Chapitre 7 : Troubles


Quelque part dans les montagnes de l'Himalaya, une nuit d'orage. Le combat s'est interrompu. Restant sur ses gardes, Valkhan est attentif aux propos du Chasseur.

- Il y a sept ans, tu te souviens de ce qui s'est passé ? Lors de notre première rencontre, je t'ai lancé un défi et tu n'as eu d'autre choix que de le relever. Je m'étais infiltré dans le Sanctuaire depuis bien des années, mais personne n'a jamais pensé à soupçonner un des gardes personnels du Grand Pope. Eh oui, vois-tu ! Nous nous connaissons depuis bien plus longtemps que tu ne le pensais ! A ce poste, j'ai empoisonné ta mère, ainsi que ton prédécesseur, le Pope Melchior. Deux Grands Popes à mon palmarès, c'est plutôt rare ne trouves-tu pas ? Dommage, je ne pourrais sûrement plus en tuer d'autres. Je ne vais tout de même pas me suicider !
- Alors c'est bien vrai ? Bishop ! C'est toi !
- Exact ! Et avec la bénédiction d'Athéna ! poursuit-il dans un grand éclat de rire. Maintenant, je règne sur le Sanctuaire. Et pour le plaisir du Grand Ordonnateur, je vais pouvoir tuer Athéna. Mais revenons-en à ce que tu veux savoir : qui est le Grand Ordonnateur ?
- Ton maître ! Celui qui te donne les ordres !
- Oh le Grand Ordonnateur n'est pas mon maître, poursuit-il en retirant son masque, il a d'ailleurs quelques soucis avec moi, les choses n'allant pas assez vite à son goût. Mais vois-tu, même lui a peur de moi. Celui que je sers en réalité…

Un grondement de tonnerre empêche d'entendre le nom du maître du Chasseur ! Valkhan peut le lire sur les lèvres à présent visibles de son interlocuteur qui lui parle à visage découvert. Il a du mal à croire ce qu'il lit, et pourtant…

- Je vais te révéler un secret, Valkhan, avant que tu ne meures. Pour que tu trembles dans la mort. Tu vas te rendre compte à quel point le destin d'un homme peut être cruel. Celui qui a tout manigancé depuis le début, le Grand Ordonnateur, est parvenu, grâce à mon aide ne l'oublions pas, à prendre le contrôle des destinées les plus incroyables… La tienne, celle de ton frère, celle de ton père… qui sont bien plus que tout ce que tu as pu imaginer jusqu'à présent. Ecoute, Valkhan !

Alors le Chasseur parle, et ses révélations ont un parfum criant de vérité. Il ne peut avoir menti. Ses terribles paroles, bien qu'incroyables apportent la lumière sur tant de sombres questions. Enfin il perçoit " le sens et l'essence même de son existence ". Qui aurait cru que ce serait son ennemi qui le mènerait sur la voie de leur compréhension ?

- Depuis le début tu as été manipulé, tu n'es qu'une pièce sur un échiquier mais je reconnais que tu t'en es très bien sorti. Tu as fait ce qu'on attendait de toi. Soliman, Melchior le Guide, Gaspar le Protecteur… Ils savaient tous que ton destin était de te sacrifier pour que leur projet aboutisse. Même Balthazar le Veilleur le savait : le vieux fou de la montagne Jandara connaissait ton histoire, autant que moi ou le Grand Ordonnateur. Tu étais le seul à être dans l'ignorance. Pourquoi crois-tu que Soliman le Visionnaire n'ait jamais rien voulu te dire sur ton destin ?

Son visage exprimant à la fois tristesse et résignation, Valkhan n'a jamais semblé aussi vieux qu'en cet instant ; pourtant, il sourit. A présent, il sait ce qu'il doit faire pour que sa mission soit achevée. Pour que son existence ait un sens, pour qu'elle n'ait pas été vaine. Fatigué mais déterminé et confiant, il se prépare à porter son ultime assaut.



Janvier 2196. Néo-Tokyo, une rue commerciale très animée, un magasin de vêtements luxueux. Sortant d'une cabine d'essayage, pourvu des atours les plus exubérants, les plus chers aussi, un jeune homme se mire dans sa nouvelle tenue.

- C'est assez inhabituel, cher monsieur, déclare une vendeuse, mais l'ensemble vous va à ravir.
- J'aime assez, en effet. Je pense qu'ainsi, on ne pourra pas s'empêcher de me remarquer.

Une tenue de soirée aux couleurs vives, une redingote chargée, un chapeau de corsaire attifé d'une grande plume bleue, Hermion s'avance sur le boulevard. Enfin il atteint sa destination et entre dans un grand bâtiment après avoir jeté un rapide coup d'œil à son enseigne : Fondation Graad. C'est là que Soliman l'envoie.

- J'ai rendez-vous avec Monsieur Shô Takeda, déclare-t-il à l'accueil.

Suivant les indications que lui donne une hôtesse, Hermion monte dans un ascenseur. Quelques instants plus tard, il entre dans le bureau du directeur de la Fondation.
Shô Takeda est un homme tiré à quatre épingles : un costume sobre, de fines lunettes aux verres teintés. Il s'assied dans son siège tandis que son rendez-vous prend place dans le fauteuil qu'il lui désigne de l'autre côté de son bureau.

- Je vous écoute, jeune homme, vous prétendez être en possession d'informations susceptibles d'intéresser notre fondation.
- C'est exact, répond Hermion. Vous n'êtes pas sans savoir que Mitsumasa Kido, qui a fondé votre entreprise au vingtième siècle, n'a pas livré tous ses secrets sur tous les projets qu'il avait en tête.
- Mitsumasa Kido a eu de nombreux projets en son temps, aucun n'a visiblement connu d'aboutissement satisfaisant, me semble-t-il. Le plus médiatisé, celui des Guerres Galactiques, a d'ailleurs dû être interrompu malgré le succès auquel il était promis.
- Je sais. Je suis également au courant que certains programmes, plus secrets, ont connu des développements intéressants, comme celui des Chevaliers d'Acier par exemple.
- Comment ? reprend le directeur sans masquer sa surprise. Vous êtes au courant ? Déjà à l'époque, pratiquement personne n'avait eu vent de ce projet, alors comprenez mon étonnement que deux siècles plus tard, un inconnu en vienne à l'évoquer.
- Je vous avais bien dit que j'avais des informations intéressantes pour vous. Le projet de l'Arche, cela vous dit quelque chose ?
- Quoi ? Mais attendez ! Ne me dites pas que vous savez quoi que ce soit sur ce projet ! Même moi je ne sais pratiquement rien ! Toutes les informations relatives au Projet Arche sont consignées dans un ordinateur de l'ancienne maison mère, protégées depuis deux siècles, et même nos meilleurs informaticiens n'ont jamais réussi à décoder les données cryptées ou les mots de passe. L'arborescence des codes est d'une incroyable complexité.
- Et bien je vous les offre, ces codes, dit Hermion en sortant un disque d'une mallette.
- Vous plaisantez, reprend Takeda d'un air perplexe. Comment pourriez-vous être en possession de ces codes ?
- Essayons-les, et vous verrez.

Deux heures plus tard, dans les sous-sols d'un ancien Colisée de Shadow-Tokyo, un informaticien entre des données dans un ordinateur, sous les regards de Shô Takeda, incrédule, et d'Hermion, amusé.

- Accès autorisé ! déclare l'employé.

Le directeur de la Fondation Graad est médusé, il écarte son salarié pour constater lui-même que l'accès aux données du Projet Arche, élaboré en son temps par Mitsumasa Kido, est bel et bien à sa portée.

- Je n'en reviens pas. Comment avez-vous eu ces codes ?

Hermion ne répond pas et se contente de sourire.


Février 2196. Un garçon de dix ans se relève, blessé. De ses plaies, certes superficielles mais suffisantes pour être remarquées, quelques gouttes de sang s'écoulent. Son visage est couvert de terre depuis que son… adversaire lui a fait mordre la poussière. Dans les yeux marrons de Néo, le visage de Zachary se reflète. Quelle idée aussi a-t-il eu d'accepter la proposition de ce Chevalier qui ne semble pas beaucoup s'embarrasser de principes ? L'homme en armure lui avait proposé de… l'aider dans son entraînement. Le bellâtre aux longs cheveux argentés semble se délecter de sa suprématie. A vrai dire, il n'a laissé aucune chance au jeune novice. Lui est déjà Chevalier, et son Armure Sacrée l'a protégé des violents coups que Néo lui a décochés. Zachary n'a pas bougé, il a encaissé sans ressentir la moindre douleur… pas même un courant d'air, a-t-il ajouté comme pour narguer le gamin qu'il regarde de haut.
Le soleil est en train de se coucher sur le Sanctuaire. Zachary, Chevalier d'Argent du Lézard livre ce qui restera sans aucun doute, avait-il dit de son plus beau sourire sur un ton non moins ironique, le combat le plus prestigieux de toute sa carrière !

- Ne t'avais-je point dit, gamin, que ma collaboration à ton entraînement serait porteuse d'un bel enseignement ? Il faut aussi apprendre à être humble devant ceux qui te resteront toujours supérieurs. Je me suis renseigné : tu dois concourir pour l'Armure de Pégase… Pff… Quand bien même tu y parviendrais, ce dont je doute sérieusement après le décevant aperçu dont tu viens de faire la plus lamentable des démonstrations, sache qu'un Chevalier de Bronze ne pourra jamais… oui, jamais, tu entends… ne serait-ce que… toucher un Chevalier d'Argent ! Et tu espérais vraiment que je ressentirais une once de douleur sous tes coups de poing pathétiques ? Vraiment ? Non, tout cela n'est pas sérieux.

