Chapitre 6 : Le Défi d'Arès


Kanon était assis, les jambes étendues sur son bureau, broyant du noir. Cette attaque était foireuse, il le sentait. L'ennui, c'était qu'il ignorait tout des arrières pensées d'Arès, ou plutôt il ignorait tout du plan imaginé par ces petits malins de généraux. Résultat ; ils allaient devoir lancer une attaque à moitié à l'aveuglette, ignorant tout de ce qui les attendait, excepté que c'était très probablement un piège.
En face de Kanon, Dohko attendait patiemment que le Grand Pope lui explique pourquoi il voulait lui parler en privé. A la fin de la réunion, après qu'il leur ait ordonné de se trouver à l'aube devant la demeure du Bélier, tous les chevaliers avaient quitté la pièce mais Kanon avait fait signe à Dohko de rester. Il avait conduit le chevalier de la Balance à ce petit bureau annexé à la grande salle, que le vieux Maître connaissait bien pour y avoir souvent été avec Sion.
Le Gardien de la septième Maison avait l'air grave ; il s'inquiétait peut-être même plus encore que Kanon, car il avait vu les Berserkers en action, et il savait quelle était leur force.
Enfin, le chevalier des Gémeaux releva la tête et regarda Dohko. Il ne restait que quelques heures pour organiser l'offensive, qui débuterait à l'aube. Il n'y avait donc pas de temps à perdre.

- "Dohko, tu dois te douter de la raison pour laquelle je t'ai demandé de rester..."

Le chevalier inclina la tête en signe d'acquiescement.

- "Pour mon expérience, je suppose."
- "Exactement", approuva Kanon. "Je sais que je t'ai déjà interrogé, mais tu es le seul d'entre nous à avoir déjà croisé les Berserkers. Tu m'as parlé de ceux que tu as combattu, de leurs techniques... mais j'aimerais que tu me parles des armées d'Arès en général."

Dohko haussa les épaules, assez perplexe.

- "Il est difficile de faire des généralités, les guerriers d'Arès sont tous différents... Les wardogs sont peu puissants, mais nombreux. Pris un à un, ils sont totalement inoffensifs pour des chevaliers de notre classe. Cependant, à plusieurs ils pourraient poser problème même à des chevaliers d'Argent. Les lieutenant sont dangereux, les chevaliers d'argents auraient sans doute une chance de les vaincre, mais non sans difficultés. Les commandants sont déjà plus problématiques, à notre niveau. Cependant il y a des exceptions ; certains lieutenants sont plus puissants que leur commandant. Les grade sont attribué non seulement en fonction de la puissance des Berserkers mais aussi selon leurs talents de leader et de stratège. Ils ont tous des techniques extrêmement diverses et ingénieuses. Il ne faudra surtout pas les sous-estimer."

Kanon inclina la tête, pensif.

- "Et les généraux ? Toi qui les as affrontés, que penses-tu d'eux ?"

Dohko hésita, visiblement. Son regard s'embruma, et le chevalier des Gémeaux comprit qu'il se remémorait les batailles auxquelles il avait pris part, les amis qu'il avait vu tomber... Lui et Sion, derniers survivants de ce carnage. Kanon attendit avec respect la fin de la méditation du chevalier de la Balance.
Enfin, Dohko s'arracha à ses souvenirs et répondit lentement :

- "Ce sont des dieux... mineurs, certes, mais des dieux quand même... J'avoue que je m'inquiète de la manière dont nous en viendrons à bout. Ils sont très dangereux. Quand nous les avons affrontés..."

Le vieux chevalier serra les poings à s'en faire blanchir les phalanges, et les traits de son visage se tendirent tandis qu'il racontait.

- "Le chevalier du Verseau avait déjà affronté trois commandants... Il en était venu à bout, mais son armure était en miettes. Phobos a commencé par lui, il s'est amusé à le faire souffrir... et il l'a laissé vivant, mais incapable de se battre, pour qu'il puisse voir la mort d'Athéna. Il est mort quelques minutes plus tard en croyant que tout était perdu... Il n'a pas vu la victoire."

La voix de Dohko n'était plus qu'un sifflement, il ne se souvenait que trop bien de ces terribles instants. Combien de fois avait-il cru tout espoir perdu... Et pourtant la scène qu'il venait de raconter n'était rien à côté de certaines atrocités dont il avait été le témoin.
Sa voix reprit un timbre normal alors que le chevalier reprenait le contrôle de lui-même.

- "J'aimerais pouvoir t'aider, Kanon... mais je t'ai raconté tout ce dont je me souvenais sur les Berserkers. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus."

Kanon garda le silence un moment, puis reprit :

- "Très bien... je ne ferais plus appel à tes souvenirs, mais seulement à ton expérience. A ton avis, quel est le plan d'Arès ? Quel avantage peut-il avoir à nous pousser à l'attaque comme il le fait ? Il est clair qu'il n'a pas lancé toutes ses forces contre les humains, seulement ses guerriers les plus faibles. C'était de la pure provocation. Mais pourquoi ?"
- "A mon avis" répondit Dohko, "il veut éviter de nous affronter au Sanctuaire, ou la disposition des lieux joue pour nous. Son but est de nous amener sur son terrain, comme un chasseur qui traque sa proie et la conduit là ou il le désire."

Kanon grimaça, cette métaphore ne lui plaisait pas du tout.

- "C'est une possibilité", convint-il, "mais c'est quand même beaucoup se compliquer la vie pour un résultat somme toute peu probant..."

Dohko haussa les épaules.

- "De toutes les théories que j'ai élaborées, c'est la plus plausible."

Kanon soupira, comprenant que discuter davantage ne les avancerait pas plus. Ils n'avaient pas le choix, de toute manière.

- "Bien, tu peux te retirer Dohko. Nous nous reverrons demain, devant la première maison. Ah, peux-tu dire à Kiki de venir me voir au plus vite ?"

Le vieux chevalier hocha la tête, et s'apprêta à partir.

- "N'oublie pas de dormir, Kanon", dit-il avant de franchir le pas de la porte.

Le Grand Pope hocha la tête, bien que Dohko ne puisse plus le voir. Effectivement, il n'était pas indiqué de partir épuisé au combat. Mais il restait encore des détails dont il devait s'occuper.
Un garde frappa à la porte. Excédé, Kanon leva les yeux vers l'importun.

- "QUOI ENCORE ?!" explosa le chevalier des Gémeaux. "Les chevaliers de bronze en ont marre de manger des nouilles ? Il n'y a plus de papier toilette dans les locaux des apprentis ?! Un garde s'est encore endormi en pleine ronde ?! J'ai du travail alors ça a intérêt à être IMPORTANT !!"

Kanon ne s'énervait pas souvent comme ça, et plus rarement encore avec les subalternes qui étaient déjà bien assez intimidés en sa présence. Mais depuis qu'il était à la tête du Sanctuaire, il avait dû s'occuper tous les jours de dizaines de réclamations dans le genre "on manque de main d'oeuvre pour sortir les poubelles" et il commençait sérieusement à songer à déléguer la tâche à Seiya.
Le garde incriminé sembla vouloir rentrer sous terre, et ce fut d'une toute petite voix qu'il annonça :

- "Euh... c'est le capitaine Alraï qui dit que vous l'avez fait demander... mais je vais lui dire de repasser plus tard, si vous permettez..."

Kanon soupira, regrettant déjà son éclat. Ce fut d'une voix tout à fait modérée qu'il répondit :

- "Non, fais-le entrer."

Le garde hocha la tête et disparut aussi vite que le permettait la bienséance. Presque aussitôt, Alraï apparut à son tour et s'inclina avec un profond respect devant le chef incontesté de la Chevalerie Sacrée d'Athéna. Kanon, les pieds toujours sur le bureau, lui ordonna avec impatience de se redresser.
Celui-ci obtempéra, et bien que gardant les yeux baissés avec l'humilité qui convenait à son rang, il ne put s'empêcher de jeter un regard en coin à l'homme le plus puissant du Sanctuaire, le regardant avec curiosité car il n'avait eu qu'une seule fois l'occasion de le voir sans masque.
Ce masque, Kanon se prenait à le détester de plus en plus. Malheureusement, il ne pouvait y échapper ; bien qu'il ait plus de liberté que la plupart des Popes l'ayant précédé, car Athéna ne l'obligeait à porter le masque que lors d'occasions officielles, il le trouvait quand même très contraignant. Il s'était parfois demandé l'origine de cette coutume, qui lui semblait superflue ; mais aucune archive n'était assez ancienne pour le mentionner. Enfin, il devait sans doute s'estimer heureux de ne pas avoir à s'affubler de l'espèce de casque, il aurait eu l'impression de s'être déguisé en gargouille...
Kanon se carra dans son fauteuil, et prit la parole.

- "Capitaine, je t'ai fait venir car certaines décisions ont été prises lors du Conseil. Je vais donc te laisser mes instructions. Tous les chevaliers vont quitter le Sanctuaire dès demain matin. Par conséquent, toi et tes gardes resterez les derniers protecteurs du Sanctuaire."

Kanon se tut un instant, pour laisser le temps à Alraï d'assimiler ce qu'il venait de dire. Celui-ci écarquillait les yeux, et sa respiration s'était brusquement accélérée. Cependant, il maîtrisa parfaitement l'anxiété qui avait un instant tordu ses traits, et le seul signe du choc qu'il venait de recevoir fut sa respiration sifflante. Visiblement, songea le chevalier des Gémeaux, le capitaine de la garde ne s'attendait pas à ce que la chevalerie quitte ainsi le Sanctuaire.

- "Je n'attends pas de miracles" poursuivit calmement le grand Pope. "En cas d'attaque, ta mission sera simplement de mettre le feu aux archives et à tous les documents qui se trouvent dans ce bureau. Il te faudra également protéger les apprentis qui se trouvent ici. Je ne te donnerai pas d'ordres stricts pour le reste ; je me fie à ton sens de l'initiative."

Il fallait éviter que tout document compromettant tombe entre les mains d'Arès, si jamais il profitait de l'absence des Saints pour s'attaquer au Sanctuaire. Kanon doutait que la moindre offensive soit lancée ; en l'absence d'Athéna et des chevaliers sacrés, le Sanctuaire perdait une bonne partie de son intérêt pour de potentiels adversaires ; un seul objet pouvait attirer la convoitise du dieu de la Guerre, et cet objet Kanon l'emmènerait avec lui.

