Chapitre 5 : L'épreuve


Torben est sans doute un des atouts du sanctuaire de Poséidon. Un grand guerrier, fort, solide et digne de confiance. Ce n'est pas pour rien qu'il est aussi haut tant dans l'organigramme implicite et non-officiel des Généraux que dans l'estime pourtant difficile d'accès de Dragon des Mers.

Ce gaillard du Nord (il est né au Danemark, prés de Brondby) fut un des premiers à atteindre l'éveil de Général chez les Marinas, sensiblement au même moment que Krishna et après Dragon des Mers. Il est très apprécié de tous les lieutenants et simples marinas pour sa simplicité, sa proximité et surtout sa puissance et sa science du combat.

Ses relations avec Arion sont intéressantes. Un petit garçon qui a tout de même vieillit de deux ans depuis notre dernière rencontre… Torben et Arion ont des relations amicales proches de la fraternité, entre un grand frère et son cadet qu'il n'a jamais eu, et vice versa. L'un et l'autre semblent comblés par cette amitié forte, emplie de respect, d'admiration et même d'amour…

Bien sur, Arion a tout de même ces chevaliers serviteurs tels qu'ils sont à présent désignés. Hristo du triangle austral, Igor du toucan et Darko de l'ourse. Ils forment un bloc d'affection et de conseils avisés autour du petit, formant avec quelques autres lieutenants une communauté très homogène et respectueuse les uns des autres…

Enfin, je suis toujours avec grand intérêt l'éveil de ce fils divin. Et je trouve qu'il fait des progrès de jours en jours. Mais je me garde bien de tous commentaires rapides…Attendons d'abord que le petit passe l'Epreuve qui validera sa compétence à être la réincarnation du fils de Poséidon, à diriger ce royaume pour la grandeur de son père…

Et à assouvir mes objectifs.


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Bientôt deux ans que je vis dans ce monde où le seul ciel bleu m'étant offert n'est en fait qu'un plafond aquatique. Bientôt deux ans que, mon épée volée sur le corps de mon père Tomislav à la main, je me bats pour dépasser mes limites et pour atteindre une puissance jamais atteinte… Bientôt deux ans que, chaque matin que je me lève, chaque soir où je me couche, chaque pas que je fais, chaque coup que je porte, chaque geste que j'accomplis, je pense à toi, Athéna…

Terrible est cette morne sensation de bonheur volé… Ces regrets de ne pas être celui que j'aurais toujours rêvé d'être… Oui, je suis un Dieu paraît-il. Mais je ne peux m'empêcher de songer à ce jour funeste où mes yeux vierges et innocents ont imprimé cette image de ce village en feu avec, au centre, le cadavre de ma mère qui brûlait… Ce jour funeste où mes blanches mains d'enfants ont touché le corps froid et vide de Tomislav, ce père présent que je n'ai jamais eu… Ce jour funeste où la vie que je m'étais crée est morte, pour laisser place à un gouffre, à un destin de Dieu.

Et depuis ce jour, je pense à toi, Athéna. Toi qui m'a volé ce que j'avais de plus pur, de plus beau, mon enfance… Et tout mes rêves d'enfant… Tu as tué ceux qui étaient le plus chers pour moi… Ma mère, ma tendre et belle mère, dont j'ai eu connaissance par la suite de son essence divine, mais qui concentrait en elle tout l'amour que l'humanité pouvait apporter… Mon ami Tomislav, un père pour moi, que tu assassiné en lâche, un de tes chevaliers en plus, traîtres ! Et mon village, et ma vie…

Avec mes amis, tes anciens chevaliers que tu as renié, nous jurons de te vaincre… Pour venger ceux qui me sont chers… Pour mon père Poséidon, qui m'a recueilli dans son royaume pour que je l'aide à conquérir ce monde perverti par une déesse devenue folle… Finalement, pour réaliser le rêve de ma défunte mère : que les hommes vivent en paix, dans l'amour et la sagesse…

Athéna, je te vaincrais…

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Deux ans depuis le combat entre le petit Arion et le redoutable Kasa des Lumnyades se sont écoulés… Le royaume de Poséidon a considérablement évolué, en même temps que notre petit bonhomme devenu bien moins petit… Les écailles restantes de la Sirène et de Scylla ont trouvé leur preneur potentiel… Io, un jeune garçon de San Félix, est en train de continuer à s'endurcir et de chercher la voix de la découverte du cosmos divin des Marinas… Quand à l'autrichien Sorrento, son pouvoir et potentiel incroyable lui a permit sans difficultés apparente de s'élever au rang de Général de l'Atlantique Sud, dont il garde à présent sereinement le pilier, exerçant par moment, à la demande de Dragon des Mers, quelques missions extérieures pour observer l'évolution des différents sanctuaires…

Avec Torben de l'Arctique et Bian du Pacifique Nord, Sorrento se révèle être en fait l'autre homme de confiance de Dragon des Mers… Enfin confiance… Il lui fait confiance car son pouvoir est tout bonnement phénoménal… Mais son caractère assez introverti le rang difficile d'accès, et Dragon des Mers ne parvient pas trop à lire dans le cœur de cette Sirène la même fidélité que chez Torben et Bian…

En effet, plus que de la fidélité, c'est de l'admiration béate qu'éprouve le Général de l'Hippocampe envers le dragon des Mers, qui lui a tout appris, l'a éveillé au cosmos et au rang de Général de Poséidon, et surtout lui a donné des responsabilités et un sens à sa morne vie de pécheur Australien…

Les relations entre Torben et Dragon des Mers sont plus d'ami à ami… L'age aidant (Dragon et Torben sont de la même génération, bien plus vieux que le jeune Bian), les relations sont plus amicales, entre deux hommes se faisant confiance. Ces deux généraux, de plus, s'apprécient car ils ont ce même caractère ambitieu et travailleur, regardant toujours plus loin devant et ne s'embarrassant pas de questions inutiles… Vraiment des combattants matures et efficaces…

Quant à ce Sorrento… Difficile à définir… Un cosmos envoûtant et sans limites, des techniques de combat et de commandement particulièrement exceptionnels font de lui un Général de grande qualité… Cependant, Dragon des Mers a du mal à se le mettre en totale confiance. Bien sur, les missions qu'il remplit sont couronnées de succès et les rapports allient pertinences et clarté, mais… C'est spécial… Dragon des Mers le sent bizarre… Mais quel guerrier !