Debout, Néo fusille le Chevalier du regard. Comment un être aussi abject et dénué des principes les plus élémentaires qui devraient être ceux de la Chevalerie peut-il prétendre au titre de Chevalier ? Zachary l'a roué de coups après lui avoir bien fait comprendre son invulnérabilité, et il continue maintenant de le narguer… de l'insulter… Le garçon est bien trop fier pour se laisser ainsi dominer, mais le combattre ne servirait à rien, c'est vrai. Pourtant il n'est pas question de se soumettre : il va soutenir le regard de Zachary.

- N'en aurais-tu point eu assez ? Tu ne voudrais tout de même pas que je continue à me… salir les mains… pour un exercice aussi… puéril… et inutile…
- Qu'attends-tu pour continuer ? Je croyais que tu devais me donner une vraie leçon ? Que Morgane n'était pas à la hauteur ? Pourtant elle aussi est un Chevalier d'Argent… comme toi !
- Oh ? Comment oses-tu me comparer à cette… cette femme ? Morgane ne pourrait pas plus espérer que toi me surpasser, quand bien même elle serait de mon… rang, dit-il avec une petite moue. On ne peut pas comparer le pouvoir des femmes avec celui des hommes…
-Misogyne ou macho ? Peut-être les deux… Tu en as d'autres encore à me sortir ou tu as fini de m'énoncer le catalogue de tes défauts, après la suffisance et l'arrogance, la vanité et l'intolérance…
- Je t'interdis, coupe-t-il après avoir renoncé à son sourire. Tu n'as donc rien compris ! Tu es une limace qui rampe devant Dieu… Tu vas me le payer !

La réponse n'aura duré que quelques secondes… suffisantes pour laisser gisant à terre un jeune garçon plus mort que vif… à peine reconnaissable… Le Chevalier du Lézard ne manque pas de s'essuyer les pieds sur son corps meurtri avant de s'éloigner lentement.
Un linge humide sur son front. Quelqu'un est en train de le soigner. Néo ferme les yeux mais son intuition ne le trompe pas : c'est une femme. Il ouvre péniblement un œil boursouflé et distingue dans la lumière du couchant le masque d'une jeune fille, aux cheveux roux légèrement bouclés… Non, il n'arrive pas y croire ! Même avec ce masque, il n'y a aucun doute : c'est Eryn ! En trois années, elle a bien sûr un peu changé… un peu grandi… un peu… mûri, mais il ne fait aucun doute que la petite fille qui accompagnait Soliman, qu'il a naguère rencontré alors que lui voyageait avec Valkhan, est maintenant au Sanctuaire, elle aussi. Sa voix… C'est bien sa voix…

- Il y a partout des gens, et ici peut être plus qu'ailleurs, qui n'hésitent pas à rabaisser les autres au rang d'une espèce inférieure… parce qu'ils sont convaincus de faire partie d'une élite. Zachary est l'un d'eux, il ne daigne apporter de considération qu'à ses égaux… et encore… Il est aveuglé par son orgueil… mais en vérité ce n'est qu'un crétin indigne de porter l'Armure Sacrée des Chevaliers d'Athéna…
- E… Eryn… C'est moi… Néo… Tu me reconnais ?
- Oui, tu étais l'un des compagnons de Shin, je m'en souviens…
- Ah ? marmonne-t-il sans cacher un brin de déception.

Il lui semblait bien avoir remarqué que Shin avait jeté son dévolu sur la belle Eryn, tout comme lui - mais dans son cas, il le jette sur toutes les filles un peu jolies - et visiblement c'était Shin que la fille de Soliman avait inscrit dans sa mémoire. Après avoir pansé ses plaies les plus importantes et nettoyé son visage, elle se relève et s'apprête à partir.

- Attends ! Comment se fait-il que tu sois toi aussi au Sanctuaire ?
- Pour la même raison que toi… pour devenir Chevalier d'Athéna…
- Mais je ne comprends pas… Ton père…
- Mon père… Mon père est mort…

Sans en dire davantage, Eryn s'en va. Debout, Néo se prépare à retourner vers la maison de son maître, tandis que les souvenirs lui reviennent à l'esprit… Eryn est au Sanctuaire désormais et… Soliman le Visionnaire n'est plus…


Mars 2196. Ile d'Andromède. Deux chaînes d'acier accrochées à ses poignets, Issa s'entraîne au maniement de ces accessoires inhabituels. Il sait que s'il réussit toutes les épreuves, son Armure Sacrée sera pourvue d'une chaîne fabuleuse, dont les pouvoirs dépassent largement celles de l'Armure d'Argent de Céphée, selon Mélyan. Comment se servir de ces chaînes ? Des outils pour l'escalade tout d'abord… Lui, plutôt doué pour grimper, pourrait relever des défis inimaginables avec elles…

- Le Mont Etoilé au Sanctuaire est un pic abrupt, m'a dit mon maître. Il m'a laissé entendre qu'un jour, je devrai m'y rendre. Si je sais manier les chaînes, ce sera facile…

Peuvent-elles servir autrement ? Pour se défendre, ce sont de bonnes armes de parade en effet. Issa tend devant lui une portion de chaîne entre ses deux poings fermés, sous l'œil attentif de Dorhile, qui ne perd rien des manœuvres de son compagnon.

- S'il combat les forces du mal, un Chevalier a forcément besoin de se défendre.

Un autre usage ? Mélyan l'a démontré : il en avait fait un lasso pour attraper toute une bande de bandits et, une autre fois, une arme destructrice pour détruire les rochers qui menaçaient de l'écraser.

- Pour attaquer mon ennemi ? Comment dois-je m'y prendre ?

Poussé par son élan, Issa lance sa chaîne… quand celle-ci se tend, accrochée à un obstacle imprévu. Au même moment, Dorhile s'écarte précipitamment. Il y a un homme au bout de la chaîne… non, en fait celle-ci s'est accrochée à un boulet hérissé de pointes lui-même fixé à une autre chaîne… tenue par la main d'un… Chevalier ! Sans le moindre doute car son Armure en témoigne !
Pendant un bref instant, Dorhile et Issa ont cru que Mélyan s'était mêlé à l'entraînement… mais l'homme qui leur fait face n'est pas leur maître. " On ne peut plus commun " pourrait qualifier cet individu brun s'il n'affichait pas un petit sourire narquois ?

- Qui êtes-vous ? crie Dorhile tout en se tenant sur ses gardes.
- Hum… les disciples de Mélyan, dit-il en baissant la tête et en accentuant son sourire. Je suis Phinéus, Chevalier d'Argent de Cerbère, et je suis venu rendre une petite visite de courtoisie à mon grand frère…
- Alors vous êtes le frère de notre maître ? questionne Issa tout en tentant vainement de dégager sa chaîne de celle de Phinéus.
- Est-ce que cela te dirait de comparer ton habileté à la mienne, gamin ? Essaie donc de dégager ton arme.
- Ne dites pas de sottises ! maugrée Issa. Vous êtes un Chevalier, je ne suis qu'un apprenti. Ma chaîne n'est qu'un outil pour m'entraîner alors que la vôtre est… particulière… termine-t-il en plissant ses yeux pour mieux scruter le boulet.
- Ah oui ? Tu ne veux pas… Mais je ne te laisse pas le choix !

Aussitôt, d'un simple geste tirant sur sa chaîne, Phinéus fait décoller le jeune garçon du sol et le fait tournoyer dans les airs tout en ricanant. Issa ne peut rien faire, pas même lâcher sa chaîne, accrochée à son poignet. Dorhile somme le Chevalier de cesser tout en se ruant sur lui, mais il la repousse d'un violent coup de pied.
Un éclair bleu traverse la scène, la chaîne de fer qui retient Issa se brise. … Mélyan vient de le libérer et de le rattraper. Tandis qu'il le dépose au sol, à côté de Dorhile qui se relève, Phinéus affiche une mine dépitée.

- Oh ? Mon bien cher frère ! Comme je suis content de te revoir…

Rien dans le son de sa voix teintée d'une once d'ironie ne permet de rendre crédible l'affirmation du Chevalier de Cerbère. Mélyan marche dans sa direction, l'air furieux. Il s'arrête devant son frère et le toise longuement. Phinéus reprend.

