Deuxième Age Chapitre 1 : Baptême du feu


" [...] nous parvînmes au pays des orgueilleux Cyclopes, qui vivent sans usages. [...] Ils n’ont pas d’assemblées où l’on porte conseil, ils n’ont pas de lois, mais habitent les cimes de hautes montagnes, au creux des grottes, et chacun, dans une mutuelle indifférence, à femmes et enfants donne sa loi. "

Récit d’Ulysse aux Phéaciens

" Quel enfant tu es, étranger ! ou alors tu es venu de loin, si tu m’invites à craindre les dieux ou à les éviter ! Les Cyclopes ne s’inquiètent pas de Zeus qui brandit l’égide, ni des dieux bienheureux ! Nous valons beaucoup mieux qu’eux, c’est sûr ! Et je ne saurais te ménager, toi et tes compagnons, pour éviter la haine de Zeus, si mon coeur ne m’y engageait !... "

Polyphème, le Cyclope, s’adressant à Ulysse

Combien de vies se sont tues ? Combien mourront, encore ?
Oh toi, narrateur, omnipotent dans ton univers, que les muses t’inspirent des pensées plaisantes, et que les guerriers valeureux cessent enfin de tomber !
Le sang, déjà, tu l’as fait se répandre à foison, dans autant innombrables combats. Cela devra-t-il continuer éternellement ?
" Reprendre une histoire que je connais " , tu as dit. " En modifier un détail. Un seul. Insignifiant. Et inventer la suite, ce nouveau futur que je crée en modifiant une cause. "
Pourquoi donc la Mort frappe-t-elle toujours autant ? L’idée de jours paisibles t’est-elle inconnue ?
Ecris, narrateur. Ecris, si telle est ta volonté.
Mais ta plume, ce n’est pas l’encre que tu lui donnes. C’est ton sang, qui vient étancher sa soif. Le tien, et tant d’autres ...


~ 1 ~


La Grèce, capitale mondiale du tourisme archéologique.
Une culture mythologique légendaire, un patrimoine culturel unique au monde. Les fameuses ruines d’Athènes ...
A quelques pas simples du lieu se situe le mythique Sanctuaire sacré d’Athéna. Il y a un an, de violents événements l’ont secoué. Les vaillants marinas, l’armée invincible de Poséidon, est venu éprouver sa valeur. Généraux de Poséidon, chevaliers d’Athéna, les camps ont tous deux subis des pertes. Sans doute les abîmes abominables de la mort auraient frappées plus encore, si d’aventure le repli n’avait pas été imposé aux généraux.
Quelques jours plus tard, le sang à nouveau fut versé sur le sol poussiéreux du Sanctuaire. Le fait est rare, et mérite d’être mentionné : c’est le Grand Pope qui l’a versé. L’être le plus pur du Sanctuaire s’est sali les mains. Certains pensent qu’il s’agissait de vermine, et que le Grand Pope aurait dû faire appel à sa chevalerie. Mais le passé reste inaltérable ...
Quelques témoins ont ainsi observé de loin le combat de leur supérieur à tous. Quelle force a-t-il dégagé, ce jour-là ! Un chevalier d’or même aurait souffert d’un tel adversaire. Qui étaient-ils, les insensés qui en sont venus à affronter la plus grande autorité du Sanctuaire, choisi pour sa force et sa sagesse parmi les douze chevaliers d’or ?
Certes non, leur combat ne fut pas vain. Ceux-là qui les accompagnaient ont ainsi pu s’enfuir. Leur répit, hélas, sera bien court. Bien décidé à les retrouver, le Grand Pope a dépêché ses hommes pour remuer ciel et terre afin de retrouver leurs traces. Beaucoup se demandent pourquoi, mais les réponses tardent à venir ...
Depuis un an, pourtant, rien d’aussi grave ne s’est produit. Les apprentis courent toujours après leurs armures, les chevaliers d’or vaquent à leurs occupations. Quant à la divine Athéna, elle n'a toujours pas quitté sa chambre.
L’ambiance est calme. Les plus pessimistes se disent que cela ne durera pas.


~~~~~


A l’autre bout de la Grèce, se trouve une maison. A passer devant, on jurerait qu’un riche homme d’affaire en a fait sa résidence secondaire. Le bâtiment tient plus du château que d’autre chose, et siège au milieu d’un parc de plusieurs hectare. Une petite route mène au grand portail de la propriété, mais aujourd’hui ce n’est pas un véhicule automobile qui emmène ses passagers.
L’hélicoptère de la fondation Graad se pose sur une piste de simple facture, à quelques distances du bâtiment. La jeune fille qui en descend semble ne pas vouloir perdre de temps.
" A qui appartenait ce bâtiment avant que la fondation n'en fasse une base secrète ? ", s’exclame-t-elle a l’attention de son homme de main, le fidèle Tatsumi.
" Je l’ignore. ", lui répond-il, sentant comme un doute dans sa propre voix. " L’endroit vous déplaît-il, mademoiselle ?
- Il est très agréable. On jurerait voir la résidence secondaire de quelques riches européens.
- Si je puis me permettre, je crois que c'était effectivement le cas. "
Les deux personnes dépêchent leurs pas jusqu’au bâtiment. Sans doute le bruit de l’appareil leur est-il désagréable.
Un homme vêtu de noir et portant des lunettes de semblable couleur les fait pénétrer dans la demeure. Passant à côté de lui, Saori juge son apparence. Elle n’y lit qu’amour du devoir est fermeté.
" Qui est cet homme ? ", demande-t-elle à Tatsumi, une fois tous les deux entrés à l’intérieur.
" Un membre de la sécurité. "
L’homme qui vient de parler est japonais. Il se tient juste à l’entrée, et accueille les deux invités.
" Monsieur ?
- Je me nomme Fujita Hakayashi, et suis enchanté de vous rencontrer en personne, mademoiselle Kido. Je m’occupe des activités de cette base, ainsi que de leur synchronisation avec la maison mère au Japon. On peut dire que je suis le responsable. "
Sourire de la jeune fille.
" Non, JE suis enchantée de vous rencontrer.
- Mademoiselle, bienvenue au centre Okorimasen, base secrète de la fondation Graad.
- Comment se nomme l’homme qui garde la porte ?
- Pardon ? "
Mr Hakayashi semble désarçonné par la question.
" Il se nomme Haïmon. Il a été embauché localement pour la sécurité. C’est un simple garde, vous savez.
- Mais ...
- Je comprends vos doutes. Cette base est relativement jeune. Elle a été conçue il y a trois ans suite à ... hum ... certaines directives de votre part. C’est un simple point de chute pour nos informateurs. Nos moyens de communications sont à la pointe, mais nous n’entreposons ici aucune information sensible. Depuis les événements d’il y a un an, nous avons cru bon de mettre en place un système de sécurité supplémentaire.
Est-ce que cela cause un problème ? "
La jeune fille baisse les yeux.
" Je suppose que non.
- Bien, suivez-moi. Je vous emmène là où tout se passe.
- Bien. "


~~~~~


" J’ai peur pour ce Haïmon. ", avoue Saori, à l’attention de Tatsumi, alors que tous se déplacent vers un étage inférieur. Un sous-sol, sans doute.
" Pourquoi cela ? ", répond l’homme de main.
" Les chevaliers d’aciers de la première génération étaient trois, protégés et entraînés. Vous avez vu comme moi la façon horrible avec laquelle ils ont été tués. Cet homme n’aurait aucune chance en cas d’attaque par un être de force similaire à cet ‘usurpateur’.
- Je vous comprends, mademoiselle, mais ce Haïmon connaît les risques de son métier. Sa seule présence est un facteur décourageant pour d’éventuels intrus.
- Mmm ... "
Saori Kido n’a pas l’inconscience de penser que la présence d’un garde à l’entrée d’une base de la fondation soit une chose mauvaise, sans doute a-t-elle parlé de cela à Tatsumi pour se rassurer. Le résultat n’est guère convaincant ...