Reste Krishna, général à la lance sacrée, gardien du pilier de l'océan Indien. Les relations entre lui et les autres généraux sont nulles. Il passe sont temps à méditer… Dragon des Mers lui-même n'a pas cherché à lier des contacts poussés avec lui. Sans doute car il sentait qu'il pouvait avoir naturellement confiance en une personne qui avait juré fidélité à Poséidon, et qu'il serait de toutes manières faciles à diriger en parlant au nom du Dieu des Océans. Un garçon mystérieux…

Et Arion ? Il a beaucoup évolué lui aussi… Physiquement d'abord. Il a pris une vingtaine de centimètres, atteignant sans soucis les 1m80. Son visage est toujours aussi fin et d'apparence poupin, avec des rougeurs sur les joues dû à des efforts trop importants. Ses beaux yeux marron brillant sont par moment cachés par cette fine chevelure brune mi-longue mouillée de sueur… Sinon, il porte toujours sa tunique légère, verte à parements noirs, laissant ses bras nues. Une seule chose a changé chez lui, c'est peut être ce petit bandeau blanc qu'il porte sur le front, pour stopper sa franche qui a tendance à venir recouvrir ses grands yeux.

Arion s'est même formé une petite armée de personnes bien agréables, composée de quelques lieutenants avec lesquels les rapports sont bien passés… Des lieutenants toujours autant méprisés par les Généraux, mais tellement appréciés du petit Arion, qui, malgré sa maturité naissante, apprécie de se voir entouré de gens sympathiques.

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Devant le pilier de l'Atlantique Nord

DRAGON (projetant par son cosmos des milliers de cailloux à la vitesse de la lumière) - Allez, t'arrêtes pas, continue à les éviter…
ARION (se déplaçant à la vitesse de la lumière, mais commençant à fatiguer) - afff… Tu peux… continuer…

Puis, dans le tumulte de ce lancer de cailloux, le Dragon des Mers, en une subite explosion énergétique, projeta à la même vitesse une boule d'énergie vive en direction d'Arion qui, à la vision de celle ci, intensifia rapidement son cosmos et se déplaça à une vitesse telle qui se retrouva derrière Dragon des Mers. Ce dernier ayant senti la présence de son disciple, se retourna vivement et, avant que le gamin eu le temps d'apparaître et de réagir, décocha un violent revers du bras droit, ce qui eu pour incidence de faire voler le petit Arion à quelques mètres plus loin…

ARION (essoufflé mais content, avec une voix ayant muri) - Eh… Tu as triché !
DRAGON (sans émotion apparente) - Tu n'avais qu'à être un peu plus sur tes gardes, petit… Tu ne dois jamais, tu m'entends bien, jamais t'habituer à une certaine routine de la part de tes adversaires ! Ceux ci essaieront de t'endormir par des offensives uniformes et semblables, puis ils décocheront une attaque plus subtile, et là, tu feras quoi si tu n'as pas la capacité suffisante pour réagir et t'adapter ??

Arion, le fils de Poséidon, buvait les paroles de Dragon des Mers. Il était sous le charme de cet homme qui se révélait être bien plus qu'un simple maître pour lui… Il devenait un modèle. Il était celui qui possédait le pouvoir de rendre ce petit homme suffisamment fort pour assouvir cette vengeance qui commence à le tarauder…

Torben le grand était là aussi, en compagnie de Igor, chevalier d'argent du Toucan anciennement au service d'Athéna, maintenant attaché à la protection du tout jeune Arion. Il l'observait, avec il faut avouer beaucoup de tendresse… Ce qui est explicable de la part d'Igor, au vu de tout ce temps passé dans le chaleureux petit hameau de Gertazé.

L'affection que porte Torben à Arion est plus " professionnelle " on dira… En connaisseur, il a apprécié l'esprit travailleur et combatif du petit garçon… Puis de part sa nature. Torben est un nordique, un Danois. Et comme tout les gens du Nord, c'est un être extrêmement chaleureux, quand bien même la loquacité ne soit pas sa qualité prépondérante. Nous avons là un homme parfaitement respectueux des personnes avec qui il vit et combat. Il n'en reste pas moins un soldat sûr de sa force…

IGOR (à Torben) - Plus ça va, plus je suis stupéfait par les progrès qu'il accomplit…
TORBEN (regardant droit devant, inexpressif) - Oh, tu sais, c'est un Dieu quand meme…
IGOR - Oui, mais quand tu penses qu'avant, il n'était qu'un enfant.
TORBEN - Il grandit. Mais bon, il a encore un paquet de chemin à parcourir avant de pouvoir la revêtir…
IGOR (tournant brusquement la tête en direction de Torben, surpris) - Revêtir quoi ?
TORBEN - Ah, tu n'es pas au courant ?
IGOR - Au courant de quoi ?
TORBEN (souriant) - Remarque, je suis pratiquement sûr que le petit n'est pas au courant non plus…
IGOR (regardant Torben s'éloigner) - Mais au courant de… Hé, Torben, attends…

Mais Torben n'a pas attendu, il s'était éloigné pour s'approcher du petit Arion…

ARION (s'aidant de Torben pour se remettre debout) - Ouh là… C 'était pas facile aujourd'hui…
TORBEN (tendresse froide) - Continue à travailler… continue à écouter les conseils de Dragon des Mers… Sincèrement, tu progresses physiquement et techniquement beaucoup…
ARION (rayonnant de satisfaction) - merci Torben J !

Telle est une journée d'entraînement normale du petit Arion…

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La scène se passe à proximité du temple de la Mer du Nord.