- Il y a bien longtemps qu'on ne s'est vu, grand frère…
- Phinéus, l'interrompt sèchement Mélyan, si tu es venu dans le seul but de maltraiter mes élèves, je te somme de repartir sur-le-champ !
- Oh ? Tout de suite les grands mots… Tu n'as pas changé, mais rassure-toi je ne viens pas pour eux. Ils m'indiffèrent à un point… Non, je viens m'enquérir de… ta santé.
- Depuis quand ma santé te préoccupe-t-elle, Phinéus ? Ce serait bien la première fois… Qu'est-ce que tu veux ?
- On ne peut décidément rien te cacher… Tes problèmes ne m'intéressent pas en effet, mais ils inquiètent…
- Ils inquiètent ?
- Vois-tu, je suis en mission officielle : le Pope Bishop semble s'inquiéter de ta santé. Et il m'envoie quérir de tes nouvelles. Il craint que ton état, avec le temps, ne t'éloigne de tes devoirs sacrés envers la Déesse Athéna, et on le comprend : à quoi peut bien nous servir un moribond dans une guerre ?
- Ainsi c'est donc cela, dit-il après un bref silence. Mais tu devrais déjà savoir qu'il n'en est rien si tu as vu ce que je fais en ce moment sur cette île. La formation de nouveaux Chevaliers n'entre-t-elle pas dans nos devoirs ?
- Quoi, ces deux gosses ? Tu veux rire j'espère car ils…
- Rire ! Et qu'étais-tu donc, toi, quand je t'ai tout appris ? Un gosse… rien qu'un gosse… Tu ne serais rien si je ne t'avais montré la voie, tu ne me montres d'ailleurs pas beaucoup de reconnaissance, remarque, je n'en attends pas vu le résultat. Peut-être ai-je échoué après tout, qu'en penses-tu ?
- Hum… grimace-t-il. C'est bon ! Mais c'est juste qu'aujourd'hui, le Sanctuaire a besoin d'être protégé : le temps de la Guerre Sainte approche. Tu devrais toi-même regagner le Sanctuaire.
- Pourquoi ? La sécurité d'Athéna est-elle directement menacée au sein même du Sanctuaire ? Et si c'était le cas, ce n'est pas à nous Chevaliers d'Argent de veiller sur elle, c'est le rôle des Chevaliers d'Or ! Pour le moment, ma présence au Sanctuaire n'est pas indispensable, et j'assure davantage les intérêts de la Déesse Athéna en renforçant les rangs de la Chevalerie. Tu diras donc au Grand Pope que j'ai bien l'intention de former très bientôt deux nouveaux Chevaliers.
- Formidable, mon cher frère, tu es très convaincant. Le Grand Pope appréciera, j'en suis convaincu, de savoir que tu n'as rien oublié de tes devoirs sacrés.

La discussion est close. Phinéus repart de l'Ile d'Andromède aussi rapidement qu'il était venu. Mais certains mots ont fait tristement écho dans l'esprit du jeune Issa : son maître serait-il atteint d'une quelconque maladie ?


Octobre 2196. Une silhouette se découpe sur le soleil couchant de l'Ile de la Mort. Du haut de la tour, Cassandra semble observer dans sa direction, comme si elle la voyait malgré sa cécité. A ses côtés, Hassadan esquisse un sourire à l'approche du visiteur.

- Tu le vois n'est-ce pas, Hassadan ? J'ai senti la présence de son Cosmos. Car bien qu'il soit capable d'en dissimuler toutes les vibrations, Jassugan a voulu nous montrer qu'il était là.
- Oui, maître. Il arrive… le Chevalier du Lion… mon frère…

Un homme grand et imposant à la musculature particulièrement développée, mal rasé, le teint halé, une épaisse chevelure brune, les yeux marron clair. Sa tenue est à mille lieux d'évoquer son véritable statut : qui croirait que cet homme marchant en tongs, habillé d'une chemise à fleurs et d'un bermuda rose, est en vérité l'un des douze Chevaliers d'Or ? Il avance d'un pas décontracté, portant un sac de plage sur son épaule.
Au pied de la tour, Kemri voit le visiteur s'approcher de lui. Il s'en souvient : il l'a déjà vu… lorsqu'il a voyagé dans la mémoire de son maître. Premier contact : Jassugan est plutôt sympathique et réussit facilement à mettre le jeune garçon de onze ans en confiance. Quelques mots échangés… jusqu'à ce que les portes de bronze s'ouvrent, laissant sortir Cassandra de son refuge.

- Jassugan… Ainsi donc tu es revenu… Il y a bien longtemps…
- Oui, répond-il tristement… Bien longtemps que je n'ai vu ton visage féerique…
- J'aurai dû te tuer, poursuit-elle sur un ton acerbe, pour m'avoir arraché mon masque ce jour-là… Car telle est la loi…
- Oui, mais tu ne l'as pas fait… Et ce n'est ni par peur ni par faiblesse…
- De toute façon cela n'est plus possible, poursuit-elle en s'en retournant à l'intérieur de l'édifice.

Hassadan sort à son tour pour embrasser son aîné. Intrigué, Kemri regarde son maître disparaître dans l'obscurité avant d'interroger les deux frères du regard. Hassadan baisse la tête, comme s'il montrait son intention de ne rien dire. Jassugan s'assied sur un rocher, puis lève les yeux vers les étoiles naissantes…

- C'est une histoire compliquée, mais Cassandra ne m'en voudra pas de te la raconter… Elle et moi, nous nous sommes connus au Sanctuaire… Je l'ai aimée alors que nous n'étions encore que des enfants, à une époque ou ni elle ni moi n'étions des Chevaliers… quand son visage et ses yeux luisaient encore… Un jour, Cassandra a été attaquée par un dangereux agresseur… que nous n'avons jamais retrouvé. Cet homme a commis de nombreux crimes et il semblerait qu'il court toujours… malgré la traque incessante mise en place par le Grand Pope… Cassandra a survécu parce que je suis intervenu… Pensant qu'elle succomberait, l'agresseur s'est enfui à mon arrivée… mais sa blessure aux yeux était telle, du moins prétendue telle par le Grand Pope de l'époque, qu'elle a définitivement perdu la vue. J'en ai voulu au Grand Pope parce que je suis convaincu qu'il aurait pu faire quelque chose pour ses yeux…
- Jassugan, l'interrompt son frère. Tu sais ce qu'en pense Cassandra… Ce n'est pas nécessaire…
- Je sais… Désespérée, elle a quitté le Sanctuaire. Je l'ai suivie jusqu'ici, sur l'Ile de la Mort, pour l'empêcher de… mettre un terme à sa vie… Je lui ai offert mon amour et j'ai cru, naïvement, que c'est cela qui lui avait redonné l'envie de vivre. Mais à la même époque, de terribles événements ont ébranlé le Sanctuaire, alors elle a choisi de vivre afin d'apporter sa contribution à la sauvegarde de la planète… Elle est devenue la gardienne de l'Ile de la Mort, pour empêcher que le mal résidant en ce lieu ne se déverse sur le monde, et elle a obtenu son Armure Sacrée… Lorsque je lui ai retiré son masque, pensant qu'elle m'aimait, car la loi autorise les femmes Chevaliers à être vue sans leur masque par leur amant, j'ai perdu mes illusions et j'ai compris que j'avais commis une faute impardonnable… Pourquoi ne m'a-t-elle pas affronté ? Je persiste à espérer qu'elle éprouve un tant soit peu de sentiment pour moi mais… Oh excuse-moi de t'embêter avec toutes ces histoires…
- Tu ne m'embêtes pas, répond l'enfant. Je comprends même.

Une étrange ambiance règne cette nuit-là sur l'Ile de la Mort, entre un Chevalier amoureux et une Gardienne silencieuse. Le lendemain, après le départ du Chevalier du Lion, Kemri aborde Hassadan.

- Pourquoi l'as-tu interrompu quand il m'a parlé de l'ancien Grand Pope du Sanctuaire à qui il en veut tant ?
- Ce… n'était pas vraiment nécessaire, répond-il un peu gêné…
- Nous savons tous les deux qu'il parlait de Valkhan. Mais j'ai confiance en lui : il nous a prévenu qu'il était considéré comme un traître… Et si Valkhan n'a pas soigné les yeux de Cassandra, c'est sûrement parce qu'il n'a pas pu le faire…
- Non, Phénix, intervient Cassandra qui entre dans la petite chambre. Seulement parce que je ne l'ai pas voulu… car ma cécité me fit apercevoir ce jour-là le début des tragiques événements qui allaient se dérouler… et j'ai compris que je serai plus utile sans mes yeux. Il est encore prématuré de te révéler tout ce qui s'est passé cette nuit-là… cette nuit où j'ai " vu " pour la première fois… cette nuit où Valkhan a " trahi "… cette nuit où le Sanctuaire a " basculé "…
- Mais… Et Jassugan ?
- C'est un Chevalier loyal et profondément bon, mais il ne voit pas…Il ne sait pas… Et au fond veut-il seulement voir ou savoir ?… Lui non plus n'est pas prêt… Toi, tu le seras bien avant lui… J'espère seulement qu'il ne sera pas trop tard, mais…


Août 2197. Sanctuaire, Grèce. Gravissant les marches de la montagne sacrée qui doivent le mener dans la Chambre du Grand Pope, le Chevalier d'Or du Taureau parcourt les derniers mètres de sa lente promenade. Ce grand blond de deux mètres de haut, aux yeux verts et au sourire étincelant montre ses dents brillantes qui renforcent l'attirance naturelle de son beau visage. Une petite boucle d'oreille en forme de lune est accrochée à son oreille gauche. Il porte son armure, à l'exception de son casque amputé d'une corne qu'il tient sous son bras. Alors qu'il atteint le parvis, il constate que l'un de ses compagnons est déjà là : Jassugan, le Chevalier du Lion, lui rend son sourire.

- Ah, Nath ? On dirait qu'encore une fois, tu as préféré prendre le chemin le plus long. Certains d'entre nous ont-ils essayé de t'empêcher de traverser leur demeure, dis-moi ?
- Disons que je n'ai pas croisé grand monde. Heureusement que le Sanctuaire n'est pas directement menacé car à part moi, il n'y a que Ran qui gardait sa maison. Je pensais bien être l'avant-dernier. Ne me dis pas que tu es seul ?
- Non rassure-toi… Leiche, Mégare et Arthur sont déjà à l'intérieur, et je crois que Seigi s'entretient déjà avec le Grand Pope.
- C'est tout ! Il n'y a donc que les Chevaliers du Cancer, du Sagittaire, du Capricorne et des Gémeaux qui soient déjà arrivés ! Avec nous, le nombre est porté à six. Mais sais-tu pourquoi le Grand Pope a-t-il décidé de convoquer les douze Chevaliers d'Or en même temps ? Y aurait-il un problème ? Déjà ?
- Je ne pense pas. Et d'après ce que Mégare m'a confié, c'est Athéna qui aurait souhaité tous nous rencontrer au même moment… pour la première fois.

