Assaut


Seiya court à en perdre haleine. Ses minutes sont comptées.

La place est déserte, comme d'habitude. Ses compagnons n'ont pas mis longtemps avant de disparaître, dispersés dans tous les sens. Shiryu avait certes suggéré de regrouper leurs efforts pour mieux cibler leur assaut : Seiya l'entêté a fait comme s'il n'avait rien entendu, et s'est élancé en solitaire. Hyoga n'a pas tardé à en faire autant dans une autre direction, et le pauvre chevalier du Dragon, soudain tout esseulé, n'a plus eu d'autre choix que de les imiter. "Bien fait", songe Pégase sans ralentir le pas.

Avec un soupir d'impatience, Seiya parvient enfin aux abords du hangar. Une échelle surgit sur sa gauche, comme pour l'inviter à grimper. Le chevalier repousse l'offre avec dédain : monter sur les toits ne l'intéresse pas. C'est l'affaire de Hyoga.

Plus loin, encore plus loin. La petite porte sur le flanc droit du hangar, voilà bien tout ce qui l'intéresse. Seiya ralentit le pas, s'approche avec prudence de l'édifice. L'endroit est retors, il le sait par expérience. Combien de vaillants soldats ont déjà péri en espérant pénétrer le bâtiment par cette voie, il ne le sait. Mais qu'importe ! Seiya n'est pas de ceux que le danger décourage. Et il entend bien le faire savoir.

Tout doucement, à petits pas, il s'avance, la main campée sur la gâchette de son arme. Quelqu'un pourrait se cacher derrière l'embrasure, lui tendre une embuscade. Sa respiration s'atténue, perd en vitesse... puis c'est l'assaut. Dans une énigmatique chorégraphie, Seiya s'avance contre la porte, recule en la voyant s'ouvrir, puis s'élance à l'intérieur sans une hésitation. Devant lui se dressent d'énormes caisses empilées jusqu'au plafond, si proches du mur qu'elles obstruent presque le passage. Plus loin, des bruits de lutte se font entendre. Quelqu'un tire à deux reprises, un autre s'écroule. Seiya se crispe sur son arme.

Coup d'oeil à gauche, coup d'oeil à droite. Et rien. Personne n'a daigné venir l'accueillir. Seiya, rassuré quant à une menace éventuelle, en est presque à trouver cela décevant, lorsque son regard tombe sur un curieux objet échoué sur le sol. Il s'approche. C'est...

Une grenade. Dégoupillée.

Seiya frémit, bondit en arrière dans un réflexe sans espoir. L'explosion lui semble pourtant moins forte qu'il l'aurait cru, et la fumée se dissipe bien vite. Seiya se relève, quelque peu secoué mais indemne. C'est dans de telles circonstances que son armure lui manque le plus. L'espace d'un instant, il s'est senti vulnérable. Si seulement il pouvait utiliser son Cosmos...

Les secondes passent, et nul ne se présente. Seiya n'a plus qu'à choisir son chemin. Gauche ou droite ?

***

Shiryu peste en silence. Seiya sera toujours une tête de mule ! Diviser leurs forces, c'est donner la victoire à l'adversaire, Shiryu le sait. Et Pégase s'en fiche, évidemment... le chevalier du Dragon n'est pas un grognon de nature, mais il n'apprécie guère les comportements impulsifs. Seiya aurait dû l'écouter, voilà tout.

Shiryu s'approche de la façade gauche du hangar, là où se trouve une grande porte de garage à demi ouverte. L'endroit idéal pour un traquenard. Un regard en arrière l'informe que Hyoga non plus ne l'a pas suivi, et a préféré passer par les toits. Soupir.

Shiryu se tapit sous la porte, progresse avec une vitesse toute calculée. Foncer dans le tas sans réfléchir est la pire des stratégies. Tandis qu'il ralentit encore, une rafale de coups de feu s'abat sur une caisse, à deux mètres de son visage. Shiryu s'accroupit encore davantage, se déplace avec lenteur sur sa gauche en se demandant où est le tireur. Sans doute sur la plate-forme, plus haut... le Dragon s'arrête et se colle contre un muret. Reprenant sa respiration, il évalue la position de son adversaire aussi précisément que possible.

Maintenant ! Il court, redresse la tête et pointe le canon de son arme vers... vers rien du tout. Où qu'il fût, son ennemi s'est volatilisé. La plate-forme est vide. Shiryu panique, tourne sur lui-même à plusieurs reprises. L'autre peut se trouver n'importe où, désormais. Le chevalier du Dragon bondit, tire par à-coups dans de multiples directions, jusqu'au moment où son arme émet un cliquetis de détresse. Vide.

Il pousse un juron a demi étouffé, court vers un abri tout en s'efforçant de recharger son arme. Peine perdue. Une seconde rafale, précise et ciblée, le fauche soudain. Shiryu s'effondre sans un bruit.

Là-haut, Ikki change de chargeur. Il a beau savoir que ce succès est dû aux erreurs du Dragon plutôt qu'à ses propres compétences, il jubile. C'est toujours agréable d'abattre la cible avec autant de facilité.