Les couloirs se succèdent. La maison paraissait grande de l’extérieur, l’intérieur semble plus vaste encore. Le trio ne va pas tarder à atteindre la porte funeste, celle qui va rendre raison au pessimisme de l’héritière Kido, mais une autre anecdote doit auparavant se produire.
" Saori chan ! "
Une porte vient de s’ouvrir, dévoilant un jeune garçon. L’adolescent semble littéralement surgir de nulle part, interrompant le trio de manière impromptue. Cela provoque l’agacement du responsable de la base.
" Jeune homme, veuillez ne pas importuner mademoiselle Kido ? "
Le garçon, qui doit avoir une quinzaine d’années, tourne les yeux vers Hakayashi. Ses mots semblent sincèrement surpris.
" Bah, pourquoi vous dites ça, Mr Hakayashi ? Moi je voulais juste voir mademoiselle Saori !
- Impertinent ... "
Mais il y a la voix douce et rassurante de l’héritière Kido.
" Laissez, Mr Hakayashi, c’est un ami.
- Allez-vous me dire qui est ce gamin ? Il est arrivé juste avant vous. Il dit qu’il s’appelle Kinô, mais à part ça il n’est pas bavard.
- En fait, il s’appelle Niwa. Niwa Kokoro. Kinô pour les intimes. "
La voix de la jeune fille sonne comme du cristal. Un sourire bienveillant éclaire son visage, faisant rougir les joues du jeune garçon. Ce dernier piaffe pourtant d’agacement.
" Vous pourriez me laisser me présenter ! "
Saori reste un peu stupéfaite, mais choisi de se taire, laissant au garçon le soin de dire ce que bon lui semblera. Ses paroles sont pleines de confusion.
" Euh ...
Mais elle a raison. "
Fermant les yeux, un grand sourire lui monte jusqu’au oreilles.
" Mais continuez de m’appeler Kinô, s’il vous plaît, Hakayashi san. Si vous m’appelez Kinô, nous deviendrons amis ! "
Désarçonné par la simplicité des paroles, Fujita exprime une sorte de curiosité.
" Et bien, Kinô ? Vas-tu enfin me dire quel est ton rôle ici ?
- Et bien ... n’est-ce pas censé être ... évident ? "
A ce moment, le garçon éclate de rire. C’est un de ces rires qui étouffe, qui vous met les larmes aux yeux, et vous fait croire à un possible étouffement. Le phénomène sonne comme quelque chose de totalement irrationnel.
Ne comprenant pas, n’osant interrompre cette hilarité soudaine, Mr Hakayashi jette un coup d’oeil à Saori. Cette dernière n’est apparemment pas surprise du tout. Son sourire charmé exprime un émerveillement profond.
De ce temps, le jeune garçon, toujours effondré par sa propre hilarité, a refermé la porte. Malgré l’épaisseur en bois, son euphorie reste très nettement audible.
Abandonnant le personnage, Saori, Tatsumi et Fujita reprennent leur marche.
Fujita se donne droit à une remarque.
" Ce gamin a l’air complètement débile.
- Mr Hakayashi ! "
L’homme semble tout penaud de se faire réprimander verbalement ainsi.
" Ce garçon a des attitudes ... euh ... infantiles, c’est tout. Il me met le coeur en joie.
- Mademoiselle Kido, Pouvez-vous m’expliquer qui il est, et que fait-il ici ?
- Et bien, euh ... "
Saori semble perturbée par la question. Sans doute sa réponse aurait été confuse. Heureusement pour elle, une échappatoire, une sorte de providence, se présente à elle, sous la forme d’une porte close. Mr Hakayashi semble s’être désintéressé de sa propre question, et parle à présent avec des mots graves.
" Nous voilà rendus. Mademoiselle Kido, l’homme qui se trouve dans cette pièce a bravé la mort pour vous rencontrer. "


~ 2 ~


Derrière la porte ...
Une chambre de petite taille, faiblement meublée, accueille froidement Saori Kido et son suivant, le fidèle Tatsumi. Ses murs sont blancs, aucune fenêtre ne vient les égayer, la lumière artificielle est très forte.
Au centre du lieu, un lit d’hôpital. Dans le lit, largement souillé par d’innombrables appareils médicaux, se trouve un homme. Il semble être entre la vie et la mort.
" Mon dieu ... "
Saori est comme choquée. Mais elle garde son sang-froid. C’est Fujita Hakayashi qui rompt le court silence.
" Il se nomme Tôja Masaku. Il est arrivé ici il y a à peine une heure.
- Une heure, vous dite ? "
La jeune fille juge Hakayashi d’un regard suspicieux.
" Il nous avait informé de sa situation depuis Athènes avant de revenir ici, et nous vous avons immédiatement prévenue. Il s'est effondré juste après son arrivée. Il a semble-t-il beaucoup souffert, mais ses jours ne sont pas en danger.
- Dieu soit loué ... "
Le soulagement de Saori est nettement perceptible. La jeune fille s’approche de ce dénommé Tôja, saisissant sa main avec une douceur infinie. Sa voix a le calme d’une brise d’été.
" Mr Masaku ? "
L’homme ouvre les yeux. Son sourire exprime une satisfaction triste. Sa voix a la faiblesse de celle d’un blessé de guerre.
" Mademoiselle Kido ? Enfin ...
- Mr Masaku, ne vous fatiguez pas. Vous avez besoin de repos.
- J’ai à vous parler, ma demoiselle. "
L’homme semble profondément heureux. Hakayashi exprime des mots simples.
" Mademoiselle, je dois vous informer que ce n’est que la deuxième fois qu’il reprend conscience depuis son évanouissement. La première fois, il a refusé de nous parler, et vous a demandé. "
La compassion de Saori est infinie. Il n’est pas une personne dans la pièce qui ne soit subjugué par cette douce émotion, presque proche de la tendresse.
" Mademoiselle, écoutez-moi. Je reviens du Sanctuaire sacré, et ... "
Tôja n’a pas le temps de terminer sa phrase. A grand fracas, la porte vient de s’ouvrir.
Il y a un instant de stupéfaction. Mr Hakayashi a le temps de commencer une phrase.
" Qui donc ... ? "
Mais il ne la termine pas.
L’homme qui se tient sur le seuil de la porte béante, il est entendu qu’il n’est qu’un simple garde. Lunettes noires, costume noir, Haïmon est essoufflé.
" Mr ... Hakayashi ... "
Il peine à reprendre son souffle. Les couloirs ne sont pourtant pas longs au point qu’il soit possible de se fatiguer à ce point en les parcourant, fut-ce en courant ! Il y a quelque chose d’autre ...
" Haïmon ! Que se passe-t-il ?! Répondez !
- La ... base !
Elle est ...
Nous sommes ... "


~~~~~


Six hommes.
L’ensemble du personnel responsable de la sécurité, moins la personne de Haïmon.
Le premier se nomme Renjû. Une froide assurance se lit dans son regard. Il est un des plus anciens gardes présents. Il est d’origine japonaise, et est très sérieux en toute circonstance. Tsûka se tient à son côté, un peu en retrait. Sans doute est-il un peu moins assuré que son collègue. Pourtant, il fait preuve d’une impassibilité magistrale. Les deux hommes se tiennent à gauche de la porte d’entrée.
A sa droite, se tiennent Tecton et Thoas. Ces deux grecs ont été recrutés ensemble il y a un an, quand cette base secrète, alors nommé ‘centre Arimasen’, a changé de statut, devenant le centre ‘Okorimasen’. Ils ont soigneusement caché le fait qu’ils soient nés des mêmes parents. Ils n’ont pas peur, aujourd’hui : ce sont des professionnels.
En face de la porte, se tient Sokei. Il vient juste d’arriver du Japon : l’héritière Kido impose un renforcement de la sécurité là où elle se déplace. Sokei et peut-être le moins en confiance de tous. Quant à Yûchi, c’est un homme de confiance. Il possède des responsabilités au sein de la maison mère, et est arrivé en Grèce avec Sokei. Il se tient devant ce dernier, et fait face à ...

Une porte qui s’ouvre. Quatre personnes en franchissent le seuil. Le premier est Haïmon. Le garde grec semble s’être reprit. Il jette un coup d’oeil sur la situation et fait signe aux autres de passer. Fujita et Saori précèdent un Tatsumi passablement nerveux.
Les trois êtres sont sur le qui-vive, et jugent la situation.
" Qui est-ce ? ", s’exclame Hakayashi, désignant une vérité, celle que le brave Yûchi, qui donnerait sa vie pour son métier, affronte du regard.
" Notre pire cauchemar. ", lui répond calmement Haïmon.
Face à Yûchi, un monstre ...
Sans doute doit-il être un homme, mais sa taille le fait passer pour un géant : il doit bien mesurer dans les deux mètres ! Son corps massif, digne des vaillants athlètes grecs, son crâne presque dégarni et son regard hargneux vont presque jusqu’à impressionner les frères Tecton et Thoas, pourtant fiers de leur courage. Pourtant, le détail qui achève de rendre le tableau effrayant, celui qui à lui seul signerait la terreur d’un homme isolé, c’est ...
" Mais ! ", s’exclame Saori. " Cet homme serait-il un chevalier sacré ?
- Comment ! "
Tatsumi ne cache pas sa surprise. C’est lui qui à voix haute énonce le fait.
" Il porte une armure ! "