Les deux Chevaliers d'Or interrompent leur discussion quand ils perçoivent le bruit du pas déterminé d'un de leurs compagnons s'approcher d'eux : Khyron le Sinistre, le Chevalier du Scorpion, vient d'arriver. Il passe à côté d'eux, puis s'arrête un instant.

- Qu'attendez-vous donc pour entrer ? On ne fait pas attendre la Déesse Athéna et le Grand Pope.

Haussant les épaules, Nath et Jassugan emboîtent le pas de Khyron. Les trois Chevaliers d'Or prennent place dans la Chambre Sacrée, où trois autres de leurs pairs attendent déjà.

- Tu ne m'avais pas dit que Mégare était arrivé ? chuchote Nath à l'oreille de Jassugan.
- Si, mais il doit être avec Athéna sur l'Autel en attendant le début de la réunion.
- Regarde, Seigi est tout seul dans son coin… J'ai l'impression qu'il ne va pas très fort ces temps-ci.
- Je ne pourrais te dire, je ne suis pas assez souvent au Sanctuaire.
- Mais moi si, et en tant que… maire, oui je sais ça fait sourire, du village de Rodrio, je suis au courant de toutes les rumeurs. On a pensé qu'il avait disparu à un moment, et puis plus tard, quand il est revenu de sa mission secrète, les gens l'ont trouvé très changé, il a dû lui arriver quelque chose… Moi aussi je trouve qu'il n'est plus tout à fait le même : il est beaucoup plus distant qu'auparavant… même de nous les autres Chevaliers d'Or.

Le Chevalier du Taureau adresse un signe de la main au Chevalier des Gémeaux, de loin. Celui-ci répond par un discret hochement de tête puis regarde ailleurs, perdu dans d'insondables pensées.
En les voyant ainsi, Khyron le Sinistre ne manque pas de montrer une moue agacée à ses deux compagnons qui n'arrêtent pas de papoter. Non loin d'eux, Leiche, le Chevalier du Cancer, s'adosse à une colonne, sans prêter attention à leurs bavardages. Plutôt frêle, le Chevalier au teint cadavérique se tient en retrait. Ses cheveux noirs de longueur moyenne sont partagés par une raie centrale et retombent sur ses yeux sombres.
A proximité de Khyron, le noble Chevalier du Capricorne affiche quant à lui un air amusé. Arthur, le vétéran des Chevaliers d'Or est un homme robuste pourvu d'une fine moustache élégante et d'une importante chevelure blanche, poudreuse, non sans rappeler les coiffures de la noblesse européenne du dix-septième siècle. Il ferme ses yeux verts, croisant les bras en attendant le début de la réunion.
Du bruit venant de l'antichambre, trois nouveaux invités entrent dans la pièce : les Chevaliers du Bélier, du Verseau et des Poissons. Lama vient poser un genou à terre en face du trône du Grand Pope, pour le moment vide. Lushia s'arrête à côté de Leiche : ce n'est sûrement pas par hasard qu'il a choisi de s'installer près du moins causant après lui d'entre tous les Chevaliers d'Or. Quant à Ran, le plus beau de tous, il se place juste derrière les deux bavards.

- Alors Ran, murmure Nath, tu en as mis du temps pour nous rejoindre ?

Le Chevalier à la beauté sculpturale plonge son regard d'un vert ambré dans celui du Chevalier du Taureau. Il a de longs cheveux blonds ondulés aux reflets argentés sur les pointes, son tendre visage d'enfant est d'une rare pureté. Et c'est d'une voix presque chantante qu'il répond à son compagnon.

- Disons simplement que j'ai été retenu par le Chevalier de la Vierge.
- Alors ça veut dire que Kalkin aussi est arrivée au Sanctuaire ? interroge Jassugan.
- Non, reprend doucement Ran, elle est encore sur les rives du Gange. Mais elle est entrée en communication avec mon Cosmos depuis la maison de son père.
- Quoi ? Elle est encore là-bas, rétorque Nath au moment où Mégare regagne la pièce, mais elle ne sera jamais à l'heure au rendez-vous !
- Tu ne devrais pas sous-estimer Kalkin, Nath, précise le Chevalier des Poissons. J'avoue que la puissance de son Cosmos m'a impressionné, elle a récemment atteint… un autre degré dans le cheminement vers la Connaissance, au-delà du septième sens. J'espère qu'aucun d'entre vous n'est misogyne parce que la seule femme parmi les douze Chevaliers d'Or est devenue, j'en suis convaincu, bien supérieure à n'importe lequel d'entre nous.
- C'est absolument incroyable ce que tu nous dis, Ran, poursuit le Chevalier du Lion. Mais de quoi pouvait-elle s'entretenir avec toi pour que cela la retarde autant ?
- Elle a… un petit soucis. Mais nous devrions rapidement être fixés… Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment. Quand Kalkin sera là, les choses s'éclairciront.

Au même instant, le Chevalier de la Balance arrive. Dans la minute qui suit, Bishop fait son entrée. Aussitôt les onze Chevaliers d'Or se rassemblent en deux arcs de cercle devant le trône et posent un genou à terre, tous parés de leur Armure Sacrée, casque sous le bras. Le maître du Sanctuaire reste debout devant son siège puis sa voix s'élève.

- Je vois que nous sommes presque au complet. J'espère que le Chevalier de la Vierge nous aura bientôt rejoint. Sachez que la Déesse Athéna viendra nous honorer de sa présence dans le courant de la matinée. C'est parce qu'elle a souhaité vous rencontrer tous ensemble que j'ai organisé cette réunion exceptionnelle. Athéna voudrait vous assurer de sa reconnaissance pour votre fidélité et votre dévouement à notre cause, en prévision des Guerres Saintes qui s'annoncent. Sachez que…

C'est alors qu'un étrange phénomène se produit, interrompant le Grand Pope : les onze Armures d'Or se mettent à vibrer et une étrange mélodie commence à se répandre à travers tout le Sanctuaire.

- Elle est arrivée, murmure Ran. Ce qui se passe est la preuve que les douze Armures d'Or sont réunies dans un même lieu. Kalkin nous a rejoint.

S'avançant, un masque doré sur son visage, le Chevalier d'Or aux longs cheveux argentés rejoint ses pairs, mais elle ne s'agenouille pas. Elle semble fixer le Grand Pope. Un étrange duel de regards invisibles semble commencer derrière leurs masques respectifs. Bishop recule d'un pas, butant contre son trône.

- Comment un être aussi vil peut-il occuper le plus haut rang du Sanctuaire ? Suppôt des forces du mal, ton visage est celui du Diable ! Mon devoir est de te détruire !

Les paroles de Kalkin jettent un froid dans l'assemblée. Les onze Chevaliers d'Or se relèvent précipitamment tandis que le Cosmos du Chevalier de la Vierge s'embrase. Le Chevalier du Lion l'interpelle.

- Kalkin ! Tu es devenue folle ! Comment peux-tu blasphémer de la sorte ?
- Tais-toi Jassugan ! De par l'enseignement qui est le mien et qui désormais surpasse le vôtre, je sais distinguer le bien du mal quand j'y suis confrontée. Et je suis aujourd'hui en mesure d'affirmer sans le moindre doute que cet homme incarne… le Mal !

Dans la Chambre Sacrée, deux puissants Cosmos s'enflamment. Deux puissants Cosmos se défient. Deux puissants Cosmos s'affrontent. Onze autres sont prêts à intervenir… mais pour défendre lequel ? Le Sanctuaire tout entier est maintenant déstabilisé…


Les ruines d'un temple ancien au sein du Sanctuaire. Quelques colonnes doriques encore dressées, un muret encore intact, quelques dalles de marbre séparées par des lignes vertes de mousse, témoins de la tentative de la nature essayant de reprendre ses droits en ce lieu oublié des hommes. Un enfant de onze ans, yeux noisettes et cheveux verts coiffés en brosse, assis en tailleur au milieu ce ces vestiges, écoute, admiratif, le musicien qui joue divinement, adossé à l'une des colonnes. Le joueur de lyre est un beau jeune homme, plutôt chétif ; ses traits sont fins et purs, il a de longs cheveux blonds aux reflets lumineux. On le croirait sorti tout droit de l'Antiquité, il porte une somptueuse tunique blanche aux coutures dorées et des sandales d'argent, ainsi que de nombreux bijoux : bracelets, boucle d'oreille, collier… sertis des joyaux les plus purs.
Alerté par les notes enchanteresses du divin troubadour, Néo vient s'asseoir à côté de l'autre novice qu'il ne connaît pas. Le musicien ne semble pas se préoccuper de leur présence et continue de jouer. A son tour, Néo se laisse emporter par la douce mélodie, envoûtante même. Tout en essayant d'être le plus discret possible, son voisin chuchote à son oreille.