***

L'échelle est maigre et branlante. Pourtant, quelques mouvements suffisent à Hyoga pour parvenir au sommet et bondir sur le toit du hangar. Le Cygne reprend son souffle avant de repartir, et laisse échapper un sourire. Seiya... ce satané Pégase s'est encore moqué des conseils du chevalier du Dragon. Hyoga doute que la dispersion soit la meilleure stratégie en une telle situation, mais tenter de dissuader Seiya eût été utopique. Et puis au diable la stratégie, après tout.

Hyoga se relève, marche sur le toit avec lenteur. Son fusil, pointé vers une cible imaginaire, ne le rassure qu'à moitié. Il aurait préféré disposer de son armure du Cygne. Tant pis.

Au loin retentissent des bruits qui ne sont guère réconfortants. Une rafale de mitraillette, puis une deuxième. Des cris. Une déflagration.

Devant lui, à quelques pas, s'ouvre la fameuse bouche d'aération. Hyoga s'accroupit, s'approche en biais. Un adversaire peut se trouver à l'intérieur. Shun, peut-être. Ou Ikki. Hyoga se mord la lèvre inférieure. Il aurait dû penser à se munir d'une ou deux grenades... trop tard. Il n'a que son fusil, ce qui n'est déjà pas si mal.

Froncement de sourcils. Quelque chose vient de remuer dans ce conduit. Aucune silhouette n'en sort, cependant. Hyoga compte jusqu'à trois, retient sa respiration, et saute, l'index sur la détente.

C'est Shun qui occupe le conduit ! Hyoga reconnaît les yeux doux et candides de son frère d'armes. Bien trop doux et trop candides... "Le problème de Shun, c'est sa répugnance vis-à-vis de la violence, songe Hyoga en pressant la détente à trois reprises. Il hésite toujours avant de frapper. Et ici, toute hésitation est de trop." Le chevalier du Cygne s'avance à pas feutrés, enjambe le corps déjà sanguinolent du trop naïf Andromède. Il s'arrête soudain.

"Tiens ??"

Shun portait une AK-47. Avec un sourire de satisfaction, Hyoga se débarrasse de son lourd fusil et s'empare de l'arme du défunt. Il se sent moins démuni, désormais. Il reprend sa pénible avancée, bifurque vers la gauche. La grille d'aération est juste sous lui. Sans perdre un instant, Hyoga tire. Le métal chute par terre avec fracas. Le Cygne se laisse tomber dans une petite salle, située en haut du hangar. A peine relève-t-il les yeux que deux rafales successives l'atteignent en plein visage avant qu'il ait pu esquisser la moindre contre-attaque. Hyoga s'écroule, mort.

En face, Ikki recharge négligemment son arme avec un petit rire de satisfaction. Plus qu'un ! Seiya ne fera jamais le poids face à lui. C'est comme si la victoire lui appartenait déjà.

***

"Il a dû se faufiler quelque part au rez-de-chaussée. A moi d'aller le cueillir..."

Ainsi songe le Phénix après être redescendu de la plate-forme par un couloir en pente forte. Ikki se trouve toujours dans la même salle : le perchoir d'où il a abattu Shiryu est juste au-dessus de sa tête. C'est le silence qui règne ici. Ikki marche droit devant lui non sans une prudence pointilleuse. Seiya pourrait surgir de n'importe où...

Rien ne se produit. A ses pieds, quelques mètres devant lui, gît le regretté chevalier du Dragon. Ikki parcourt des yeux l'ensemble de la pièce. Rien. Pégase aurait-il oublié sa mission ?

Ikki tressaille. Des bruits de pas... est-ce là quelque mauvais tour de son imagination ? Du côté de la grande porte comme de celui de la petite, nulle âme qui vive. Le Phénix doute. Se tenir en arrière et attendre n'a jamais fait partie des habitudes de Seiya. Le chevalier Pégase est du genre à prendre l'offensive, quand bien même il serait seul et sans armes. Non, tout ça ne lui ressemble pas. Et si...

De nouveaux battements. Un coup sourd. Une porte qui s'ouvre avec un chuintement.

"Il est passé par le toit !"

Ikki tourne les talons, s'élance à toute vitesse dans le couloir ascendant. Pégase ne pourra pas lui échapper.

***

Une fois n'est pas coutume : Seiya a refusé de foncer dans le tas sans réfléchir. L'attaque à la grenade l'a dissuadé d'emprunter la petite porte. Grimper sur le toit de l'édifice lui a soudain semblé être une meilleure approche.

Comme Hyoga quelques instants plus tôt, il s'engage dans le conduit. Le cadavre de Shun repose toujours en travers du chemin dans une posture qui manque de dignité. Un peu plus loin traîne un fusil à pompe, jeté négligemment par son propriétaire. Seiya n'en a cure. Tout comme Hyoga, il bifurque et se laisse choir au centre d'une petite salle. Le chevalier du Cygne a été tué ici même. Seiya contemple un instant le macchabée encore tiède, puis s'élance contre la double porte qui occupe le mur gauche. Après s'être assuré que nul ne le suivait, il pénètre dans la pièce où ont été enfermées les otages.