~~~~~


" Il porte une armure ! "
Son regard exprime une violence prête à éclater. Cela doit pourtant faire quelques minutes qu’il se tient là, passif, et il n’a toujours rien fait. Toujours rien dit. Son seul regard met en respect les six membres de la sécurité, pourtant équipés d’armes à feu.
‘Quel est ce malaise ?’, se dit Renjû. ‘Nous sommes nombreux et armés. Il est seul. Que craignons-nous ?’
L'héritière Kido, peu rassurée, fait quelques pas en avant, dépassant la position de Yûchi.
" Qui êtes-vous ? Dites-nous ce que vous voulez, ou bien partez, laissez-nous oeuvrer, et retournez à votre vie ! "
L’homme observe l’assemblée. Il semble ignorer chacun des gardes. Aussi bien auraient-ils pu ne pas exister. Son regard se pose à nouveau sur celui de Saori. Un bref sourire satisfait apparaît sur son visage. Sa voix est rauque, sèche, violente et presque méprisante.
" Alors, c'est toi qui commande, ici ?"

Une fois la stupéfaction passée, les sept hommes de la sécurité – Haïmon s’étant joint à eux -expriment une agressivité certaine. Toujours sur la défensive, ils n’en ont pas moins relevé leurs armes donneuses de mort, et visent à présent un corps qu’il serait difficile de manquer.
" Attendez ! ", ordonne une voix douce.
" Mademoiselle !
- Laissez, Tatsumi. La meilleure guerre est celle qui n’a pas lieu. "
Saori s'adresse à l'intrus.
" Etranger, qui donc es-tu, et que me veux-tu ?
- Je suis Cassios, chevalier de bronze de Pégase, et j'ai posé une question ! Qui est-ce qui commande ici ?!
- Admettons que ce soit moi.
- Dans ce cas ... "
Le colosse se penche en avant, rapprochant d’autant son visage de celui de la demoiselle.
" Dans ce cas, j’apprécierais que vous m’accompagniez. "
Il y a comme un frisson électrique qui parcourt ce qu’il convient d’appeler la garde rapprochée de l’héritière Kido. Yûchi semble prêt à bondir. Les autres mettent le géant en joue.
D’un geste de la main, Saori impose aux gardes de ne pas intervenir. Elle essai, une dernière fois, la voie de la diplomatie.
" Et si je refuse ?
- Et bien ... "
Le géant grec semble presque perplexe. Comme s’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il allait bien pouvoir faire ...
" Et bien, je suppose qu’il faudrait alors que je me passe de votre consentement. "
C’est alors que tout se précipite. Sentant la menace croître dans le ton de la voix du guerrier grec, Yûchi décide d’agir très vite. D’un geste vif, il saisit Saori par la taille. Une seconde plus tard, l’héritière Kido est emmenée en un lieu sans doute un peu plus sûr : l’intérieur du bâtiment, suivis de peu par le loyal Tatsumi. Hakayashi, qui n’a rien compris à la manoeuvre, se trouve béat et seul face à un colosse.
‘Se mettre à l'abri …?’
La phrase l’a parcouru tel un courant électrique, et le malheureux prend ses jambes à son coup, s’engouffrant par la porte étroite.
C’est à ce moment que le dénommé Cassios fait un pas en avant.


~~~~~


Des coups de feu.
Une pluie de projectiles de métal, propulsés par voix mécanique de façon répétées grâce à des moyens sophistiqués. Une seule de ces balles a le potentiel de plonger sa victime dans les abîmes de la mort, et ce Cassios est en train de subir plusieurs dizaines de ces impacts mortels.
Telle est la discipline des membres de la sécurité de la fondation Graad, quand la vie de l’héritière Kido, la magnifique Saori semblable à une déesse, est menacée.
" Cessez le feu ! "
La voix tonitruante de Haïmon met enfin un terme à cette frénésie guerrière.
" Il ne craint pas les balles. "
La remarque plate et concrète de Haïmon a quelque chose de tragique.
‘Il ne craint pas les armes à feu.’, vient-il de dire.
Renjû peste intérieurement.
‘Quel est ce monstre ? Est-il seulement humain ?’
Cassios, chevalier de bronze de Pégase ...
Maintenant que le tonnerre des armes s’est tut, tous réalisent que cet être hors du commun s’est protégé le visage avec ses mains. Les impacts, certains avaient heurté la précieuse armure de Pégase, rebondissant sur la surface plus solide que de l’acier sans plus de résultat. Quelques rares projectiles avaient manqué leur cible. Les derniers s’étaient enfoncés dans la chair crue, blessant sa surface, faisant perler un mince filet de sang.
" Des moustiques ? "
La voix de Cassios est pleine de violence.
" Les moustiques, je les écrase. "