- Il joue bien, hein ? Je pourrai rester des heures à l'écouter.
- C'est vrai, répond Néo dans un murmure. Mais qui c'est ?
- C'est Apollo, le Chevalier de la Lyre.
- Ah ? Oui… Apollo, c'est aussi un Chevalier d'Argent. Je crois que mon maître m'a déjà parlé de lui. Beaucoup disent qu'il serait le moins fort de sa catégorie. Mais Morgane dit que ce ne sont que des balivernes, et que ce Chevalier aurait plus d'un as dans sa manche.
- Hein ? Tu es le disciple du Chevalier de l'Aigle ?
- Oui, je m'appelle Néo.
- Alors enchanté, rival. Mon nom est Nova, disciple de Bellatrix.
- Rival ? Qu'est-ce que tu racontes ? Et tu as dit Bellatrix ? Le plus puissant de tous les Chevaliers d'Argent ?
- Bellatrix, mon maître, m'a prévenu que le disciple de Morgane s'entraînait ici pour la même Armure Sacrée que moi : celle de Pégase. Et tu as raison : le Chevalier d'Orion est bien le plus fort de tous les Chevaliers d'Argent…

Brusquement, Apollo cesse de jouer, les deux garçons se taisent ; tous sont dérangés par un phénomène des plus étranges : le Sanctuaire tout entier vibre au rythme d'une musique lointaine, une harmonie parfaite qui se répand tout autour, jusque dans les moindres parcelles de leur corps. Apollo s'est redressé et observe le sommet de la montagne sacrée, source du phénomène mystérieux…

- Il n'y a qu'une seule explication possible : les douze Chevaliers d'Or sont en ce moment même réunis dans la Chambre Sacrée du Grand Pope.

Pendant plusieurs minutes, l'étrange sonorité continue de résonner… quand brusquement… chacun est sous le coup d'une sensation étrange et effrayante que même les novices les moins expérimentés perçoivent. Deux puissants Cosmos viennent de libérer une puissance incommensurable… mais surtout d'entrer en conflit.

- Vous avez senti ? s'exclame Nova, se relevant précipitamment.
- Oui, répond Néo. On dirait que deux forces très puissantes sont en train de combattre, c'est ça ? Est-ce que ça veut dire que les Chevaliers d'Or se battent entre eux ? C'est pas possible !
- Pourtant c'est bien ce qui est en train de se produire, réplique Apollo. Ou plutôt non, c'est bien plus terrible car je reconnais ce Cosmos, c'est celui du Grand Pope ! Quant à l'autre, lequel des douze…

Au même instant, un Chevalier tout en Armure fait irruption auprès d'eux, Néo ne l'a même pas senti arriver. Il n'aura pas le temps de l'observer suffisamment qu'il aura disparu, juste après avoir énoncé quelques mots.

- Hâte-toi, Apollo. Nous devons immédiatement nous rendre dans la Chambre Sacrée : le Pope et Athéna sont peut-être en danger.
- Maître ! crie Nova.

Bellatrix ne prend même pas le temps de répondre à son disciple qu'il est déjà parti. L'instant suivant, Apollo a déserté les lieux, laissant seuls avec leurs inquiétudes deux jeunes garçons qui prennent conscience qu'un terrible événement est peut-être en train de se jouer.

Ce soir-là, Néo attend son maître de pied ferme, inquiet. Les soldats lui ont appris que tous les Chevaliers du Sanctuaire s'étaient rués vers la Chambre Sacrée sur l'ordre de Bellatrix. Toute la journée, il a attendu, en proie à une angoisse indéfinissable. Lorsqu'enfin il la voit arriver. Toute sa tension retombe et il ne peut s'empêcher de se jeter dans ses bras. Il s'est longuement demandé si un seul Chevalier sortirait vivant de cette alerte.

- Calme-toi, Néo. Tout va bien.
- J'ai eu si peur qu'il te soit arrivé quelque chose. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Lorsque nous sommes arrivés, le combat était terminé. Le calme était déjà revenu. Le Grand Pope nous a dit qu'il ne s'agissait que d'une… expérience…
- Une expérience ? Il aurait pu prévenir tout de même ! On s'est fait un sang d'encre, à se demander si le Sanctuaire n'était pas attaqué par les forces du mal, s'il n'allait pas être détruit…
- Une expérience, a-t-il dit ! poursuit-elle. Comme si c'était le genre du Chevalier de la Vierge ! Il s'est passé quelque chose aujourd'hui dans la Chambre Sacrée du Grand Pope… Mais Mégare n'a rien voulu me dire.


Chambre Sacrée du Grand Pope, treize Cosmos en ébullition. Khyron le Sinistre fait rempart de son corps pour protéger le Pope Bishop, faisant face au Chevalier de la Vierge.

- Chevalier, je te défie ! Tu as osé insulter notre maître à tous, c'est un acte de haute trahison. Tu mérites la mort et moi, Khyron, Chevalier du Scorpion, mettrai un terme à ta félonie !
- Ote-toi de mon chemin où tu en subiras les conséquences, toi aussi, si tu t'allies aux forces du mal !

Une violente expression de Cosmos émane alors de la femme Chevalier et balaie le Chevalier du Scorpion tandis qu'elle marche vers le Grand Pope. A son tour, le Chevalier des Gémeaux tente de s'interposer, quand la main de Neishing le retient.

- Attends Seigi ! Laissons-les se battre. Si Kalkin a dit vrai, Bishop doit être combattu. Et si elle a menti, alors elle sera punie. J'ai confiance : seule la Justice sortira vainqueur de ce combat. Le doute a maintenant été semé, et l'issue de cet affrontement nous prouvera ou bien la preuve que Kalkin a dit la vérité, ou bien la légitimité de notre maître à tous.

Les paroles du Chevalier de la Balance portent leurs fruits, alors que Khyron se relève. Tous les Chevaliers d'Or reculent, devenus désormais les spectateurs attentifs d'un combat qu'ils n'auraient jamais cru possible.
Les deux énergies du Chevalier de la Vierge et du Grand Pope s'avèrent extrêmement puissantes, dépassant toutes deux celles des onze autres Chevaliers. Tous sont surpris que Kalkin ait atteint un tel degré de pouvoir. Le combat se poursuit plusieurs heures.

- Ils sont de forces égales, murmure le Chevalier du Capricorne. C'est un combat qui durera mille jours et mille nuits s'ils continuent ainsi !

Les Chevaliers du Taureau et du Lion interrogent Ran du regard. Des sueurs couvrent maintenant le doux visage enfantin du Chevalier des Poissons. Est-ce de cela qu'il leur avait parlé ? Est-ce de cela que Kalkin l'avait entretenu avant de venir au Sanctuaire ?

- Le Chevalier de la Vierge m'a informé qu'elle avait très récemment senti une puissante énergie maléfique au cœur même du Sanctuaire. J'ai rapidement compris que celui qu'elle soupçonnait, c'était… le Grand Pope…

Une puissante explosion de lumière. Kalkin a cessé le combat, joignant ses mains en prière, comme pour se préparer à abréger le combat : tous comprennent qu'elle va avoir recours à ses techniques secrètes les plus puissantes. Bishop s'écarte, haletant, son aura grandissant d'une brillance multicolore. Alors que Kalkin écarte doucement les paumes de ses mains jointes, une petite sphère de lumière vient naître dans le creux ainsi formé.

- Subis le Châtiment du Ciel !

La sphère explose, répandant sa lumière, frappant le Grand Pope, lequel est emporté et s'effondre au sol. Pour la plupart des Chevaliers d'Or, ce n'est presque plus une surprise. Bishop, resté silencieux depuis le début, tente de se relever, alors que Kalkin s'avance. Une nouvelle sphère de lumière s'est matérialisée devant elle, qui abaisse sa main gauche ouverte vers le sol exécutant le geste de l'exaucement des vœux, et lève sa main droite réalisant le geste de l'apaisement.

- C'est fini. Ton destin va s'accomplir : je vais t'envoyer dans l'un des Six Mondes de la Métempsycose. Adieu, démon…
- Arrête, Chevalier de la Vierge !

La voix d'une enfant est parvenue à stopper l'attaque imminente du Chevalier d'Or. Au fond de la pièce, en haut de quelques marches, la silhouette floue de Raphaëlle se dessine dans l'ombre d'une clarté irréelle. Les ardeurs belliqueuses s'apaisent au simple son de la voix de l'enfant. Kalkin s'est tournée vers elle, en même temps que Bishop. Les regards des onze Chevaliers spectateurs se focalisent maintenant sur le seul être au monde susceptible de les aiguiller vers la vérité : la Déesse Athéna. Longuement, Kalkin semble communier avec le Cosmos de la petite fille, puis la première avant ses onze frères d'armes, elle s'agenouille devant la demoiselle.
Raphaëlle s'avance au devant du Chevalier de la Vierge, tandis que Bishop contourne les douze guerriers pour venir se placer à la droite de l'enfant. Après une longue communion, Kalkin se redresse.

- En vertu du Savoir qui m'est conféré, je suis en mesure d'affirmer, Princesse Athéna, que de votre Cosmos surpassant même le mien et celui du Grand Pope, émane un profond sentiment de bonté et de justice.
- Chevalier Kalkin, poursuit Raphaëlle. Bishop est mon fidèle représentant, c'est moi qui l'ai choisi, il ne peut pas être comme tu l'as décrit.
- Pardonnez-moi… Pardonnez-moi d'avoir douté de vous. Si vous me le permettez, je vais me retirer dans la Maison de la Vierge et méditer jusqu'à la fin de ma vie sur mes actes…
- Je te pardonne, Chevalier, tout comme Bishop te pardonne aussi…

Le Grand Pope semble acquiescer de la tête tandis que, suivant Kalkin, un à un, l'esprit troublé, les Chevaliers d'Or quittent la pièce.

