Chapitre 3 : le Big Will ne s'éteint pas


Hadès

J'étais moi-même étonné d'être encore en vie alors que mon corps immortel s'était évaporé. Je me rendis compte que je ne subsistais plus que sous la forme d'un cosmos à l'état brut, l'explication me vint tout naturellement : j'avais été l'un des trois premiers êtres avec Poséidon et Zeus à être touché par le Big Will, celui-ci avait donné une vie propre à mon âme, la rendant immortelle. Ainsi tout s'éclairait enfin : si les hommes étaient encore encombrés par leur enveloppe charnelle après leur mort c'était parce qu'ils n'avaient pas été touchés par ce courant créateur qui m'animait en ce moment, ce qui faisait la différence entre les hommes et les dieux n'était donc pas cet Ichor qui, n'en déplaise à Thanatos, n'était que du sang mais le Big Will qui en y réfléchissant bien n'était pas si différent du cosmos. Voilà donc pourquoi je n'avais pas pu vaincre les chevaliers : alors que moi je comptais sur la résistance de mon corps et de mon supplis pour me protéger, les chevaliers intensifiaient toujours plus leur cosmos au mépris de leurs corps. Si le corps peut être détruit le cosmos, lui est immortel, j'en avais maintenant la preuve flagrante. Un cri me fit sortir de mes réflexions : une elfe venait d'heurter le corps de Thanatos et le suppliait de lui venir en aide. Cette ferveur me toucha, je n'avais pas le droit de laisser mourir tous ces gens qui m'avaient été dévoués depuis les temps mythologiques et avec lesquels j'avais tout partagé : la honte de la défaite face à Athéna, la griserie des victoires éphémères et surtout le désenchantement qui avait été le mien quand je m'étais vu attribué le monde souterrain comme part de l'univers. Je devais bien me l'avouer : autant j'éprouvais un froid mépris pour mes spectres qui n'étaient après tout que des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités autant j'affectionnais vraiment ces êtres au teint couleur de jais qui m'accueillaient toujours de leurs sourires et de leurs chants. En d'autres temps ils étaient des nymphes vivant en osmose avec la nature dont ils tiraient leur vie, en ces temps lointains les dieux habitaient encore sur Terre et ne dédaignaient pas les hommes qui nous accueillaient avec amabilité.. Mais les temps avaient changé : à force de les soustraire aux sanctions qu'ils avaient mérité Athéna ou Prométhée en avaient fait des êtres arrogants qui s'étaient persuadés que si les dieux ne les punissaient plus c'était parce qu'ils avaient admis leur infériorité, à partir de là ils ne respectèrent plus rien, en venant même à se persuader que les dieux n'étaient plus nécessaires. En fait je crois vraiment avoir eu un trait de génie en transformant l'enfer en une sorte de purgatoire : que serait-il advenu des hommes s'ils s'étaient persuadés que même dans l'au-delà ils n'auraient pas de compte à rendre ?
NON et milles fois non je ne pouvais admettre que les hommes se comportent ainsi, ils ne méritaient pas d'être sauvés. Dans le nouveau monde que je prévoyais de créer la Terre aurait été repeuplée par les héros et les elfes qui auraient appris à leurs enfants à vivre en harmonie avec les dieux et la nature. Pourquoi diable Athéna s'obstinait-elle à ne pas comprendre le bien-fondé de ma cause, pourquoi m'avait-elle envoyé ces massacreurs qu'on appelait les saints de bronze plutôt que de se rallier à moi ? Tant de questions restaient sans réponse en ce moment tragique mais pour l'heure je devais d'abord songer à la survie des miens.
Une idée me vint à l'esprit : j'allais utiliser les armures divines qui se trouvaient maintenant à Elysion pour permettre à mes gens de traverser le vortex. J'enflammai donc mon cosmos que les kamuis qui avaient quitté les saints après leur absorption par le néant viennent recouvrir mes serviteurs. Après réflexion je décidai de les amener sur Terre où ils ne courraient plus de danger, une fois qu'ils étaient arrivés de l'autre côté je rappelais les armures pour qu'elles viennent secourir d'autres malheureux. Ainsi, en usant de ce stratagème je parvins à sauver un petit nombre d'elfes et de héros tels que Castor ou Dédale, toutefois comme je n'ai jamais aimé les menteurs je m'abstins de sauver Ulysse.
Cela fait il me resta très peu de temps pour songer à ma propre survie. J'examinai les options qui se présentaient à moi : je pouvais tenter ma chance dans le vortex mais réduit à ma seule cosmo énergie j'aurais bien du mal à retrouver le chemin de la Terre, je pouvais également tenter d'endiguer l'effondrement d'Elysion mais étant donné ma faiblesse actuelle c'eût été du suicide. Non la seule solution qui me restait était de me réincarner ici et maintenant de façon à pouvoir stabiliser mon cosmos. Mais qui parmi tous ces êtres qui fuyaient Elysion serait assez fort pour recevoir le Big Will sans préparation antérieure, Qui ? Je ne pouvais quand même pas finir comme çà, aspiré par le néant au milieu des ruines de mon empire. J'étais au comble du désespoir quand j'entendis un craquement derrière moi, puis un murmure puis une voix, une voix à la fois rauque et stridente, celle des généraux qui hurlent leurs ordres à leurs troupes dans le tumulte de la bataille.
Je finis par saisir ce qu'il me dit : " Hadès, s'il te faut un corps pour te réincarner prends le mien "

- Mais c'est impossible répondis-je seul un dieu ou un mortel doté de cosmos peut recevoir le Big Will sans risque.
- N'aie crainte je supporterai et ma vie deviendra le socle d'une nouvelle ère.

Je distinguai alors une lueur malicieuse dans son œil unique.

- Qui es-tu ? lui demandai-je par télépathie
- Tu n'as plus le temps de t'en soucier, le néant approche.

Je pouvais effectivement entendre le vrombissement sinistre de cette puissance obscure qui avait fait sortir le monde du Chaos et qui allait maintenant l'y replonger.
Cependant, dans un ultime élan d'orgueil ou d'inconscience, je ne sais, je parvins à répondre.

- Dussé-je être emporté par le néant je ne céderai pas. Hadès ne se donnera pas à un homme dont il ne connaît pas même le nom.

Cette fois ce que je vis briller dans son œil ressemblait à s'y méprendre à de l'estime.

- Eh! bien soit si tu veux mon nom je vais te le dire mais sache avant tout que c'est un honneur pour moi que de recevoir ton âme.

Son nom il me le communiqua par télépathie et pour la première fois de ma vie je sentis que je pouvais faire confiance à un mortel.

- J'ai confiance en toi Frère, dis-je avec affection, ensemble nous ouvrirons une nouvelle ère. Prépare-toi à recevoir le Big Will !!

Ce qui se passa ensuite n'est pas descriptible mais quand je rouvris les yeux je me trouvais dans le corps du seigneur qui accueille les guerriers morts au combat.

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Cette fiction est copyright Diego Jimenez.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.