~~~~~


Jeune garçon qu’on appelle Kinô. Sa chambre est sobre. Un lit pour se reposer, un bureau pour les travaux écrits, quelques mobiliers simples, des livres sans grands intérêts. La seule fenêtre donne sur une cour monotone.
‘J’aurais dû amener mon matériel’, songe-t-il dans un regret. Il s’ennuie, peut-être.
De l’action !
La porte s’ouvre à grand fracas. Kinô reconnaît instantanément le garde, celui qui à présent halète, essoufflé et presque affolé.
" Yûchi ! Quelle agitation ! Aurais-tu vu le diable en personne ? "
Le jeune garçon aurait peut-être pouffé, si la réponse de l’intéressé n’avait pas été si platement cruelle.
" Sans doute ... "


~~~~~


Retour à l’extérieur. A nouveau la porte du bâtiment s’ouvre à grand fracas, laissant passer son cortège de personnalité.
Ainsi, Yûchi, fidèle homme de confiance, chargé de la sécurité, improvisé responsable de la personne même de l’héritière Kido. Le malheureux ne craint pas la situation. En réalité, tout se passe trop vite pour qu’il ait le temps de réaliser.
Ainsi, Kinô, qui juge d’un regard inquiet la situation.
Il reconnaît Haïmon, qui gardait jusqu’alors l’entrée de du centre Okorimasen, et qu’il avait légèrement taquiné à son arrivé, il y a à peine quelques heures. Il reconnaît les autres gardes, à l’exception d’un ou deux, qu’il n’a probablement jamais vu. Il ne reconnaît pas la dernière personne.
Le colosse, incontestablement vêtu d’une armure sacrée, vient d’abattre de son poing Tecton. Le grec s’effondre, le visage en sang, inerte. Peut-être est-il mort.
‘Zut ! Son frère !’, pense d’un coup Kinô, pour qui cacher un lien de parenté relève de l’exploit.
Thoas, frère de sang de Tecton, se tenait derrière la figure fraternelle au moment où celle-ci s’est effondrée. Avec un calme olympien, l’homme pose le canon de son arme sur la tempe de l’assassin de son frère. Ses lunettes noires ont comme un reflet, au moment où Cassios lève son regard sur lui.
BANG !
Le cri d’une arme à feu qui retentit tel un coup de tonnerre.
Mais la malheureuse cervelle du chevalier ne se répand pas à même le sol.
On dit qu’il faut moins d’une seconde à un homme pour presser la détente d’une arme à feu, en tenant compte de la durée incompressible nécessaire à la conscience pour entreprendre l’acte. De plus, Thoas avait entamé le processus avant que son adversaire ne réalise la situation.
Le grec hurle. L’os blanc et fragile de son bras droit vient de se rompre net. L’impact du poing de Cassios, rapide comme le vent, furtif comme le serpent, puissant comme le boeuf, y est pour quelque chose. La scène s’est produite un instant seulement avant la détonation : le petit projectile s’est perdu dans une altitude incertaine.
Thoas, frère de Tecton, vient de subir le premier échec de sa carrière. Sur les sept gardes, deux sont déjà hors de combat. Les cinq autres réarment leurs outils, visent, mais s’abstiennent de tirer. Tous ont compris que cela se serait pas très utile, et que l’intimidation reste pour l’instant leur seule possibilité.
Un jeune garçon nommé Kinô s’inquiète.
" Yûchi, où sont mes copains ?
- Tes copains ? Les autres ? Ashita ne viendra pas. Je lui ai confié Saori.
- Oh ... "
Kinô semble très conscient du bien-fondé de la démarche.
" C’est une bonne idée.
- Je n’ai pas trouvé Kyô. "
A ces mots, le jeune garçon devient d’un seul coup pale comme un linge. Le son de sa voix semble défaillir.
" Quoi ..? Mais, alors, c’est à moi de ... "
Son regard pivote sur la masse de muscle qui vient de jeter au loin le corps de Thaos. Ce dernier en pleure de douleur, n’ayant d’intérêt que pour son bras.
Dans le coeur de Kinô, la peur ...
‘Fracture ouverte’, se dit-il. ‘Pas bon.’
Mais il y a plus urgent. Le monstre n’est qu’à quelques mètres de Haïmon, et donc d’eux-mêmes. Polyphème, le Cyclope, n’était sans doute pas moins effrayant.
Haïmon, courageux Haïmon, a son doigt posé sur la gâchette de son arme, conscient que si ce dernier coup n’abat pas le géant, c’est de sa propre vie qu’il paiera le prix de son échec.
Cassios fait un pas, Haïmon va ...
" Arrête ! "
Le garde est fasciné par l’approche du monstre. Néanmoins, il lui reste suffisamment de conscience pour réaliser comment un jeune garçon vient de se jeter sur lui, agrippant son bras, le forçant à renoncer à utiliser l’arme donneuse de mort.
Le visage en sueur, un sourire presque grisé éclairant son visage, Haïmon commence à sentir la situation lui échapper.
" Gamin ... Gamin ?
Lâche mon bras, veux-tu ?
- NON ! "
Le géant n’est plus qu’à trois mètres. La voix de Haïmon commence à pâtir de ses émotions.
" Gamin ?
- Imbéciles ! Etes-vous aveugle ? Celui que vous affrontez est un chevalier sacré ! Vos balles ne peuvent pas le tuer, juste lui faire ressentir de la douleur et lui donner de meilleures raisons de vous tuer ! "
Haïmon réussit à décrocher du regard de Cassios, pour se pencher sur celui, désespéré, du jeune garçon.
" G ... Gamin ..? "
Kinô bouscule Haïmon, lui arrachant son arme. D’un geste, il la jette à même le sol, derrière lui. Alors seulement, son regard croise celui de Cassios.
La brute s’arrête, préférant sans doute la raillerie.
" Et alors, ‘gamin’ ? On veut jouer dans la cour des grands ? "
S’ensuit un ricanement fort désagréable.
BANG !
Un jeune garçon qui sursaute. Faisant volte-face, il croise le regard de Sokei, un des gardes. Ignorant les conseils de Kinô, l’homme vient de faire feu.
Kinô se tourne à nouveau vers Cassios. Sokei avait visé le visage. C’est face à ce même visage que se trouve la main gauche du géant. A même le sol, gît le projectile.
Partant d’un grand rire rauque et gras, Cassios se baisse pour ramasser l’objet.
" Ha ha ha ! Je crois que vous avez perdu votre balle. "
Comme une lueur de folie brûle dans le regard du monstre. Kinô déglutit. Il ne se sent pas du tout en confiance.