Plus loin, prés d'un simple temple de lieutenant se trouvent Hristo et Darko. Eux aussi, lorsqu'ils ne s'entraînent pas, méditent… Ils méditent autant pour augmenter l'intensité de leur cosmo-énergie que pour tenter de trouver des réponses à leur très nombreuses questions…

Ils ne sont pas seuls actuellement à discuter et à tenter de trouver le but de leur destin peu banal. Les accompagnent deux lieutenants de Poséidon également très en doute. En effet, ce sont des guerriers qui ont eu du mal à s'intégrer à la population militaire sous marine… Plus faible physiquement et mentalement ? Difficile à dire… En tout cas, ce sont ce que l'on peut communément appelé " des gars bien ". Pas marginaux comme Kasa… Des gens sociables pour peu que l'on veut faire l'effort d'aller cers eux. Et comme les chevaliers d'Arion ont également eu du mal à s'intégrer facilement… ils forment ensemble une communauté à part dans ce sanctuaire sous-marin, sous les railleries des autres combattants…

Leurs identités ? Le premier d'entre eux possède une armure tentaculaire… Comme toutes les écailles argentées, elles sont de couleur argentée, tout simplement. Son nom : Trevor. Il est anglais, originaire des côtes du Norfolk. De taille normale, de corpulence normale, il est très normal, pour ne pas dire banal… Peut être est ce cette banalité qui provoque des moqueries et un regard méprisant de la part des autres… Il garde précieusement et consciencieusement le pilier de la Mer du Nord, et représente une pieuvre…

L'autre lieutenant est beaucoup plus taciturne et se révèle être un cas à part… D'ailleurs, il ne porte pas d'écaille argentée, mais il possède pourtant le titre de lieutenant de Poséidon. Disons qu'il se retrouve dans la position qui aurait pu être celle des chevaliers d'argents protecteurs d'Arion si ils avaient accepté la proposition de Poséidon (cf chap 1 /4). Ce guerrier est d'origine Kenyane. Il possède une armure jaune vive à parement noir évoquant avec angoisse le plus terrible des cobras. Il a renié son sanctuaire (d'ailleurs, personne ici, à part peut être Poséidon, serait capable de dire quel est justement son sanctuaire originel) et a accepté de garder le temple supportant le lac Victoria.

Il se fait appeler Kaba du cobra, et son pouvoir intrigue même les généraux… Pourtant, son attitude est assez différente de celle de Trevor. Lui semble volontairement se désintéresser des autres lieutenants et soldats de Poséidon. Il subit des railleries dont il se moque. Pourtant, le courant est extrêmement bien passé entre lui et les chevaliers d'Arion. Il semble également cordialement apprécié Arion, qui le lui rend bien…

Kaba est sans doute celui qui comprend le mieux les doutes que peuvent ressentir actuellement Darko et Hristo… Et en ce moment, ils sont en train de discuter… Justement de leur doute, d'Arion, de Poséidon, et du monde qui les entoure… une discussion de quatre gars embarqués dans une galère…

DARKO (appuyé contre un pan de mur du temple défendu par Trevor) - Tu vois, je suis assez admiratif du courage que tu as eu, Kaba, de tout renier…
KABA (ombrageux) - Tu dis ça ironiquement ou quoi ?
DARKO - Non, je suis sincère… Si, mes amis et moi, n'avons pas été capable de renier complètement Athéna, ce n'est pas par courage… Nous savons que le sanctuaire est devenu foncièrement mauvais, et pourtant…
HRISTO - Par peur de Poséidon sans doute…
DARKO - Ou par peur de faire un choix.
TREVOR (timidement, il n'aime pas trop parler en fait) - Mais pourtant, vous avez rejoint Arion…
HRISTO - Oh, on n'a guère de mérite je trouve…
DARKO - On a uniquement fait que de suivre les ordres donnés par Athéna… Rien de plus…
KABA - Et savoir que vous devrez un jour vous battre contre elle…
DARKO - Nous mine, tu as raison… Mais un jour, il faudra l'affronter. Pour Arion…
HRISTO - Et à ce moment, nous serons prêt.

Tous les quatre regardaient mélancoliquement le plafond de mer au dessus de le tête… Ce moment faisait parti des malheureusement trop nombreux moments de doute que connaissaient les anciens défenseur d'Athéna, puis de Déméter… Par bonheur, il y avait cet Arion tellement attachant…

KABA (rompant brusquement le silence) - Vous voyez, me battre contre mon ancien sanctuaire ne me poserait strictement aucun problème, aucun remord.

Darko ne répondit rien, il grognait en silence…

TREVOR - C'est vrai, tiens ! On ne sait toujours pas de quel sanctuaire tu viens ?
KABA (vivement) - Et ce n'est vraiment pas le plus important, je t'assure !

Darko et Hristo sont des êtres censés. Ils voyaient bien, par la brutalité de cette réplique, qu'un sujet sensible venait d'être abordé, et que le sombre Kaba ne souhaitait pas aller plus avant… Donc ils se taisaient. Sauf Trevor qui apparemment n'avait pas tout compris.

TREVOR - Mais si, ça m'intéresse… Tu viens de quel sanctuaire, toi ?

C'est avec un soupir exprimant la force du dédain que Kaba pris congé de ces trois compagnons, laissant Trevor bête et sans réponses…

TREVOR (tout con) - Mais, euh… Ben attend…
HRISTO (parlant en regardant toujours le ciel) - Tu ne vois pas que tu l'ennuis ? Et puis, entre nous, quel intérêt de savoir quel fut son sanctuaire ? Il défend à présent la même cause que toi, et c'est le plus important…
DARKO - D'ailleurs, nous avons nous aussi une cause à défendre…
HRISTO (se tournant vers Darko) - Dis moi, Darko.
DARKO (regardant toujours la mer) - Mffff ?
HRISTO - Tu m'avais parlé il y peu, pendant que nous nous battions, d'une " épreuve " pour le petit… Tu t'en rappelles ?
DARKO (toujours détaché) - Oh, tu sais, vu le nombre de choses que je dis…
TREVOR (qui tente de prendre part à la conversation après la relative humiliation d'avec Kaba) - Euh, vous parlez d'une épreuve pour Arion ?
HRISTO (ouvrant son cœur pour intégrer le pauvre lieutenant de la pieuvre dans la conversation) - En fait, Darko m'avait dit un jour…
DARKO - " il sera bientôt l'heure pour Arion de prouver qu'il sera digne de son père Poséidon en passant l'épreuve et de prouver qu'il est bien la réincarnation du fils de celui ci"…
HRISTO - Et bien voilà que tu t'en souviens !
DARKO - Oui… ben j'ai réfléchi à ce que je t'avais dis, et ça y est, j'ai trouvé…
HRISTO - Alors c'est quoi cette épreuve ?
TREVOR - Oui, hein ? C'est quoi ?