- "M'as-tu bien compris ?" conclut le chevalier des Gémeaux.
- "Parfaitement", répondit le capitaine avec effort.
- "Une dernière chose", ajouta Kanon après réflexion. "Ne parle à personne de ces ordres, sauf nécessité absolue."

Alraï hocha la tête, sans comprendre vraiment pourquoi le Grand Pope insistait tant pour garder le secret, mais obéissant.

- "Parfait. Ceci mis à part... j'ignore combien de temps nous serons absents, mais il n'est pas question que la discipline se relâche pendant ce temps. Une fois que nous seront partis, tu seras la plus haute autorité du Sanctuaire ; je compte sur toi pour que je le retrouve dans l'état ou je l'ai laissé."
- "Vous pouvez me faire confiance, Grand Pope !" s'exclama avec élan le jeune homme. "Ne vous inquiétez pas pour ça ; tout restera exactement comme si vous étiez là."
- "Je n'en doute pas", marmonna Kanon.

Il fit signe au chef de la Garde de se retirer, et celui-ci obtempéra, non sans jeter un regard empli de dévotion vers son supérieur hiérarchique. L'enthousiasme de la jeunesse... L'innocence d'un homme qui n'avait jamais vu de guerre...
Kanon bailla et jeta un coup d'oeil à la pendule. Il était onze heures passées.
Le chevalier d'Or se leva et se rendit vers la salle des archives. Il y trouva sans peine une carte assez récente, et chercha la localisation exacte de Sparte.
Elle se trouvait sur la rive droite de l'Eurotas, pas très loin de la mer. Deux affluents de l'Eurotas, l'Aenas et la Tisia, la baignaient au nord-ouest et au sud-est. Elle était aussi encadrée de deux monts, à l'ouest le Menelaium et à l'est le Taygète. Une croix, tracée à l'encre par le précédent Pope, indiquait la localisation exacte du Sanctuaire d'Arès, au pied même du Menelaium et à quelques kilomètres de la "creuse Lacédémone", comme l'appelait Homère. Il n'était probablement pas possible de se teleporter directement au Sanctuaire d'Arès, lequel était sans doute protégé contre ce genre d'intrusion, cependant il devait être envisageable de se teleporter à quelques kilomètres de distance.
Kanon plia soigneusement la carte et la rangea là ou il l'avait prise. Mais, au moment ou il quittait la salle des archives, un tourbillon roux vint lui rentrer dedans.

- "Oups, désolé" fit Kiki, encore tout essoufflé. "Je me suis dépêché."
- "Hmm", répondit Kanon, dissimulant son sourire. "J'ai une mission pour toi, Kiki."
- "Quoi, encore ?! Euh... je veux dire, je suis très honoré par votre proposition mais êtes-vous sûr que je sois digne de votre confiance ?" demanda Kiki en étouffant un bâillement.

Cette fois, Kanon s'esclaffa franchement.

- "C'est important" dit-il en reprenant son sérieux. "Et urgent. Je veux que tu ailles trouver Hyoga et Shiryu et que tu leur dise de se présenter au Sanctuaire, demain à l'aube. Explique-leur la situation."
- "Bon, j'y vais" répondit docilement Kiki. "A demain, alors."

L'enfant repartit, à une allure plus modérée, vers les escaliers.
Tout était paré, maintenant ; les chevaliers pouvaient quitter le Sanctuaire sans arrière-pensée.
Le Grand Pope se dirigea donc vers sa chambre, laquelle était située juste à côté de celle d'Athéna. Le lendemain promettait d'être une dure journée...


Le ciel s'éclaircissait à peine quand les chevaliers commencèrent à se réunir devant la demeure de Mû. Celui-ci, bien entendu, avait été le premier sur place, mais il avait vite été rejoint par les autres chevaliers d'Or. Athéna était descendue, escortée par Kanon qui tenait sous son bras une boite, une simple boite faite en bois. Tous les chevaliers l'avaient regardée avec curiosité, mais aucun ne s'était aventuré à poser des question. Et aucun n'avait non plus fait de commentaire sur le masque que Kanon portait. Ce qui était sage car ce dernier n'était pas d'humeur à entendre la moindre remarque, encore qu'il avait vu un petit sourire moqueur passer sur les lèvres d'Aiolia.
Marine et Shaina arrivèrent ensuite, presque en même temps que Hyoga et Shiryu. De Ikki, nulle trace, mais Kanon ne s'était même pas fatigué à le faire rechercher. Il n'avait pas le temps de jouer à cache-cache, et il faisait confiance au Phénix pour être là à l'endroit et au moment ou sa présence serait nécessaire.
Jabu et ses compagnons se présentèrent ensuite, accompagnés de June, Shun et Seiya. Kanon fut surpris de constater qu'ils parvenaient, même à l'aube d'une nouvelle guerre, à rester sereins et détendus.
Silas, Sequana, Arianell, Damon et Borée furent bon derniers, à la grande contrariété de Kanon. Il ne fit pas de commentaires, mais son silence désapprobateur suffit à faire comprendre aux jeunes chevaliers de bronze qu'ils feraient bien de faire attention à l'avenir.

- "Alors, on y va comment au Sanctuaire d'Arès ?" demanda Seiya.
- "Les chevaliers Divins et d'Or peuvent se teleporter. J'aiderai les chevaliers d'argent et de Bronze à en faire autant", répondit Athéna. "Mû et Shaka m'assisteront, et Kanon m'aidera à localiser le lieu d'arrivée."

La déesse se plaça au milieu de ses chevaliers, et se prépara à teleporter les Saints de Bronze et d'Argent. Mû et Shaka allèrent se poster à ses côtés, tandis que Kanon se teleportait. Premier arrivé, le Grand Pope servit de "balise", ce qui donna aux autres chevaliers un point de repère pour le rejoindre. C'était en prévision de cette tâche que le chevalier des Gémeaux avait repéré Sparte la veille au soir.
Il ne fallut pas plus d'une poignée de minutes pour que tous les chevaliers rejoignent Kanon. Utiliser leur cosmos pour se rendre sur les lieux avait signalé leur présence à des lieues à la ronde, mais ils n'essayaient pas vraiment d'être discrets. Athéna voulait faire du rentre-dedans.
Kanon vérifia briévement que personne ne s'était perdu en route, en particulier les chevaliers les plus faibles. Mais, ô surprise, même Jabu était là. Le chevalier des Gémeaux se prit à croire aux miracles.
Regardant autour de lui, le chevalier constata qu'ils se trouvaient au pied d'une montagne, probablement le mont Taygète. A quelques kilomètres de là, le Menelaium se découpait sur l'horizon. Kanon l'indiqua à la Déesse et aux chevaliers.

- "C'est là notre destination finale", expliqua-t-il.
- "Alors, en route" ordonna la Déesse.

Elle n'avait pas desserré les dents depuis sa déclaration de guerre, et les heures passées n'avaient pas vraiment calmé sa colère, constata Kanon. Mais elle se maîtrisait parfaitement, et il ne s'en formalisa donc pas.
Suivant leur Déesse, qui marchait d'un pas vif, les Saints mirent quelques minutes à peine pour atteindre le Menelaium. Kanon songea que ce devait bien être la première fois, dans toute l'histoire de la chevalerie, qu'Athéna se serait ainsi précipitée au combat.
Il ne tarda pas à remarquer, ici et là, des ruines de bâtiments dont l'architecture était indubitablement grecque. Des colonnes brisées, des pierres de taille éparses... Tout comme dans le Sanctuaire d'Athéna, il s'agissait de temples détruits durant les guerres Saintes et trop endommagés pour que cela vaille la peine de les réparer. Généralement, dans ces cas-là, on en construisait un neuf et on laissait les ruines en l'état.
Donc, logiquement le Sanctuaire d'Arès devait être tout proche. Cette idée augmenta la tension de Kanon, car en tant que Grand Pope sa tâche était de protéger Athéna. Il devait donc se tenir prêt à toute éventualité. Et ce fichu masque lui irritait la peau. Pour l'avoir porté si longtemps Sion devait vouloir expier un très grand nombre de pêchés, ou alors il était maso.

Brusquement, Athéna se figea. Surpris, Kanon fit de même, imité par tous les autres. Curieux de savoir ce qui pouvait ainsi troubler la Déesse, il étendit ses perceptions, qu'il avait jusqu'alors circonscrites à un faible rayon.
Sous le coup de la surprise, il écarquilla les yeux ; il ne sentait plus les cosmos des Berserkers qui, depuis vingt-quatre heures, n'avaient pas cessé leur assaut contre les humains. Cela ne rimait à rien... ou plutôt, tous les éléments se mettaient en place, comprit Kanon. Si cet assaut avait pour unique but de les amener ici, maintenant que c'était fait il n'y avait aucune raison de le poursuivre; Mais dans quel piège étaient-ils donc tombés ?

Tous ses sens en alerte, Kanon dut être le premier, ou plutôt le deuxième juste après Athéna, à repérer le cosmos du Berserker. C'était qu'il le cachait bien, l'enf...
Perché sur une colonne brisée, il attendait en faisant mine de s'ennuyer terriblement. La posture agaça profondément le chevalier des Gémeaux, qui se retint de justesse de lui envoyer son explosion galactique. Mais il préférait éviter de dévoiler dès maintenant son atout maître.
Le Berserker sauta à bas de la colonne et s'avança vers le groupe de chevaliers, sans se cacher. Il n'avait pas l'air hostile, bien qu'incroyablement insolent. Il se présenta avec un stupéfiant orgueil, à croire que son identité était d'une importance primordiale.

- "Je suis Nekron de Shaitan, lieutenant de la Première Phalange de l'Armée de..."
- "On s'en fout", coupa Kanon. "Que veux-tu ?"

Vexé, le Berserker foudroya le chevalier du regard. Il ne reçut en retours que la froideur inexpressive d'un masque... bleu ?
C'en fut trop pour le Berserker ; il éclata de rire.

- "Ah... mpfff... excuse-moi... mouahaha... tu dois être le chevalier du Schtroumpf Maudit, non ?" parvint-il à articuler entre deux éclats de rire.

Pour le coup, Kanon faillit lui régler son compte. La seule chose qui sauva le Berserker d'un destin rapidement expédié fut la main qu'Athéna posa sur le bras du Grand Pope.

- "Mais je m'égare", poursuivit Nekron. "J'ai ordre de vous mener à Sa Majesté Arès; Soit dit en passant ça fait trois plombes que je vous attendait."

Le Grand Pope et Athéna échangèrent des regards incrédules. Qu'Arès les attende, voila qui n'était pas bien surprenant puisque tout portait à croire qu'il les avait attirés ici ; mais qu'il ait demandé à l'un de ses Berserkers de les guider...