‘Il parvient à bloquer une balle. Il avait dû voir Sokei le viser, et son protège poignet l’a empêché de se blesser, mais tout de même ...’
Dans le coeur de Kinô, la terreur ...
‘Cela n’aurait pas dû se passer comme cela. Je ne suis pas ...’
" GAMIN ! "
Le cri de Cassios aurait fait sursauter même le plus courageux d’entre eux. De son doigt, le géant désigne le jeune garçon.
" Tu as l’air moins ignorant que ces idiots de gardes. Je suis Cassios, chevalier de bronze de Pégase. Qui es-tu donc ?
- Je ... "
Il y a une rupture. Dans l’esprit de Kinô, une seule chose.
" Je ... "
Un seul concept. Une seule question.
‘Qu’est-ce que je fais là ?’
" Je suis ... "
C’est si évident ! Il n’a rien à faire là ! Il n’est absolument pas à la hauteur de la situation !
Un colosse qui ignore les armes à feu, et lui il devrait ...
" Je ... suis ... "
D’un seul coup, une révélation le frappe.
‘Le programme Kido ! C’est une erreur ! Il n’aurait jamais dû être !’
Mais il est trop tard. Kinô pourrait s’enfuir. La logique voudrait que personne ne le poursuive. Que personne ne lui en veule. On pourrait même le comprendre, lui pardonner.
Kinô fait un pas en arrière. Pesant le pour. Pesant le contre. L’instinct de survie, propre a tout être vivant, argumente sévèrement en faveur de la retraite. ‘Vie ou mort !’, s’exclame-t-il. ‘A toi de choisir, Kinô !’ L’avocat du contre est désespérant. ‘La victoire par la témérité !’, lance-t-il, comme si cela avait un sens.
Non, décidément, Kinô ne se sent absolument pas prêt à affronter la situation.
Le temps de suivre tout ce raisonnement, un géant nommé Cassios se tient juste en face de lui. Un sourire fier et presque méchant semble illuminer son visage. La seule syllabe qu’il prononce alors suffit à mettre fin à la vigueur des jambes du garçon.
" Bouh ! "
Kinô vient de s’effondrer, paralysé par la peur, persuadé de respirer pour la dernière fois.
" Ton nom ne m’intéresse plus, gamin. Tu n’en auras d’ailleurs plus besoin dans une seconde. ", et dans la voix du colosse, résonne comme une odeur de mort.
La destinée de l’émotif Kinô, toutefois, n’est pas de mourir ici, dans l’humiliation, sans avoir rien fait de son existence. De nombreuses raisons auraient pu le sortir de pareille situation. Un garde aurait pu prendre sur lui de l’emmener à l’abri de la demeure, en sécurité, comme l’a fait à l’instant Yûchi pour l’héritière Kido. Ou bien, le géant Cassios aurait pu à la dernière seconde se désintéresser de lui. Après tout, il n’avait pas l’air de très bien savoir lui-même ce qu’il faisait ici, à défier ainsi la fondation Graad.
Au lieu de cela son salut vient d’une voix. Une voix forte, autoritaire, sèche, qui en un instant captive l’attention du chevalier sacré. Une voix venue de l’intérieur du bâtiment.
" Chevalier, ou qui que tu sois, touche une seule fois à mon ami, et tu brûleras dans les flammes de l’enfer. "
Une voix que Kinô reconnaît instantanément.

Il y a le fracas d’une porte qu’on explose. D’un coup de pied, un jeune garçon vient de détruire la porte de l’imposante bâtisse. Sa splendide apparence est comme salvatrice. Un corps fort, un regard vif, mais surtout ...
" Kyô ! Tu as revêtu ton ..! "
Membres, ceinture, buste et tête sont recouvert par quelque chose d’immortel.
‘Ainsi c’est ça une armure d’acier ?’, s’interroge Yûchi, qui était loin de se douter qu’il aurait la chance d’en observer une avant un jour bien plus éloigné.
La beauté de l’instant ne lui échappe pas.
‘Bien sûr ! Qui aurait pu croire que le programme Kido serait sans ressources après l’échec de la première génération ?!’
Et tous le regardent ...
Tous regardent cet adolescent, fier dans son armure d’acier, qui semble très satisfait de ce rôle central qu’il joue à l’instant dans les événements. Seul Kinô semble un peu agacé :
‘Il en fait toujours trop. Briser une porte ouverte ...’
Celui que certains reconnaissent comme étant un chevalier d’acier fait quelques pas, et pointe le doigt en direction de Cassios.
" Toi, qui dit t’appeler Cassios de Pégase, de quel droit te permets-tu de venir nous provoquer ainsi ? Ta violence est impardonnable, et je te somme de quitter immédiatement ce lieu et de retourner dans ta tanière, que je devine sombre et humide, avant que ma sanction ne s’abatte sur toi ! "
Le chevalier est stupéfait, et grogne de rage.
" Et toi, gamin, qui es-tu pour oser insulter et menacer un chevalier sacré ? "
L’adolescent laisse filer quelques secondes d’obscur suspens, avant de clamer à voix haute, fier et souriant, son identité.
" Je suis un enfant de la technologie. On m’appelle Kyô, chevalier d’acier de l’Energie. "


~ 3 ~


Dans quelque obscur sous-sol d’un bâtiment, un bâtiment face auquel un violent affrontement est sur le point d’avoir lieu, dans quelque obscure salle dénuée d’intérêt, se trouve deux personnes.
La première est une jeune fille. Une longue chevelure, un regard dans lequel il est facile de se perdre, l’héritière Kido, la douce Saori, exprime son inquiétude.
" Ne devrait-on pas aller les aider ? Nous serions plus utiles parmi eux face à l’adversité qu’à nous cacher ici.
Ashita, je suis si inquiète. "
Le deuxième est un jeune garçon qui semble avoir le même age qu’elle. Un peu plus jeune, peut-être. On l’appelle Ashita.
" Mademoiselle, votre sécurité est prioritaire. Je suis sûr que Kyô et Kinô maîtrisent la situation. J’ai foi en eux.
- C’est que ... "
La peur de la jeune fille est presque palpable.
" C’est que ...
Daishi, Ushia et Shô étaient autrement mieux préparé, et finalement ...
- Mademoiselle. "
Ashita vient de poser sa main sur l’épaule de Saori, comme pour la sécuriser. Il plonge son regard dans le sien, cherchant les mots pour la rassurer.
" Rien ne prouve que ce Cassios soit aussi dangereux. Peut-être n’avez-vous pas eu de chance lors de votre expédition au Sanctuaire.
- Espérons-le ... "


