Appendice 1 : Valkhan


Les muscles du héros se détendent, ses yeux sont remplis de larmes, sa tête retombe au sol, ses cheveux trempés recouvrant son visage. Un dernier regard… Un ultime sourire… Un Cosmos qui s'éteint... Ainsi meurt Valkhan, Grand Pope et ancien Chevalier d'Or du signe du Bélier.

Acte 1 Chapitre 9


Décembre 2193. Le destin d'un homme s'achève, une étoile s'éteint. Etendu quelque part dans les montagnes de l'Himalaya, par une nuit d'orage, Valkhan a livré son dernier combat. Au terme de sept années d'une traque incessante, le Chasseur a fini par le rattraper. Celui-ci s'en va, grièvement blessé, survivant mais pourtant vaincu, il le sait. Alors que l'âme de son défunt vainqueur s'envole pour devenir l'étoile protectrice de la petite fille qui pleure sur sa dépouille, celui qui fut en son temps le Chevalier du Bélier puis le Grand Pope revoie défiler toutes les étapes de son existence, celle qui avait un sens et dont l'essence a désormais trouvé sa signification. Les grands moments de sa vie, autant que d'autres a priori bénins, gravitent autour de sa pensée devenue immatérielle, à l'instar des pages des cahiers qui à jamais garderont la trace de sa Mémoire…


Extraits du premier cahier de Valkhan, écrits en l'année 2170

Je suis né le 30 mars 2162, au Sanctuaire en Grèce. J'ai huit ans aujourd'hui, et j'ai pris la décision d'écrire le récit de ma vie dans ce cahier. Je m'appelle Valkhan.
Je n'ai jamais connu mon père. Il est parti quand maman était enceinte de moi. Il n'est jamais revenu. Je sais seulement qu'il s'appelait Loke.
Maman me manque beaucoup mais je sais qu'elle ne risque plus rien à présent qu'elle est au pays des anges, et que de là-haut, elle veille sur moi. Elle s'appelait Sandra.
C'est le Grand Pope qui me l'a dit, c'est lui aussi qui m'a conseillé de venir terminer mon entraînement de Chevalier au Tibet. Il s'appelle Melchior.
Il y a maintenant un an que maman est partie au ciel et que j'ai quitté le Sanctuaire. Ici, au Tibet, j'ai rencontré mon maître, le vieux sage de la montagne Jandara. Il s'appelle Balthazar.



Aujourd'hui, j'ai décidé d'écrire comment maman est morte. Même si ça me fait mal, je ne veux pas oublier. C'était l'année dernière. Elle est tombée gravement malade, d'un seul coup. J'avais espéré que le Grand Pope pourrait la sauver, mais il n'a pas réussi. Pourtant je sais qu'il a fait tout ce qu'il a pu.
Melchior m'a accompagné jusqu'à ce monastère, perdu au milieu des montagnes de l'Himalaya, pour que maman soit enterrée ici auprès d'une de ses ancêtres, Shani. Il m'a raconté que Shani avait quitté le Sanctuaire au début du vingt-et-unième siècle et qu'elle avait fondé ce temple.
Le corps de maman est enterré dans un cimetière sur une haute falaise d'où on voit toute la montagne. Je me rappelle que, lorsque la brume ne les cache pas, on aperçoit les pics de Jamir et de Jandara depuis le cimetière. Ce jour-là c'est un homme étrange qui me les a montrés. Il s'appelle Soliman le Visionnaire.



Extraits du quatrième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2173

J'ai quitté Jandara il y a quatre jours. Aujourd'hui, j'ai réussi ma première grande épreuve en traversant ce terrain particulièrement hostile et exempt de toute civilisation. En suivant les indications de mon vieux maître, j'ai trouvé ce lieu tristement lugubre qu'on appelle Tombeau des Chevaliers ou encore Cimetière des Armures, sur le chemin menant à Jamir. L'air s'est raréfié à cause de l'altitude : d'où l'extrême nécessité d'économiser son souffle et son énergie.
Je suis entré dans un brouillard intense, la vue est presque devenue inutile pour continuer à progresser car on n'y voit pas à plus d'un mètre. Normalement, je devrais atteindre la Tour demain.



Je m'étais trompé en pensant avoir déjà réussi mon épreuve. Je ne m'attendais pas à être confronté à cela. Fantômes de Chevaliers du passé revenus du Hadès pour défendre les lieux. Illusions masquant les véritables dangers du chemin menant à Jamir. Mon vieux maître m'avait fort heureusement prodigué de bons conseils, dont je n'avais pas perçu la pertinence lors de mon départ de Jandara. Tout est devenu clair à présent.
En avançant sans cesse sur les spectres de ces pauvres malheureux, la brume s'est dissipée. Pour la première fois, j'ai intensifié mon Cosmos à son paroxysme pour renvoyer à leur repos éternel toutes ces pauvres ombres oubliées dont les ossements gisent encore, pour toujours et depuis des siècles, au fond d'un ravin.



Une autre épreuve aujourd'hui, mais aussi la satisfaction de m'être senti utile dans ce monde tourmenté : le combat contre le gardien de la Tour de Jamir et la découverte d'un bébé abandonné.
Le fantôme du gardien était bien différent de ceux que j'ai combattus hier sur le pont qui m'a amené jusqu'ici. Etait-il vraiment mort ? Je n'en suis pas sûr. Il s'est présenté comme étant la dernière mémoire de l'ancien peuple de Mu, les habitants du continent disparu il y a des temps immémoriaux. Son Armure Sacrée était l'Armure d'Or du Bélier, celle que je suis venu chercher. Sur son front squelettique, deux points orangés attestaient de son origine. Pour le vaincre, car il ne m'a pas laissé le choix, j'ai dû mobiliser toutes les ressources de mon corps, de mon âme et de mon esprit, j'ai dû mettre à profit tous les enseignements que j'avais reçus de mon vieux maître et du Grand Pope. Je crois que pour la première fois, j'ai ressenti ce qu'on appelle l'Ultime Cosmos, j'ai perçu ce mystérieux septième sens. A ce moment-là, le gardien est redevenu poussière, ne laissant de lui que le totem de cette fabuleuse Armure du Bélier.
Une ancienne tour, vestige des constructions du peuple de Mu. A l'intérieur, j'ai trouvé les fabuleux outils d'Orichalque dont m'a parlé mon vieux maître, ainsi que la mystérieuse poudre d'étoile appelée Gamanium entrant dans la composition des Armures Sacrées des Chevaliers d'Athéna. Et puis j'ai entendu les pleurs de ce bébé, ce petit garçon à peine né portant sur son front la même marque que le gardien. Je vais le ramener avec moi.



Mon vieux maître m'a raconté l'histoire du peuple de Mu, les ancêtres de Lama. Il pense qu'il existe peut-être encore d'autres descendants des anciens habitants de Mu, exilés dans les montagnes de l'Himalaya. Je ne sais pas pourquoi mais je crois que lui-même est l'un d'eux. C'est ce qu'il a voulu me faire comprendre en me demandant de transmettre leur mémoire quand il a m'a offert la marque.
Tous les deux, nous allons nous occuper de Lama. Et quand il sera plus grand, je lui transmettrai la mémoire de son peuple, celle que mon vieux maître m'a enseignée.



Extraits du sixième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2175

Merci, maître, pour tout ce que vous m'avez appris. Grâce à vous, je suis devenu le Chevalier du Bélier. Je suis triste à l'idée de vous quitter même si ce n'est que pour une courte durée. Je reviendrai très vite pour m'occuper de Lama.
Je pars pour le Sanctuaire afin de prêter serment d'allégeance au Grand Pope, le vieil ami de mon maître.



