Chapitre 16 : La guerre de Perséphone, partie 1-Passé et présent entremêlés


Le jour se levait sur la plaine de l'Attique, évacuée de tous ses habitants et coupée du monde par un pouvoir divin. Depuis près d'une heure déjà, les armées de Poseidon et de la déesse Athéna avaient pris leurs postes autour de la plaine, sur les contreforts des montagnes et en bordure de mer.
Poseidon, casqué et vêtu de son armure, attendait lui aussi, tous les sens aux aguets. Il se tenait seul à la tête de quelques compagnies de marinas, car il savait qu'il ne pouvait se permettre le luxe d'être entouré de ses généraux. Le dieu des mers se sentait curieusement calme, rempli d'une plénitude qu'il n'avait jamais ressentie, mais il repoussa l'image de Thétis endormie qui vint alors lui envahir le cerveau, ce n'était pas le moment…
De l'autre côté du cap Sounion, vers l'ouest, les deux princes des Sept Mers, Triton et Sion, attendaient eux aussi à la tête de dix compagnies afin de sécuriser les bouches des enfers qui se trouvaient là. Pour la deuxième fois, Sion portait l'écaille du Dragon des Mers et assumait donc le rôle de généralissime des armées, simple titre ici parce que son père assumait lui-même le commandement de l'armée mais dont l'évocation le faisait toujours frissonner au vu de la lourdeur de la tâche qu'il représentait. Triton, plus aguerri que lui et qui le connaissait bien, vit immédiatement sa préoccupation et lui dit d'un ton léger pour masquer la sienne :

" Ne fais pas cette tête, on croirait que tu veux effrayer les ennemis à toi tout seul… "

Un léger sourire vint égayer les traits graves de l'adolescent qui dit à son demi-frère :

" C'est un peu cela, en fait… "

Mais Triton comprenait aussi que son frère partageait une relation particulière avec sa sœur jumelle, et que sa propre angoisse était sans doute décuplée parce qu'il percevait celle d'Athena…
Athena, justement, se trouvait à l'autre bout, avec Thétis. Mal à l'aise dans l'écaille d'Amphitrite pourtant adaptée à elle, la jeune fille tenait son casque sous son bras en regardant la mer s'écraser contre les rochers, tous les sens aux aguets. Cette bataille était la plus importante qu'elle ait jamais vécu, parce que cette fois elle ne concernait que des dieux et que tout se passait à un niveau bien supérieur au sien. Bien qu'elle soit consciente du sang divin qui coulait dans ses veines, elle n'avait jamais vraiment considéré cela comme important, pas comme d'autres demi-dieux qui avaient renié leur mère mortelle. La présence toute proche de ses parents contribuait à la sécuriser, à lui faire oublier le malaise qu'elle ressentait. Ce n'était bien sûr pas la première fois qu'elle combattait, mais la première fois qu'elle devait diriger des marinas seule, en faisant appel à sa propre stratégie et devant décider par elle-même quand agir et que faire. Contrairement à son frère jumeau, qui avait certaines connaissances dans ce domaine, elle connaissait peu de choses à la stratégie, et espérait qu'elle ne se tromperait pas. Ce qui l'effrayait le plus était surtout d'être responsable de la vie des hommes sous ses ordres, d'en être comptable devant son père…pourtant, elle savait qu'il avait confiance en elle, malgré son jeune âge, et tenta de rester le plus calme possible, refusant de laisser voir à ceux qu'elle dirigeait et surtout à Thétis le tourment qui l'agitait. Etre princesse était une perpétuelle représentation…
De son côté, Thétis affichait un air neutre et tentait de garder la tête froide, d'oublier ce qui s'était passé la nuit précédente. Tout cela dépassait totalement ses rêves les plus fous, et pourtant elle n'avait pas rêvé, Julian Solo lui avait déclaré son amour et elle s'était endormie près de lui, dans ses bras. Elle soupira et secoua la tête, ce n'était pas le moment, et elle ne voulait à aucun prix qu'Athena remarque son trouble. Cependant, il n'y avait pas de risques, l'adolescente était trop plongée dans ses propres pensées pour s'occuper des siennes…
Les deux autres généraux, Indra de Chrysaor et Sorrente de la Sirène, s'étaient occupés de la défense du sanctuaire sous-marin et arrivaient seulement, une fois la stratégie passée en revue. Avec un signe de main à Athena, tous deux allèrent prendre leur poste non loin…
La défense du sanctuaire sous-marin avait été confiée par Poseidon lui-même à Illia de Scylla, qui connaissait parfaitement les lieux et serait donc à même de les défendre…