~~~~~


A l’extérieur, il est un colosse, un surhomme appelé Cassios. Son corps est protégé par l’immortelle armure de Pégase, et il a déjà prouvé son potentiel en se défaisant des gardes qui le menaçaient avec autant d’armes à feu. Mais à présent, son esprit est plein de doutes.
" Tu dis être un chevalier ? ", lance-t-il à l’attention de ce Kyô qui vient d’exprimer son énigmatique identité.
" Si tu étais vraiment un chevalier, nous serions dans le même camp.
- Erreur, Cassios. Je suis un chevalier d’acier. Mes ordres, je les tiens de personnes dont tu ignores jusqu’à l’existence.
- Qui sont-ils ? Pour qui te bas-tu ? "
La surprise n’est pas restée longtemps. Une sorte d’animosité féroce semble gagner le géant.
" Peu importe pour qui je me bas. Ceci est mon ultime avertissement : Cassios ! Quitte immédiatement cette propriété, où affronte ma puissance ! "
Il n’y a personne pour entendre Kinô s’étouffer à l’écoute des paroles de Kyô. Sans doute la prétention de son camarade lui parait exagérée.
Cassios, le guerrier grec, ne se laisse pourtant pas impressionner.
" Très bien. J’affirme que je ne repartirais pas les mains vides. Si c’est ta tête que je dois emporter qu’il en soit ainsi.
- Je t’attends. "
Ce n’était pas la peine de le préciser. Le colosse, Celui qui dit s’appeler Cassios de Pégase, vient de se jeter sur son adversaire ...


~~~~~


Avec une vitesse que sa masse ne laissait pas soupçonner, le géant Cassios est déjà sur son adversaire.
‘Un coup de poing direct !’
Kyô a le temps de voir un poing large comme trois fois le sien fondre sur son visage. Un homme normal n’aurait jamais su réagir face à pareille attaque ...
‘Platement simple, mais la vitesse et la puissance sont là. Ce Cassios ne plaisante pas.’
... mais Kyô est de la veine de ceux qui ont de la ressource, et il parvient à sortir de la trajectoire mortelle. La puissance vient se perdre dans le vide. Entraîné par son propre poing, Cassios présente son dos vulnérable à son adversaire. Conscient du potentiel du guerrier grec, le jeune garçon ne perd pas son temps à l’expectative et contre-attaque immédiatement. David avait terrassé Goliath avec un simple caillou. Kyô espère obtenir un résultat proche avec son poing ...
... mais l’impact n’a pas lieu. L’air a été remué en vain : le guerrier grec, pourtant en situation de déséquilibre, est à son tour parvenu à réaliser une esquive.
Les deux guerriers se font, une fois de plus, face, tous deux impressionnés par la performance de leurs adversaires respectifs.
" Tu sembles être digne de m’affronter ! ", s’exclame un Cassios serein quant à ses capacités.
" C’est drôle, j’allais dire la même chose de toi. ", lui répond du tac au tac Kyô.
" Toi, qui dit t’appeler Kyô, tu prétends être un chevalier d’acier. J’ignorais jusqu’à votre existence, mais vraisemblablement vous n’êtes pas rattaché au Sanctuaire. Cela me rassure : je n’ai rien à craindre de personne, à l’exception des véritables chevaliers sacrés, et ce n’est pas aujourd’hui que des inconnus parviendront à me faire mordre la poussière.
Chevalier d’acier, observe la puissance supérieure des véritables chevaliers sacrés ! "
Joignant le geste à la parole, Cassios écarte les bras. Autour de lui, l’air semble s’embraser, exprimant une force intimant le respect. Alors que la tension monte, une aura bleue semble émaner du corps du guerrier grec.
‘La cosmoénergie.’, constate Kyô. ‘Les choses sérieuses vont commencer.’
Derrière lui, son camarade Kinô a fait la même analyse, et ressent une angoisse insurmontable. Les gardes eux-mêmes sont intimidés.
Enfin, vient le cri de guerre du chevalier sacré.
" PAR LA CHARGE DE PEGASE !! "
Dès lors, et à jamais, les choses ne seront plus jamais les mêmes ...