J'ai un frère, je viens seulement de l'apprendre. Après nous avoir abandonnés, maman et moi, mon père a refait sa vie ailleurs, dans ce lointain pays dont je ne connaissais même pas l'existence. Je ne connaîtrais donc jamais mon père, puisqu'il vient de disparaître au cours d'un naufrage. Loke mort, mon jeune frère a découvert la vérité de la bouche de l'un de ses proches amis : son père ne lui avait jamais dit que j'existais. Il est parti à ma recherche dès qu'il l'a su : il a voulu me rencontrer, moi, la seule famille qui lui reste après la mort tragique de ses parents. Mon cœur se réjouit de cette nouvelle… J'ai un petit frère de dix ans, il s'appelle Hannès.



Je suis retourné à Jandara avec mon frère, afin de lui présenter mon vénérable maître. Hannès a été surpris. Il ne s'attendait pas à rencontrer un vieillard facétieux, grand joueur se complaisant dans les blagues les plus futiles, insurmontable filou surprenant toujours par ses pitreries au moment où on ne les attend pas. Mais le véritable mystère qui l'entoure n'a pas échappé à la perception de Hannès : Balthazar le Veilleur, investi d'une mystérieuse mission en ces monts reculés depuis la dernière Guerre Sainte, d'après ce que dit la rumeur.



De retour au Sanctuaire, c'est un bien triste spectacle qui nous attendait. Un meurtre sauvage a été commis. Je me souviens déjà, qu'il y a quelques années, on m'avait dit qu'un événement similaire avait eu lieu, mais l'assassin n'avait jamais été retrouvé. Le Pope Melchior ne m'a rien dit mais je sens bien qu'il est très inquiet. D'ailleurs, le recrutement des novices a été accru pour rapidement reformer un Ordre de Chevaliers digne de ce nom. Je ne suis plus le seul Chevalier d'Or désormais. Durant mon absence, Melchior a remis l'Armure d'Or du Capricorne à ce jeune noble britannique : Lord Arthur.



Je n'avais encore jamais fait attention à elle jusqu'à ce que Hannès me le fasse remarquer. Cette enfant, qui doit avoir à peu près l'âge de mon frère, ne cesse de me tourner autour, en essayant d'être discrète. D'après lui, c'est une des plus jeunes servantes du Grand Pope, elle est native du village et s'appelle Liana. J'ai l'impression qu'elle est amoureuse de moi…



Extraits du onzième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2180

Lama a sept ans aujourd'hui, et ses talents ne cessent de me surprendre. Je ne devrais pas pourtant car Soliman me l'avait prédit. Désormais, je m'occuperai de son entraînement, c'est pourquoi, avec mon frère et Lama, nous avons quitté Jandara pour rejoindre la Tour de Jamir. La perception extrasensorielle de mon élève dépasse de loin la mienne, et ses pouvoirs en matière de psychokinésie égalent presque les miens. Il n'y a guère que mon vénérable maître qui ne manifeste rien d'autre qu'un étonnement feint et insouciant, il faut dire que je commence à le connaître un peu même s'il garde tout son mystère. Les prédispositions de Lama sont telles qu'il fera également un très bon forgeron, il manie les Outils d'Orichalque bien mieux que moi, mais je suppose que c'est normal, ce doit être inné pour les descendants du peuple de Mu.



Pour la première fois de ma vie, j'ai eu l'impression que même mon maître avait été déstabilisé par les puissantes capacités de Lama. Aujourd'hui, Balthazar est venu à Jamir. Mon maître et mon élève se sont livrés à une sorte de duel psychique, mais nous ne connaîtrons jamais l'identité du vainqueur. Je pense que Lama était sur le point de réussir à lire les pensées profondes de mon vénérable maître quand celui-ci, prétextant l'âge et la fatigue, a immédiatement interrompu le test. Lama est resté silencieux durant de longues minutes après le départ de Balthazar… Puis il a murmuré quelque chose, évoquant le nom d'un Chevalier de Bronze dont l'Armure Sacrée a disparu depuis des siècles… Un secret bien gardé…



Extraits du douzième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2181

Je ne peux m'empêcher d'être très inquiet. Mon maître est revenu aujourd'hui, mais derrière son masque de vieillard souriant, j'ai bien perçu qu'il arborait un visage grave. Pourquoi m'aurait-il demandé de regagner le Sanctuaire sans plus attendre si rien d'inquiétant n'était en train de s'y produire ? Mon vénérable maître est coutumier des visions et des présages et je sens que quelque chose de mauvais se trame. Avec Hannès et Lama, nous partirons dès demain.



Notre maître à tous, le Grand Pope Melchior, vient de tomber gravement malade. Sans Goliath, le chef de sa garde personnelle, qui l'a découvert à temps, les soins n'auraient pu lui être prodigués efficacement. Mais je crains fort que nos efforts n'aient été vains. Le sang verdâtre qu'il ne cesse de cracher, cette toux incessante, ces convulsions… tout cela me rappelle ma mère. Ma mémoire me fait mal : ma mère est morte d'un mal similaire. Je crains pour notre Grand Pope. Déesse Athéna, puisses-tu guider ce grand homme si généreux…



Le destin des hommes est emprunt de mystères. Je n'aurai jamais cru que désormais ce serait à moi qu'incomberait la tâche de veiller sur le destin des hommes. Par la voix de son fidèle représentant terrestre, la Déesse Athéna m'a choisi. Cette mission me paraît si lourde, même si par mon statut de plus ancien parmi les Chevaliers d'Or, c'était presque naturel.
Melchior le Guide nous a quittés hier. La maladie a eu raison de sa volonté. Avant de s'éteindre, il m'a fait venir à son chevet et m'a demandé de devenir son successeur. Il m'a dit que telle était la volonté d'Athéna, qu'il me faisait confiance pour accueillir et protéger au mieux la réincarnation de notre Déesse… Je n'ai pas pu lui répondre que déjà, son âme s'en était allée, son Cosmos bienveillant avait disparu. Je comprends à présent ce qu'avait pu ressentir mon maître Balthazar, il avait vu la mort de son compagnon… Melchior le Guide a désormais rejoint Gaspar le Protecteur dans l'autre monde.
Par la voix de Goliath, tous les soldats du Sanctuaire, puis les quatre autres Chevaliers d'Or, Arthur le Chevalier du Capricorne, Neishing le Chevalier de la Balance, Lushia le Chevalier du Verseau et Khyron le Chevalier du Scorpion, m'ont prêté serment d'allégeance et de fidélité.



Les dernières volontés de Melchior ont maintenant toutes été accomplies. Khyron a ramené son corps en Algérie, pour qu'il repose à jamais sous l'Obélisque Sacré qu'il y avait jadis érigé. Ainsi de sa dernière demeure, Melchior le Guide continuera à diriger le destin des Chevaliers d'Athéna pour l'éternité.



Hannès va me manquer. Il m'était d'une aide précieuse, mais hélas, des obligations si chères à son cœur le rappellent dans sa patrie. Je ne peux lui en vouloir. Son souverain est mort il y a quelques jours, et c'est le meilleur ami de mon frère qui doit lui succéder. Enfants, Hannès et le Prince Baldr étaient très unis, il est bien normal que mon petit frère retourne soutenir son ami dans la peine d'avoir perdu un père et dans le sacre qui l'attend, comme il l'avait déjà fait pour moi. Pendant des années, mon frère retrouvé est resté près de moi, mais le destin nous éloigne à nouveau. A bientôt petit frère, puissent la Déesse Athéna et le Seigneur Odin veiller sur toi.