" Et si Kalkin avait raison, pense le Chevalier de la Balance, mieux vaut se méfier du Grand Pope… "
" La parole d'Athéna a chassé les doutes, se rassure le Chevalier du Sagittaire, je resterai fidèle au Grand Pope. "
" Le doute a germé dans les cœurs, songe le Chevalier des Poissons, mais avons-nous seulement le choix ? "
" Le Grand Pope est notre maître à tous, raisonne le Chevalier du Scorpion, je lui ai juré allégeance. "
" Et si mon maître n'était pas un traître, doute le Chevalier du Bélier, ce combat a-t-il seulement un sens ? "
" Nous l'avons échappé belle, maugrée le Chevalier des Gémeaux, il s'en est fallu de peu. "
" Il se passe de bien curieux événements, s'inquiète le Chevalier du Taureau, il va falloir être prudent. "
" Faut-il accepter de croire, rêve le Chevalier du Verseau, à tant de chimères illusoires ? "
" La Connaissance est la source de la Vérité, spécule le Chevalier du Capricorne, une telle erreur est-elle possible ? "
" Que faut-il comprendre ? s'interroge le Chevalier du Lion, si ce n'est que rien n'est jamais certain. "
" Hum… médite le Chevalier du Cancer, peut-être… "

Raphaëlle et Bishop restent seuls dans la Chambre Sacrée, pour l'épilogue de ce qui restera dans les mémoires ce qu'on a appelé le Jour des Doutes.

- Mais je ne comprends pas, Bishop : pourquoi Kalkin a-t-elle cru voir en toi l'expression des forces du mal ?
- Je l'ignore, Princesse Athéna, répond-il tout en s'agenouillant devant la petite fille, retirant son masque, puis prenant la petite main de l'enfant afin d'y déposer un baiser. Mais ce qui aujourd'hui ne fait plus aucun doute, c'est que vous avez manifesté votre pouvoir divin… et sauvé le Sanctuaire du trouble qui aurait pu définitivement nous ébranler… et compromettre notre victoire dans la Guerre Sainte à venir.


Avril 2198. Torrent de Rozan, Cinq Pics, en Chine. L'heure est aux retrouvailles de deux enfants devenus adolescents. Depuis toutes ces années, le petit Shin a grandi, ses cheveux bleu vert ont poussé, maintenant coiffés en une courte brosse. Il ne s'attendait pas à le voir revenir, seul. En face de lui, même s'il a changé, il le reconnaît : Tamon. Le petit enfant a beaucoup grandi, il le dépasse largement de plus d'une tête. Il a toujours le crâne rasé ainsi que sa longue tresse noire descendant jusqu'au niveau de ses genoux ; seule nouveauté, elle est maintenue à sa base par un épais anneau d'or. Torse et pieds nus, ne portant qu'un maigre baluchon et un bâton lesté, il a parcouru une longue distance depuis la Grèce pour venir jusqu'ici.

- Tamon ! l'accueille Shin. Cela fait si longtemps… Comment vas-tu ?
- Je voudrais parler à ton maître.

Le ton de sa voix est froid et sec. Certes il n'a jamais été très sociable, mais là il semble vouloir éviter toute dispersion et ne se consacrer à rien d'autre qu'à l'objet de sa visite. Il va droit au but, il est pressé… Pendant quelques instants, Tamon s'entretient à l'écart avec le Chevalier de la Balance. Un entretien relativement bref au terme duquel l'Indien se prépare à reprendre la route. Avant de partir, il s'arrête un instant à côté de Shin.

- Shin ! Sache que Soliman, mon maître, est mort il y a trois ans maintenant. Il a été assassiné par un homme sans honneur qui n'aurait pas dû vivre aussi longtemps si ton maître ne l'avait pas laissé en vie. Je réparerai cette erreur : je le traquerai et le tuerai.
- Comment ? Soliman a été tué… par… par Jorund, c'est ça ! Tu veux venger sa mort. Attends, il est très fort s'il…
- Il ne s'agit pas de venger la mort de mon maître. Si je n'avais été animé que par un sentiment de vengeance, je l'aurai poursuivi immédiatement. Je me suis préparé pendant trois ans, en mettant en pratique tout ce que Soliman m'a enseigné. Je retrouverai Jorund, je le combattrai et je le battrai, simplement pour prouver que dans le domaine des arts martiaux, l'enseignement de Soliman aura été le meilleur qui soit au monde. Adieu, futur Chevalier…
- Attends ! Et Eryn…
- Elle est au Sanctuaire et elle aussi devrait bientôt devenir Chevalier d'Athéna, car telle était la volonté de Soliman. Mais tu ferais mieux de l'oublier, simple conseil.
- Eryn… au Sanctuaire…
- Que ton étoile te garde, jeune dragon, peut-être nos chemins se croiseront-ils à nouveau un jour…

Tamon s'en est allé… sur les traces de Jorund, cet assassin qui était venu aux Cinq Pics quelques mois seulement avant de tuer Soliman. Rejoint par son maître, Shin regarde le jeune homme s'éloigner.

- Il vous a reproché d'avoir laissé Jorund en vie, c'est cela ?
- Entre autres, répond Neishing sur le ton de la résignation. Il n'a peut-être pas tout à fait tort. J'ai commis une faute : celle de laisser en liberté un criminel dangereux. Cependant, je n'arrive pas à croire que Soliman ait pu être vaincu et qu'il ait succombé… J'ai une dette à présent, et tôt ou tard, il me faudra l'honorer… Je vais devoir me retirer quelques jours pour réfléchir à ma conduite… et sur certaines autres choses…

Trois jours plus tard, Neishing est de retour. Une arrivée des plus mouvementées qui tire Shin de sa méditation : un flot de grossièretés émanant de la voix d'un enfant manifestement très en colère. En ouvrant les yeux, il distingue tenu sous le bras de son maître un garçon de huit ans vêtu simplement d'une tunique faite dans ce qui ressemble à une peau de tigre ; il a la peau sombre, d'épais cheveux noirs en bataille, les yeux marrons. Le garnement fait plutôt très négligé, pas très propre même. Il agite frénétiquement ses pieds pour essayer de se libérer de l'emprise de Neishing, qu'il affuble d'ailleurs des noms les plus vulgaires qui soient. Le Chevalier de la Balance le lâche enfin, juste devant Shin. L'enfant se rue sur Neishing, le tapant sans cesse avec le dessous de ses deux poings tout en continuant de hurler.

- Je voulais pas venir ici ! Pourquoi t'es allé me chercher ? J'étais très bien là-bas !
- Yao ! tonne le Chevalier d'Or. Les villageois en avaient plus qu'assez que tu vives à leurs crochets, semant la pagaille sur les marchés pour voler ta nourriture, ils t'ont pourtant proposé un toit mais tu as refusé, préférant vivre en enfant sauvage au milieu des bois. Mais ça ne peut plus durer, aussi ai-je décidé de te ramener ici avec moi ! Et puis je t'ai laissé ta chance, non ? Pour l'instant, je te présente Shin, mon disciple.

Yao se retourne tout en grognant en direction du jeune Japonais. Il le scrute un bref instant, avant de… lui tirer la langue, enchaînant avec les grimaces les plus laides qui soient.

- En... Enchanté, Yao, répond-il tout en essayant de lui tendre la main, esquissant un sourire maladroit.

Le garnement jette un œil à la main tendue, arborant une moue indifférente, puis il lui tourne le dos en laissant pour toute réponse un bruit nauséabond émanant de son postérieur. Puis il va bouder dans la cabane.

- Il a… venté, pouffe Shin.
- Moui… ça nous promet bien des réjouissances pour l'avenir : toute son éducation est à faire.

Désormais, Yao allait faire partie de la vie quotidienne aux alentours du torrent de Rozan. Etait-ce pour se pardonner d'avoir laissé Jorund en liberté que Neishing avait décidé de se montrer aussi généreux en venant en aide aux villageois, en les débarrassant d'un garçon chapardeur et grossier, et surtout, en décidant de le recueillir pour essayer de lui apporter une éducation… ne serait-ce que minimale ?


Juillet 2198. Le crépuscule sur l'Ile de la Mort. Trois silhouettes sombres marchent dans le soleil couchant et s'arrêtent à quelques mètres de Kemri. Le jeune adolescent regarde fixement les trois garçons plus âgés que lui. Bien qu'ils aient un peu changé en cinq ans, il les reconnaît immédiatement et peut mettre un nom sur chacun de leur visage. Celui qui est au centre, devançant légèrement ses deux comparses, l'homme à la peau claire et aux cheveux verts, prend la parole.

- Tu ne m'as pas oublié, petit… Je suis Sauran, Seigneur des Chevaliers Noirs.

Il porte des vêtements sombres tout comme ses deux complices. Celui qui est à sa droite, le plus jeune visiblement, n'avait fait qu'assister les deux autres. Même lui, Kemri avait retenu son nom, à peine entendu une fois.

- Je suis Icare, second lieutenant de Sauran…

A la gauche du seigneur noir, celui-là, il n'aurait pas pu l'oublier… Son regard de braise s'enflamme, il serre son poing, contenant une haine non dissimulée.

- Hé hé hé ! Je vois avec un plaisir immense que tu n'as pas oublié le bon Sciron, premier lieutenant de Sauran, dit-il en tapotant son pantalon au niveau du sexe comme pour évoquer un fait précis bien connu.

Le chef du trio s'avance, obligeant Kemri à reporter son attention sur lui. Il le défie du regard, puis éclate de rire avant de reprendre.

- Tu te rappelles ce que je t'ai dit, n'est-ce pas, lors de notre précédente rencontre, hein ? Petit !
- En revanche toi tu ne sembles pas te souvenir de mon nom, j'ignorais que les Chevaliers Noirs n'avaient pas de cervelle…
- Tais-toi ! Minus ! Ton nom, je n'en ai rien à faire ! Tu n'as pas de nom pour moi, tu n'es rien, tu entends ! Rien ! Mais tu n'as pas compris mon précédent avertissement puisque tu es encore sur cette île. Tu perds ton temps ici et tu ferais bien de repartir du pays d'où tu es venu car l'Armure du Phénix ne sera jamais tienne. Bientôt j'irai la chercher au cœur du volcan. Tu saisis ! (Murmurant…) Car ça m'ennuierait de devoir tuer un minable de ton espèce… le jour où tu seras si près du but…
- C'est toi qui perds ton temps à essayer de me faire peur… petit !