~~~~~


Deux ans plus tôt
Ils ne sont pourtant pas bien nombreux, une simple salle de classe aurait largement fait l’affaire. Pourquoi, dans ce cas, occuper un amphithéâtre ?
Ce sont quelques adolescents qui écoutent avec plus ou moins d’attention ce qu’il convient d’appeler un cours.
De la théorie ...
Assis à sa table, Kyô se sent à peine concerné par les enseignements de ce damné professeur. L’homme parle beaucoup, n’utilisant ni le tableau noir derrière lui, ni le matériel vidéo mis à sa disposition. Kyô observe ses trois camarades assis au premier rang. Les propos du professeur Kajiya semblent dénués de tout bon sens, et pourtant les trois personnages prennent note de tout ce qu’il raconte.
Daishi, Ushia et Shô. Les trois élus, choisis pour devenir les uniques représentants de la première génération de chevaliers d’acier. Des guerriers.
La jalousie, Kyô l’a éprouvée pendant des années. Qu’aurait-il donné, alors, pour être des leurs ! Leur entraînement au combat semblait tellement plus intéressant que ce qu’on lui proposait à lui ...
Lorsque Kyô fut plus tard instruit que même la deuxième génération recevrait quand même un entraînement limité au combat, il était, et de loin, le plus enthousiaste. Kinô craignait cette idée, Ashita la détestait. Kyô avait essayé de leur expliquer combien ce serait plus excitant que le reste de leur formation. En vain.
Aujourd’hui, Kyô réalise que devenir combattant, c’est aussi, comme pour le reste, passer par de la théorie ennuyeuse. Il en avait été fort surpris la première fois.
" Où va-t-on ? ", avait-il demandé.
" En cours ! ", s’était esclaffé Daichi. " Mr Kajiya tient absolument à nous parler des concepts. "
Les concepts. Kyô s’en sentait aussi concerné que par la reproduction des ornithorynques durant la période coloniale du Congo. Autrement dit, très peu. Le premier jour, il avait levé la main, demandé la parole.
" Qui a-t-il, Kyô ?
- Vous nous dite que chacun d’entre nous possède un concept.
- Exact. La première génération en possède même plusieurs, comme Shô, qui possède les concepts de l’air, du Toucan et des transports aériens. Mais la pluralité des concepts est plus expérimentale qu’autre chose, c’est pourquoi les autres générations de chevaliers d’acier n’en auront qu’un seul.
- Euh, certes mais ... Quel est MON concept ?
- Le tien ? Tu devrais le savoir, tu travailles dessus depuis des années. Peut-être te manque-t-il un mot pour le définir ?
- Euh ... Peut-être bien, oui.
- J’utiliserais le terme de l’énergie. Kyô, chevalier d’acier de l’Energie. Tu pourras vivre avec ? "
Kyô, alors, avait répondu par l’affirmative, mais pensait le contraire. Depuis, il a changé d’avis. Mais les propos que tient aujourd’hui le professeur Kajiya le déroutent plus encore.
" Kajiya sensei ? "
Le professeur s’interrompt au milieu de sa phrase. Son élève a perdu l’habitude de lever la main pour réclamer la parole, et c’est en soi une chose regrettable.
" Qui a-t-il, Kyô ? ", lâche-t-il dans un soupir.
" Vous nous dite qu’il est très important au début d’un combat de présenter à son adversaire son nom, son rang et son concept.
- Exact.
- Et vous nous dite qu’il nous faut également prononcer à voix haute le nom de nos techniques de combats au moment où nous les utilisons.
- Encore exact.
- Je trouve cela ridicule. Ca sert à quoi, à se mettre en valeur ? "
Le professeur Kajiya pousse un autre large soupir.
‘Ce Kyô a décidément du mal avec les bases.’, pense-t-il. Il essai encore une fois de lui faire comprendre.
" Kyô, écoute-moi bien. Je ne fais que vous expliquer ce qui se fait probablement depuis les temps mythologiques. En ces temps-là, les Grecs se moquaient éperdument de se mettre en valeur. Ces attitudes de super héros, passer à la télé, soigner son apparence, vendre des figurines à son effigie, ils ne les avaient pas. L’important, pour eux, c’était uniquement de bien s’identifier à leurs concepts. Garder ces concepts secrets, c’était voir leurs influences diminuer. C’est pourquoi ils prononçaient toujours le nom de leurs techniques de combats. Ils le prononçaient, ils le hurlaient, car pour eux ce nom devenait la chose la plus importante qui soit. "
Kyô se satisfait de l’explication. Mais il a quand même un doute.
‘Hurler ? C’est d’un ridicule ...’


~~~~~


" PAR LA CHARGE DE PEGASE !! "
Cassios a hurlé.
Voyant fondre sur lui une masse de 200 kg, Kyô repense aux paroles du professeur Kajiya. C’était il y a deux ans, et ce n’est qu’aujourd’hui qu’il les comprend.
‘Pégase ...’, se dit-il, passif face au déplacement massif du guerrier grec.
‘J’ai vraiment l’impression de voir Pégase me charger.’
Kyô en est tétanisé. Ensuite seulement a lieu l’impact.
Il est délicat de déterminer exactement quelle partie du corps de Cassios a frappé le jeune japonais. Son poing, son coude, son corps, son genou, son pied ...
Les possibilités sont nombreuses. Quand un cheval charge, il n’y a pas que la tête qui est à craindre.
" KYOOOO !! "
Kinô est affolé de voir le vol plané de son camarade. Le corps vient de subir un choc d’une violence exceptionnelle, et se retrouve projeté sur le mur de la bâtisse, mur qui ne résiste pas plus et qui choisi de s’effondrer, engloutissant Kyô sous un amas de briques et de gravas. L’impact résonne dans tout le bâtiment. Au sous-sol, une jeune fille se lève brusquement.
Les gardes sont figés de stupeurs, Kinô se jette en avant, dans une tentative de retrouver son camarade sous les décombres. Cassios exulte.
" Ha ha ha ha ha !
Voilà ce qu’il en coûte de défier un chevalier sacré !
Que ... "
La joie du géant est de courte durée.
" Une cosmoénergie ? Mais ... "
Sous le tas poussiéreux, une incontestable puissance vient de se réveiller. Il ne faut guère qu’une seconde de plus pour que, couvert de poussière mais néanmoins indemne, le chevalier de l’Energie, se relève, repoussant briques et débris. Kyô, chevalier de l’Energie, est sale, meurtris, mais bel et bien vivant ...
" Et bien, si c’est ce que tu as de mieux ... ", sa voix n’est plus aussi vive qu’il y a un instant. Il pose un genou à terre.
" ... et bien c’est pas mal du tout. "
" KYO ! "
Kinô se jette sur le blessé.
" Kyô ! Ton armure est incroyable, elle t’a protégée là où tu aurais dû être broyé ! Ce Cassios est un monstre ! Qu’est-ce que nous allons faire ? "
Le jeune japonais relève la tête. Ses mots sont presque doux.
" Ne t’inquiète pas, Kinô. Moi aussi, j’ai de la ressource.
- Mais ... "
Brave chevalier de l’Energie. Le jeune garçon a-t-il souffert de l’attaque de son adversaire, il se remet en garde, menaçant du regard le chevalier Pégase.
" Cassios ! Je reconnais ta puissance, reconnais la mienne ! "
De ce temps, la cosmoénergie de Kyô s’est hissée au niveau de celle du guerrier grec. Une énergie redoutable se dégage de son corps. Pour être tout à fait précis, il conviendrait de préciser que cette force émane de son bras droit.
" Je suis Kyô, chevalier d’acier de l’Energie. Depuis des années que je m’entraîne, j’ai appris quelques trucs. "
Ce n’est plus une simple sensation. Il y a comme un bruit. Un fond sonore comme métallique. Ensuite vient la lumière. Quelque chose de lumineux qui irradierait de la paume droite du chevalier d’acier.
" Moi aussi possède quelques atouts. L’un d’entre eux puise sa force dans la première forme d’énergie pure qu’a découvert l’Homme. Cent mille ans plus tard, même la science moderne ne sait totalement maîtriser sa puissance destructrice.
Cassios de Pégase, je te présente ...
- Que ...
- ... le feu !
FIREBOLT !! "

Le feu résulte de la combustion, une réaction qui se fait à partir d'éléments à base de carbone : la base de toute matière vivante sur Terre. Le potentiel destructeur du feu reste difficilement exploitable à cause de sa nature non directement contrôlable. Cela ne rend l’attaque de Kyô que plus étonnante encore.
La boule de feu qui s’est échappée de sa main, au moment où il hurlait à tue-tête le nom de sa technique offensive – le dévastateur Firebolt – et qu’il poussait son membre en avant. La flamme compacte est projetée dans une trajectoire droite, en direction du géant. Manquer pareil objectif aurait relevé de l’incompétence pure, mais nul ne pourrait plus désormais sous-estimer Kyô de l’Energie : le programme Kido vient de regagner ses lettres de noblesses.
Kinô est émerveillé, les gardes épatés.
Un instant, la peur se lit dans le regard du fier Cassios ...
... mais cela ne suffit pas.
Le projectile reste trop lent pour un chevalier sacré. L’esquive aurait été une alternative, mais le guerrier grec juge plus opportun de frapper la flamme ardente avec la paume de sa main gauche.
Le geste lui arrache un hoquet de douleur.
La boule de feu est dispersée dans l’air, condamnée à s’éteindre sans délai, mais non sans avoir causé quelques dégâts. Manifestement brûlé, Cassios semble avoir perdu toute sa dignité. Dans un vent de panique, il souffle de toute la force de ses poumons sur son membre blessé, comme pour calmer la douleur.
Mais rapidement il se ressaisit. Reprenant une attitude menaçante, il nargue son adversaire.
" Chevalier d’acier ! Ton attaque n’a eu aucun effet sur moi !
Kyô ressent un vague malaise. Il a compris que son attaque était insuffisamment rapide pour espérer prendre Cassios de vitesse, et cela l’inquiète.
Plus inquiétant encore est l’assaut qui s’ensuit ...
" LA CHARGE DE PEGASE !!
- FIREBOLT !! "


~~~~~


Le bilan est désastreux.
Cassios n’a même pas essayé d’esquiver la flamme de Kyô. Le projectile ardent a percuté le ventre du guerrier grec – partie non protégée de son corps –, laissant une désagréable odeur de chair cuite se répandre. Concentré sur l’offensive, le chevalier d’acier s’est retrouvé bien incapable d’entreprendre quoi que ce soit de plus, alors que son adversaire arrivait au contact.
Quelques gouttes de sang souillent le sol là où la collision à eu lieu. Le sang qu’a craché Kyô, incapable de résister à la force physique invincible de son adversaire. Le japonais est à nouveau parti s’échouer dans ce qui risque de devenir une ruine si le combat dure plus longtemps.
Certes non, il n’est pas mort, le valeureux Kyô, mais il ne vaut guère mieux. Il lui faut bien du temps pour se relever, et son corps et couvert de plaie. La fière armure d’acier commence à souffrir elle aussi, et survivra difficilement à pareil traitement s’il venait à être infligé à nouveau.
Kyô observe avec douleur le ventre de Cassios, qui accuse à peine l’impact de son attaque.
‘Inutile de continuer ainsi.’, soupire-t-il intérieurement.

Pendant ce temps, Yûchi s’entretient à voix basse avec Kinô.
" Kinô, rien ne vient à bout de ce Cassios. Kyô a-t-il ne serait-ce qu’une chance ?
- Bien sûr. Ce géant n’est pas aussi invulnérable qu’il ne le parait. Si Kyô s’en rend compte, il a une chance. "
Yûchi n’est pas convaincu.