Logiquement, la déesse Athena avait pris place sur la partie de la plaine qui jouxtait les montagnes. Elle se tenait debout au milieu de ses troupes, vêtue pour la première fois depuis longtemps de son armure divine qui avait été conservée après la fin de la bataille contre Hadès. Autour d'elle se tenait l'élite de son ordre, les chevaliers d'or survivants - les autres ayant été laissé au Sanctuaire pour le défendre -, et elle avait disposé ses troupes tout autour de la plaine afin de la sécuriser efficacement. Chacun des cinq chevaliers d'or était responsable d'une partie de la plaine, et tous attendaient silencieusement que commence la bataille…
Mû, parmi ses pairs, tourna ses yeux vers la mer. Même revêtue de son armure, dans le rôle qu'elle avait toujours assuré, elle ne pouvait s'empêcher de penser à ses enfants, qui une fois de plus devraient combattre. Pourtant, au-delà de son inquiétude de mère, elle savait quelle puissance était la leur, et qu'elle devait leur faire confiance…
Pour la seconde fois, Athena et Poseidon, les dieux ennemis, faisaient alliance contre un ennemi plus puissant, laissant de côté leur rivalité qui durait depuis des siècles. La déesse reconnaissait que la naissance des jumeaux avait joué un rôle dans ce rapprochement, même si elle avait dû neutraliser Sion dès sa naissance. Le bébé qu'elle avait recueilli dès sa sortie du ventre de sa mère s'était révélé non une menace comme elle l'avait tout d'abord cru, mais un enfant d'une remarquable maturité et sensibilité, nanti de pouvoirs qu'il maîtrisait parfaitement à présent.
Derrière les chevaliers d'or se tenaient Seiya de Pégase, Shun d'Andromède et Ikki du Phénix, qui participeraient à cette bataille. Contrairement à Hyoga et Shiryu, leurs armures n'avaient pas de nouveau porteur, et ils considéraient comme un devoir sacré d'être ici, comme autrefois. La déesse comptait sur leur expérience irremplaçable pour faire la différence…
Les pensées que chacun tournait et retournait dans sa tête disparurent instantanément quand de lourds nuages commencèrent à couvrir le soleil et que l'obscurité gagna centimètre par centimètre la terre ensoleillée de Grèce. Ceux qui avaient connu l'éclipse provoquée par Hadès frissonnèrent et se mirent instantanément en garde. Cette obscurité rendit les jeunes chevaliers nerveux, même Doko, treize ans, habituellement le plus calme de tous, semblait gagné par cette nervosité ambiante. Près de lui, Camus du Cygne restait imperturbable, aussi imperturbable que les glaces de son pays natal, et, du haut de ses douze ans, observait de ses yeux bleu clair la plaine devant lui…
Debout près de son maître, le jeune Shaka attendait lui aussi, et, plus que les autres, il savait que la bataille serait très difficile. Rhadamante du Wyvern, dont il ressentait encore l'extraordinaire puissance à chaque mouvement qu'il faisait, était fidèle à sa réputation, et, accompagné des trois autres Juges, ce serait un adversaire très difficile à vaincre. Son maître était à peine remis de sa dernière bataille contre Rhadamante, et il avait tout d'abord refusé qu'il l'accompagne, mais l'adolescent l'avait supplié, il ne voulait pas être laissé derrière et il lui avait rappelé qu'il avait fait la preuve de son courage…
Shaka avait alors abaissé son regard bleu transparent sur son disciple, et n'avait rien répondu à ses arguments, se contentant de lui dire qu'il devrait rester en retrait, ne portant pas d'armure. Il affichait exactement à cet instant le même air neutre qu'à ce moment-là, vêtu de son armure qui cachait ses bandages…
Le chevalier de la Vierge ouvrit ses yeux, habituellement fermés, abaissa son regard sur son disciple et lui dit :