Dans sa lettre, Hannès me parle de ses nouvelles fonctions auprès de son ami, le roi Baldr, et de la jeune souveraine, la Reine Karine. Sa responsabilité, en tant que premier conseiller du Royaume, est importante et lui tient à cœur. Chacun de nous, à sa manière, assure un rôle à la fois si différent et pourtant si semblable, quand on y réfléchit de plus près. C'est lui qui fut chargé de poser la couronne sur la tête de son ami, comme c'est moi qui fus chargé aujourd'hui de remettre son Armure au Chevalier du Cancer, Leiche.



Extraits du quatorzième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2183

Mon frère est revenu, après deux ans d'absence. Mais son séjour sera de courte durée car il tient absolument à être présent auprès de ses souverains quand l'heureux événement, à savoir la naissance de la future héritière de son pays, arrivera : la princesse Brynhe. Je sais bien qu'il reviendra dès qu'il le pourra, mais je ne peux m'empêcher de m'inquiéter chaque fois qu'il me quitte. Si je le pouvais, je l'accompagnerai bien pour visiter son lointain pays, mais ma fonction m'oblige à rester au Sanctuaire.



L'Ordre de la Chevalerie se complète petit à petit. Cette année, deux nouveaux Chevaliers d'Or ont été ordonnés : Seigi le Chevalier des Gémeaux et Jassugan le Chevalier du Lion. Le Sanctuaire est maintenant bien protégé : sept Maisons du Zodiaque ont trouvé leur gardien, sans compter celle que je continuerai de protéger en attendant que Lama me succède dans la première Maison.



Extraits du seizième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2185

Mon cœur est si triste de ce qu'annonce l'Autel des Prédictions… enfin, d'après ce je crois pouvoir en déchiffrer… Tant de mauvais augures ! Un jeune Chevalier d'Argent du nom de Mélyan tombera gravement malade avant le début des Guerres Saintes. J'ignore quand précisément, ni combien de temps il survivra. A ma connaissance, je resterai impuissant face à ce fléau… Existe-t-il un moyen de l'endiguer ? La récente visite de Soliman le Visionnaire aurait du me rassurer, lui dont les visions se sont toujours révélées exactes. Il m'a assuré que Mélyan combattrait et " dompterait " son mal. Mais peut-on s'opposer à son destin ?



J'ai épousé Liana aujourd'hui. Il était temps que nous officialisions notre relation, maintenant qu'elle attend un bébé : notre enfant.



Les douze Maisons du Zodiaque ont à présent trouvé leurs gardiens. Le dernier d'entre eux, Lama, mon disciple, a gagné mon Armure Sacrée aujourd'hui. Après Ran le Chevalier des Poissons, Nath le Chevalier du Taureau, Kalkin le Chevalier de la Vierge et fille de mon ami Sri Amida, et Mégare le Chevalier du Sagittaire, Lama est devenu le Chevalier du Bélier.



Liana m'a donné un fils. J'ai le sentiment que c'est le plus beau jour de ma vie, comme lorsqu'elle et moi avons concrétisé notre amour pour la première fois. Nous l'appellerons Viktor.



Extraits du dix-septième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2186

Les étoiles me l'avaient annoncé, un songe m'a tiré de mon sommeil et je me suis rendu sur l'Autel de la Déesse Athéna. Comme mon prédécesseur me l'avait prédit, Elle était là. La Déesse Athéna est revenue parmi nous sous les traits de ce bébé qui attendait paisiblement aux pieds de la statue d'or à son effigie. Lorsque je l'ai prise dans mes bras, j'ai senti son immense Cosmos rayonner. Le Sanctuaire tout entier s'est agenouillé devant elle, reconnaissant ainsi la présence divine de celle que nous attendions.
Ma joie est grande, mais je ne peux m'empêcher de trembler en mon for intérieur. Car le retour d'Athéna ne peut signifier qu'une seule chose : les Forces du Mal menacent la Terre, la Guerre Sainte se profile à l'horizon.



Nuit du 2 septembre 2186
A toi ma Déesse chérie de tout mon cœur et de toute mon âme, à vous qui lisez ces lignes si j'ai échoué dans mon devoir sacré, je veux que la vérité soit connue.
L'inconnu qui s'est introduit dans le Sanctuaire et qui a menacé d'attenter à la vie d'Athéna me contraint à fuir comme un lâche, un traître, un fugitif. Je n'ai pas eu le choix : la vie de notre Déesse était en jeu.
Je dois la sauver, la mettre à l'abri des griffes de cet homme. Déesse Athéna, je t'emmène avec moi, je te protégerai et je t'élèverai comme si tu étais ma fille. Si tu lis ces lignes, pardonne-moi de la dure vie que je vais sans doute t'infliger. Je promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que tu puisses reconquérir le Sanctuaire qui vient de basculer entre les mains des forces du Mal, mais je suis convaincu que des Chevaliers te rejoindront et nous aideront à combattre ce Grand Ordonnateur qui a envoyé son Chasseur à nos trousses.
J'implore tous les Chevaliers désireux d'accomplir leur devoir et de préserver la paix et la justice de se rassembler autour de la Déesse Athéna. Protégez-la. Plus qu'un ordre, c'est une prière que je vous adresse, moi Valkhan, votre Grand Pope, votre serviteur.



Extraits du dix-huitième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2186

Funeste sort. Quel sacrilège ai-je donc commis pour que les Dieux m'accablent de tous les maux ? Que croire maintenant que je suis seul ? Ma vie a-t-elle seulement un intérêt maintenant que rien si ce n'est mon enfant et ma petite Déesse ne me raccrochent à cette vie dépourvue du moindre sens ?
Grand Ordonnateur ! Qui que tu sois, je te maudis ! Est-ce pour prévenir de la menace que tu représentes que la Déesse Athéna s'est réincarnée ? Ce n'est pourtant pas ce que j'avais cru, pas ce qu'on m'avait dit ? !
Balthazar mon maître ! Ce n'est point ce Chasseur que vous avez toujours gardé depuis tant d'années ! Seigneur Melchior ! Les Guerres Saintes que vous m'aviez annoncées ne devaient pas arborer un tel visage macabre ! Soliman ! Pourquoi ne m'as-tu pas dit ce que tu avais vu ? Tu savais pourtant bien qu'il allait se produire quelque chose puisque tu m'as aidé à échapper à mes poursuivants !
Tant de victimes en cette terrible nuit… Anthraxus mon ami, le roublard le plus généreux que j'ai connu : que vont devenir tes enfants ? C'est ma faute si tu as quitté notre monde… Aésion mon fidèle serviteur, tu étais le dernier à avoir rejoint ma garde personnelle et tu as été le premier à tomber sous les griffes du Chasseur : jamais Goliath ne se remettra de cette blessure… Et… Mon amour… Liana… Jamais je ne pourrai pardonner à ceux qui ont mis le feu à notre maison, car ils m'ont pris ce que j'avais de plus cher. Qu'ils pourrissent en Enfer !