S'en suivit un instant où seule la mer parlait… le souffle marin était le seul son audible dans cet espace autour du temple et du pilier de la mer du Nord. Darko continuait à contempler l'horizon, conscient que, de toutes manières, il était important que ses compagnons sachent, soient dans une confidence qui n'en sera bientôt plus une.

Il y a quelques jours, Dragon des Mers, le fier et remarquable Dragon des Mers, s'était entretenu avec Darko sur cette " épreuve " qui donnerait à Arion une réelle consécration et le placerait en digne fils du Seigneur des Océans. Dragon des Mers pensait que c'était le moment opportun, et Darko ne le contredisait pas : il pensait la même chose…

La cicatrice laissée par le combat contre Kasa fut douloureuse pour Arion. Il a bien mis une bonne année avant de s'en remettre. Et puis, conscient de son objectif, il s'est remis au travail…

HRISTO (impatient) - Alors… ?
DARKO (mystérieux) - L'armure sacrée d'Arion…
TREVOR - Hein ?
DARKO - A chaque résurrection, le tout puissant Seigneur Poséidon laisse la contrôle des armées de Poséidon à son fils, Arion…
HRISTO - Ca, on le savait déjà…
DARKO - Ce que vous ne savez pas, c'est que le pilier central de Poséidon supporte la Mer Méditerranée… Son fils, Arion, aura en charge la protection de cette mer.
TREVOR - Mais j'ai cru que seuls les lieutenants étaient responsables de la protection des mers et lacs et rivières et…
DARKO - Tout ce qui n'est pas océan, c'est vrai. Mais la mer Méditerranée est l'étendue d'eau principale, la clef de voûte du Royaume de Poséidon… Et son fils, en ayant la protection de cette mer, a la sauvegarde de tout le sanctuaire marin…
HRISTO - Donc Arion n'aura pas le rang de lieutenant ?
DARKO (grondant) - Evidemment qu'il n'a pas le rang de lieutenant ! Je te rappelle que c'est d'un Dieu que tu parles.
HRISTO (vexé) - Bien sur… Mais cette épreuve alors ?
DARKO - Seul le Grand Poséidon est en droit de juger si Arion, son fils, est suffisamment éveillé pour tenir ce rôle déterminant… Et ainsi revêtir ce qui est, après l'habit sacré de Poséidon, la plus puissante armure du royaume sous marin… L'armure d'Arion…
HRISTO (sous la surprise) - Ah oui… Quand même…
DARKO - Mais vous voyez, je doute toujours de la capacité à Arion de réussir cette épreuve maintenant…

Et le vigoureux chevalier de l'Ourse s'en retournait dans son mutisme et sa réflexion intérieure en regardant sans autres étoiles que celles de mers…

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Deux jours plus tard, pilier de l'Atlantique Nord.

Dragon des Mers, toujours son casque cachant l'essentiel de son visage, méditait. Il était en position en tailleur, et développer de manière fort impressionnante son cosmos… Celui ci projetait des sortes de crachats d'énergie… Il ne ressentait rien d'autre autour de lui que la fabuleuse puissance du cosmos, cette impression de n'être plus qu'un avec tout l'univers et de maîtriser précisément toutes les ressources de son corps… D'être en fait rien d'autre que le maître absolu de soi.

L'énergie qui émanait de son corps pouvait être ressentie par tous le sanctuaire sous-marin. La mer, au dessus de chacune des têtes, commençait à trembler, des gouttelettes tombant sur ce sol sacré. Ca y est, il n'était plus là… Dragon des Mers venait de rentrer dans un état de transe, de béatitude extrême, si bien qu'il ne ressentait plus rien d'autre que ce sentiment de bien-être ultime… Tout apparaissait et disparaissait dans sa tête, des évènements du Cap Sounion à la découverte de l'Urne de Poséidon et des son état de Général des Armées… Le sanctuaire grec, le corps décharnée de Déméter, Arion, sa vengeance… Au fur et à mesure que sa réflexion allait plus en avant, son aura croissait de puissance et les tremblements de la mer se faisait plus violent. Même son tout puissant en venait à frémir.

Plus loin, Arion s'entraînait en compagnie de ses chevaliers d'Arion. Trevor de la pieuvre et Kaba du cobra, chacun dans leur coin, s'exerçaient aussi. Tous les généraux étaient à leur pilier. Enfin, tous sauf un qui s'approchait, en compagnie de Darko de l'Ourse, du pilier ou méditait Dragon des Mers…

Puis Dragon des Mers se calma. Il redresse la tête et se relevant, en face de Torben du Kraken et Darko de l'Ourse. Le Général de l'Atlantique se sentait divinement bien. Les frémissements de la puissance précédemment dégagée palpitaient encore dans tout son corps. Il était prés à écouter ses deux compagnons…

DARKO (l'air grave) - On a décidé, Dragon des Mers…
TORBEN (encore plus grave) - C'est moi qui ferais passer l'épreuve à Arion…
DRAGON (sans émotion) - Dans ce cas, n'attendons pas plus longtemps… Allons chercher le gamin.

Darko et Torben se tournèrent pour prendre la direction du lieu où Arion s'exerçait. Mais une main pleine de chaleur vint se poser sur l'épaule de ce dernier…

DRAGON (à Torben) - Tu es vraiment un grand homme Torben. Tu me manqueras…
TORBEN - Merci Dragon des Mers… Merci… Kanon !

Et les trois chevaliers partirent pour continuer la construction du destin du jeune Arion, fils du Poséidon.