" Mets-toi à l'abri, à présent, cela commence… "

L'enfant hocha juste la tête, et courut vers les montagnes, bien décidé à rester à proximité malgré la défense formelle faite par son maître…
En bas, près de la mer, Poseidon assura sa prise sur son trident et, à l'aide de télépathie, avertit ses enfants et les généraux de se tenir sur leurs gardes. Lors des derniers briefings, il n'avait eu de cesse de bien leur signifier qu'ils seraient sans aucun doute les premiers à être attaqués, afin ensuite que, privées de chefs, les troupes soient désorganisées, forcées de se rendre et que Perséphone puisse à la fois étendre son règne d'obscurité sur la terre et la mer. La déesse des Enfers ne se rendrait probablement elle-même sur les lieux de la bataille que pour achever les trois dieux présents…
L'obscurité devint alors presque totale, et tous les chevaliers présents durent s'en remettre à leur perception exacerbée pour sentir les ennemis arriver. Perséphone avait résolu de lâcher les chiens de guerre des Enfers, et de mettre toutes les chances de son côté en couvrant la Terre d'obscurité, tout en déstabilisant ses adversaires, habitués à la lumière du jour…

Sion sentit alors une présence dans son dos, et se retourna vivement pour se trouver face à face avec un des spectres. Celui-ci était entouré d'autres spectres, qu'il envoya d'un geste au combat groupé qui avait commencé dans la plaine, et il dit :

" Le jeune prince Sion, l'héritier du trône des Sept Mers que voilà pour moi une proie de choix ! "

Sion, qui distinguait à peine son adversaire dans l'obscurité artificielle, resta parfaitement calme et dit :

" Une proie ? Comme tu t'avances bien vite ! Je ne suis pas un saumon qu'on pêche facilement, tu t'en rendras vite compte… "

Il vit les yeux sombres de l'homme briller dans la pénombre et celui-ci poursuivit :

" Je suis le juge des Enfers Eaque de Garuda de l'Etoile Céleste de la Supériorité, et je te vaincrai sans aucune difficulté, cela je peux te l'affirmer…ta puissance issue de la mer ne vaut rien contre la mienne… "

Il cherchait manifestement à le faire sortir de ses gonds, mais Sion avait assez de contrôle sur lui-même pour ne pas se laisser aller à la colère. Il ferma les yeux un instant, et son aura bleue l'entoura, signe qu'il était en harmonie parfaite avec les forces marines. Ses yeux s'habituant à l'obscurité, il parvint à distinguer quelque peu les traits de l'homme qu'il avait devant lui, ainsi que les détails de son armure. Le surplis porté par Eaque comportait des ailes dans le dos, et était d'un noir brillant que soulignaient les arêtes et les pointes qu'il comportait un peu partout. Comme l'écaille de Sion, le surplis procurait à son porteur une protection intégrale, symbole de son haut rang dans la hiérarchie. Le Titan des Enfers, sûr de sa supériorité, ne portait pas son casque, et Sion put distinguer ses traits. La présente réincarnation d'Eaque de Garuda était à peine plus âgée que le jeune prince, et ses yeux sombres, en amande, dénotaient une ascendance asiatique. Il était mince, bien que le surplis le fît apparaître plus impressionnant…
Sion savait que les Juges des Enfers se réincarnaient à la naissance, mais leur âme ne se manifestait qu'à l'appel de la déesse qu'ils servaient. L'adolescent qu'il avait devant lui était donc né avec l'âme d'Eaque de Garuda, qui était mort lors de la dernière guerre contre les Enfers, tué par Ikki du Phénix, mais c'était maintenant cette âme qui le possédait…
Eaque dit alors :

" Rendez-vous en enfer, jeune prince ! "

Une aura sombre apparut autour de lui, et il s'écria :

" Garuda Flap !!! "

Sion tenta de résister, mais fut promptement envoyé en l'air alors qu'Eaque, qui avait tracé une croix au sol, disait tranquillement :

" Ici sera ta tombe… "

Sion retomba lourdement au sol, formant un cratère, sous le regard goguenard de son adversaire, et eut l'impression que tous les os de son corps s'étaient brisés d'un seul coup. Par chance, la solidité de son écaille de général l'avait protégé, et il se releva sans trop de dommages. Il sauta hors du trou, et dit :