Nulle part : telle est la direction qu'il convient de prendre si je veux éviter de tomber dans les griffes du Chasseur. Je sais qu'il me piste, mais je lui rendrai la tâche bien trop aisée si mes destinations étaient prévisibles.
Ce soir, une jeune châtelaine du nom de Sophia Dante nous a offert l'hospitalité dans son vieux manoir. Elle est d'une beauté resplendissante : son sourire m'a rappelé celui de Liana. Son époux, le signor Giovanni Dante est un jeune professeur d'archéologie de l'université de Syracuse. Tous deux sont passionnés par les anciennes civilisations : ils reviennent d'ailleurs d'un long voyage en Egypte. Mais le plus étonnant, c'est que l'existence du Sanctuaire leur semble connue…



Extraits du dix-neuvième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2188

Avalon… Les descriptions que Lord Arthur m'avaient faites du château qui abrite la plus grande bibliothèque du monde consacrée aux anciennes civilisations, aux rites millénaires, aux mythes… n'étaient pas exagérées. Les lieux sont magnifiques. Je vais pouvoir profiter de l'absence du conservateur pour effectuer quelques recherches. Je ne pouvais pas prendre le risque de me retrouver en face d'Arthur. Comment aurait-il réagi ? Demain, je parcourrai les innombrables écrits qui constituent le trésor d'Avalon.



Des ouvrages ancestraux, des traités mythiques, des textes interdits, des éditions introuvables… Je me suis surpris à trouver des informations inattendues et dignes du plus haut intérêt : Lord Arthur lui-même est l'auteur d'un essai captivant sur les armes mystiques à travers les âges. Un étrange ouvrage anonyme parle de ceux qui ont pour mission de perpétrer la Mémoire : tous les trois sont brièvement mentionnés. Je n'aurais pas cru pouvoir découvrir les mémoires de Gaspar le Protecteur : jamais je n'aurais pu soupçonner ce qu'il était réellement. Passionnant de pouvoir parcourir également le journal de recherche de Giovanni Dante…
Et puis il y a ce curieux conte… Je ne sais pas pourquoi mais mon intuition me dit que la clé s'y trouve forcément… A moins que ce ne soit ce jeune poète si triste, si mystérieux, dont les mots ont su charmer mon esprit… J'aurais voulu lui demander son nom… Mais déjà, il était parti, insaisissable…



De l'autre côté de cette forêt, se trouvent les anciennes ruines du Château Einstein. Bien des mystères irrésolus demeurent encore en ces lieux. Je n'ai jamais oublié l'étrange rapport que Leiche m'a fait jadis à propos de ces deux enfants mystérieux aux pouvoirs prodigieux qui s'y sont suicidés après l'avoir défié. Je ne puis me risquer à me rendre là-bas maintenant que Leiche a certainement rallié les forces du mal sans le savoir. La légende raconte pourtant que l'espérance reposerait en ce lieu, frontière entre deux mondes, depuis des siècles…



Extraits du vingtième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2189

Le pays d'Hannès… C'est la première fois que mes pieds foulent cette terre oubliée. Il y a bien des années que je n'ai plus aucune nouvelle de mon petit frère. J'espère que mes lettres lui sont bien parvenues mais de par ma vie fugitive je n'ai jamais pu obtenir de réponse. Le revoir, voilà ce que je dois faire maintenant.



Maudit soit donc mon destin ! Qu'ai-je donc fait pour mériter tel châtiment ? Pourquoi mon frère refuse-t-il de me parler ? Pourquoi ne me permet-il même pas de le voir ? Le conseiller du roi Baldr a bien tenté d'intercéder en ma faveur mais lui aussi semble avoir échoué : il n'a pas convaincu Hannès. Selon les dires de cet homme, mon frère éprouverait une rancune tenace à mon égard pour d'obscures raisons. Comment pourrais-je savoir ce qui s'est passé si je ne peux pas m'expliquer avec lui ? Les nouvelles de ce qui s'est passé au Sanctuaire sont-elles parvenues jusqu'à lui ? L'œuvre maléfique du Grand Ordonnateur serait-elle allé jusqu'à convaincre mon propre frère des crimes dont on m'accuse et desquels je suis pourtant innocent.
J'ai crié… J'ai crié pour que tu m'entendes, mon frère… Puisse l'écho de ma voix portée par les vents du nord avoir été entendu. Mais tu ne m'as pas répondu… Pourquoi ?



Extraits du vingt-et-unième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2190

Ainsi soit-il, mon destin était prévu. Sans doute connu des Dieux mêmes, rien n'a échappé à la perception de la prophétesse. Soliman le Visionnaire me l'avait pourtant promis…
Hassadan, le jeune apprenti qui m'attendait au monastère de Nasheen, m'a conduit auprès de son maître Cassandra, la Gardienne de l'Ile de la Mort. Non seulement elle a pu me raconter tout ce qui s'est passé lors de cette terrible nuit de septembre 2186, dans les moindres détails, mais elle m'a prédit l'espoir… Bientôt, les enfants de la prophétie se rassembleront autour de Sandra. Viktor est l'un d'eux…
A présent je vais devoir préparer l'avenir de ceux qui sont destinés à accompagner Athéna dans sa lutte contre les forces du Mal… Je dois trouver les six maîtres qui les guideront… et les convaincre. Le premier est Cassandra en personne, elle enseignera à celui qu'elle a appelé le fier : Phénix !



Les augures me sont favorables, dirait-on : mon ami Soliman le Visionnaire a rencontré Neishing et l'a convaincu à ma place de prendre en charge un disciple d'ici peu. Le Chevalier de la Balance enseignera donc à l'enfant que Cassandra a appelé le sensible : le Dragon ! Jamais Neishing ne saura que c'est moi qui lui envoie cet enfant, m'a affirmé Soliman : étrangement je n'ai pas trouvé ses mots convaincants, mais je ne peux m'empêcher… de lui faire confiance. Et puis je n'ai guère le choix après tout…



Pauvre garçon, livré à lui-même dans cette immense étendue blanche. Il a semblé apprécier le peu de chaleur que nous lui avons apporté, Viktor, Sandra et moi-même. Je lui ai bien proposé de venir avec nous mais il a refusé, aussi ai-je décidé de lui inculquer quelques principes élémentaires qui lui permettront de survivre dans cet environnement glacé qu'il ne semble pourtant pas craindre. Il s'appelle Miloshia… Je ne sais pas pourquoi, mais il souffre.



J'ai vaincu Lushia. La toute puissante aura d'Athéna m'a donné la force de terrasser le Chevalier du Verseau. Pour ne pas avoir de dette envers moi, le plus fidèle des serviteurs de feu mon prédécesseur le Grand Pope Melchior a accepté d'enseigner à l'enfant que Cassandra a nommé le silencieux : le Cygne !



Extraits du vingt-deuxième cahier de Valkhan, écrits en l'année 2191

Ainsi je rencontre, après Cassandra, le second des trois Chevaliers qui ont choisi de me rester fidèles après ma fuite. Celui dont le destin est de combattre et de dompter la maladie, Mélyan le Chevalier de Céphée, a assisté à plusieurs événements troublants cette terrible nuit. Il a vu ce qui est arrivé à mon ami Anthraxus : je savais qu'il n'avait pas pu me trahir. Il a vu également ce nouveau Pope surgi de nulle part, celui qu'on appelle Bishop. Mélyan est convaincu que cet homme est le même que celui qui a scellé le destin d'Anthraxus : le Chasseur !
Le Chevalier d'Argent de Céphée enseignera donc à l'enfant que Cassandra a nommé le rêveur : Andromède !



