu à le tuer et tourna les talons, s'éloignant de son jeune adversaire.

- Attends…

Ikki sursauta en entendant la voix du garçon. Il se retourna et le vit se relever avec peine et essuyer un peu de sang coulant de ses lèvres.

- Ce n'est pas fini, murmura Mirhyu dans un souffle. Il te faudra faire appel à autre chose pour en finir avec moi !

Ikki sourit, finalement satisfait de voir son adversaire se relever. Il l'avait senti : ce môme avait de la valeur. Comment s'appelait-il déjà ? Ikki réalisa qu'il ne savait toujours pas son nom.

- Tu as bien fait de te relever petit ! Sinon, je n'aurais pas su le nom de celui que je venais de vaincre ! Je suis Ikki, chevalier Phœnix ! Et toi, qui es-tu ?

- Mon nom est Mirhyu d'Altaïr !

- Et bien, Mirhyu d'Altaïr, prépare-toi à un combat sans merci !



- La colère du dragon !

Pour la énième fois, Shiryu lança son attaque sur Alkaid. Et pour la énième fois, ce dernier l'esquiva avec adresse. Mais Shiryu sentait que ses efforts allaient finir par payer. Alkaid fatiguait, il le sentait, et le chevalier du dragon intensifiait la vitesse et la puissance de ses coups à chaque attaque. Alkaid avait beau tenter d'intensifier ses illusions et d'épaissir la végétation qui entourait les deux combattants, il ne parvenait plus à se dissimuler derrière elle et n'avait plus assez de répit pour passer à l'attaque. La fin était proche, Shiryu le savait.

- Allons, guerrier Kiai, tu vois bien que tu es vaincu ! Reconnais ta défaite et conduis-moi au maître de la Terre des Rêves !

Alkaid profita de cet instant de répit pour reprendre son souffle. Il regardait fixement Shiryu lui enjoindre de trahir les siens. Il savait désormais qu'il ne parviendrait pas à battre le chevalier du dragon s'il l'affrontait de front. Il fallait trouver autre chose. Shiryu vit alors de nouveaux arbres, de nouveaux buissons, de nouvelles fleurs apparaître imperceptiblement d'abord puis de façon tellement dense qu'Alkaid disparut de sa vue en quelques dixièmes de secondes.

- Tu ne pourras pas toujours te cacher Alkaid ! Montre-toi !

Seul le silence répondit au chevalier du dragon. Ce dernier ferma les yeux et se concentra, cherchant à repérer la présence de son adversaire. Shiryu sonda les alentours de longues minutes mais il ne parvint à détecter aucun présence. Alkaid avait parfaitement réussi à masquer non seulement son apparence mais également son cosmos.

- Très fort… Bougonna Shiryu. Sors de là Alkaid, je finirais bien par te trouver !

Mais rien ne le trahissait. Shiryu enflamma de nouveau son cosmos et se prépara à attaquer.

- Que les dragons de Rozan trouvent mon adversaire !
A ces mots, des milliers de dragons incandescents s'échappèrent des poings de Shiryu dans la direction de la mini-jungle créée par Alkaid de Shedar. En quelques secondes, toute la végétation fut déchiquetée et l'illusion disparut totalement. Shiryu se retrouva brusquement sur un sentier escarpé, sans la moindre trace d'arbres alors que l'instant d'avant il pensait se trouver dans une forêt. Mais de son adversaire, nulle trace. Shiryu fouilla les alentours du regard, explora les lieux. La seule trace qu'il trouva d'Alkaid fut une toute petite trace de sang sur une pierre, au sol, à une vingtaine de mètres d'où il était lorsqu'il avait lancé son attaque.

- Alkaid ! Montre-toi !

L'écho de sa propre voix appelant son adversaire fut son unique réponse.



Loin des préoccupations de Shiryu, c'était à un adversaire bien présent qu'avait affaire Ikki. Mirhyu s'était montré bien plus résistant que ne l'aurait cru Ikki et avait déjà encaissé trois fois les ailes du Phœnix pour toujours se relever, prêt à en découdre de nouveau. Fatigué, couvert de poussière, de sueur et de sang, mais toujours fier et droit, Mirhyu semblait devoir toujours plier mais ne jamais rompre. Ikki serait-il contraint d'en arriver à utiliser l'illusion du Phœnix ? Il refusait pour l'heure de s'y résoudre. Ce maudit gamin finirait bien par baisser les bras devant la violence des attaques de son adversaire. Mais rien n'y faisait : encore et toujours, le jeune Kiai se relevait, toujours plus éprouvé, mais toujours valide, toujours prêt à combattre. Pourtant, Ikki savait que son jeune opposant n'avait aucune chance de lui faire mordre la poussière : il ne parvenait qu'avec difficulté à esquiver ou bloquer les attaques du chevalier du phœnix et aucune de ses propres attaques n'avait pu l'atteindre.

- Allons, Mirhyu, reviens à la raison ! Tu vois bien que tu n'es pas de taille à me faire face !

- Si tel est le cas, répondit avec fierté le jeune homme, Abattez-moi donc si vous êtes si certain de votre victoire !