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La veille, pilier de l'Antarctique

Torben et Arion parlaient, sous la nuit reflétée par le ciel aquatique… Ils se parlaient non pas en Généraux se battant pour les mêmes causes, ni même en amis… Mais plutôt une relation adulte respecté - adolescent respectueux et admiratif d'un homme qui aurait pu être ce père qu'il n'a pas eu, ou qu'il n'a plus. Un dialogue franc, chaleureux, amical, loin des habitudes et objectifs de chacun de ces vaillants guerriers, en préparation pour un combat mortel sous la bannière de leur Seigneur des Océans.

ARION (allongé sur le dos, les mains derrière la tête) - Torben, Ca fait longtemps que tu es ici ?
TORBEN (assis en tailleur, le dos contre un muret de pierre, à coté d'Arion) - Je suis arrivé ici oh… 1 an avant ton arrivée. Et 1 an après l'arrivé de Dragon des Mers je crois…
ARION - Tu l'aimes bien Dragon des mers, non ?
TORBEN (admiratif) - C'est un véritable meneur d'homme, un puissant guerrier, et un homme en qui j'ai une grande confiance… Oui, je crois que je l'apprécie… Plus que beaucoup d'autres ici, qui allient faiblesse et manque de courage…
ARION - Moi aussi je l'aime beaucoup… Notre rencontre…
TORBEN - Non Arion, c'est pas la peine… Je me rappelle de votre rencontre, un moment douloureux pour toi. Sincèrement, tu as déjà beaucoup souffert, petit.
ARION (soupirant, les yeux brillants) - J'y repense tous les jours… C'est affreux Torben ! J'ai en tête toujours les mêmes images quand je ferme les yeux… Mon village en ruine et en flamme, ma mère détruite, Tomislav transpercé de cet épée…
TORBEN - J'ai une question… Pourquoi tu l'as gardé cette épée ???

Un silence s'en suit. Apparemment, Arion ne s'était jamais posé cette question du pourquoi de cette épée… Magnifique objet de mort, d'une qualité esthétique exceptionnelle, au tranchant unique et à la résistance rare. Cette arme, finement ciselé et d'un brillant doré, fut celle qui assassina violemment le feu chevalier du Lynx, Tomislav de bien nommé.

Et pour Arion, cette épée fut le point de départ de sa nouvelle vie, de sa renaissance. Il se souvient de ce moment unique qui a scellé son destin et celui de ses amis. Cet instant où tout a basculé du cauchemar du cadavre de Tomislav à l'apparition de cette force divine enfouie dans le plus profond de son âme. Il a touché ce manche, enlevé la lame du torse sanglant de Tomislav, et il est officiellement devenu la réincarnation du fils de Poséidon sur la terre, au pouvoir dévastateur…

Mais pourquoi a t'il gardé cette arme de funeste souvenir ? Pourquoi la conserve t'il précieusement toujours à ces cotés, même quand il ne combat pas, dans ce fourreau dorsal ? Pourquoi cette attirance finalement entre l'épée et le garçon, sorte d'attraction réciproque… Arion ne sait pas quoi répondre mais en aucun cas il ne saurait, il ne pourrait se séparer de cette auguste lame…

ARION (songeur) - J'en ai aucune idée… Je sais pas, je me sens plus fort avec… Franchement, je sais pas quoi te dire… Je me sens attaché à elle, c'est comme une partie de moi, de mes souvenirs, de ma vie… Excuse moi, mais je sens que je raconte n'importe quoi, j'en sais rien…
TORBEN (apaisant) - C'est pas grave petit… Je comprends ce que tu ressens. Et il se trouve que c'est une magnifique arme. Mais elle doit te rappeler de biens cruels souvenirs…
ARION (les yeux redevenant brillants, limite de pleurer) - Oui…
TORBEN - C'est cela ta destiné, petit. Tu es un chevalier, et pas n'importe lequel… Tu es Arion, fils du Dieu Poséidon ! Et en ce sens, attend toi à ce que ta vie, ton destin, soit des plus tragique, composé de morts et de pertes…
ARION (fataliste) - Je sais… Je sais surtout que toute ces sensations de mal-être qui m'envahissent et me donnent, le soir quand je suis seul, envie de pleurer, ne seront apaisés que lorsque j'aurais la tête de celle qui est responsable de mon destin…

Cela va bientôt faire un an que Arion parle ouvertement de cette envie de vengeance qui le taraude… Et lorsqu'il en parle, on verrait presque son aura divine verte et bleu s'emballer, s'accroître… Ses yeux, pourtant si doux et si jeune, deviennent tels des yeux de félins. N'importe qui verrait une détermination inarrêtable chez ce jeune homme… C'est sans doute ce qui aura conforté Torben dans son désir de lui faire passer l'épreuve…

ARION (reprenant) - Tu vois, j'ai conscience que la vie ne m'a rien épargné… Un début de vue modeste dans ce hameau de Gertarzé, puis les gens que j'aime qui meurent dans de forts violentes et douteuses conditions, puis ces entraînements durs, éprouvants, éreintants… Mais tu vois, j'ai quand même toujours été heureux… Et tu sais pourquoi ?
TORBEN - Mmmm
ARION (pétillant de conviction) - Parce que j'avais cette volonté d'être heureux. Et parce que j'ai eu la chance d'être entouré de gens que j'aimais et que j'admirais. Certes, il y en a qui sont morts, que je regretterais toute mon existence mais que, je le jure sur l'âme de ma mère, je les vengerai…
TORBEN - Mmmm
ARION - C'est exceptionnellement motivant et réconfortant, Torben, de vivre avec des gens comme toi. Tu m'apprends, tu me considères, tu m'aides à être plus fort… Et tu es mon ami. Je te serais éternellement redevable, Torben…
TORBEN - Arion. Tu es un Dieu. Tu seras le meneur exclusif des armées sous-marine…
ARION - Il n'empêche que je sais ce que je vous dois ! Vous donnez de vous pour m'aider à être prêt à accomplir mon but… Venger Tomislav, venger ma mère… A toi, Dragon, mes amis de Gertazé, Darko… Je ne l'oublierai jamais…
TORBEN (gêné) - Tu pourras toujours compter sur tes amis…
ARION (joyeux) - Je sais ^__^ Je te laisse Torben, je dois y aller. Merci, tu m'as redonné une de ces pêches…

Et c'est un Arion réconforté qui partait vers de nouvelles aventures, laissant seul, toujours adossé à ce petit muret de briques un Général en proie à des doutes dévorants.