Melchior le Guide… Ainsi tu reposes en ce lieu, sous l'Obélisque que tu as fait ériger ici aux temps jadis. Puisses-tu guider mon fils Viktor quand il viendra ici dans quelques années. Là où le Chevalier qui aurait dû devenir mon conseiller personnel, Argon le Chevalier de l'Autel, est sensé enseigner à mon fils, que Cassandra a nommé le solitaire : la Licorne !
Soliman et Cassandra m'ont tous deux affirmé qu'Argon accepterait forcément d'enseigner à Viktor, sans que j'ai besoin d'en formuler la moindre demande. Qu'il en soit ainsi.



Morgane, le Chevalier de l'Aigle, la petite sœur de Mégare, la jumelle d'Aésion… Le troisième Chevalier à croire en mon innocence. Parce qu'elle savait qu'Aésion était déjà mort bien avant qu'il ne remette à Mégare l'enfant que le Chasseur a fait passer pour Athéna… Parce qu'elle savait ce qui était arrivé à son frère… Elle sera le maître de l'enfant que Cassandra a appelé le téméraire : Pégase !



Extraits du vingt-quatrième et ultime cahier de Valkhan, écrits en l'année 2193

La première phase de la prophétie de Cassandra s'est accomplie. C'est le Chasseur qui semble responsable du rassemblement des sept Enfants du Destin, c'est étrange. Pourtant j'aurais dû y penser : Il est celui qui est né le mauvais jour au mauvais endroit, et c'est vrai que la prophétie le liait aux enfants. Terrifiante ironie du sort !
Sandra et Viktor ont désormais cinq nouveaux compagnons de route. J'ai l'impression que je connais déjà beaucoup de choses sur chacun d'eux ; c'est vrai que depuis ce jour où Cassandra me les avait annoncés, je n'ai cessé de les imaginer, de les prévoir. Et ils sont si proches de ce que j'avais rêvé : Néo le téméraire, Shin le sensible, Issa le rêveur, Sven le silencieux, Kemri le fier…



Aujourd'hui, nous avons atteint la chaîne de l'Himalaya. Chaque fois que j'entre dans ces montagnes, le passé se rappelle à mon souvenir. J'ai passé tant d'années ici à apprendre et à enseigner. J'aimerais tant retourner à Jandara. Peut-être mon maître y vit-il toujours. Votre sagesse me serait sans nul doute des plus précieuses, mon cœur et mon âme sont en proie aux doutes. J'ai encore besoin de vous…



Sandra… La vérité est sur le Mont Etoilé au Sanctuaire… Tu dois y aller… Avec tes frères… Aïos et Morgane t'aideront…



Décembre 2193. Quelque part dans les montagnes de l'Himalaya, une nuit d'orage. Le tonnerre gronde, des éclairs zèbrent le ciel étoilé, la pluie s'abat avec fracas. L'eau ruisselle sur le visage et le corps tout entier de Valkhan, fatigué de courir depuis tant d'années. Il fixe son adversaire. Quelques mètres devant lui, ce dernier est immobile : on ne saurait dire si la chasse l'a épuisé ou si le mauvais temps l'affecte d'une quelconque manière. L'eau coule sur son masque, ce masque qui n'a jamais changé d'expression depuis toutes ces années, ce masque noir aux lèvres carmin et satisfaites du sang dont elles semblent s'abreuver, ce masque au regard inquiétant et rougeoyant, le masque du diable. Le Chasseur fait un pas en direction de Valkhan, qui recule, hésitant, envahi par la peur de cet adversaire dont il ne sait rien mais qui pourtant devrait lui être si familier à présent. Il avance encore d'un pas, laissant échapper un soupir de satisfaction à peine perceptible. La vision du démon qui s'approche est déstabilisante, ce masque au rictus démoniaque, ce casque d'argent aux cornes de bouc, ce grand manteau gris et usé qui ne laisse s'échapper de ses manches trop longues que les impressionnantes griffes terminant ses doigts de démon. A présent, sa voix caverneuse résonne.

- On dirait bien que tout est fini, dit-il sans laisser passer la moindre expression, cette fois tu ne t'enfuiras plus, notre jeu est terminé. Tu sais maintenant que tu vas mourir. Echec au Roi !

Aussi vif que les éclairs qui déchirent le ciel, le Chasseur bondit, déterminé à planter ses griffes dans le corps de sa proie, comme il l'a déjà fait pour de nombreuses autres victimes. Valkhan ne bouge pas, comme paralysé par la terreur. Quand l'image d'une enfant s'impose à son esprit.

- Je n'ai pas le droit de l'abandonner, elle ne doit pas tomber entre les mains de ce monstre.

Aussi rapidement que le Chasseur a bondit, Valkhan réagit à la vitesse de la lumière, il charge son adversaire tout en ravivant une foi qui ne doit pas faillir. Le choc est cataclysmique, le Cosmos s'embrase alors et la montagne tout entière se met à trembler… Le combat entre les deux hommes vient d'entamer son ultime étape. Un seul en sortira vivant…


Valkhan s'élance vers le Chasseur, son aura dorée se nourrissant de la détermination dont il fait preuve désormais. Alors qu'il brandit son bras, et qu'elle s'intensifie, une pluie d'étoiles filantes s'échappent de son corps et viennent frapper le Chasseur au moment même où celui-ci lui lacère la poitrine d'un coup de griffes fulgurant. Le fugitif chancelle et met un genou à terre, précipitant ses mains sur sa poitrine. Rapidement, celles-ci se couvrent du sang qui s'échappe de ses plaies : l'épaisse veste de fourrure n'a pas résisté à cet assaut meurtrier. Valkhan tourne la tête pour voir si son attaque a affecté son ennemi. Il est debout et lui tourne le dos, son manteau gris fumant encore des brûlures provoquées par la pluie d'étoiles filantes que Valkhan a déclenchée, mais à travers les déchirures du manteau, on aperçoit des reflets métalliques : sous sa robe sombre, le Chasseur porte une armure ! Après quelques secondes pendant lesquelles la fumée se dissipe, il se retourne, fait de nouveau face à Valkhan, et le regarde fixement. Le voyageur éreinté se redresse tout en déchirant un lambeau de son vêtement pour tenter de panser sa plaie, sans perdre des yeux les moindres mouvements de son adversaire.

- La douleur infligée par mes griffes est-elle suffisante, Valkhan ? Crois-tu que tu tiendras longtemps devant un adversaire tel que moi ? Tu sais bien que tu n'es pas de taille. Tu es faible et vulnérable, tu n'as aucune protection sans armure… Alors que moi, comme tu le vois, je suis protégé de tes attaques par la mienne. Et même si ce n'est pas l'armure qui fait le guerrier, elle contribue à sa survie.

Le regard de Valkhan s'est enflammé, maintenant que le combat a commencé. Son adversaire garde une imperturbable sérénité.

- Je vois que tes yeux ont enfin retrouvé toute leur combativité, notre duel promet donc d'être des plus intéressants. Mais la seule véritable question, c'est combien de temps me faudra-t-il pour te mettre Echec et Mat. Ce n'est plus qu'une question d'heures, de minutes…
- Ne crois pas que je vais t'abandonner une victoire facile, Chasseur, lui répond fièrement Valkhan. Je me battrai jusqu'au bout pour défendre Athéna.
- Tu essaieras, je n'en doute pas… mais tu échoueras !

Sur ces mots, une aura sombre et inquiétante vient entourer le corps du Chasseur. Valkhan perçoit son regard derrière le masque. Mais plus qu'un regard, c'est une attaque visant à produire dans l'esprit de sa proie une indicible terreur à la vue de son adversaire, comme un chasseur qui tente d'immobiliser sa proie avant de lui porter un coup fatal.