" Tu m'enterres un peu vite, tu ne trouves pas ? "

Triton, étant un dieu, avait été choisi comme cible par les deux jumeaux Hypnos et Thanatos, qui avaient ressuscité en même temps que les spectres. Le fils aîné de Poseidon, bien que parfaitement protégé par son écaille divine, savait bien que ses pouvoirs divins rivaliseraient difficilement avec celui des deux frères jumeaux. Il fixa ses yeux verts sur les deux dieux et dit :

" J'aurais dû me douter que je vous trouverais là, je ne pense pas que Perséphone aurait eu cette idée toute seule… "

En effet, d'après les informations qu'Athena avait glanées auprès des chevaliers de bronze ayant participé à la bataille finale, nul ne savait ce qui était advenu des deux dieux, mais Triton commençait à en avoir une petite idée…
Hypnos darda son regard doré sur Triton et lui dit :

" Comment oses-tu ? Tu n'es qu'un dieu de pacotille par rapport à nous, même pas capable de te débarrasser d'un sort sans avoir recours à un simple mortel ! "

Au rappel de ce désagréable fait qui lui avait tout de même valu plusieurs milliers d'années de pénitence jusqu'à ce que son demi-frère risque sa vie pour l'en débarrasser, Triton commença à s'énerver, mais se força à répondre à Hypnos sur un ton neutre :

"Ce simple mortel, comme tu dis, est mon frère et vaut bien plus que vos misérables carcasses conservées depuis l'éternité dans du formol, fussent-elles divines ! Vous aussi avez été obligés d'utiliser une simple mortelle pour briser le sceau qui vous emprisonnait, si je ne m'abuse… "

Thanatos, qui n'avait encore rien dit jusque là, réagit et ses yeux argentés lancèrent des éclairs en direction du prince alors qu'il dit :

" Nous allons te faire ravaler tes paroles, misérable batracien ! "

Son aura argentée l'entoura et il dit :

" Reçois la vengeance des véritables dieux ! Terrible Providence !!!! "

Athena donnait ses ordres à ses Marinas lorsque apparut devant elle une forme qu'elle devina immédiatement comme étant un spectre. Ses yeux étant maintenant habitués à l'obscurité, elle vit qu'il avait un casque sur la tête, d'où dépassaient quelques mèches de cheveux clairs. Ses yeux vert sombre étincelaient, mais elle ne pouvait distinguer ses traits. Le surplis qu'il portait était impressionnant, nanti d'ailes géantes, et elle devina que ce devait être là l'un des trois Juges des Enfers avant même qu'il n'ouvre la bouche…
Elle s'efforça de rester droite, le toisant autant qu'il le faisait lui-même, puis il dit avec un rire mauvais :

" L'empire des Mers doit être en plus fâcheuse posture que je le pensais, puisqu'on enrôle même les filles pour le défendre… "

Piquée au vif mais consciente qu'il cherchait à la faire sortir de ses gonds, Athena répondit calmement :

" Le fait qu'un empire soit défendu par des hommes ne signifie plus rien, on est au XX ème siècle, que je sache… "

L'homme rit, d'un rire mauvais, et le reflet de ses dents blanches brilla dans l'obscurité alors qu'il disait :

" Je suis Minos du Griffon de l'Etoile Céleste de la Valeur, je suis un des trois Juges des Enfers, et je vais te laminer, toi simple demi-déesse de pacotille ! "

Athena se redressa et dit, assurant sa garde :

" Tu es loin de me faire peur, je te l'assure… "

Minos ricana et dit :

" C'est ce que nous allons voir, Princesse…Cosmic Marionnetion ! "

Mû s'attendait à voir réapparaître parmi les spectres celui qu'elle avait vaincu autrefois, Myu de l'Etoile Terrestre Féerique, et tenta de se remémorer comment elle l'avait vaincu. C'est dans une parfaite sérénité d'esprit qu'elle entendit donc sa voix qui l'interpellait :

" Chevalier Mû du Bélier…"

Mû posa son regard violet sur son ancien adversaire et dit :