- "Cela ressemble presque trop à un piège pour en être un" murmura Kanon.
- "Sauf que vu la situation, nous ne risquons pas grand chose à le suivre... Nous sommes déjà dans la gueule du loup, alors un peu plus, un peu moins..."

Le chevalier des Gémeaux haussa les épaules. Il n'y avait rien à objecter à un pareil raisonnement. Athéna leva les yeux vers Nekron, et annonça :

- "Très bien... nous te suivons."

Le Berserker se leva et marcha en avant. Athéna s'avança tranquillement à sa suite, tandis que le sang de ses chevaliers ne faisait qu'un tour. Tous tendus, prêts à tout, ils la suivirent, jetant des regards méfiants de tous côtés. Nekron, ayant remarqué leur manège, se retint à grand peine de ricaner.
Ils ne marchèrent pas plus de quelques minutes. Très vite, ils parvinrent aux abords du Sanctuaire même d'Arès. Mais pendant ces quelques minutes, Kanon avait perçu de plus en plus de cosmos, non pas agressifs mais néanmoins... hostiles.
Nekron les mena en fin de compte à un terrain plat, que surplombait un temple auquel menaient des marches de pierres. Sur ces marches...

- "Arès" murmura Athéna, si bas que Kanon dut bien être le seul à l'entendre.

Le dieu de la guerre était la, seul, sans armure. Détendu et souriant, il attendait ses ennemis de toujours... Le fils d'Héra était peut-être un psychopathe sanguinaire, mais indubitablement il ne manquait pas de courage.
Il n'était pas non plus totalement inconscient, car Kanon percevait parfaitement les cosmos, intenses et agressifs, de ses quatre généraux. Pour l'instant, ils n'étaient pas visible, mais ils restaient assez près pour pouvoir intervenir en cas de besoin.

Le dieu se leva, lentement, calmement, et toujours souriant s'avança vers Athéna. Kanon se crispa légèrement, mais Arès s'arrêta à une vingtaine de mètres d'elle. Il ne voulait pas que ses gestes puissent être pris par inadvertance pour une attaque. Un telle prudence, venant de ce dieu-là en particulier... étrange, songea le Grand Pope.
Il ne paraissait pas disposé à déclencher les hostilités, aussi Athéna s'avança-t-elle de deux bons pas et ordonna, d'une voix assez forte et claire pour être parfaitement entendue par tous les protagonistes.

- "Arès ! Je t'ordonne d'arrêter immédiatement tous ces massacres ! En menaçant la terre, c'est à moi que tu t'attaques ! De telles exactions ne doivent plus avoir lieu."

A la grande stupéfaction de Kanon, le dieu de la guerre inclina la tête en signe d'acquiescement. Incrédule, le chevalier des Gémeaux se demanda si il avait bien vu. C'était vraiment Arès, qui là, sous ses yeux, venait d'accepter des ordres d'Athéna ?
Je savais que j'aurais du prendre mon appareil photo...
Mais déjà, le dieu prenait la parole.

- "Athéna, si je t'ai fait venir ici c'est parce que j'ai une proposition à te faire."

La déesse haussa les sourcils et attendit la suite avec curiosité.

- "Athéna, je te demande ta main. Épouse-moi."

Celle-ci, prise au dépourvu, en resta sans voix, tandis que Kanon se demandait ce que pouvait bien couver Arès pour faire une proposition pareille. Lequel de ses généraux avait bien pu lui souffler une idée aussi absurde ?

- "Je renoncerai à toute idée de conquête si tu m'épouses" poursuivit le dieu.

Pour la première fois, il sembla s'animer.

- "Réfléchis bien, Athéna, avant de refuser. Tu as démontré la valeur guerrières de tes chevaliers en jetant à bas successivement Poséidon et Hadès, et je ne parle même pas des Guerriers Divins... Une fois alliés, rien ne nous résisterait ! Tes chevaliers et mes Berserkers formeraient une armée invincible ! Qui pourrait nous tenir tête ?! Nous pourrions même renverser Zeus, et régner à sa place sur l'Univers tout entier !!"

Au fur et à mesure qu'il parlait, Arès soulignait ses paroles de gestes enthousiastes, ses yeux brillaient tandis qu'il imaginait visiblement la fin du règne de son père Divin et sa propre accession au trône. Mais les yeux d'Athéna s'étaient écarquillés d'horreur, et elle s'exclama :

- "Il n'en est pas question ! Tu es devenu fou, Arès ! Comment peux-tu parler de soulèvement contre notre père ?"

Refroidi par cette réponse, quoique au fond guère surpris, Arès hocha lentement la tête.

- "Je me doutais de ta réaction, Athéna... Mais j'ai tenu à faire mon offre. Question de principes, vois-tu. Enfin, puisque tu refuses cette proposition, laisse-moi t'en faire une autre que tu ne pourras décliner."

La jeune femme s'accorda une poignée de secondes pour se calmer, puis répondit :

- "Je t'écoute, Arès, mais tu as intérêt à être convaincant."

Il sourit, prenant son temps. Il était en position de force, et la déesse le savait.

- "Je te propose un défi" se décida-t-il quand même à dire.
- "Un... défi ?" répéta prudemment Athéna.
- "Oui. les modalités sont simples ; si tu perd, tu m'épouses et tu obéis à tous mes ordres. Sans quoi je détruis la terre. Si tu gagnes... je ne déclencherais pas d'offensive pour cette fois."

Troublée, Athéna hésita. Ce défi était un bien grand risque. Kanon pour sa part pensait qu'il valait mieux se méfier de toute proposition faite par Arès. Il espéra qu'Athéna ne prendrait pas de décision hâtive, et fut soulagé de la voir se mettre à réfléchir.

- "Tu peux réfléchir à ma proposition, si tu veux" fit Arès avec une générosité feinte.

Athéna acquiesça.

- "Oui, c'est ce que je vais faire."

Le dieu de la Guerre recula de quelques pas pour laisser Athéna tenir un conciliabule avec ses chevaliers. Debout au milieu d'eux, elle demanda :

- "Alors, que pensez-vous de cette proposition ?"
- "Elle nous permet de nous battre suivant certaines règles... ce qui est tout à notre avantage" observa Dohko.
- "Précisément", coupa Kanon. "Venant d'Arès, c'est louche. Je ne vois pas pour quelle raison il voudrait nous faire une pareille faveur. Il prépare quelque chose."
- "Avons-nous le choix ?" protesta Aldébaran. "Il nous offre un avantage. C'est peut-être un piège, mais si nous jouons bien nous parviendrons peut-être à prendre parti de la situation sans tomber dans ce piège. Si nous refusons, ce sera de toute manière un vrai massacre, de part et d'autre."
- "Je pense" dit lentement Shaka, "que nous devrions accepter."

Des regards surpris se tournèrent vers lui. Shaka ouvrait rarement la bouche, mais quand il parlait il était généralement sage de l'écouter.

- "Le principe même d'un piège est la surprise" observa Aioros. "Si nous savons qu'il y a un piège, nous avons des chances de parvenir à l'éviter. Je suis de l'avis de Shaka."

Athéna réfléchit un moment, puis acquiesça.

- "Alors je remet ma vie entre vos mains, chevaliers" annonça-t-elle.

Malgré sa répugnance, Kanon n'ouvrit pas la bouche pour protester. Il savait qu'aucune autre décision n'était envisageable, mais il serait vigilant, et quels que soient les projets d'Arès ce dernier ne les mettrait pas a exécution facilement, se jura le chevalier des Gémeaux.

Pendant toute la conversation, les chevaliers Divins étaient restés silencieux. Leur rang leur aurait pourtant permis de donner leur avis, mais Kanon avait parfois l'impression que tout cela leur passait un peu au-dessus de la tête. Enfin, au moins Seiya avait-il eu le bon sens de...

- "Quoi ?!" s'exclama celui-ci, comprenant enfin ce qui se passait. "Mais enfin, Saori, vous n'allez pas prendre le risque de devoir épouser ce fou sanguinaire !"

Rectification ; il n'avait pas eu le bon sens de se taire.
Néanmoins Kanon remarqua avec une sombre satisfaction que Seiya, dans sa stupidité, avait crié largement assez fort pour que tout le monde l'entende, c'est à dire non seulement les Berserkers mais aussi Arès lui-même...

- "Seiya, je n'ai pas le choix" murmura Athéna. "Tu le sais aussi bien que moi. Jusqu'à maintenant, tu as toujours accompli ton devoir de chevalier d'une manière exemplaire ; maintenant, c'est à mon tour d'accomplir mon devoir en protégeant la terre. Et puis, je compte sur toi pour que je ne sois pas obligée de l'épouser, justement."

Seiya rougit, marmonna quelque chose d'inaudible, mais ne protesta plus. Athéna se détourna de lui et s'avança vers Arès.

- "J'accepte ton défi, mon frère. Explique-moi donc en quoi il consiste, exactement."
- "C'est simple", répondit Arès avec le sourire d'un fauve qui vient d'acculer sa proie. "tes chevalier contre une de mes armées, le camp qui a le moins de pertes est déclaré vainqueur."

Quoi qu'il puisse se passer, affronter une armée d'Arès était bien moins effrayant qu'en affronter quatre. Athéna acquiesça sèchement de la tête.

- "Très bien, je suis d'accord."
- "Excellent !" s'exclama Arès. "Alors, inutile de perdre du temps... L'affrontement doit se dérouler en terrain neutre. Il y a, non loin d'ici, une arène déserte dont se servent parfois mes Berserkers pour s'entraîner. Comme cet endroit se trouve en dehors de mon Sanctuaire, je gage que cela te conviendra. "

Il tendit courtoisement son bras à Athéna, qui posa une main légère dessus. Kanon leur emboîta le pas, à la droite de la Déesse comme il se devait. Les chevaliers suivirent, la rage au coeur. La situation ne plaisait à personne ; il y avait trop d'inconnues, trop d'impondérables.

Arès conduisit Athéna jusqu'à une arène, qui ressemblait curieusement au Grand Coliseum de l'île sacrée. Tous ces Sanctuaires avaient-ils donc été construits par le même architecte ? se demanda Kanon.
Mais il y avait plusieurs différences importantes ; d'abord, cette arène-çi était curieusement barbouillée de taches rouges. Il y en avait partout ; sur les murs, sur les gradins, et jusque sur le sable qui recouvrait le sol. Le chevalier des Gémeaux ne mit pas longtemps à comprendre de quoi il s'agissait. C'était du sang.