- Ne sois pas si stupide ! Tu sais bien que je n'ai pas encore utilisé toute ma force contre toi ! Tout ceci est inutile !

- Quelle importance ! répliqua Mirhyu, non sans une pointe d'amertume. Quoi qu'il en soit, vous ne renoncerez pas à vouloir avancer et je me dois de me montrer à la hauteur de l'enseignement que l'on m'a accordé, à la hauteur des espérances et de la confiance qui ont été placées en moi. Alors, il est inutile d'essayer de me convaincre d'abandonner ! Quel que soit le prix à payer, je vous ferais face aussi longtemps que j'en serais capable !

Il s'arrêta un instant, adressa un sourire à Ikki et se remit en garde en lançant :

- Et vous êtes bien placés, vous les chevaliers d'Athéna, pour savoir que rien n'est impossible à qui a la foi !

Cette déclaration fit hésiter Ikki un instant et un éclair de doute passa dans son esprit. Mais le chevalier se reprit aussitôt :

- Et bien dans ce cas, comme nous tous, tu apprendras que parfois la foi ne suffit pas !



- Alors, Felow ?

Avide, Ayan interrogeait le jeune apprenti qui lui faisait face. Visiblement essoufflé, ce dernier essayait de rapidement reprendre son souffle afin de pouvoir répondre aux attentes de la jeune femme qui ne cachait pas son impatience.

- Alors ? répéta-t-elle, un peu agacée de devoir attendre une réponse.

Elle avait envoyé le garçon observer les derniers événements afin qu'il puisse lui rendre compte de la situation dans laquelle se trouvaient ses amis Mirhyu et Alkaid. Felow faisait partie de ceux en qui Ayan avait toute confiance. Bien qu'il ait été en partie formé par Oyan, Felow n'aimait guère le frère de lait de la jeune femme et lui préférait largement cette dernière qui lui avait également dispensé quelques enseignements récemment.

- Alors ?

Cette fois, Felow manqua d'esquisser un sourire devant l'insistance d'Ayan. Mais face à l'air grave qui s'était peint sur son visage, il préféra obtempérer sans plus attendre.

- Alors la réputation des chevaliers d'Athéna n'est pas usurpée. Yura a été défait par Pégase en moins de temps qu'il ne m'en faut pour te le raconter. Mirhyu est en difficulté devant le chevalier Phœnix. Cependant il offre une belle résistance. Mais je doute qu'il soit en mesure de le vaincre. Quant à Alkaid, il a souffert contre le dragon mais a réussi à lui échapper grâce à ses techniques d'illusions. J'ai d'ailleurs perdu sa trace dans la montagne.

Ayan hocha gravement la tête. Elle aussi avait perdu la trace de son ami depuis quelques temps. Cette facilité que ce dernier avait à dissimuler sa présence et son cosmos lui était insupportable dans ces circonstances. Savait-on jamais ce qui avait pu lui arriver….Quant à Mirhyu, tant qu'il tenait bon….

- Satisfaite ?

Ayan et Felow sursautèrent à cette nouvelle voix.

- Miliaid !

Le premier lieutenant se tenait devant les deux amis, l'air sévère et fermé comme à son habitude.

- Tu devrais faire en sorte de laisser les gamins, fit-il en désignant Felow du menton, en dehors de vos querelles à toi et ton frère. Il serait furieux de voir que son disciple te rend des comptes je pense !

Ayan serra les poings mais ne répondit rien à cette remarque. Miliaid avait toujours le chic pour être désagréable, voilà tout.

- Mais ce n'est pas pour cela que je suis venu te voir, reprit le lieutenant. Je viens te répéter les ordres de Sirius : tu dois rester en dehors des combats, quoi qu'il arrive. Je sais que tu étais opposée à ce que Alkaid et Mirhyu soient envoyés en première ligne mais dans tous les cas, tu ne dois pas désobéir. Est ce bien compris Ayan ?

- Pourquoi les as-tu laissé faire ? grommela Ayan sans répondre à la question de Miliaid. Tu sais très bien qu'ils ne sont pas encore assez aguerris pour affronter de tels combattants !

- Je viens d'y remédier, répondit sèchement Miliaid. Ton frère est parti intercepter Pégase. Et Aubéric doit se charger du dragon. Quant à moi, je m'occuperais des deux autres en temps et en heure.

- Tu vas rentrer dans la bataille ? demanda Ayan, visiblement ébahie. Toi, Miliaid ?

- Si c'est nécessaire, oui. Quant à toi, tu as ordre de ne pas bouger d'ici, ne l'oublie pas !

Et le regard appuyé de Miliaid à Ayan ne souffrait aucune contestation. Ayan le regarda s'éloigner pensivement. Désobéïr à Miliaid ? Elle n'y pensait pas. Du moins, pas encore, souffla une petite voix au fond d'elle. Car laisser des étrangers répandre le feu et le sang sur sa terre, elle ne le pourrait pas. Elle le savait.

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Cette fiction est copyright Stephanie Fabrer.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada et Toei Animation.