Seiya soupire, se demande dans quel genre de délire il a échoué. Quatre Saoris, identiques jusqu'au moindre sourcil, se tiennent debout deux par deux, sans rien dire. Quatre pauvres légumes qu'il faut libérer.

- Allez les filles, on est partis ! murmure-t-il en reculant avec précaution.

Les poupées le suivent mécaniquement, se pressent dans la petite salle où repose Hyoga. Seiya lève un temps les yeux, puis fait la moue. Il sera impossible de remonter dans le conduit d'aération. De toute façon, les Cruches ne l'y suivraient pas. Ajustant son arme, il jette un regard à travers l'étroite vitre qui donne sur l'ensemble du hangar.

Ikki ! Seiya ne le voit qu'une fraction de seconde, mais c'est suffisant pour savoir que le Phénix aura atteint l'étage dans un instant. Pégase s'avance jusqu'au bord de la salle, se met en position de tir et ajuste sa visée.

Une seconde passe.
Une deuxième. Seiya retient sa respiration.

Ikki surgit sur la plate-forme. Seiya tire. Le Phénix tombe en arrière, il ne se relèvera plus.

Seiya souffle enfin, et aspire l'air à grandes goulées. C'est bien la première fois qu'il réussit à abattre Ikki ! Ragaillardi par sa victoire, il s'élance sur la plate-forme. Il ne lui reste qu'à rapporter les quatre bibelots jusqu'à son point de départ...

Le sourire béat du chevalier Pégase se volatilise soudain.


WARNING : CONNECTION PROBLEM

- KOAAA ? glapit l'enfant en frappant son clavier à grands coups de poing.

La pièce est sombre, l'atmosphère suintante. Une désagréable odeur de phoque se dégage des lieux, comme si les membres en sueur et les respirations haletantes s'étaient passés le mot pour donner naissance à un fumet qui n'a rien de bien délicat. Les cinq enfants n'y prêtent pourtant aucune attention, plus absorbés par leurs ordinateurs que par des problèmes d'ordre hygiénique. Les yeux hagards, le front ruisselant, la bouche sottement ouverte, Seiya trépigne devant l'écran bloqué dans lequel son avatar gigote encore, à moitié immobilisé dans une grotesque posture.

- Tricheur, Seiya !

L'intéressé se tourne vivement sur sa gauche. Ikki le regarde, furibond.

- On avait dit "pas la 4-6", Seiya ! hurle Ikki. Tu triches !

Concert d'exclamations scandalisées. Seiya n'entend pas se faire ainsi voler une victoire qu'il considère comme un dû. Il se jette sur le Phénix, l'ensevelit sous une masse de coups et de protestations aussi nombreux qu'inefficaces. Shun et Shiryu accourent, séparent leurs frères avec difficulté. Hyoga assiste au spectacle, un rien narquois. La situation semble s'apaiser, lorsqu'un élément perturbateur fait soudain irruption.

- MAIS QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE FOUTOIR !!!

La porte s'est ouverte d'un coup, claque contre le mur. Et le silence s'installe. Saori la douce pénètre dans la salle, tapant violemment le sol de ses grands pas furieux. Un temps décontenancée par la puanteur qui règne en ce lieu, elle se ressaisit et s'en prend aux chevaliers, l'un après l'autre. Elle crie, trépigne, à grands renforts de larmes enfiévrées.

- Vous vous croyez où, dans un camp de vacances ?? Vous n'avez pas honte ?? Pour qui est-ce que vous vous prenez, à passer des journées entières devant un écran ?!?

Silence penaud dans l'autre camp. Aucun chevalier de bronze n'ose seulement relever la tête. Quant à répliquer, mieux vaut ne même pas y songer.

- Ouste ! Vous m'éteignez tout ça, et vous filez ! Kurumada nous attend, la bataille du Sanctuaire va commencer d'une minute à l'autre. Dehors ! Et plus vite que ça !

Seiya et les autres ne se le font pas dire deux fois. Ils déguerpissent à toute allure en évitant soigneusement de croiser le regard de la diablesse. Toute adolescente qu'elle semble être, Saori sait aussi faire montre de colères effroyables, au point d'inspirer la crainte chez ses propres chevaliers.

Une fois ses protecteurs partis, elle fait mine d'emprunter le même chemin. Au dernier moment pourtant, elle se retourne, devine ma présence. Avant que j'aie pu tenter de me défendre, elle s'en prend à moi avec une hargne renouvelée.

- Et toi, Spica, tu n'as donc rien de mieux à faire que de jouer avec MES chevaliers ? Ca t'amuse, de les ridiculiser dans une fanfic aussi stupide et aussi dégradante ? Tu es pathétique ! C'est à croire que tu n'as décidément aucun sens de la dignité. Spica, je ne te félicite pas !

Après quoi elle claque la porte avec tant de force que le mur tout entier se met à trembler. La furie s'éclipse enfin, mettant un terme définitif à toute velléité de réplique. Ca m'apprendra... N'est pas divinité qui veut.

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Cette fiction est copyright.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.