- "Ils ne la nettoient jamais, leur arène ?" marmonna Aiolia, dans le dos de Kanon.
- "Tu n'aimes pas ? Moi je trouve ça plutôt mignon" ricana Death Mask.

Mais le chevalier du Cancer n'avait pas un rire tout à fait convaincant - ce qui lui évita d'extrême justesse de recevoir un uppercut du Lion. Kanon se contenta de sourire sous son masque. Il se surprenait à bien aimer Death Mask toujours si cynique... Il ne manquait pas de finesse, ni d'intuition et de tact lorsqu'il le voulait. Tant que sa hargne était dirigée contre les Berserkers...

Kanon trouva le sourire d'Arès très déplaisant, lorsque celui-ci se tourna vers Athéna pour discuter des modalités du défi.

- "Je propose que les combats se fassent l'un après l'autre, avec bien entendu interdiction d'intervenir pendant l'affrontement sous peine de reconnaître sa défaite. Tu es accompagnée par... trente chevaliers, c'est ça ?"
- "Vingt-neuf", coupa sèchement Athéna. "Kanon est mon Grand Pope."

Celui-ci faillit protester, mais il se retint. La déesse devait avoir ses raisons pour l'empêcher de prendre part aux combats, et de plus il n'était pas question de la contredire en public. Surtout face à son pire ennemi.

- "Ah ? C'est donc ce que signifie ce masque..." murmura Arès en dévisageant le chevalier des Gémeaux avec curiosité. "Comme tu veux, Athéna. Vingt-neuf, donc... Ils se battront contre l'armée du Malheur, commandée par Deimos. Il va de soi que Deimos ne prendra pas part aux combats..."

La bonne volonté d'Arès était trop exagérée pour être réelle. Kanon jeta un regard en coin vers Dohko ; le visage sombre et crispé du vieux chevalier suffit à lui indiquer qu'il se méfiait, lui aussi.

- "Tu peux choisir lequel de tes chevaliers combattra en premier", poursuivait Arès, "je ferais de même avec mon armée. Mais, je t'en prie, assieds-toi, ma très chère soeur."

Athéna regarda avec dégoût les gradins, mais Arès lui indiqua d'un geste la place d'honneur, laquelle était rutilante de propreté et formait un étrange contraste avec le reste de l'arène. Athéna posa une main légère sur le bras de Kanon, qui la mena à l'endroit indiqué. Les chevaliers sacrés s'installèrent autour d'elle ; mais elle fit signe à Dohko de s'installer à sa gauche, tandis que Kanon s'asseyait à sa droite. Pendant ce temps, Arès prit place en face au milieu de ses armées, bientôt rejoint par un homme à la longue chevelure rouge sang. L'aura du nouveau venu était extraordinaire, même si elle était en partie éclipsée par celle de l'Olympien. Il devait d'agir, à coup sûr, d'un dieu.

- "C'est Deimos, dieu de la Crainte", souffla le chevalier de la Balance à Kanon.

Le chevalier des Gémeaux haussa un sourcil sous son masque et fixa le dieu mineur avec intensité. C'était donc là l'un des quatre généraux du dieu de la Guerre...
Beaucoup moins grand et d'une carrure moindre que celle d'Arès lui-même, Deimos avait pourtant de quoi en remontrer à plus d'un chevalier. Sa musculature, pour être discrète n'en était pas moins présente. Son visage, racé, son front haut et son regard pensif suggéraient quelqu'un de très intelligent et réfléchi. Il était un combattant, certes, mais avant tout un penseur.
Le général ne tarda pas à être rejoint par trois autres personnages au cosmos aussi démentiel que le sien ; un homme et deux femmes. Ce devaient être Eris, Enyo et Phobos. D'ailleurs ce derniers avait une ressemblance troublante avec Deimos ; c'était difficile à certifier à cette distance, mais ils étaient probablement frères jumeaux. Seule les cheveux courts de Phobos le différenciaient de Deimos.
Athéna coupa court aux réflexions de Kanon.

- "Nous devons choisir lequel des nôtres combattra en premier. Nous ignorons quel adversaire il devra affronter..."
- "Eux aussi l'ignorent" souligna Dohko.
- "C'est juste. Mais cela ne rend pas les choses plus faciles... Quel est votre conseil, chevaliers ?"

Kanon échangea un regard avec Dohko, qui visiblement avait eu la même pensée que lui.

- "Seiya."

Il put suivre la lutte intérieure à laquelle se livrait Athéna, ses diverses émotions se lisant sur son visage. Crainte et espoir mêlés... Elle avait confiance en Seiya, mais elle avait eu si peur de le perdre qu'elle ne se sentait pas la force de le renvoyer sur un champ de bataille. Et pourtant... il faudrait bien qu'il combatte, à un moment ou à un autre... Combien de vies dépendaient de lui ? Avait-elle le droit de laisser ses sentiments prendre le pas sur son devoir et sa raison ?

- "Tu es de cet avis, Dohko ?" demanda-t-elle.
- "Oui", répondit sans hésiter le chevalier de la Balance.
- "Alors... qu'il en soit ainsi", dit-elle d'une voix blanche, malgré tous ses efforts pour rester impassible.

Kanon se sentit désolé de son affliction, mais il ne regrettait pas son choix. Du reste, il n'était pas trop inquiet pour Seiya ; quelqu'un capable de briser le Main Blade Winner et de tenir tête à Hadès devait pouvoir faire face à un Berserker, même pas un général, sans difficultés. Même si il y avait de fortes chances pour qu'il ait à affronter quelqu'un de puissant. Arès voudrait tester l'armée adverse, voir de quoi ils étaient capables. Il ne serait pas déçu.
Le Grand Pope se retourna, et fit signe à Seiya, qui était resté avec ses frères, d'y aller. Devinant aisément ce qui l'attendait, Seiya eut un sourire confiant pour ses frères, et, se dégageant de l'étreinte fraternelle de Shun, se dirigea vers l'Arène. De l'autre côté, d'une manière quasi-symétrique, un Berserker descendait également
Kanon l'observa, et un sourire sauvage prit naissance sur les lèvres du chevaliers des Gémeaux, alors qu'il regardait le Berserker marcher vers une défaite probable sinon certaine.
Pourtant, l'adversaire de Seiya était loin d'être faible, à en croire son aura. Il était même plutôt puissant, songea Kanon qui regrettait moins que jamais d'avoir envoyé Seiya en première ligne.
Le chevalier des Gémeaux détailla l'armure du Berserker ; elle étincelait et vibrait presque de puissance contenue. Elle était écarlate et recouvrait intégralement le corps de son possesseur. Dans son dos, on distinguait des ailes ; celle de droite représentait des plumes stylisées, un peu comme l'armure du Cygne, alors que la droite, asymétrique, faisait plutôt penser à une aile démoniaque. Avec beaucoup de bonne volonté, on pouvait lui trouver une très vague ressemblance avec celles de l'armure du Dragon.

Les deux guerriers, Berserker et chevalier, se tenaient maintenant face à face. Le guerrier d'Arès paraissait très sûr de lui. Il allait vite déchanter, songea le chevalier des Gémeaux.

- "Je suis Arjuna de Raksava, lieutenant dans la première Phalange de l'Armée du Malheur, au service d'Arès."

Le Berserker avait parlé assez fort pour que Kanon parvienne à l'entendre. Son arrogance, malheureusement, n'avait d'égale que sa puissance.
Shaka, assis à la droite de Kanon, lui souffla :

- "Ce Berserker... de quel emblème s'est-il réclamé ?"

Le Grand Pope fouilla dans sa mémoire, il n'avait pas fait très attention au nom étrange du Berserker. Mais aussi, il avait d'autres sujets de préoccupation.

- "Rakaja, ou quelque chose comme ça, je crois. Pourquoi ?"
- "Raksava !" s'exclama Shaka.

Kanon haussa un sourcil surpris et attendit que Shaka s'explique.

- "C'est un démon indien", expliqua le chevalier de la Vierge. "cruel et sans pitié..."
- "Mouais... ça ne nous avance guère. De toute façon, je fais confiance à Seiya pour en venir à bout", répondit distraitement Kanon.

Et justement, le chevalier Pégase haussait les épaules, l'air de s'ennuyer terriblement.

- "Moi c'est Seiya, chevalier Divin sous la protection de la Constellation de Pégase, Saint de troisième Catégorie au service de sa Majestueuse Majesté Athéna, Grand Sauveur à temps partiel de Sa Magnificence. Ah oui, et j'allais oublier, pourfendeur de Berserkers arrogants."

Arjuna écarquilla les yeux avant de comprendre que Seiya se payait sa tête. Le guerrier d'Arès serra les dents, essayant vainement de se contrôler.

- "Tu vas... regretter de t'être... moqué AINSI !!! explosa-t-il, bégayant de rage. "On verra si tu seras aussi arrogant dans deux minutes ! Demon's dance !!"

Il était si furieux qu'il frappa sans faire attention à bien cibler ses coups. Il se jeta sur Seiya à l'aveuglette, envoyant des coups surpuissants mais mal dirigés. Seiya n'eut pas trop de mal à les éviter, se contentant de se jeter hors de la trajectoire du guerrier adverse.

- "C'est tout ?" railla le chevalier Pégase. "J'ai rien senti."

Arjuna, qui venait d'achever son attaque dans le vide et avait dépassé le Saint, se retourna vers lui, livide de colère. Il ouvrit la bouche pour lancer une autre attaque... et au dernier instant se ravisa. Il reprit son calme aussi rapidement qu'il l'avait perdu, comprenant brusquement que sa réaction était stupide. Kanon fulminait ; Seiya avait eu cet imbécile de Berserker à sa merci et n'en avait pas profité. Il aurait dû se servir de cet accès de rage pour assener un coup unique et fatal au Berserker ; maintenant, c'était trop tard et Arjuna ne se laisserait sans doute plus avoir aussi facilement...

- "Par les Météores de Pégase !" s'écria Seiya.

Au même moment, Arjuna répliqua :

- "Demon's dance !"

Mais cette fois-çi, l'attaque du Berserker n'avait rien à voir avec la précédente; Elle était plus rapide, plus précise, plus efficace. Stupéfait, Seiya s'aperçut qu'il avait été touché au bras, puis dans le dos. Ce n'étaient que des égratignures ; mais bientôt, les coups se firent plus puissants, et qui plus est le chevalier Pégase ne parvenait plus à localiser son adversaire. Arjuna semblait attaquer de tous les côtés à la fois, et les coups de Seiya se perdaient dans le vide.
Lorsque l'attaque du Berserker prit fin, Seiya n'avait rien compris et son armure était profondément rayé en plusieurs endroit. Une estafilade barrait sa joue, d'où coulait un mince filet de sang.