Le regard du Chasseur a pénétré dans le cerveau de Valkhan. La peur de cet adversaire terrifiant reprend le dessus. Il lutte, il ne doit pas se laisser impressionner, il doit résister aux puissants pouvoirs psychologiques de son ennemi.

- Je vois bien que tu as la peur au ventre, Valkhan. Et tu as raison, car tous ceux qui sont morts de mes mains l'ont eu avant toi. Et comme tu t'en doutes, ils ont été très nombreux.
- Tu ne tueras plus personne, Chasseur, c'est toi qui vas mourir aujourd'hui. Tu as raison de dire que j'ai peur, mais cela me donnera la force nécessaire pour te vaincre. Tu ne peux pas comprendre si tu ne l'as jamais connue.
- Aussi loin que remontent mes souvenirs, je ne me souviens effectivement pas l'avoir jamais ressentie, pourtant je la connais pour l'avoir si souvent rencontrée sur le visage de mes victimes, et aujourd'hui sur le tien. Mais ne me fais pas croire qu'elle va te donner des forces, tu sais toi-même que c'est faux…

Un nouveau grondement de tonnerre empêche Valkhan d'entendre la fin de la phrase. Celui qui autrefois avait occupé le plus haut rang de l'Ordre de la Chevalerie puise alors au plus profond de ses ressources, et sa foi intense en la cause qu'il défend lui permet de trouver le courage de vaincre sa peur. Désormais l'attaque psychologique de son ennemi ne pourra plus l'atteindre. Valkhan intensifie à nouveau son Cosmos et son aura dorée se met à luire comme jamais le Chasseur ne l'avait encore vu étinceler.

- Cette fois, Chasseur, le moment est venu pour toi de payer pour tous les crimes que tu as commis. Je vais te porter une attaque dont tu ne te relèveras pas.
- Tu m'as déjà porté tout à l'heure ta plus puissante attaque, la Poussière des Etoiles, elle n'aura aucun effet sur moi : une attaque ne marche jamais deux fois.
- Par l'Extinction Stellaire !

Alors qu'il écarte ses bras pour libérer toute l'énergie de son Cosmos, Valkhan déploie son aura : tout ce qui est devant lui semble en train de disparaître. Avant d'être entièrement anéanti comme tout ce qui l'entoure, le Chasseur a semblé surpris et hésitant : Valkhan ne lui a pas porté l'attaque qu'il attendait. Haletant, l'ancien Chevalier d'Or contemple le vide devant lui et se laisse tomber à genoux, il a mis toute sa puissance dans cette attaque, il est épuisé à présent.

- Bien joué, Valkhan, mais ton petit tour n'aura pas suffit à me terrasser.

Le visage terrifié, Valkhan regarde en direction de la voix : le Chasseur est là. Pourtant il lui a bien semblé le voir emporté par son attaque…


Le Chasseur avance à nouveau en direction de Valkhan, d'un pas nonchalant. Blafard, celui-ci recule : il ne comprend pas. Serait-ce la fatigue due à toutes ces années de fuite ? L'épuisement aurait-il altéré sa perception ? Sa plus puissante attaque vient de frapper son ennemi de plein fouet, mais à présent le Chasseur avance comme s'il n'avait nullement été affecté par l'Extinction Stellaire. Les griffes du Chasseur s'allongent d'un coup, produisant un éclat de lumière inquiétant. Il a compris que son adversaire a épuisé ses ressources, il veut en finir. Alors il s'élance… Et il bondit…
Valkhan laisse tomber ses bras le long de son corps. Il sent ses forces le quitter... quand une voix ancestrale résonne dans sa tête… Un puissant Cosmos communique avec lui.

- Tu ne dois pas mourir, Chevalier, pas encore ! Ta mission n'est pas terminée ! Tu dois te battre jusqu'au bout ! Si tu meurs maintenant, tout ce que tu as construit, tout ce pour quoi tu t'es battu aura été vain ! Tu dois tenir bon, mon fils.
- Ce Cosmos ! C'est vous, Maître ! Vous êtes vivant !

Soudain mu par une force nouvelle, ranimée par la présence du Cosmos du seul être au monde capable de chasser tous ses doutes, Valkhan se redresse.

- Mur de Cristal !

Un mur à peine visible se cristallise entre les deux hommes, obligeant le Chasseur à stopper son élan. Le Cosmos de Valkhan brille une fois encore, l'aura d'un bélier d'or illuminant la nuit sombre, séchant l'eau de pluie et les sueurs qui vieillissaient l'ancien Chevalier d'Or. Son adversaire serre son poing, écumant de rage. Pour la première fois depuis le début du combat, il a perdu son calme.

- Maudit sois-tu Balthazar ! J'aurai dû te tuer comme j'ai tué les deux autres.
- Les deux autres ? Mais de qui parles-tu ?
- Ignorant que tu es, Valkhan ! Melchior et Gaspar ! C'est moi qui suis responsable de leur disparition. Gaspar a été le premier à subir la marque de mes griffes, c'est grâce à sa mort que le Chasseur est né ! Quant à Melchior, il devenait gênant, et son sacrifice était nécessaire. Mais tuer le Grand Pope du Sanctuaire de la même manière que la plupart de mes victimes risquait d'attirer un tant soit peu l'attention. Aussi l'ai-je empoisonné ! Il était si vieux, tout le monde a cru à une mort naturelle, même toi !
- Je te jure que je te ferai payer la mort du Pope Melchior ! Il était le meilleur ami de mon maître, tous deux m'ont guidé. Et Balthazar m'a souvent parlé de Gaspar. Je le vengerai aussi !
- Idiot ! L'intervention de Balthazar n'a fait que t'accorder un sursis. Ton Mur de Cristal n'est pas un obstacle pour moi, pas plus que ton attaque de tout à l'heure ne pouvait présenter de réel danger. Tu en veux la preuve ? La voilà !

Aussitôt, l'image du Chasseur disparaît ! L'instant d'après, il se trouve de l'autre côté du mur.


Valkhan pourrait jurer que le Chasseur doit sourire sous son masque sinistre. Ce à quoi il vient d'assister apporte la lumière à bon nombre de ses questions sur les mystérieux pouvoirs de son ennemi.

- Alors tu vois ! Tu n'es pas le seul ici-bas à posséder de puissantes capacités de psychokinésie. La téléportation est mon mode de déplacement favori. C'est ainsi que j'ai pu éviter ton attaque tout à l'heure : j'ai disparu à l'instant où elle aurait dû me frapper, à la vitesse de la pensée qui, tu le sais, parce qu'immatérielle, n'est pas limitée par les lois de la physique comme la vitesse de la lumière. Ma fuite a toujours une longueur d'avance sur ton attaque, même portée avec toute la puissance de ton septième sens. Mes pouvoirs dépassent les tiens, ils dépassent ceux des Chevaliers d'Or, et même ceux du Grand Pope. Et bientôt, ils égaleront ceux de Dieu ! A présent, il est temps d'en finir. Griffes Diaboliques !

Ses griffes s'allongent, prêtes à transpercer le cœur de Valkhan. Mais elles ne rencontrent que le vide.

- Tu l'as dit toi-même, Chasseur, la vitesse de la pensée dépasse celle de la lumière. J'ai appris à maîtriser la psychokinésie, moi aussi je peux t'échapper. Par contre, je viens de te prendre au piège : la Toile de Cristal qui vient de t'emprisonner a le pouvoir de résister à la téléportation. Tu ne peux plus t'échapper et cette fois mes techniques secrètes vont pouvoir te terrasser !

En effet, Valkhan vient de réapparaître quelques mètres derrière le Chasseur, désormais prisonnier d'une immense toile d'araignée faite de cristal.