Tout en serrant ses poings, Sauran ferme les yeux et baisse la tête avant de la redresser lentement. Son regard pénètre celui de Kemri… Deux regards pleins de haine… Un choc…
Kemri sent ses tripes remonter dans son corps. Il n'a pas vu venir le coup rapide et précis que lui a asséné Sauran en plein estomac. Celui-ci retire son poing, nimbé d'une fine aura.

- C'était le dernier avertissement !

Puis il s'éloigne, rejoint par Sciron, ricanant de sa petite voix sadique, et par Icare, affichant un air à la fois navré et amusé. Kemri se redresse lentement. Il n'a pas si mal… Il pourrait leur en montrer… A tous les trois… Le moment est venu… Quand la main de Cassandra se pose sur son épaule, chassant toute son agressivité en un instant…

- Laisse-les, Phénix. Le jour viendra où chacun d'eux connaîtra son destin. Mais ce n'est pas encore l'heure. Ce jour-là, ils risquent bien de se brûler les ailes…


Août 2198. Yao vit en compagnie de Shin et de son maître depuis cinq mois déjà, près du torrent de Rozan. Les tentatives d'éducation de Neishing ne semblent pas avoir produit de merveilles : Yao est infâme, grossier, sale. Il ne lâche plus le jeune Shin d'une semelle, le harcelant de commentaires à la fois vulgaires et presque démoralisants sur tout ce qu'il fait. Pourtant Shin ne peut qu'être empli de compassion envers le pauvre petit homme : Neishing lui a raconté ce qu'avait été son terrible destin.

- A la mort de sa mère, Yao a été pris en charge par les habitants du village. Il ne connaît pas son père, un truand notoire dont j'ai moi-même contribué à l'arrestation il y a bien des années. Très instable et on comprend pourquoi, Yao a montré une certaine précocité dans divers domaines, ce qui lui a permis de gagner son indépendance. Il s'est enfui et on ne l'a retrouvé qu'au bout de plusieurs mois : il avait fait son nid dans les bois. Il s'est débrouillé, vivant de chasse, de pêche, de cueillette… et de vol. Les villageois n'auraient jamais pu le rattraper si Ryû ne s'en était mêlé. Mais quelques jours plus tard, Yao avait repris le chemin de la forêt. Cette situation a duré plus de trois ans, et lorsque je me suis retiré il y a quelques mois, les villageois excédés m'ont demandé d'intervenir. Ce n'était pas leur première requête, mais cette fois, j'ai accepté… pour des raisons disons… personnelles… Yao et moi avions passé un marché. Bien souvent les villageois ont essayé de l'attraper, il n'y a que Ryû qui y soit parvenu une fois, au terme de plusieurs heures de chasse. Si je réussissais à l'attraper en moins de dix minutes après lui en avoir laissé une d'avance, il resterait avec moi, ici. Je l'ai trouvé et attrapé en quarante-trois secondes !

Toujours vêtu de sa peau de fauve - il a perpétuellement refusé de porter d'autres vêtements et ne supporte pas les chaussures - Yao a cependant apporté un peu de fraîcheur et d'humour à l'ambiance des lieux, où ne régnait jusque là que la rigueur. Petit à petit, Shin l'a même mêlé à son entraînement. Est-ce par jeu ou par défi que le gamin a favorablement répondu ? Toujours est-il que bien qu'il ne cesse de répéter à tue-tête qu'il le déteste autant que Neishing, Shin sent bien qu'un sentiment d'amitié est né entre eux.
Ce jour-là, tandis que le jeune Japonais s'entraîne en frappant les eaux du torrent de toutes ses forces, Yao taille un épieu de bois tout en gardant un œil avisé et ironique sur l'exercice de son aîné.

- Ben voyons ! Pis tu crois peut-être qu'à force de frapper cette cascade comme un imbécile, tu vas apprendre quelque chose d'utile ? Qu'espères-tu ? Tu sais, tu vas pas la faire aller en sens inverse, hein ? Les torrents se sont toujours écoulés de haut en bas !

Non loin de là, Neishing sourit aux paroles du garnement, tout en pensant que celui-ci ne croit pas si bien dire, s'il savait que c'est justement ce que Shin est en train d'essayer de faire.
Le bruit du galop d'un cheval, un cavalier en visite. Depuis l'affaire Jorund, Ryû est revenu plusieurs fois. Dès son arrivée, Yao cesse instantanément son activité et bondit furieux sur le jeune cavalier fraîchement descendu de sa monture. Un flot ininterrompu de grossièretés et d'insultes, une avalanche de coups de poings et de coups de pieds. Le petit homme semble pourvu d'une ardeur incroyable et surtout d'une rancœur intarissable à l'égard de Ryû. Celui-ci esquive les coups de l'enfant avec une grâce naturelle, tout en souriant.

- Décidément Yao, tu n'as toujours pas digéré la juste correction que je t'ai administrée lors de notre précédente altercation. Puis-je me permettre de te demander de cesser cette agression physique et verbale ou je réitérerai sur-le-champ la même punition.
- Tu peux courir, connard ! Je vais me venger et… Aaaaaaaaaaaaah ! Non ! Arrête ! Aïe !

Il n'a pas fallu beaucoup à temps à Ryû pour saisir Yao, le plaquer sur son genou pour lui administrer une humiliante fessée… tunique relevée… Ainsi voilà la raison pour laquelle le sale petit môme en veut tant à Ryû. D'ailleurs, il refuse de lui adresser la parole après cette nouvelle défaite et s'en retourne bouder dans la cabane.
Après quelques mots échangés, Ryû propose à Shin de s'entraîner avec lui au combat. Neishing approuve et semble trouver un réel intérêt à voir combattre les deux garçons ensemble. Le maître s'assied et observe attentivement les échanges de coups que se livrent les deux combattants.
Précision, concentration, efficacité, puissance… les qualifient autant l'un que l'autre. Etrangement leur style de combat est très proche bien qu'ils n'aient pas suivi le même enseignement. Shin est très fort et bien entraîné, il devrait en toute logique surpasser son adversaire, pourtant ce n'est pas le cas. Au fur et à mesure que le combat se prolonge, Ryû prend même le dessus…

- Comment est-ce possible ? pense le Chevalier de la Balance. Shin est un excellent élève qui a reçu mon enseignement, il essaie de gagner l'Armure du Dragon qui n'est pas réputée être la plus facile à obtenir et… Ryû, élève de personne, qui ne suit aucun entraînement particulier, le surpasse… Je ressens son Cosmos… ce Cosmos puissant et mystérieux, pourtant en harmonie avec la nature de ces lieux…

Le combat est terminé : Ryû l'a emporté. Neishing se relève et applaudit lentement tandis que les deux adversaires de quelques instants s'inclinent pour se présenter leurs respects mutuels.

- Ryû, déclare Neishing, tes capacités dépassent de très loin celles du commun des mortels. Tu as encore énormément progressé depuis notre dernière rencontre… (Puis en pensée…) Tu pourrais même vaincre Jorund aujourd'hui…
- Vous plaisantez, maître Neishing, répond-il en souriant. Je ne suis pas un entraînement aussi intensif que votre élève. Je ne l'ai emporté simplement parce que je suis plus âgé et qu'il ne maîtrise pas encore toutes les énergies qu'il manipule. Je ne suis sûrement pas encore en mesure de vous vaincre !
- Non bien sûr… Pas encore… (Murmurant…) Mais à la vitesse à laquelle il progresse…

Le soir, Ryû repart sur son blanc destrier. Ce n'est que peu après que Yao ressort de la cabane, l'air triomphant, un rire forcé, brandissant dans sa main une bourse.

- Ha ! Ha ! Ha ! Quel crétin ! Ce con était bien trop occupé à vouloir transformer mes fesses en plaques électriques de cuisson qu'il ne s'est même pas aperçu que j'en ai profité pour lui piquer son fric ! Ha ! Ha ! Ha !


Septembre 2198. Un chalet au milieu des landes enneigées de Sibérie orientale. Il y a trois ans exactement qu'Anakin est mort. Son corps d'enfant n'a pas pris une ride dans son cercueil de glace. Lushia dépose une fleur de givre sur la sépulture de son disciple, comme il l'a déjà fait le même jour au cours des deux années qui ont précédé.

- Pour sa mémoire, a-t-il sobrement dit avant de repartir vers les confins de la banquise.

Joshua dépose une gerbe de fleurs sur le cercueil, Sven à ses côtés. L'élève de Lushia a beaucoup changé en trois ans, pas tellement physiquement si ce n'est par sa taille, mais son visage est devenu froid et triste, terriblement marqué par la disparition d'Anakin et l'absence de ses frères ; il ne parle plus beaucoup, mais avec Lushia comme principale compagnie ce n'est guère surprenant. Pourtant, depuis ce tragique événement survenu il y a trois ans, Sven s'est senti plus proche de son maître, comme s'ils étaient unis par quelque lien mystérieux : un souvenir douloureux.
Sven et Joshua se sont unis en prière tandis que le Chevalier du Verseau s'en est retourné vers sa solitude. Un homme s'approche, vêtu d'une somptueuse tunique longue et parée de joyaux, bras nus. Miloshia reste silencieux en contemplant la tombe du garçon. Sven se rappelle leur précédente rencontre, quand le mystérieux jeune homme aux cheveux verts était venu en aide à son ami justement, alors qu'il s'était blessé la jambe. Il ne dit pas un mot et repart sans répondre aux salutations.
Quelques heures plus tard, Sven concentre son Cosmos pour essayer de produire une zone de froid intense. Joshua est resté près de lui en ce jour où son maître n'est pas disposé à lui prodiguer le moindre conseil. Un peu plus loin, Miloshia l'observe. Après l'avoir remarqué, le jeune apprenti vient à nouveau à lui.