- "Alors ? Te voila moins bavard, soudainement !" se moqua le guerrier d'Arès, qui lui n'avait pas été touché du tout.

Seiya ne répondit pas ; il réfléchissait. Arjuna l'avait attaqué de plusieurs côtés à la fois, comme en témoignaient ses blessures. Il devait donc se déplacer très rapidement, autour de lui. C'était la logique même, restait à vérifier cette théorie.

- "Bah, tu m'as eu par surprise, mas je ne suis pas sûr que tu réussisses encore à me toucher..." susurra Seiya, toujours provocateur.

Mais Arjuna se contenta de sourire, confiant en son attaque.

- "Si tu n'es pas convaincu... Demon's dance !"

Mais cette fois-çi, le chevalier Pégase se tenait prêt. Il suivit les déplacement d'Arjuna, lequel était très rapide. Mais Seiya maîtrisait le septième sens mieux encore que le Berserker.
Je le vois ! songea-t-il.
Il bloqua un premier coup qui aurait dû l'atteindre au visage, et le suivant qui visait son torse. Lorsqu'il fut certain de bien avoir mémorisé les déplacements d'Arjuna - toujours les même - il se prépara, et lança son attaque à l'instant précis ou le Berserker passait dans sa ligne de mire.

- "Par les Météores de Pégase !"

Les coups bien portés de Seiya brisèrent la ronde infernale du guerrier adverse, qui, malmené par les Météores, alla s'écraser au bout de l'Arène. Exagérément satisfait de lui, Seiya se redressa nonchalamment. Mais Arjuna était loin d'être hors de combat, et il se redressa presque aussitôt. Kanon fut surpris par l'incroyable résistance de son armure, à peine abîmée par les coups du chevalier Divin. C'était vraiment surprenant... Et ce n'était pas tout. Il y avait quelque chose d'étrange, avec cette armure, une sorte de résonnance cosmique, comme si l'armure vibrait d'un cosmos particulier, et indépendant du Berserker.
Et il n'y avait pas qu'Arjuna ; tous les cuirasses des Berserkers présentaient cette anomalie, Kanon le sentait. Qu'est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ?

- "Incroyable... il a bloqué ma technique..." marmonna le Berserker entre ses dents. "On va voir s'il bloque celle-là..."

Il reprit, à voix haute :

- "Joli coup, chevalier... mais essaie donc de parer ça ! HELL'S THOUSAND DEMONS !!"

Seiya écarquilla les yeux en voyant son adversaire, encadré de milliers de démons horribles, repoussants. Shaka aurait pu lui dire qu'ils ressemblaient à des démons tirés du culte hindou, seulement voila, Shaka n'était pas là.
Il en fallait beaucoup pour effrayer le chevalier Pégase, mais voir des milliers de créatures repoussantes fuser sur soi en aurait impressionné plus d'un. Il leva instinctivement les bras pour se mettre en garde haute... et reçut dans la seconde suivante un coup surpuissant dans l'abdomen. Le souffle coupé, projeté en arrière avec une incroyable violence, Seiya retomba au sol si brutalement qu'il aurait juré que l'arène en avait tremblé.
De là ou il était, n'étant pas affecté par l'illusion, Kanon avait pu voir Seiya se protéger contre une menace invisible, et Arjuna passer sous sa garde, prenant tout son temps pour lui assener un coup terrible.

- "Mais qu'est-ce qu'il fout ?!" gronda entre ses dents le chevalier des Gémeaux, agacé de voir une victoire facile devenir un rude défi.

Dans l'arène, Seiya ne menait pas large en se redressant. Obnubilé par l'illusion, il n'avait pas vu Arjuna, et se demandait encore d'ou venait le coup qui l'avait abattu. Arjuna avait de toute évidence plus de ressources que prévu. Décidé à ne pas laisser au Berserker l'opportunité de lancer à nouveau son attaque, Seiya se releva péniblement et aussitôt s'exclama :

- "Par la comète de Pégase !!"
- "Pfft, abruti, c'est la même attaque !" se moqua le guerrier d'Arès.

Il s'apprêta à esquiver facilement l'offensive. Mais, brusquement, les météores prirent de la vitesses et se regroupèrent pour se transformer en une énorme comète, toute prête à s'abattre sur Arjuna. Déstabilisé par cette attaque qu'il avait cru aisée à parer, n'ayant plus le temps d'esquiver, le guerrier n'eut que le temps de croiser les bras devant son visage en une parade basique. Ce fut largement insuffisant face à une attaque de cette ampleur.
Le fracas fut tel que personne n'entendit le hurlement de douleur d'Arjuna quand la comète s'abattit sur lui, ravageant au passage une partie de l'arène. Lorsque la lumière, la fumée et les gravats retombèrent, Seiya s'approcha du trou laissé dans le sol pour voir ce qui restait de son adversaire.
Il n'était pas réduit en poussière, ce qui témoignait soit d'une incroyable pugnacité, soit d'une puissance impressionnante. Plus surprenant encore, son armure n'était pas tellement abîmée. La puissance de l'attaque de Pégase avait été telle que le corps du Berserker était brisé, mais sa protection, insolemment résistante, était juste fissurée. Cependant, Seiya s'en rendit compte rapidement, Arjuna était mourant et inconscient.
Haussant les épaules, le chevalier Pégase s'éloigna du trou et quitta l'arène, tandis que des wardogs arrivaient pour récupérer le corps. La victoire du chevalier d'Athéna était plus qu'éclatante.
Finalement, Seiya avait gagné sans trop de difficultés, songea Kanon. La comète de Pégase était une attaque dépourvue de finesse, mais sa puissance brute avait un pouvoir de destruction gigantesque. En sommes, une technique bien dans le style de son possesseur.

Jetant un regard en coin à Athéna, Kanon la vit essuyer discrètement une larme de soulagement. Non qu'elle ait réellement craint pour la vie de Pégase, mais elle n'avait pu s'empêcher de s'inquiéter pour lui.

En revenant vers eux, Seiya eut un sourire satisfait et s'exclama :

- "Bah, trop facile !"

Kanon eut un reniflement agacé mais ne releva pas. Pégase était encore si naïf... Arjuna était fort, certes. Mais il n'était pas à la hauteur de Seiya. Rien ne garantissait que les prochains combats se finiraient de la même façon.
En parlant de prochains combats, le camp d'Arès avait visiblement déjà choisi leur prochain champion. Un homme, petit et svelte, descendait vers les arènes, l'air détendu et confiant. Son aura, à première vue, n'était pas exceptionnelle, mais Kanon se méfiait. Vu son armure, il devait être au moins lieutenant, et Arès n'avait pas de lieutenant si faible que ça. Il y avait anguille sous roche.
Aldébaran se leva et se tourna vers sa déesse et le Grand Pope.

- "Laissez-moi y aller", suggéra-t-il. Je vous en débarrasserai rapidement.

Athéna acquiesça.

- "Oui, vas-y, je t'en prie, Aldébaran."

Satisfait, l'imposant chevalier descendit à son tour vers l'arène. Kanon l'observa, s'avançant vers son adversaire avec fierté, confiance, décision. Aldébaran était un chevalier exemplaire, courageux, réfléchi, intelligent. Il tiendrait sans nul doute parole en se débarrassant rapidement de ce Berserker fluet. Même si ce dernier recelait des surprises, Kanon faisait confiance au chevalier du Taureau pour y faire face.

- "Aldébaran, chevalier d'Or du Taureau. A qui ai-je l'honneur ?"

La voix grave et grondante du Gardien de la deuxième Maison résonnait dans la vaste arène. En comparaison, la voix du petit Berserker, d'un doux soprano, semblait être celle d'un enfant.

- "Raphaëllo du Démon, lieutenant de la première Phalange de l'armée du Malheur. A ton service, chevalier."

Aldébaran prit alors sa pose favorite, bien campé sur ses jambes, les bras croisés. Le Berserker le regarda avec une certaine perplexité.

- "Hum... sans vouloir te déranger, Aldébaran, nous sommes censés nous battre, là..."

S'il fut surpris de la courtoisie du Berserker, quelque peu déplacée en ce lieu et à ce moment précis, le chevalier du taureau n'en montra rien, et il répondit avec la même politesse :

- " Mais je t'en prie... je suis prêt."

Bien que surpris, Raphaëllo haussa les épaules. Après tout, si le chevalier ne voulait pas se défendre, ce serait tant pis pour lui, disait son attitude. Aussi se mit-il en position de combat et enflamma-t-il son cosmos pourpre. En réponse, l'aura dorée d'Aldébaran brilla-t-elle autour du Saint d'Athéna, qui attendait avec un calme impressionnant que le Berserker lance son offensive.
Celle-ci ne tarda d'ailleurs pas. Raphaëllo semblait vouloir en finir au plus vite.

- "Demon's deadly fist !"

L'attaque, jugea Kanon du haut des gradins, ressemblait furieusement à une variante des météores, en un peu plus vicieux toutefois, car au lieu d'aller tout droit les coups décrivaient des courbes improbables, faites pour surprendre l'adversaire.
Cependant, Aldébaran ne s'en laissa pas conter et répliqua avec son attaque favorite.

- "Great horn !"

L'arcane du chevalier du Taureau balaya littéralement l'offensive de son adversaire, trop lente pour être réellement dangereuse, et alla frapper directement Raphaëllo. Celui-ci fut projeté en l'air par le contrecoup de l'attaque, et retomba dans un horrible fracas de pierre brisée et de métal frottant contre le sol.
Sûr d'une victoire facile, Aldébaran s'apprêta à s'éloigner. Mais une voix le retint.

- "Tu ne crois pas que tu m'expédie un peu vite, là ?"

Essoufflé, presque haletant, mais dépourvu de toute blessure grave, Raphaëllo s'était redressé. Incrédule, Aldébaran le fixa. Son armure était intacte, pas même fissurée. Le Berserker s'était pourtant pris sa Great Horn de plein fouet ! Ou avait-il réussi à esquiver si rapidement ? Non, impossible, il était trop lent pour ça ! S'agissait-il d'une forme élaborée de parade, si efficace qu'Aldébaran ne l'avait pas vue ? Cela semblait peu probable, mais comment expliquer l'état incroyable de sa protection ?