- Pauvre inconscient, ton esprit est aveuglé par des chimères. Tu veux croire encore à ta victoire alors que tout est déjà écrit !

Ses griffes s'allongent à nouveau. Et leur efficacité remarquable n'est alors plus à prouver : elles commencent à découper les fils de la Toile de Cristal comme s'ils n'étaient faits que de papier.

- Mes ressources sont innombrables ! Même privé d'un de mes pouvoirs, il m'en reste toujours au moins un… pour me tirer d'affaire.
- Par la Poussière des Etoiles !

Valkhan précipite son bras en avant : des dizaines d'étoiles filantes jaillissent du creux de sa main et s'abattent sur le prisonnier. Il doit l'éliminer avant qu'il n'ait le temps de complètement se dégager de la toile. Mais le Chasseur a déjà libéré ses bras. D'une seule main, il bloque puis renvoie chaque étoile filante, tandis que ses autres griffes poursuivent leur entreprise libératoire.

- Une technique secrète ne marche pas deux fois, tu le sais bien. Tu as déjà eu recours à cette attaque au début de notre combat. J'ai compris comment elle opérait, je n'ai donc aucun mal à la parer.

Désormais obligé d'esquiver ses propres projectiles renvoyés par son ennemi, Valkhan ne peut plus attaquer. Maintenant, le Chasseur est libre. Le combat continue. Rien n'a changé… Si ce n'est que Valkhan semble avoir épuisé toutes ses cartes… Mais sa foi ravivée par Balthazar, son maître, est toujours intacte, il trouvera un moyen… il trouvera un moyen de le terrasser !


Le Chasseur débarrasse son manteau des derniers restes de la Toile de Cristal qui l'a brièvement immobilisé. Il ne le montre pas mais il a été surpris : il ne s'attendait pas à ce que la foi de Valkhan lui redonne autant d'énergie.

- Ta foi ! Elle demeure le seul obstacle, la seule pièce que j'avais mésestimée sur l'échiquier, la seule pièce pouvant me priver du Mat. Je vais donc devoir commencer par prendre ce pion.

L'aura du Chasseur prend alors une étrange teinte multicolore. C'est étonnant de la part d'un être si sombre. Et pourtant, tout est si beau à présent. La nuit a laissé place au jour, un soleil magnifique s'est substitué à la lune. Le sol rocailleux s'est changé en un magnifique champ de fleurs. Quelques arbres ont pris la place des rochers. Des papillons volent là où la pluie a cessé, le chant des oiseaux a chassé le grondement du tonnerre. Et puis le Chasseur a disparu… A sa place, se tient une jeune femme radieuse, souriante, élégante, douce… Le visage de Valkhan se fige un instant, gagné par une immense mélancolie, son esprit est tout à coup embrumé… Ce doit être un rêve !

- Lia… Liana... C'est toi ? C'est impossible !
- Valkhan, mon amour, ne me laisse plus toute seule, je t'en prie.
- Mais où suis-je ? Le paradis ?
- C'est à toi d'en décider, mon amour. Mais je t'en prie, ne me laisse plus seule, supplie-t-elle.
- Alors Valkhan, résonne une voix venue de nulle part, tu ne l'as pas oubliée, je le sais. Elle comptait plus que tout pour toi.
- Monstre ! Qu'as-tu fais ? hurle Valkhan. Tu n'as pas le droit de souiller mes souvenirs. Qu'espères-tu ?
- Mais, mon amour…

La voix de Liana met un terme à la fureur éphémère de Valkhan. Il ne sait plus ce qu'il doit faire. Des rayons de lumière viennent le frapper de toutes parts. Il s'effondre au milieu des fleurs, blessé. Il se relève en murmurant le nom de celle qu'il aime toujours et qui en ce moment lui fait face. De nouveaux rayons jaillissant du lointain le frappent encore. Il se relève une nouvelle fois, titubant… Derrière son aimée, il distingue la silhouette floue du Chasseur.

- J'ai compris… J'ai compris ta technique… Tu ne réussiras plus à me manipuler. Tu n'es pas Liana, tu es mon ennemi, tu es le Chasseur !
- Mais mon amour…

Liana s'élance sur son époux, Valkhan ferme les yeux et son poing frappe la jeune femme en plein cœur. La concentration de Cosmos qu'il a réunie dans son poing fait exploser l'image de sa femme. Le paysage paradisiaque qui s'était dessiné autour de lui se brise. Retour dans le réel… Valkhan en face du Chasseur, le tonnerre gronde.

- Tu as décidément une grande force d'âme, Valkhan. Tu auras été celui qui aura résisté le plus longtemps à mes attaques. Même l'Hallucination Diabolique n'a pas réussi à venir à bout de toi… et de ta foi. Je suis impressionné, je l'avoue. Néanmoins tout est fini. Je suis à présent en mesure de te porter le coup de grâce. Ainsi je pourrai tuer Athéna, le Grand Ordonnateur sera enfin satisfait. Mais avant cela, je vais tenir la promesse que je t'ai faite au début de notre affrontement. Je vais te révéler la vérité, cette vérité même qui va te tuer.
- Qu'est-ce que tu racontes ?

Un ricanement dans la nuit, traduisant une assurance arrogante et insolente. Valkhan sent l'inquiétude le gagner : le Chasseur s'apprête visiblement à lui faire des révélations.


Le combat s'est interrompu. Restant sur ses gardes, Valkhan est attentif aux propos du Chasseur.

- Il y a sept ans, tu te souviens de ce qui s'est passé ? Lors de notre première rencontre, je t'ai lancé un défi et tu n'as eu d'autre choix que de le relever. Je m'étais infiltré dans le Sanctuaire depuis bien des années, mais personne n'a jamais pensé à soupçonner un des gardes personnels du Grand Pope. Eh oui, vois-tu ! Nous nous connaissons depuis bien plus longtemps que tu ne le pensais ! A ce poste, j'ai empoisonné ta mère, ainsi que ton prédécesseur, le Pope Melchior. Deux Grands Popes à mon palmarès, c'est plutôt rare ne trouves-tu pas ? Dommage, je ne pourrais sûrement plus en tuer d'autres. Je ne vais tout de même pas me suicider !
- Alors c'est bien vrai ? Bishop ! C'est toi !
- Exact ! Et avec la bénédiction d'Athéna ! poursuit-il dans un grand éclat de rire. Maintenant, je règne sur le Sanctuaire. Et pour le plaisir du Grand Ordonnateur, je vais pouvoir tuer Athéna. Mais revenons-en à ce que tu veux savoir : qui est le Grand Ordonnateur ?
- Ton maître ! Celui qui te donne les ordres !
- Oh le Grand Ordonnateur n'est pas mon maître, poursuit-il en retirant son masque, il a d'ailleurs quelques soucis avec moi, les choses n'allant pas assez vite à son goût. Mais vois-tu, même lui a peur de moi. Celui que je sers en réalité…

Un grondement de tonnerre empêche d'entendre le nom du maître du Chasseur ! Valkhan peut le lire sur les lèvres à présent visibles de son interlocuteur qui lui parle à visage découvert. Il a du mal à croire ce qu'il lit, et pourtant…

- Je vais te révéler un secret, Valkhan, avant que tu ne meures. Pour que tu trembles dans la mort. Tu vas te rendre compte à quel point le destin d'un homme peut être cruel. Celui qui a tout manigancé depuis le début, le Grand Ordonnateur, est parvenu, grâce à mon aide ne l'oublions pas, à prendre le contrôle des destinées les plus incroyables… La tienne, celle de ton frère, celle de ton père… qui sont bien plus que tout ce que tu as pu imaginer jusqu'à présent. Ecoute, Valkhan !