Il se sera passé bien trente minutes de réflexion, pendant lesquelles Torben, le nordique général aux cheveux courts et blancs comme la neige danoise, sera resté de pierre, sans parler, sans bouger. Juste penser. Puis il se releva, avec un regard évoquant la résolution ferme d'un homme qui a fait un choix. Un choix décisif, un choix final.

*
**

Retour au présent.

Sont présents les trois chevaliers d'Arion : Darko, le bourru et poilu chevalier de l'Ourse, Igor, le réservé chevalier du Toucan, et son frère jumeau Hristo, le blanc et fougueux chevalier du Triangle Austral. Les accompagnent les généraux Bian de l'Hippocampe et Sorrento de la Sirène, venus en témoins. Et bien sur, le grand et estimable Dragon des Mers, vêtu d'une large cape blanche lui donnant un aspect majestueux.

Ils sont en groupe. En face d'eux se tiennent Torben de Kraken, droit et froid. Il ne parle pas, a les yeux fermés et les bras le long du corps. Mais il est déterminé comme jamais. A ses cotés, le petit Arion. Il semble ébahi, totalement déconcerté et paniqué par ce que vient de lui révéler Dragon des Mers.

Le jeune adolescent redevient petit enfant. Il pleure, crie, serre les poings… Il hurle, ne sait plus ce qu'il dit, ne comprend plus où il est…

ARION (hurlant) - Mais je ne veux pas ! Et d'abord, pourquoi ils sont là ceux la ? je les veux pas….

Sorrento et Bian, il est vrai très peu familiers du petit fils de Dieu, étaient visés. Mais ils n'en tenaient guère compte, sachant très bien que le petit était en proie à un profond délire causé par la nouvelle de Dragon des Mers… Par l'énoncé de son épreuve…

" Un combat à Mort contre le Général de l'Antarctique, Torben de Kraken "

Et Arion ne voulait pas. Il ne comprenait pas pourquoi il devait se battre à mort contre ce général avec qui il avait tant partagé pendant ces deux années. Torben, lui, ne laissait transparaître aucune émotion… Il savait que s'il devait mourir, pour l'éveil total du Dieu Arion, et bien il mourrait. Et que si le destin avait voulu qu'il soit le vainqueur, il tuerait de ces propres mains ce petit enfant, réincarnation d'un être qui n'aurait donc pas encore atteint la plénitude de son pouvoir divin.

DRAGON (solennel) - Arion, tu dois te battre contre ce Général. Pour avoir le droit de porter l'armure sacrée du fils de Poséidon…

A ces mots apparu, dans une immense lumière verte dorée, l'armure sacrée d'Arion. Un objet aussi fin et magnifique que ne pouvait l'être son épée. D'un vert limpide émeraude… Et regorgeant d'une puissance qui crispait l'air environnant…

TORBEN (à Hristo) - Chevalier d'Arion, il est temps pour nous de rejoindre notre champs de bataille…
ARION (hurlant) - Non, Torben, arrête…
TORBEN - Utilise tes pouvoirs télékynésiques pour nous téléporter dans le grand Est Sibérien…
HRISTO (le visage fermé et grave) - Je vais le faire si tu me le demandes…

Hristo, de part sa formation, possède des pouvoirs dimensionnels et télékynésiques de haute volée. C'est ainsi, sous les cris et hurlements d'Arion et le regard froid de Torben, que le blanc chevalier joint ses mains en triangle et intensifia son cosmos. Au sol apparu les contours d'un triangle qui enferma Arion et Torben. Puis l'aire triangulée se remplit d'un blanc très prononcé, engloutissant les deux anciens amis pour les faire réapparaître en plein nord-est de la Russie…

DRAGON (à Sorrento et Bian) - J'ai voulu que vous soyez témoins et observateurs alertes de l'éveil ou de la mort du petit. Soyez attentifs je vous prie…
BIAN - Groumph
SORRENTO (poliment condescendant) - Je vous remercie de votre confiance, Dragon des Mers. Je pense que ce spectacle sera très utile…
DRAGON - D'autant plus que tu connais le travail que tu auras à faire à l'issue de ce combat…

L'homme sirène se contenta de sourire. Et un silence divin se fit parmi les hommes, qui regardèrent à travers le triangle énergétique formé par Hristo ce combat assez spécial mais capital pour l'avenir du sanctuaire sous-marin… Et pour l'avenir d'Arion.

*
**

Taderkasa, en Sibérie

Le décor. Une grande steppe glacée, où il est difficile de se tenir droit sans glisser, à cause des actions simultanées d'un sol gelé et d'un vent fort. Le ciel noir. Comme la nuit, mais en plein jour. Noir à cause de nombreux gros nuages annonciateurs de catastrophes, noir à cause de la neige qui tombe en tempête violente et tourbillonnante. Mais surtout, ce décor est triste, aussi triste que ne peuvent l'être les cœurs des deux protagonistes, quand bien l'un le cache infiniment mieux que l'autre…

Arion grelottait, avec sa petite chemisette verte et son pantalon léger. Il tremblait de froid et de peur, les bras autour de son corps, sanglotant, terrifié par ce combat tellement injuste. Et se tenait droit en face de lui, dans son éclatante écaille dorée du Kraken, son ami, Torben, qui était enveloppé du fort cosmos tirant sur un blanc aussi froid qu'immaculé.

TORBEN (froid) - Petit, si tu refuses l'affrontement, tu vas mourir. Je vais me battre de mon cœur, en y mettant toute ma force…
ARION (suppliant, pleurant toutes les larmes de son frêle corps) - Je t'en prie, Torben… J'ai froid…

Mais Torben n'écoutait plus. Ses bras étaient déjà en croix devant son corps, et un vent froid tourbillonnant ne cessait de croître autour de son corps. Ses yeux étaient d'un blanc brillant et cruel, ne laissant plus apparaître la pupille. Le chevalier Danois semblait en totale transe, l'ouragan dont il était l'épicentre s'amplifiant exponentiellement…

TORBEN (une voix d'assassin en transe) - Je vais te tueeeer…
ARION (toujours tentant de se réchauffer les bras autour de son corps) - Mais pourquoi…
TORBEN - Siberiaaaan sea TORMEEENT

Torben restait immobile, mais une lame de glace fondait sur le petit garçon, qui fut totalement balayé par la violence de ce vent de mort… Le gel le frappait cruellement, il était pris dans un tourbillon froid et douloureux… Puis il s'écrasa brutalement sur la banquise sibérienne, le crane ouvert laissant transparaître une plaie béante et saignante, le corps endolori par le froid piquant et cassé par la bestialité du choc….