" Je pensais bien te revoir parmi les suppôts de Perséphone, Myu… "

Le spectre n'avait pas changé en ressuscitant, il avait toujours cette apparence délicate, mince et élancée, et les ailes légères de papillon qui se trouvaient à l'arrière de son surplis ondulaient doucement au vent léger qui venait de la mer. Le métal noir brillait malgré l'obscurité, formant des reflets d'argent…
Mû se souvenait que Myu normalement devait se transformer plusieurs fois avant d'atteindre cette forme, il avait dû prendre le temps de le faire auparavant. Le spectre alors lui dit :

" Je te vaincrai cette fois, je connais déjà toutes tes attaques et tes points faibles… "

Mû, sereine, lui répondit :

" C'est ce que tu crois, mais tu t'avances un peu vite, je te l'assure… "

Myu sourit d'un sourire équivoque et déclara :

" Même si tu descends des Atlantes, tu n'en es pas moins humain, plutôt humaine devrais-je dire… "

Mû s'efforça de ne pas lui laisser voir son étonnement. Comment pouvait-il savoir cela ? Même ses enfants ne savaient pas qu'elle était une des dernières descendantes du peuple atlante, elle n'avait pas jugé bon de le leur dire, ils avaient déjà une hérédité assez lourde comme cela…et comment pouvait-il savoir qu'elle était une femme ?
Elle darda son regard violet sur Myu et lui dit tranquillement :

" Les nouvelles vont vite aux Enfers, à ce que je vois…et alors ? Quelle différence cela peut-il donc faire ? Tu as peur, ma parole… "

Myu dit alors :

" Je sais plus encore : Tu es mère de deux jumeaux de quatorze ans… "

Mû lui répondit alors, les bras croisés :

" Vas-tu me déballer encore longtemps ma généalogie ? Si tu espères m'atteindre par ce moyen, tu peux cesser tout de suite et économiser ta salive… "

Le papillon fixa alors Mû dans les yeux, et elle sentit ses membres s'engourdir quelque peu, manifestement il usait sur elle de son pouvoir de télékinésie presque aussi puissant que le sien pour l'immobiliser, mais, comme elle s'était prémunie contre cela dès qu'elle avait senti sa présence, il n'y parvint pas...
Elle ferma les yeux un instant, puis les ouvrit de nouveau et dit avec un sourire en coin:

" Tu n'as pas fait de progrès en télékinésie, à ce que je vois, et tu n'as pas encore compris que tu ne parviendrais pas à me battre par ce moyen… "

Myu ricana et dit :

" Je te jure que cette fois tes pouvoirs de téléportation et de télékinésie ne t'aideront en aucun cas à m'échapper, je connais toutes tes attaques et suis en mesure de tes les renvoyer… "

Toujours aussi calme, Mû lui rétorqua :

" C'est ce qu'on verra…je t'attends, Papillon des Enfers ! "

Kanon des Gémeaux sentit l'aura de Rhadamante avant même que celui-ci n'apparaisse devant lui. Il l'interpella et lui dit :

" As-tu l'intention de te faire battre une seconde fois, Rhadamante ? "

Le spectre éclata de rire, un rire sombre et mauvais, et dit :

" Tu ne croyais quand même pas que j'allais te laisser m'échapper et survivre cette fois encore, non ? Je te vaincrai, pour la bonne et simple raison que je connais à présent tes attaques et ta façon de réagir. Tu es si prévisible... "

Kanon, malgré l'obscurité, pouvait distinguer les traits de son adversaire, qui ne portait pas son casque. Etant le plus ancien des chevaliers d'or encore en exercice, il savait bien sûr que les spectres se réincarnaient dans des corps humains, il ne s'agissait donc pas tout à fait du même Rhadamanthe que celui qu'il avait affronté autrefois, en tout cas physiquement. La réincarnation présente du Juge des Enfers le regardait avec des yeux vert clair, il avait des traits jeunes - Kanon lui donnait entre quinze et dix-huit ans - et des boucles châtain foncé en désordre.
Kanon croisa les bras et lui dit tranquillement, sans s'énerver :

" Tu es aussi sûr de toi qu'autrefois, à ce que je vois, mais je t'avais vaincu, ce que prouve ta réincarnation…je suis prêt à refaire de même aujourd'hui. "