Alors le Chasseur parle, et ses révélations ont un parfum criant de vérité. Il ne peut avoir menti. Ses terribles paroles, bien qu'incroyables apportent la lumière sur tant de sombres questions. Enfin il perçoit " le sens et l'essence même de son existence ". Qui aurait cru que ce serait son ennemi qui le mènerait sur la voie de leur compréhension ?

- Depuis le début tu as été manipulé, tu n'es qu'une pièce sur un échiquier mais je reconnais que tu t'en es très bien sorti. Tu as fait ce qu'on attendait de toi. Soliman, Melchior le Guide, Gaspar le Protecteur… Ils savaient tous que ton destin était de te sacrifier pour que leur projet aboutisse. Même Balthazar le Veilleur le savait : le vieux fou de la montagne Jandara connaissait ton histoire, autant que moi ou le Grand Ordonnateur. Tu étais le seul à être dans l'ignorance. Pourquoi crois-tu que Soliman le Visionnaire n'ait jamais rien voulu te dire sur ton destin ?

Son visage exprimant à la fois tristesse et résignation, Valkhan n'a jamais semblé aussi vieux qu'en cet instant ; pourtant, il sourit. A présent, il sait ce qu'il doit faire pour que sa mission soit achevée. Pour que son existence ait un sens, pour qu'elle n'ait pas été vaine. Fatigué mais déterminé et confiant, il se prépare à porter son ultime assaut.


Deux hommes prêts à se porter le dernier coup d'un combat commencé il y a des années. Valkhan intensifie son Cosmos jusqu'à son paroxysme : il dépasse les limites de son septième sens. En face de lui, son adversaire concentre son énergie maléfique : il se tient au centre d'un cercle lumineux couleur de sang qui commence à apparaître sur le sol tandis que son aura rougeoyante grandit. Deux puissantes lueurs au milieu des montagnes, l'une dorée, l'autre écarlate : elles illuminent le champ de bataille comme en plein jour. Quand la silhouette d'une déesse sculpturale se joint au magnifique bélier doré de Valkhan.

- Ainsi Athéna a décidé de s'en mêler, Valkhan. Tu es en communion avec elle, c'est magnifique. Ton destin va s'accomplir !
- Divine Athéna, tu n'as jamais cessé d'être à mes côtés. Pardonne-moi d'avoir si souvent douté. Mais je sais aujourd'hui…

Le Chasseur bondit hors de son cercle écarlate alors que Valkhan s'élance. Ils vont se croiser pour le dernier assaut. Deux Cosmos qui explosent. La montagne tremble.

- Soliman… je sais combien tu as souffert, et sache que je te pardonne… Morgane, Cassandra, Mélyan… Mes amis… Je compte sur vous… Maître Balthazar…Pour tout ce que vous avez fait, merci… Hannès, mon frère… Lama, mon élève… Un jour, vous comprendrez… Néo, Shin… Issa, Sven, Kemri… Enfants du Destin… Mes enfants… Viktor, mon fils… Je serai toujours à vos côtés… Continuez le combat ! Protégez Athéna ! … Sandra… mon ange… pardonne-moi si je te laisse, mais j'ai confiance à présent… Au revoir…

Au cœur d'une forêt de chênes, Soliman le Visionnaire tombe à genoux, son visage noyé par les larmes… Un temple en ruines, Morgane se retient à une épaisse colonne de marbre pour ne pas chanceler ; sous son masque : elle pleure… Au sommet de leur tour, Cassandra et Hassadan s'unissent dans une profonde prière… Mélyan, le regard triste, observe l'étoile filante qui a traversé la constellation du Bélier… Au-dessus d'une image de Valkhan se reflétant à la surface d'une petite fontaine, un vieillard adresse tristement un signe de la main… Quelque part dans une plaine enneigée, un homme de grande taille s'arrête un instant, troublé, avant de poursuivre sa marche… Dans la Maison du Bélier, le visage de Lama n'est que regrets…


Une petite fille court dans la nuit vers une explosion de lumière. Deux corps étendus gisent au milieu des rochers brisés. En sanglots, Sandra tombe à genoux à côté de son père, elle prend sa main qu'elle colle contre sa joue. Valkhan ouvre les yeux, il lui sourit. Sandra déchire un morceau de tissu de sa tenue pour tenter de panser ses blessures.

- Non, murmure-t-il, c'est inutile. C'est trop tard.
- Dis pas ça, on te sauvera, je vais te soigner, je vais te ramener au monastère, on ira à Jandara ensemble comme tu l'as promis…
- Ecoute-moi… Tu vas devoir te battre à présent… sans moi… mais je resterai là, dans ton cœur… et tu ne seras pas seule… Viktor… Néo… Shin… Issa… Sven… Kemri… ils seront avec toi… Pardonne-moi… Je t'ai aimé… comme…

Les muscles du héros se détendent, ses yeux sont remplis de larmes, sa tête retombe au sol, ses cheveux trempés recouvrant son visage. Un dernier regard… Un ultime sourire… Un Cosmos qui s'éteint... Ainsi meurt Valkhan, Grand Pope et ancien Chevalier d'Or du signe du Bélier.
Sandra s'effondre sur le corps de son père, vidant toutes les larmes de son corps, mouillant autant la dépouille du Chevalier que ne le font les larmes du ciel.
Une main qui attrape un masque gisant au sol. Un homme blessé qui se relève, dissimulant son visage. Son ombre éclipse la faible lueur de la lune tandis qu'il remet son masque : le Chasseur a survécu ! Sandra se redresse. La haine, la colère, la peur, l'angoisse, la peine… elle fixe ce masque lugubre qui la regarde. Le Chasseur lève son bras au-dessus de l'enfant, ses griffes luisent à la lumière des éclairs… Il attend… Il rabaisse son bras doucement… Il se retourne, et lentement, s'éloigne…

- Un coup de maître, Valkhan… Aux échecs, on appelle cela un roque : quand on échange la place du Roi avec la Tour… Mais le Fou noir a pris la Tour blanche… la partie n'est pas finie… Dans quelques années…

Décembre 2193. Quelque part dans les montagnes de l'Himalaya, au terme d'une nuit d'orage. Sandra regarde la sombre silhouette s'enfoncer dans les ténèbres de la nuit avant de disparaître au loin. La pluie continue de s'abattre alors que l'orage a cessé. Le ciel pleure mais sa colère s'est apaisée…


Un champ de hautes herbes qui s'étend à perte de vue sous un ciel azuré. Un homme qui marche lentement vers l'infini. Ses pieds nus s'imprègnent des énergies telluriques de la terre nourricière à chacun de ses pas. Son visage marqué par la vie est caressé par une douce brise. Ses yeux scrutent ce qu'ils ne peuvent voir, au-delà de la ligne d'horizon. Dans le lointain, d'irréelles silhouettes semblent pourtant bien familières à sa mémoire. S'arrêtant un instant, il se retourne pour regarder derrière lui, pour voir une dernière fois cette vie qu'il laisse. Puis il reprend sa route chimérique, l'œil vif, le visage fier, le pas assuré. Sa voix d'outre-tombe résonne, relayée aux confins de l'Univers par un écho majestueux.

- Je suis Valkhan ! J'ai accompli mon destin, c'est à votre tour à présent… J'ai confiance…


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Cette fiction est copyright Laurent Habault.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.