Sous les mers, c'était la consternation. L'assaut de Torben fut aussi vif que violent. Il y avait mis toute sa force, et Darko, en connaisseur, pouvait témoigner et apprécier la puissance de ce Général, intimement proche de celle d'un chevalier d'Or d'Athéna. Mais tous étaient partagés entre admiration en face d'un tel guerrier et appréhension devant la pale figure de petit garçon.

HRISTO (soupirant de stupefaction) - Impressionnant…
DRAGON (droit, digne, indifférent) - En effet, c'est impressionnant… C'est au-delà de ce que j'imaginais
BIAN (fier) - Je suis d'accord avec vous… Quelle démonstration de Torben !
DRAGON (impassible, d'humeur égale) - Je parlais d'Arion.
TOUS (sauf Sorrento, calme et sans émotion) - Hein ?
DRAGON (voix égale) - Arion a totalement encaissé l'attaque de Torben, qui a mis toute sa puissance… Il a réussi à intensifier brièvement son cosmos à un niveau très élevé, mis son épée en opposition, et a ainsi pu se protéger, assez efficacement je trouve, de cette attaque…
IGOR - mais regarde, son crane est…
DRAGON - Sache que la tête est une partie du corps qui saigne beaucoup. Mais ce n'est qu'une petite éraflure… (élevant la voix en direction d'Arion) Arrête de faire l'enfant maintenant, relève toi et tue le !

De l'autre coté du triangle, en Sibérie, le petit garçon se releva en effet sans difficulté apparente, sous les yeux insensibles de Torben. Il sanglotait toujours…

DRAGON (à Arion) - Pense à Tomislav !
ARION - Mais pourquoi…
DRAGON - PENSE A TA MERE !
ARION (à genoux, fondant en larmes) - Non… maman…

En face du petit, le Général, impassible, remis ses mains en position d'attaque…

TORBEN - cette fois, tu n'en réchapperas pas… SIBERIA SEA TORMENT

La glace se craquela partout sur le sol, et un vent, encore plus violent, se jeta sur Arion pour l'engloutir, le dévorer. Le petit homme, seul en face de la déferlante glacée, remis son épée en opposition et cria de tout son cœur… Un fort éclat lumineux vert s'échappa de son épée et stoppa net le souffle sibérien mortel, qui se sépara en deux au niveau de la lame pour aller s'évanouir au loin…

TORBEN (d'un ton égal) - C'est bien. Que vas-tu faire maintenant ? Tu vas m'attaquer…

Arion se tenait toujours droit, les deux jambes légèrement écartées, son épée tendue en bout de bras devant lui, la lame vers le haut. Mais surtout, les pleurs devenaient moins forts… Tout juste reniflait-il…

TORBEN - Tu as le choix. Soit tu me tues, soit tu meurs et tu ne pourras jamais venger ta tendre mère… Et Athéna restera impunie…
ARION - Non… Tais toi…
TORBEN (réintensifiant son cosmos) - Pense à ta mère petit…
ARION - Torben…
TORBEN - SIBERIA SEA TORMENTTTTTTTT
ARION - TORBENNN

Au moment où le souffle dévastateur quitta les paumes des mains du Général, Arion se projeta à travers la tornade l'épée en avant, prés à frapper… Le contact entre les hommes fut terrible, et le petit enfant, sans armure, fut expulsé de l'épicentre de ce typhon, et se retrouva à une centaine de mètre de Torben, dans un très sale état…

ARION (essouflé, blessé sur tout son corps…) - Rharrgg, Torben… Comment… ca va ?
TORBEN (droit) - Tu demandes à ton adversaire comment il va alors qu'il va te tuer ?

Pour répondre au petit Arion, Torben allait très bien. Si ce n'est une très sévère entaille sur son épaule droite, visible par le fort flot de sang coulant le long de ce bras ballant, le long de son torse. Cependant, même si l'allure de Torben montrait un personnage déterminé et sans émotion, son cœur pleurait à l'idée de ce qu'il devrait faire si le petit n'était pas à la hauteur…

Et le petit, justement, se releva. Difficilement, certes, mais il se remit debout. Torben ne montrait aucune expression. Il était, bien avant le début de cet affrontement, convaincu de la force de son jeune adversaire. Et il savait qu'au fond de lui sommeillait une puissance céleste… Sa résistance était certes exceptionnelle car divine, elle n'était nullement surprenante.

Cet assaut serait le dernier. Torben ne cessait d'augmenter son cosmos. Cependant, il avait mal. Physiquement, son bras droit le faisait atrocement souffrir. Son épaule était tranchée vive, et ne fonctionnait qu'à la bonne grâce de ce cosmos qui permet d'aller au-delà des limites physiques d'un simple corps de mortel. Moralement, car il savait qu'il devrait mourir ou donner la mort. Et que rien ne serait pareil à l'issue de ce combat… Mais pour voir si Arion était digne de cette armure, il lui fallait passer ce test cruel. Tuer une personne qui lui est devenue chère…

TORBEN - Adieu petit… SIBERIA SEA TORMENT !!!!
ARION - Noooonnnnnn

Arion et Torben se jetèrent l'un sur l'autre… Arion frappa Torben qui évita le coup d'épée, et d'un souffle désarma le petit. Celui, sans arme, se vit frapper violemment par le vent glacé de Torben… Mais au lieu se trouver une nouvelle fois projeter par l'assaut, il intensifia son cosmos et contre-attaqua de manière instinctive… Instinctive car tout le monde, et Arion lui même, à l'issue de l'attaque, se demandait où est ce que ce jeune combattant avait pu développer une pareille technique…

ARION - Reçois l'attaque de Tomislav ! L'attaque du LYNNNNNXXX !!!