- "Je ne sais pas comment tu as fait", fit le chevalier du Taureau, sincèrement admiratif, "mais voyons si tu résisteras aussi bien une seconde fois. Je t'attend de pied ferme !"

Ce fut avec un sourire presque moqueur que le Berserker s'avança, sans un mot, pour ouvrir la deuxième passe d'arme.

- "Demon's deadly fist !"

Le coup était toujours aussi ridiculement lent. Aldébaran décida d'en finir une bonne fois pour toutes et lança, à pleine puissance, son attaque.

- "GREAT HORN !!"

Une nouvelle fois, l'attaque de Raphaëllo fut balayé avec une aisance vexante pour le Berserker, et le coup d'Aldébaran atteignit, sans qu'aucun doute ne soit possible, son adversaire. Une nouvelle fois malmené par les cornes du Taureau, Raphaëllo mordit la poussière. Mais quand il se redressa, si on voyait clairement sur son armure une trace de l'impact, Aldébaran put constater que la protection n'était même pas transpercée par son arcane.
Comprenant vite, le chevalier du Taureau comprit rapidement que l'infructuosité de ses coups jusqu'à présent était due à l'incroyable solidité de l'armure du Démon. Elle devait être plus solide qu'une armure d'or !
Le chevalier d'Or comprit alors que sa victoire était beaucoup moins assurée qu'il ne l'avait cru jusqu'alors. Avec une protection de cette solidité, comment venir à bout de son adversaire ? Il s'épuiserait avant d'avoir seulement réussi à traverser la protection adverse...
De son côté, Raphaëllo n'était pas en meilleure posture. Se sachant presque invulnérable grâce à sa protection, il avait un peu négligé ses attaques, et réalisait maintenant que face au chevalier d'Or son arcane ne faisait pas le poids. Les deux combattants voyaient le match nul se profiler à l'horizon, mais aucun des deux ne voulant céder, ils en étaient réduits à continuer le combat jusqu'à tomber d'épuisement.
Cependant, Aldébaran continuait à réfléchir. Personne n'était invincible, même les dieux ; il était bien placé pour le savoir. Raphaëllo devait avoir un point faible. Restait à savoir lequel...
Une minute s'écoula, dans un silence total. Les deux adversaires ne bougeaient pas.
Brusquement, le visage d'Aldébaran s'éclaira. Il avait une idée...
A cet instant, croyant exploiter la distraction de l'ennemi, Raphaëllo se lança à l'attaque.

- "Demon's deadly FIST !"

Cette fois-çi, il avait réuni toutes ses ressources et se déplaçait beaucoup plus vite qu'avant. Mais Aldébaran avait eu l'opportunité d'étudier l'attaque déjà deux fois. Se déplaçant avec une rapidité et une souplesse étonnantes pour son gabarit, le chevalier du Taureau s'élança vers son adversaire ; mais il ne déclencha pas sa Great Horn, ni aucune autre attaque.
Sous son masque, Kanon sourit, devinant ce qu'allait faire le chevalier du Taureau, et appréciateur devant sa rapidité d'esprit.
Le contact se fit entre les deux protagonistes. Un jet de sang gicla, et Aldébaran apparut, son armure d'Or souillée de sang. Face à lui, Raphaëllo le regardait avec un sourire victorieux.
Mais le sourire s'effaça peu à peu pour se transformer en un rictus de douleur, tandis que le Berserker portait la main à son cou. Avec une précision diabolique, Aldébaran avait touché le seul point faible du Berserker ; le défaut de son armure qui laissait visible l'un de ses points vitaux. La gorge tranchée, le Berserker tomba à genoux, dans la mare de sang qui se formait peu à peu autour de lui. Sans un regard pour son adversaire vaincu, le chevalier d'Or du Taureau revint vers les siens. Kanon lui adressa un geste appréciateur.

- "Beau combat, Aldébaran..."

Un peu gêné par ce compliment, car il n'avait pas l'habitude d'en recevoir, le chevalier du Taureau sourit gauchement en agitant la main pour signifier que ce n'était rien.
Pour l'instant, aucun chevalier d'Athéna n'avait encore dû faire appel à toutes ses ressources. Deux victoires à zéro, le score était en leur faveur, réfléchissait Kanon, mais ils n'avaient probablement pas encore dû faire face aux plus dangereux Berserker. En conclusion, il ne fallait pas se relâcher maintenant.

- "Bien", dit-il. "Nous devons maintenant décider ce que..."

L'interrompant, June du Caméléon s'avança, face à Athéna.

- "Déesse Athéna", dit-elle, "je sollicite la permission d'être votre championne pour le combat à venir."

Surprise, et un peu contrariée, Athéna observa :

- "June ? Mais... es-tu sûre de vouloir te mesurer à..."
- "OUI !" répliqua avec colère la jeune femme. "Et pourquoi pas ? Parce que je suis une femme ? Lorsque Aldébaran vous a fait la même demande, vous avez aussitôt accepté ! Je devrais me battre, à un moment ou à un autre. Pourquoi pas maintenant ?!"
- "Mais..." protesta Athéna. "Aldébaran est un chevalier d'Or, June."
- "Et Seiya ? Shun ? Shiryu ? Ce ne sont pas des chevaliers de Bronze, peut-être ? Et pourtant, ils ont autrefois vaincu le chevalier du Taureau !"

Contrarié, Kanon s'apprêta à mettre fin à cette scène ridicule. Que June ait envie de faire ses preuves il pouvait le comprendre ; mais qu'elle manque de respect à Athéna, il ne pouvait le tolérer.
Mais, avant qu'il ait le temps d'intervenir, Shun s'en était chargé.

- "June, attends ! S'il te plaît..."
- "C'est mon devoir de chevalier", observa froidement June. "Et je vous prouverais qu'une femme peut faire aussi bien que vous tous !"
- "Ca suffit, June" intervint Kanon. "Oserais-tu défier Athéna et..."
- "Non, Kanon", dit Athéna.

Surpris, il se tourna vers elle.

- "June dit vrai. Elle est chevalier, et si elle désire aller se battre je ne puis, en toute justice, le lui interdire. Je pense que c'est une erreur, mais je ne l'en empêcherais pas."

Le chevalier du Caméléon s'inclina cérémonieusement face à la déesse en signe de gratitude.

- "Je ne vous décevrais pas, Athéna."
- "Non ! June !"

C'était Andromède, qui intervenait une nouvelle fois.

- "Je ne te laisserais pas..."
- "Rien du tout", coupa June.

Elle se campa face à Andromède, forte de sa décision.

- "Quand je t'ai supplié de ne pas aller au Sanctuaire, quand j'ai essayé de t'en empêcher tu ne m'as pas écoutée. Le moins que tu me doives est de faire preuve envers moi d'un respect suffisant pour me laisser aller me battre. Tu savais, en venant ici, que je devrais affronter les Berserker. Tu sais, depuis que j'ai gagné mon armure, qu'un jour ou l'autre j'aurais dû affronter les ennemi d'Athéna. Ce jour est venu, alors ne soit pas hypocrite en me retenant ! Et je t'interdis de m'interdire quoi que ce soit ! Tu n'en as pas le droit !"

Elle se détourna sans plus prêter attention au regard suppliant d'Andromède et descendit fièrement les marches de l'arène, qui la menaient vers son destin. Intérieurement, Kanon était impressionné de la détermination et du courage de la jeune femme. Elle se conduisait en vrai chevalier, malgré l'irrespect dont elle avait fait preuve en défiant Athéna. Il craignait, tout comme la déesse, que ce soit une erreur. Mais il savait que rien n'aurait pu retenir June.
Aussi se contenta-t-il d'observer, ignorant le mauvais pressentiment qui venait l'effleurer.

De l'autre côté de l'Arène, camp d'Arès

Le dieu de la guerre était très mécontent, pour ne pas dire furieux. Heureusement pour les trois autres généraux, son ire était dirigée principalement contre Deimos.

- "Deux combats, deux défaites ! Et tu appelles ça une armée ?!"

Sa voix n'était plus qu'un sifflement rauque de colère, plus terrifiant encore que des hurlements. Prudent, Deimos laissait passer l'orage, conscient que des protestations ne feraient qu'attiser la colère de son maître.

- "Tu as intérêt à ce que tes hommes fassent mieux à l'avenir ! Ou est-ce que tes Berserkers ne sont qu'une bande d'abruti dans le genre des deux premiers ? Ils ont de la chance d'être déjà morts, sans quoi je leur aurait montré ce que je pense de l'incompétence dans mes armées !"

Par solidarité, Phobos intervint :

- "Majesté Arès, ce n'étaient que deux lieutenants... Ils ne sont guère représentatifs des qualités de l'armée de Deimos. La malchance a voulu qu'ils tombent sur des chevaliers particulièrement puissants, mais il n'en sera pas toujours ainsi. Et puis, notre but n'est pas de gagner, de toute façon."
- "C'est une question d'honneur, triple buse ! J'aurais l'air de quoi si mes Berserkers se sont décimer par des chevaliers de cette bâtarde ? Je vois d'ici la tête de cet abruti d'Hermès !"

Arès était loin d'être calmé, mais Deimos lança un regard de gratitude au général de l'Armée de la Terreur. Même si cette intervention n'était pas tout à fait désintéressée ; Phobos savait que Deimos n'oublierait pas ce coup de main et lui rendrait la pareille à l'occasion.

Enyo, pour sa part, tout à fait satisfaite du savon que se prenait Deimos, gardait les yeux fixés de l'autre côté de l'Arène. Elle fut la première à remarquer la silhouette qui descendait vers le lieu des combats.

- "Tiens, ils nous envoient une femme cette fois..."
- "Et d'une puissance ridicule, qui plus est", approuva Eris. "Ce coup-çi, si ton Berserker se fait battre, Deimos, ce sera parce qu'il l'a fait exprès... sinon, je ne vois pas."

Habitué aux provocations de la Discorde et se gardant bien de tomber dans le piège, Deimos se contenta de lui jeter un regard noir avant de regarder à son tour le chevalier qui descendait.
A la droite de Deimos, Nekron du Shaitan murmura :

- "C'est la fille dont je vous ai parlé, Général. Celle qui est resté tout du long collée au chevalier Divin, celui qui a l'air efféminé. Ils avaient l'air de... s'entendre très bien."
- "Hmm, vraiment ? Si elle se faisait vaincre, ce serait sûrement mauvais pour le moral des chevaliers, non ?"
- "Ah, bah... je sais pas, c'est vous le chef."