- Miloshia, c'est bien cela ? Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ?
- Non, répond-il froidement. Je voulais juste voir comment se déroulait ton entraînement. Mais si ça te gêne, je m'en vais !
- Oh non, tu ne me déranges pas…

Miloshia ne se montre pas disposé à discuter. Il reste là à observer, le regard triste, durant de longues heures. Quand enfin, il se lève…

- Tu n'es pas encore très fort, mais… il faudra que tu le deviennes si tu veux vaincre. Dans ce monde, il existe des gens formidables et admirables mais ils sont rares… tu as eu la chance de longtemps côtoyer l'un d'eux … Mais il y en a d'autres qui sont au contraire exécrables et misérables… j'ai rencontré davantage de ceux-là. Ne gâche pas ta chance… Adieu…

Disparaissant à l'horizon, Miloshia aura laissé une impression pour le moins étrange planer dans l'esprit de Sven. Indéfinissable, ce personnage énigmatique semble porter un lourd fardeau.

- C'était encore un enfant, dit Joshua, il s'entraînait, comme toi, dans la neige et le froid. Toujours seul… A son contact, on ressent cette solitude peser… une profonde solitude ainsi que… des regrets… oui, beaucoup de regrets. Et aujourd'hui encore, ce que je sens en lui, ce sont toujours… des regrets…


Septembre 2199. Cimetière du Sanctuaire. Au milieu d'une multitude de stèles gravées de noms inconnus, ceux des Chevaliers Sacrés qui ont péri au cours des précédentes générations, un jeune garçon de treize ans avance d'un pas nonchalant, jetant un œil distrait sur ces tombes sommaires au cas où l'un de ceux qui gisent en ces terres évoquerait quelque chose en lui. Il est arrivé au Sanctuaire depuis six ans déjà, et dans quelques semaines, il devra passer l'épreuve qui fera de lui le Chevalier de Bronze de Pégase. Ses cheveux blonds sont restés en bataille, ses yeux marrons pétillent de vitalité, il est assez fluet mais ses muscles semblent pourtant assez développés. Doté d'un charme certain, le jeune Danois se promène en sifflotant au milieu des sépultures, à la recherche d'un éventuel prédécesseur peut-être… en vain… Enfin, Néo retrouve celle qu'il cherche : Morgane est inclinée respectueusement devant une tombe un peu à l'écart surmontée d'une simple croix de bois seulement gravée d'un nom : Aésion. Le maître se relève à l'approche de son disciple.

- Qui est-ce ? J'ai remarqué que sur la plupart des sépultures, il y avait une stèle indiquant le nom, le rang et parfois le signe du Chevalier. Mais là, je ne vois rien de tout cela… juste un nom… Aésion ? Tu le connaissais ?
- Aésion est mon frère jumeau, répond-elle sèchement, comme à son habitude.
- Ton… Ton frère jumeau… Désolé. Je ne savais pas. Tu ne m'en as jamais parlé. Que s'est-il passé ?
- Aésion est mort il y a treize ans, jour pour jour… Tu as certainement dû entendre dire que de terribles événements s'étaient déroulés il y a treize ans, la nuit qui a suivi le retour d'Athéna parmi les mortels.
- Vaguement, oui… Peu de gens savent vraiment ce qui s'est passé… Et les rares qui savent ne sont pas très bavards, n'est-ce pas ?
- Qui sait vraiment ce qui s'est passé cette nuit-là ? Ce qui est sûr c'est qu'un homme a été accusé de trahison et a dû fuir le Sanctuaire, jusque là je ne t'apprends rien. Il y a eu de nombreux troubles, et beaucoup de morts. Mon frère jumeau, Aésion, a été tué. Il n'avait que huit ans, c'était un novice qui croyait avoir reçu un privilège peu commun en devenant un membre de la garde rapprochée du Grand Pope. Bientôt tu sauras ce qui lui est arrivé, comme je le sais… Mais c'est trop tôt… même au bout de treize ans.

Le soleil se couche sur le Sanctuaire, Néo et Morgane prennent le chemin de leur maison, quand un attroupement attire leur attention : une douzaine de soldats et de novices sont rassemblés autour de Bellatrix, le Chevalier d'Orion, lequel est en train de se relever, après avoir examiné… un corps gisant au sol. Un garde, son ventre et sa poitrine ouverts et vidés de tout ce qu'ils contenaient, ses viscères et autres morceaux de chair sont répandus jusque dans un rayon de trois mètres autour du corps. Celui-ci porte des traces visibles de lacérations profondes donnant l'impression d'avoir été attaqué, tué et dépecé par un monstre pourvus de serres ou de griffes. Ce spectacle terrifiant n'est pas sans provoquer une sombre réminiscence dans la tête de Néo, il sait qui est le responsable de ce massacre : celui que son maître appelle le Chasseur.

- Encore un, tremble l'un des gardes…
- Cela fait des décennies que ce tueur sévit, poursuit un autre. Mais qui est ce malade ?
- Et bien sûr, grommelle Bellatrix, comme d'habitude personne n'a rien vu. Mais qui est donc ce fou qui ose se moquer de nous en toute quiétude ?
- C'est Goliath qui l'a trouvé. Il est assis là-bas. C'est bizarre, il n'est pas comme d'habitude depuis qu'il a trouvé le corps…

A ces mots, Morgane s'agenouille au-dessus de la dépouille et semble l'autopsier de son regard invisible, longuement. Néo observe dans la direction indiquée par les gardes : Goliath est perdu dans un songe… quand il se relève brusquement ! Simultanément, Morgane s'est dressée précipitamment pour fixer Goliath, lequel croise son regard. Pendant un instant, le colosse et le Chevalier de l'Aigle semblent figés dans un duel… non… une communion de regards invisibles et énigmatiques…

- Qu'y a-t-il Morgane ? interroge Bellatrix.
- Cette blessure, au niveau du cœur… Et puis non, j'ai dû me tromper…

Le silence s'empare de Morgane, devenue muette aux questions de Bellatrix. Néo la connaît trop bien pour se douter qu'elle a découvert quelque chose, mais qu'elle ne dira rien… quelque chose que Goliath aussi a repéré…
Le géant est étonnamment calme, comme s'il venait d'être profondément bouleversé par ce spectacle monstrueux. Pourtant ce n'est pas la première fois qu'il assiste à cela… Mais cette nuit-là, quelque chose de différent s'est passé : Goliath a repéré un détail qui a rappelé quelque étrange souvenir à sa mémoire…

Une heure plus tard, les portes de la Chambre Sacrée s'ouvrent brutalement, Goliath pénètre dans la salle du trône, et d'un pas vif et déterminé, s'avance vers le Grand Pope.

- Comment as-tu fait pour arriver jusqu'ici ? Qu'est-ce que tu veux ? clame Bishop.
- Ne fais pas semblant de ne pas te souvenir ! En tant qu'ancien chef de la garde personnelle du Grand Pope, je connais les passages secrets qui permettent d'éviter la traversée des douze Maisons.
- Et alors ? Est-ce une raison pour qu'un simple garde s'introduise en ce lieu sacré et s'adresse à moi de manière aussi peu respectueuse ?
- Comment oses-tu dire une chose pareille ? tonne le géant avec colère. Le simple garde, c'était toi autrefois. Je sais qui tu es… Je connais même ton nom ! Toi qui étais jadis sous mes ordres ! Toi qui étais de garde avec Aésion cette terrible nuit il y a treize ans ! Et en tant que Chevalier d'Athéna, je vais accomplir mon devoir !
- Depuis quand es-tu un Chevalier, Goliath ? N'espère pas me bluffer ! Ton Cosmos n'atteint même pas le niveau d'un Chevalier de Bronze. Et à ma connaissance, tu n'es pas l'un d'eux, et encore moins un Chevalier d'Or ou d'Argent, étant donné que je les connais tous.
- Qu'est-ce que j'y peux si tu ne sais pas compter ? Dois-je te rappeler qu'il y a quatre-vingt-huit Chevaliers d'Athéna ?

Une violente aura orangée vient alors entourer le corps du colosse, un étrange symbole lumineux apparaissant sur son front bosselé, à l'endroit même où son tatouage en forme de tête de mort devait dissimuler ce glyphe mystérieux. Goliath intensifie son Cosmos tout en laissant naître sa rage, murmurant incessamment le véritable nom de son adversaire, jusqu'alors ignoré de tous.

- Je vais donc devoir te tuer Goliath !
- Mais je n'attends que cela car c'est le meilleur moyen pour toi de perdre ton principal appui au Sanctuaire.
- Quoi ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Simplement que Mégare sera ici dans un instant. Et tu sais ce que je représente à ses yeux ? S'il me voit mort devant toi, c'en sera fini de ton règne ! Et si je vis encore, je lui dirai comment tu as tué Aésion… et comment tu as réussi à le tromper !
Au même instant, à l'extérieur, le Chevalier du Sagittaire s'arrête un instant sur le perron de la Chambre Sacrée. Il semble réfléchir un moment, quand enfin, il entre…

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Cette fiction est copyright Laurent Habault.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.