Une série de coups de griffes lacérantes déchirèrent vigoureusement le souffle glacial de Torben pour aller frapper et trancher puissamment l'écaille dorée du Général de Poséidon.

L'assaut se sera déroulé à la vitesse de la lumière. Torben avait son écaille dans un aussi mauvais état que son corps. L'armure déchirée à de multiples endroits, saignant abondamment. Il avait du mal à rester debout. Arion aussi…

Tomislav avait donné, de part la mort, ses attaques et son cosmos au petit bonhomme qui, sous le feu du danger, les a utilisé divinement, c'est le moins que l'on puisse dire. Une série de coups de griffes, portée à une vitesse céleste avec une violence digne d'un Dieu en apprentissage, avait porté un coup fatal à un Général de Poséidon. Enfin fatal, pas encore…

Arion n'en pouvait plus. Il était gelé à de multiples endroits. Les autres ayant été épargnés par le froid saignaient sous l'action lacérant des cristaux de glace. Il avait récupéré son épée. Mais il était mal… Il avait du mal à rester conscient, et c'était seulement son instinct de survie qui le maintenait debout.

TORBEN (titubant) - Le coup de grâce Arion…
ARION (la tête basse, sa frange cachant ses yeux) - Je suis près !
TORBEN - Adieu mon ami… SIBERIA SEA argggg

Le petit fut plus rapide. Et Arion se tenait à genoux dessous Torben, son épée plantée dans son thorax au niveau du cœur, et ressortait dans le dos du Général… mais surtout Arion, la tête basse, pleurait…

TORBEN (posant sa main chaleureusement sur le dos courbé du vainqueur) - Bravo… Pe..tit…

Une grande flaque de sang sur un sol glacé.

Des larmes.

Puis plus rien…

Torben était mort. Et Arion pleurait, ses mains tenant le manche de l'épée qui transperçait le corps de son ami…

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Dans le sanctuaire sous-marin, au même moment.

DRAGON - Arion est prés. C'est une bonne nouvelle.
SORRENTO - Il a un potentiel très intéressant²… On voit que c'est un Dieu, mais il ne maîtrise pas complètement son statut divin.
DRAGON - C'est vrai. Mais bon, il a été capable de se surpasser et de vaincre un Général de Poséidon. Cela veut dire qu'Arion est potentiellement plus fort que vous.

A cette phrase, Bian et Sorrento se crispèrent. Parce que Dragon avait raison, mais surtout parce qu'il avait une certaine tendance à se sentir supérieur. Dragon des Mers était donc plus fort qu'Arion. Ils en doutaient… Mais bon, quelle importance après tout…

SORRENTO (agacé) - mais n'est ce pas un peu détestable d'avoir sacrifié un Général ?
DRAGON - Tu aurais préféré prendre la place de Torben ?

Nouveau silence agacé. On remarquera que Bian et les chevaliers d'Arion ne disent mots.

DRAGON - Un nouveau personnage s'élèvera au rang de Général de Poséidon. Je ne me fais pas de soucis pour cela. Et tu sais que c'est ton rôle Sorrento.
SORRENTO (soupirant) - Je sais… Chercher, trouver et attirer les potentiels candidats à une écaille de lieutenant, marina ou Général…
DRAGON - Tu as même réussi à débaucher d'autres chevaliers à d'autres sanctuaires…
SORRENTO (pensif et pas convaincu) - Mouais…

Ils pensaient à Kaba du cobra, ce chevalier dont personne, y compris Sorrento qui l'a accueilli et " converti ", ne sait grand chose sur ce personnage…

DRAGON - Et dès que tu auras trouvé suffisamment de guerriers valables, Arion montera son armé et ira à la conquête d'un sanctuaire important pour le royaume…

Devant la beauté de l'armure d'Arion, personne ne parlait, tous ayant les yeux et l'esprit braqué en direction de ce peuple du Nord que Poséidon aimerait bien rameuter dans son royaume…

*
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Cela va faire une semaine que je porte sur mes épaules la divine armure du fils de Poséidon, qui me rend chef incontesté des forces Sous-Marine. Cela va faire autant de temps qu'est mort, de mes propres mains, mon ami Torben. Sa chaleur humaine et son amitié me manquent tout autant que sa sagesse et ses précieux conseils.

Heureusement que mes amis originels de Gertazé sont là. Darko s'occupe merveilleusement bien de moi, et Hristo et Igor se chargent de relayer mon autorité auprés des armées que je suis légalement chargé de diriger. Enfin, diriger… Heureusement que Dragon des Mers est présent. Sans lui, je ne sais ce que je deviendrais, ni ce qu'il adviendrait des troupes dont j'ai la charge… Je n'ai pas son expérience du commandement, ni sa science du combat… Encore moins son pouvoir, quand bien même mes possibilités sont grandes…

Enfin, ce goût amer à travers de la gorge ne s'est pas estompé par le parement de cette armure, bien au contraire… Elle me brûle le cœur autant qu'elle motive mon corps. JE sens en elle une envie de venger ce destin qui m'est donné, une envie de défaire celle qui m'a détruit, une motivation croissante de tuer Athéna.

Encore un peu de patience m'a dit Dragon des Mers. Mais l'armée que je suis en train de composer, avec des hommes revanchards comme moi, m'aidera à attendre cet objectif…

Bientôt.

J'ai mal à la tête…

*
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Au même moment au Japon

Une voix qui égrène des pays, des lieux, devant une assemblée d'enfants attentifs et terrorisés. Leur destin se joue sur cette boule tiré par leur innocente main…

" Brésil… Les cinq pics, en Chine…, Le Nigéria…, La Finlande… "

Puis un jeune garçon blond…

" Sibérie… "

Une pensée furtive pour celle qui est morte mais qu'il a aimé… Puis un autre enfant…

" Athènes ! "

Une pensée furtive pour une sœur inconnue.

Et le flot des lieux et des petites mains dans ce sac du destin continu, incontrôlable, haletant, étouffant… Eprouvant, mais tellement décisif.

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Cette fiction est copyright Fabien Chaffard.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.