Deimos secoua la tête, consterné. Le Shaitan ne comprenait vraiment pas le deuxième degré.

- "C'était une question rhétorique, crétin. Dis à Calydon de s'en occuper. La démonstration doit être... sanglante. Suis-je bien clair ?"
- "Parfaitement clair, Général" acquiesça aussitôt le Berserker en affichant un sourire sadique.

Deimos se carra dans son siège, certain que d'ici la fin du prochain combat l'humeur d'Arès se serait merveilleusement améliorée.


Du côté d'Athéna

Arès avait mis plus de temps à se décider, cette fois, nota Kanon. Mais enfin, un Berserker descendit les marches. Son armure était d'un style différent des deux précédents Berserkers, et elle était dépourvue des deux ailes asymétriques qu'arboraient Arjuna et Raphaëllo. Il était de taille moyenne, les cheveux vert sombre négligemment rejetés en arrière, courts et ébouriffés. Il n'affichait pas une confiance excessive, contrairement aux autres Berserkers. Cependant, Kanon se rendit compte avec inquiétude que son aura était supérieure à celle des deux lieutenants affrontés par Seiya et Aldébaran. Il était dangereux... Pourquoi fallait-il que June se retrouve face à un adversaire particulièrement puissant ?
Un sentiment désagréable fit frissonner Kanon ; et si, au contraire, les deux premiers Berserkers étaient particulièrement faibles ?
Il n'était plus temps de douter. Mais derrière Kanon, Shun se pencha en avant pour mieux voir, et le chevalier des Gémeaux sentit son souffle, court et rapide, dans son cou.

- "Je suis June, chevalier de Bronze du Caméléon !" annonça June haut et clair, et même avec fierté.

Le Berserker s'inclina à demi, courtoisement.

- "Calydon du Loup, commandant de la deuxième phalange de l'armée du Malheur, pour te servir, chevalier."

Kanon passa une main fatiguée sur son front. Un commandant...
Mais pourquoi du loup ? Dans la mythologie, le nom de Calydon était lié au célèbre Sanglier du même nom ; qui plus est, le loup était également le symbole de l'une des armures d'Athéna. C'était bizarre...
En attendant, June se retrouvait en mauvaise posture. Furieux, Kanon s'agita sur son siège. Impossible d'interrompre le combat maintenant ; cela équivaudrait à déclarer forfait. Pourquoi avait-il fallu que cette idiote de Caméléon fasse sa petite crise d'émancipation maintenant ?!
Et pourtant, June ne faisait pas mine d'être impressionnée. Imperturbable, elle se mit en garde face à Calydon. Et pourtant, Kanon l'aurait juré, elle mesurait parfaitement le fossé qui la séparait de son adversaire. Courageuse et folle...

Les doigts crispés sur son fouet, la jeune femme se tenait face à son adversaire. Son masque ne laissait pas voir l'expression de son visage, ni l'exaltation qui faisait briller ses yeux. Même face à cet adversaire tellement plus fort qu'elle, June ne ressentait aucune frayeur. Elle savait qu'elle aurait du s'inquiéter, être anxieuse. Mais elle ne parvenait qu'a augmenter encore l'excitation du combat qui brûlait en elle. Enfin, elle allait réaliser ses voeux de chevalier et se battre pour Athéna. Et elle ne craignait pas d'y laisser la vie, certaine au fond d'elle-même de trouver cette force qui avait toujours soutenu Shun dans les pires moments.

- "Es-tu prêt à mourir, Berserker ?" lança-t-elle, provocante.

Mais il se contenta d'arborer un petit sourire, pas du tout impressionné par le ton belliqueux de la jeune femme.

- "Quelle hargne, chevalier !" se contenta-t-il de soupirer.

Piquée au vif par l'indifférence de son adversaire, June se ramassa sur elle-même puis bondit en avant de toute sa vitesse avant de lancer son arcane d'un geste fluide, en hurlant:

- "Turning whip !"

Mais, malheureusement pour elle, et malgré l'entraînement que lui avait prodigué Shun, elle n'était qu'un chevalier de Bronze, qui de surcroît n'avait jamais été au combat auparavant. L'expérience lui manquait cruellement, et se jeter droit sur son adversaire était une erreur. Calydon esquiva en riant, ne se donnant même pas la peine de parer ou riposter. Furieuse de cet échec, la jeune femme fit volte-face et ce fut avec bien plus de fureur qu'elle lança à nouveau son attaque.

- "Prend ça ! TURNING WHIP !!"

Mais la lanière de son arme claqua dans le vide. Avec un rictus méprisant, Calydon attrapa le bout du fouet d'une main et tira violemment. Déséquilibrée, June dût lâcher son fouet et faire quelques pas en avant, sous peine de tomber. Le Berserker jeta le fouet au loin et s'avança à grands pas vers la jeune fille.

- "Howling hordes !"

June eut l'impression d'être attaquée de toute part par une meute de loups féroces. Elle essaya de parer, mais lorsqu'elle déviait un coup c'en était une demi-douzaine d'autres qui la touchaient, dans le dos, les bras, les jambes. L'une de ses épaulettes vola en éclat, son plastron se fissura, et avec un gémissement la jeune fille tomba à genoux, lacérée de toute part.

Derrière Kanon, Shun se redressa, prêt à intervenir, les phalanges blanches tant ses poings étaient serrés. Kanon le retint, une main posée sur son épaule.

- "Il va la tuer !" hurla Shun.
- "Silence !" tonna le chevalier des Gémeaux. "Nous ne devons pas intervenir ! Cela équivaudrait à déclarer forfait et admettre la défaite d'Athéna !"
- "Mais June..."
- "Nous ne pouvons que lui faire confiance... Elle a choisi de se battre, souvient-en. Maintenant... tout se jouera entre elle et son adversaire."

Kanon baissa les yeux vers la jeune femme qui essayait péniblement de se relever. Mais Calydon arriva derrière elle et la jeta au sol d'un coup de pied dans le dos. Une nouvelle fissure apparut sur l'armure, et June gémit de douleur et d'impuissance. Le commandant se dressa au-dessus d'elle et d'un coup impitoyable lui écrasa la main. Les os cédèrent dans un craquement sinistre tandis que les doigts de la jeunes femme adoptaient des angles improbables. Le Berserker éclata de rire.

- "Ca fait mal, n'est-ce pas ? Allons, relève-toi ou je vais être déçu... ne dit-on pas que les chevaliers d'Athéna sont trop têtus pour mourir ?"

Les chevaliers, du haut des gradins, restaient silencieux mais Kanon sentait la tension qui les habitait. Regardant ses compagnons, il constata que même Shaka commençait à s'énerver, furieux de ne pouvoir intervenir. Ce n'était plus un combat ; c'était de la torture.

Avec un hurlement de rage autant que de douleur, June se remit sur pieds d'un bond. Elle adopta une posture de combat, légèrement penchée en avant et prête à réagir. Mais sa jambe droite tremblait, car elle s'était abîmé un genou en tombant.

- "Tu vas... mourir ! Howling hordes !" hurla la jeune femme.

Stupéfait, Calydon vit arriver sur lui sa propre attaque. Ralenti par la surprise, il n'eut pas le temps d'esquiver tout à fait, et plusieurs coups l'atteignirent. Protégé par son armure, il s'en tira toutefois avec une simple estafilade au visage. Incrédule, le commandant porta la main à son visage et regarda les gouttes écarlates qui teintaient le bout de ses doigts.

- "Impressionnant... Je comprend pourquoi tu es chevalier du Caméléon ! Tu as réussi à imiter mon attaque, en ne l'ayant vue qu'une seule fois ! Mais ça ne te servira à rien, petit chevalier. Je connais parfaitement cette technique, et maintenant que tu ne bénéficies plus de l'effet de surprise... Mais ne crois pas t'en tirer comme ça ! Faire couler mon sang... POUR QUI TE PRENDS-TU ?!!"

Cette fois-çi, June avait réussi à le mettre en colère. Il se jeta sur elle et commença à la rouer de coups. Sa rapidité était incroyable, largement égale à celle des chevaliers d'Or qui seuls parvenaient à suivre le combat, tout comme les chevaliers Divins. Les autres ne voyaient qu'une ombre écarlate apparaître ici et là pour assener au chevalier de Bronze du Caméléon des coups terribles. Hoquetant de douleur, son sang giclant de multiples entailles, June s'effondra au sol. Mais Calydon ne comptait pas la laisser s'en tirer à si bon compte ; il la saisit par le cou et la frappa à coups redoublés au visage. Son masque ne tarda pas à se fissurer puis à se briser, révélant ses traits couverts d'ecchymoses et de coupures.
Par un réflexe conditionné, elle essaya de se cacher le visage des mains, mais elle se rendit vite compte de l'inanité de ses efforts. Un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres.

Hors de lui, Shun essaya de bondir vers l'arène, retenu de justesse par Kanon. Le chevalier d'Andromède se débattit furieusement, les oreilles bourdonnantes, inconscient de tout ce qui l'entourait excepté June. En vain le chevalier des Gémeaux essayait-il de le calmer. De l'autre côté de l'arène, Arès observait et savourait le spectacle, à la grande satisfaction de Deimos.

- "Shun, arrête ! ARRÊTE !!" hurla Kanon.

Mais le chevalier Andromède était comme fou.

Dans l'arène, Calydon, tenant toujours June par le cou, la frappa violemment à l'estomac. Incapable de reprendra son souffle, la jeune femme ne parvenait même plus à hurler de douleur. Le Berserker la jeta alors au sol. Le chevalier du Caméléon lança faiblement son poing vers le commandant d'Arès, qui l'attrapa au vol et avec un rictus sauvage lui arracha la main. Le cri de June fut un mélange horrible de souffrance, de terreur et de désespoir. Une fontaine de sang jaillit de son poignet, souillant le sol et l'armure de son persécuteur, qui jeta la main tranchée en direction des chevaliers d'Athéna, riant à gorge déployée. Il saisit June par les cheveux et la souleva du sol.

- "Bah, elle ne crève pas bien vite cette charogne !" lâcha dédaigneusement le Berserker.

Les yeux agrandis d'effroi, Athéna ne parvenait pas à détacher ses yeux de la terrible scène. Tremblante, elle s'exclama :

- "Il faut faire arrêter ça !"
- "Non !" s'exclamèrent Dohko et Kanon d'une seule voix.
- "Je... je ne peux pas laisser faire ça ! Même si cela équivaut à reconnaître ma défaite... je ne peux pas..."
- "Mourir, c'est le destin des chevaliers", s'écria Dohko "Il en est ainsi depuis des temps immémoriaux."
- "Les chevaliers peuvent mourir, mais... mais pas comme ça !" murmura Athéna, la voix brisée.