Rhadamanthe éclata de rire et dit d'un air narquois :

" Je me suis réincarné, effectivement, et ceci va me permettre de te battre parce que je suis au summum de ma force, et que tu es sur la pente déclinante… "

Toujours aussi calme malgré les sarcasmes de son adversaire, Kanon répliqua :

" Fausse excuse, tu t'en rendras vite compte… "

Rhadamanthe ricana de nouveau et ajouta :

" Allons bon ! Tu as quarante-trois ans, tu n'as plus la force que tu avais à vingt ans… "

Le chevalier des Gémeaux, qui commençait à en avoir assez de ce freluquet qui estimait qu'il était bon pour la casse, ne répondit rien et se mit en garde…
Pourtant, malgré la sûreté de lui-même dont faisait preuve le Juge des Enfers, Kanon pouvait sentir qu'il n'avait pas changé, et qu'il ne le sous-estimerait pas...
Rhadamanthe leva alors les bras et s'écria:

" Tu n'auras pas de seconde chance, cette fois...Greatest Caution !! "

Illia de Scylla veillait dans le sanctuaire sous-marin quand on vint lui annoncer que des spectres avaient réussi à entrer. Quittant le temple central, elle courut vers la brèche et vit avancer devant elle, au milieu d'un groupe de spectres, un autre qui paraissait posséder une certaine importance. Son surplis comportait deux ailes de chauve-souris dans le dos, était hérissé d'aspérités probablement coupantes, et il ne portait pas de casque. Il tenait dans sa main droite un fouet...
Illia l'interpella et lui dit:

" Tu n'iras pas plus loin, spectre, je t'arrêterai... "

Un rire léger s'éleva dans la semi-obscurité, et le spectre répliqua:

" Et comment comptes-tu m'en empêcher ? Bientôt, le sanctuaire des Sept Mers ne sera plus que ruines, je te le jure, moi, Rune de Balrog de l'Etoile Céleste du Talent ! "

Illia écarta légèrement les bras et dit tranquillement:

" Je suis Illia de Scylla, Général du Pacifique Sud, et tu ne passeras pas, nous t'en empêcherons... "

L'homme éclata de rire et répliqua:

" Sont-ils tombés si bas qu'ils permettent à présent aux femmes de devenir généraux ? Tu ne pourras rien contre moi, tout général que tu sois... "

Il avança un peu, et un léger rai de lumière vint frapper son visage et une partie de son surplis, sombre comme la nuit éternelle. Alors Illia put voir distinctement ses traits...
La réincarnation présente de Rune possédait des traits très fins, une peau pâle, presque translucide, des cheveux châtain clair et des yeux gris clair perçants. Son regard pâle, dérangeant, scrutait Illia qui ne put s'empêcher d'être mal à l'aise car elle eut soudainement l'impression qu'il plongeait au fond de son âme...
L'homme, toujours sur le même ton tranquille, déclara:

" Es-tu prête à subir le poids de tes péchés passés ? Reincarnation ! "

Sorrente, non loin de la pointe du cap Sounion, prêtait attention à tout bruit inhabituel lorsqu'il sentit une présence invisible, non loin de lui, puis commença à s'élever une douce musique ainsi qu'une voix:

" Général Sorrente, malgré la puissance de ta flûte tu vas subir dès à présent ton jugement dans la balance d'Anubis par moi, Pharaon du Sphinx de l'Etoile Céleste de la Bête... "

Sorrente sentit alors comme un déchirement dans sa poitrine, et, malgré la douleur, parvint à jouer deux notes qui interrompirent le sort. Haletant, il demanda:

" As-tu donc si peur de moi que tu n'oses te montrer clairement ? Est-ce le propre des spectres que d'attaquer dans le noir, comme des lâches ? "

Alors les ténèbres se dissipèrent quelque peu, et Sorrente, aux yeux habitués à présent à la semi-obscurité ambiante, put distinguer une silhouette mince, juvénile, tenant sous le bras une lyre égyptienne. Son surplis ressemblait à une tenue égyptienne ancienne, et le général de l'Atlantique Sud, étonné, put constater que la réincarnation présente du spectre protecteur de la seconde prison des Enfers n'était autre...qu'une femme !
Bien sûr, Sorrente savait le mode de réincarnation de l'âme des spectres, mais celle-ci avait dû sans aucun doute se tromper d'adresse...
Le spectre rit, d'un rire cristallin, et dit:

" Hé bien, as-tu perdu ta langue, général Sorrente ? "

Son regard sombre brillait, et le diadème de son surplis disciplinait une chevelure composée de petites nattes dans le plus pur style égyptien...
Le moment de flottement du jeune général ne dura qu'un instant, et, resserrant sa main autour de sa flûte, l'éleva en disant:

" Pas du tout, et tu vas vite t'en rendre compte, spectre ! "

Le spectre se mit en garde et rétorqua:

" Dans quelques secondes, tu seras aux Enfers et tu verras Osiris en face...Kiss of the Darkness ! "

Non loin de Sorrente se trouvait Indra de Chrysaor, et, quand il le vit attaqué, il voulut lui prêter main forte mais une silhouette apparut alors devant lui et lui dit:

" C'est à moi que tu vas avoir à faire, général... "

Indra tourna son regard sombre vers l'origine de la voix et, malgré l'obscurité, parvint à distinguer quelque peu son adversaire. Tout était noir dans cette homme, son regard comme ses cheveux d'ébène, et, d'où il était, le général de l'Océan Indien pouvait distinguer quelques détails de son surplis, dont son casque à plusieurs cornes. Il paraissait jeune, mais il ne distinguait pas très bien ses traits à cause de son casque...
Le général hindou serra sa main sur sa lance d'or et dit:

" Je suis Indra de Chrysaor, et ma lance d'or aura raison de toi... "

Un rire grinçant s'éleva:

" Je suis Sylphide du Basilic de l'Etoile Céleste de la Victoire, et ta célèbre lance d'or dont tu semble faire tant de cas ne tiendra pas longtemps contre ma puissance... "

Indra avait un caractère relativement calme, mais l'arrogance du spectre commençait vraiment à l'énerver. Cependant, il s'efforça de rester calme, et se mit en garde, prêt à se défendre...
L'aura de Sylphide apparut autour de lui, et il s'écria:

" Général de Chrysaor, tu vas mourir ! Anihilation flap ! "

Sanctuaire d'Athena

Un grand silence règnait, seulement brisé par le bruit du vent. Les anciens chevaliers d'or ressuscités, qui avaient choisi de rester ici, attendaient l'attaque qu'ils sentaient être imminente...
Malgré le pardon de la déesse, il leur avait été très difficile de remettre leurs anciennes armures, et le dilemme était pire encore pour Camus, Shura et Saga, qui avaient usé de l'attaque interdite autrefois. Avant de partir, la déesse avait confié à Saga la direction du Sanctuaire, ayant confiance en lui, et tous les autres avaient repris place dans leurs Maisons. Seul était absent Dohko de la Balance, mais tous savaient qu'il viendrait immanquablement...
Saga, incapable de rester assis sur le trône du Grand Pope qui lui rappelait tant de mauvais souvenirs, s'était approché de la fenêtre d'où l'on pouvait voir les douze Maisons. Des feux avaient été allumés, éclairant toutes les Maisons, car il pensait qu'il ne fallait pas différencier celles qui n'étaient pas gardées pour induire en erreur les assaillants...
Bien qu'il eût désormais gagné la paix du coeur, se trouver ici, dans cette position, ravivait des blessures qu'il aurait bien aimé oublier, et il savait que ses amis n'étaient pas à l'aise non plus...Ils n'en avaient pas parlé, mais leur silence lourd parlait de lui-même.
De les voir ainsi, dans leurs armures, avait rappelé à Saga des jours enfuis, où il savait taire le mal qui le rongeait avant que celui-ci ne le plonge dans treize années d'obscurité.
Soudain, quelque chose, une résonnance dans son cosmos, attira son regard bleu à l'endroit où se trouvait la Maison du Cancer. Là-bas, face à Masque-de-Mort, une cohorte d'yeux rouges, démoniaques...la bataille allait commencer ici aussi.

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Cette fiction est copyright Anne-Laure Perrin.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.