Incapable d'en supporter davantage, poussant un hurlement presque bestial de rage et de douleur mêlée, furieux contre cet être qui le retenait et l'empêchait de venir en aide à June, Shun fit appel à ses chaînes pour se frayer un passage jusqu'à sa bien aimée. Pour la première fois peut-être, il attaqua avec une réelle volonté de faire du mal.
Kanon cria lorsque la chaîne d'Andromède lui traversa l'épaule avec une violence insoupçonnée chez Shun. L'armure d'Or que portait le chevalier d'Or avait été traversée comme du verre par l'arme redoutable du chevalier Divin, et cette fois-çi ce fut le sang de Kanon qui gicla au sol.
Reprenant enfin leurs esprits, Dohko et Mû se jetèrent sur le chevalier d'Andromède pour aider Kanon à le retenir. Il fallut bien la force conjuguée des trois chevaliers d'Or, avec l'aide qui plus est d'Aiolia, pour arriver à maintenir le jeune homme.

Dans l'arène, Calydon finissait son jeu de massacre. June n'était plus qu'un corps sanguinolent et inconscient, exsangue. Des gémissements entrecoupés mais ininterrompus jaillissaient de ses lèvres, alors qu'elle ne devait plus être qu'a moitié consciente. Son armure était réduite en morceaux éparpillés, totalement détruite par les attaques furieuses du Berserker.
Calydon prit tout son temps pour assener le coup de grâce, tirant parti au maximum de son jouet, suivant ainsi les ordres de son Général à la lettre. Il avait totalement brisé le chevalier d'Athéna, il l'avait humiliée en lui ôtant son masque. Elle l'avait peut-être touché une fois, mais maintenant elle n'était plus rien.
Il lui brisa les os un à un. Des côtes cassées transpercèrent les poumons de la jeune femme, abrégeant ainsi un peu son martyre. La respiration sifflante, toussant à chaque inspiration, un goût métallique de sang dans la bouche, elle n'attendait plus que la délivrance que la mort tardait tant à lui promulguer.
Ce ne fut que lorsqu'il n'obtint plus aucune réaction, las de frapper un corps inerte, que Calydon la traîna face à Athéna et lui trancha la gorge d'un geste vif avant de quitter l'arène sans se retourner pour revenir parmi les siens, ne laissant derrière lui qu'un être qui n'avait plus rien d'humain dans l'apparence.

Dohko avait finalement prit le parti d'assommer Shun, lui épargnant le spectacle horrible des ultimes instants de June, chevalier de Bronze du Caméléon. Mais même dans l'inconscience, son visage reflétait encore l'effroi et la souffrance ressenties par le jeune homme. Lui, d'ordinaire si doux et si gentil, avait été profondément choqué dans tout son être par cet affrontement qui n'avait de combat que le nom. Par ailleurs, tous les chevaliers avaient été horrifiés par la scène. Death Mask lui même semblait écoeuré par le sadisme immonde du Berserker.
Seiya jeta un regard hostile à Kanon, et un autre, à peine moins féroce, à Mû, Dohko, et Aiolia.

- "Pourquoi avez-vous empêché Shun d'intervenir ?! Comment... comment avez-vous pu voir ça et ne rien faire pour l'empêcher ?!"

Sa voix n'étaient plus qu'un sifflement rauque, qui trahissait toute la rancoeur qu'il éprouvait, principalement à l'égard du chevalier des Gémeaux. Mais Athéna se dressa entre lui et Kanon.
Des larmes coulaient sur le visage de la déesse sans qu'elle cherchât à les retenir, et la douleur lisible sur ses traits était aussi intense que celle que ressentaient tous les Saints. Son teint était cendreux et, quand elle parla, sa voix tremblait.

- "Seiya... nous n'avions pas le choix. Intervenir équivalait à déclarer forfait..."
- "Et ALORS ?!!" gémit Seiya.

Kanon, une main pressée sur sa blessure, intervint.

- "C'eut été renoncer à tout ce pour quoi June s'est battue... En aurais-tu été capable, Seiya ? Aurais-tu pu condamner l'humanité toute entière pour sauver une femme ? Elle a choisi... elle savait qu'elle ne serait peut-être pas à la hauteur, mais elle est allée jusqu'au bout..."

Seiya se détourna, les épaules tremblantes. Consternés, Hyoga et Shiryu restaient à côté de Shun évanoui. Kanon savait ce qu'ils ressentaient, et il doutait qu'ils puissent jamais lui pardonner.

- "Ca suffit", coupa Athéna. "Jabu, tu vas dire à Arès que j'estime que cela suffit pour la journée, et que les combats reprendront demain."

Le chevalier de Bronze s'inclina et partit avec réticence vers Arès. Kanon pouvait comprendre sa répugnance, après le spectacle auquel ils venaient d'assister.


Côté d'Arès

Parfaitement satisfait de la tournure qu'avaient pris les choses, Deimos complimenta chaudement Calydon du zèle avec lequel il avait rempli sa mission. Le résultat était à la hauteur des espérances du Général ; les Saints en étaient arrivés à se battre entre eux !
Arès était aux anges, au grand soulagement de son général qui voyait s'améliorer l'opinion que le dieu de la Guerre avait de son armée.

A cet instant, un chevalier d'Athéna se présenta devant le Dieu, porteur d'un message. A en juger par son armure, il devait être de rang inférieur.

- "Je suis porteur d'un message de sa Majesté Athéna", fit le chevalier, ne prenant même pas la peine de se présenter.

Deimos haussa un sourcil devant cette incorrection face à Arès, mais le dieu était de trop bonne humeur pour s'arrêter à de pareils détails.

- "Elle vous fait savoir que les combats reprendront demain, car il est trop tard aujourd'hui pour un autre affrontement."

Arès leva un oeil dubitatif vers le soleil, qui était encore loin de se coucher, mais haussa les épaules.

- "Tout pour faire plaisir à ma chère soeur !" s'exclama-t-il. "Dans ce cas je lui donne rendez-vous ici même, demain à l'aube. Elle trouvera facilement à se loger dans les bâtiments annexes de l'arène, pour ce soir. Tu vois comme je suis prévenant !"

Le Saint s'inclina cérémonieusement mais avec une extrême froideur et une certaine raideur, et repartit aussitôt, non sans couler un regard assassin à Calydon qui se tenait à la droite de son Général. Deimos suivit le chevalier d'un regard amusé.

- "Vraiment du beau travail, Calydon", observa-t-il. "Ils vont pouvoir remâcher ce massacre toute la soirée..."


Côté d'Athéna

Une fois Jabu revenu, portant la réponse du Dieu de la Guerre, les chevaliers commencèrent à s'organiser pour la nuit, sans aucun entrain. Tous étaient mornes, mais un feu de haine brûlait en eux.

- "Kanon", fit Mû. "Laisse-moi voir ton épaule... Shun ne t'as pas raté on dirait."

Tous les Saints étaient choqués de ce qui s'était passé un peu plus tôt, mais les chevaliers Divins en voulaient toujours à Kanon en particulier et ne lui avaient pas adressé un seul regard depuis l'incident. Ils étaient d'ailleurs surtout restés avec Shun, prêts à le soutenir quand il se réveillerait.

Kanon obtempéra à la demande de Mû, dénudant sa blessure pour laisser le chevalier du Bélier la palper légèrement d'une main experte. L'examen prit quelques minutes, après quoi le gardien de la première maison se fit apporter de l'eau chaude et des bandes de tissu. Appuyant rapidement sur le point étoilé du chevalier des Gémeaux pour arrêter l'hémorragie, Mû fit ensuite un bandage serré pour maintenir la plaie fermée.

- "Ca va mieux ?" demanda-t-il quand il eut achevé son oeuvre.

Kanon se leva, faisant jouer ses muscles. A part une douleur, assez intense mais supportable, et une certaine raideur à cause du bandage très serré, il était libre de ses mouvements. Il inclina la tête avec reconnaissance vers Mû.

- "Oui, merci beaucoup."

Mû fit un vague geste indiquant que ce n'était rien, et s'assit à côté du Grand Pope tandis que celui-ci remettait sa tunique.
Le crépuscule étendait ses ombres sur le campement provisoire établi par les chevaliers. Arès n'avait pas menti, et les locaux mis à la disposition des chevaliers étaient plus que passables.
Une lueur vive jaillit dans la nuit, et de hautes flammes apparurent à une centaine de mètres de l'endroit ou se tenaient les deux chevaliers d'Or. Les chevaliers divins avaient construit un bûcher pour June. Il n'était pas question d'attendre de revenir au Sanctuaire d'Athéna pour lui donner une sépulture, mais impossible aussi de l'enterrer sur place, les quatre jeunes gens avaient donc opté pour cette solution. Athéna avait donné sa bénédiction au chevalier du Caméléon, puis Shun avait fermé les yeux de June et lui avait glissé une drachme dans la bouche, avant de recouvrir son visage torturé des morceaux de son masque pour que dans la mort elle conserve une certaine dignité. Mais la mort n'avait rien de digne.
Kanon regarda les flammes qui dévoraient le bois sec et offraient à la jeune femme un linceul flamboyant. Elle était le premier chevalier tombé au service d'Athéna dans cette Guerre Sainte contre Arès. Le chevalier des Gémeaux savait que cela se ressentirait sur le moral des chevaliers, mais il ne pouvait rien y changer. Il avait vu Sequana du Lièvre, assise dans un coin et presque catatonique, avant que Silas, sortant de son mutisme habituel, aille lui offrir quelques mots de réconfort. Les chevaliers de Bronze, dont aucun n'avait jamais réellement combattu, étaient les plus affectés. Ils songeaient à leurs futurs combats, sachant qu'ils n'étaient pas plus forts que June l'avait été, et craignant d'avance la défaite et la honte.

- "Et quand je pense que nous n'avons rien pu faire..." murmura Mû, la voix vibrante de colère contenue.
- "Aujourd'hui, nous n'avons rien pu faire", gronda Kanon. "Mais demain, il en ira autrement, et les Berserkers d'Arès regretteront d'être venus au monde."
- "Oui", acquiesça froidement Mû. "Tu ne pourras te battre, puisque Athéna en a décidé ainsi. Mais je te jure de ne pas faire preuve envers eux de plus de pitié qu'il n'en ont eu pour June."

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Cette fiction est copyright Steph Bréant.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.