" Ha ha ha ! ", s’esclaffe le guerrier grec.
" Ton attaque ne me fait rien, la mienne te met à l’agonie. Chevalier de pacotille, ose encore prétendre pouvoir te mesurer à moi !
- Je ... le peux.
- Quoi ! "

De son côté, Kinô exulte.
" Il a compris ! "

" Cassios, attaque-moi ... encore ... "
L’ultime provocation de Kyô. Cassios n’est pas assez vif pour déceler le piège dans sa voix. Quand bien même il l’aurait perçu, sa confiance en lui lui donnerait toutes les audaces. C’est pourquoi à nouveau sa voix rugie, pareille à celle d’un fauve.
" LA CHARGE DE PEGASE !! "
L’instant est crucial pour Kyô. Devrait-il à nouveau subir la violence de l’attaque de Cassios, qu’il ne resterait plus assez de ses morceaux pour identifier son corps. Mais il n’est pas le moins rapide. Esquiver la Charge de Pégase serait un objectif dangereux et incertain, pour ne pas dire inutile. Mais avec un timing parfait ...
‘Maintenant’
... une adresse hors du commun ...
‘Se jeter en avant’
... et la contre-attaque appropriée ...
" FIREBOLT !! "
... et adroitement placée ...
‘Au visage.’
... bien des prodiges peuvent être accomplis.
Seul reste le hurlement, ivre de douleur, d’un chevalier sacré qu’on appelle Cassios.
" AAAAAAARRRRRRGGGGGGGHHHHHH !! "

" Je ne comprends pas, Kinô, tu m’expliques ?
- C’est simple. Il est possible de se forger un corps apparemment invincible – encore que tout est question d’échelle – mais il n’en est pas de même pour le visage. Depuis le début, Cassios se protège le visage mais ignore volontairement les blessures sur les autres parties de son corps. C’était comme un aveu de sa part, il faut reconnaître que c’était mal joué pour lui. Il serait exagéré d’affirmer que la puissance offensive du Firebolt de Kyô est démesurée, mais même Cassios ne peut supporter pareille force destructrice infligée au visage.
Kyô a gagné ce combat. "


~ 4 ~


Une voix résonne dans sa tête. C’est une voix féminine, celle de son maître. Sa nature agressive ne cache pas une douceur relative.
‘Cassios, tu vas y arriver.’
Et il s’entent lui répondre.
‘Je ... Je ne comprends pas.
- Cassios, gagner ton armure ne suffit pas. Il te faut découvrir la cosmoénergie. Alors tu pourras la revêtire.
- Mais ... comment ?
- Cassios, nous allons reprendre l’entraînement. Tu viens d’apprendre l’échec. A moi de t’enseigner la réussite. Ensuite seulement, tu seras invincible, et tu déferas tous tes adversaires.
- Tous ?
- Tous. Sans exception.’
La voix se tait. Seule reste la sienne.
‘Maître, vous m’avez toujours dit la vérité. Grâce à vous, j’ai pu revêtir mon armure de Pégase. Alors ...’
" Alors ... "
" Il a parlé ! Il n’est pas mort ! ", s’inquiète Yûchi.
Kyô, qui s’est déjà convaincu de sa victoire, se remet aussitôt en position de combat. Mais ce dernier assaut l’a épuisé, et il doute pouvoir réaliser semblable prouesse une deuxième fois.
Le guerrier grec, cette fois, n’exprime aucune cosmoénergie. Sa force est purement physique. C’est cette endurance qui lui permet de commencer à se relever. Son visage est dans un sale état. Il n’est pas irrémédiablement brûlé, défiguré pour toujours, mais une telle blessure laissera des séquelles.
Il ne peut plus se battre.
" Alors je ne peux que gagner ... "
Le ton de sa voix est semblable à une plainte. Deux guerriers blessés parviennent à se relever mais, trop épuisés pour s’affronter à nouveau, ils en restent là. C’est pourquoi la situation n’est pas aussi inquiétante qu’il y a un instant. C’est du moins ce que pense Yûchi, qui d’un pas assuré vient se placer à côté du guerrier grec. Son arme, il la colle sur la tempe de ce dernier.
Kinô exprime son doute, mais il ne pense pas parvenir à convaincre le responsable de la sécurité.
" Les chevaliers sacrés sont réputés pour leurs capacités à se relever encore et toujours. Ils restent donc des adversaires mortels jusqu’à leurs morts concrètes. Mais ce Cassios ...
Il est blessé, et ne nous menace plus. Yûchi, as-tu le coeur d’abattre de sang froid un homme blessé ? "
La réponse de Yûchi semble froide, mais Kinô y ressent un profond dégoût. Yûchi agit à contrecœur ...
" Kinô, sans doute as-tu raison. Mais j’ai ici la responsabilité de la sécurité de la fondation Graad, de Mademoiselle Kido et maintenant du centre Okorimasen et je ne peux prendre le risque de laisser agir un homme ayant des intentions hostiles à notre égard. Ce n’est pas comme si je craignais qu’une telle occasion tarde à se reproduire car d’ici là, je m’en voudrais de ne pas avoir agit, aujourd’hui.
- Yûchi ... "
Kinô ressent presque de la compassion. Mais il n’est rien qu’il puisse faire pour empêcher cela. La seule personne qui en aurait été capable n’est autre que ...
" Yûchi ! Que faite-vous, malheureux ! "
... l’héritière Kido elle-même, la somptueuse Saori Kido.
" Mademoiselle, j’essai d’agir pour le mieux. "
Sans attendre un mot d’explication, Saori, qui vient à l’instant de réapparaître, se précipite sur Yûchi, et lui arrache son arme des mains. Elle le foudroie du regard.
" Assassiner les gens, c’est honteux ! "
D’un geste, elle lui ordonne de s’éloigner. Yûchi fait la grimace, mais s’exécute, incapable de contredire l’autorité première de la fondation Graad.
Cassios ne quitte pas Saori des yeux. L’héritière Kido lui rend son regard, et lui parle avec des mots pleins de sagesse.
" Cassios, chevalier de bronze de Pégase, il n’est pas sage de rester ici. Repartez là d’où vous venez, et ne venez plus nous défier.
- Vous ... "
La voix du grec est vraiment faible. C’est après avoir fait demi-tour que Cassios termine sa phrase.
" Jeune fille, je crains fort que nos chemins se croisent à nouveau. Je serais plus prudent, alors. Tachez de l’être aussi. "
Quand l’ambulance arrive sur les lieux, emportant les corps inconscients de Tecton et de Thoas, le chevalier sacré s’en est allé.


~~~~~


Rapport de Tôja Masaku à Saori Kido, héritière de la fondation Graad
" Nous sommes donc parvenus à l’intérieur même du Sanctuaire sacré. Nous étions trois : Shirai, Seishô et moi-même.
Seishô était inquiet. Depuis le jour où nous avons été chargés d’enquêter, dans l’ombre, sur le Sanctuaire sacré, Seishô était en permanence de mauvaise humeur. Il détestait cette mission. Il disait avoir la sensation de jouer avec le feu. Peut-être avait-il raison.
Toujours est-il qu’il a alors suggéré de rentrer immédiatement au centre Okorimasen pour faire notre rapport. Il disait qu’il était de première importance qu’on rapporte notre progression. Peut-être voulait-il simplement s’éloigner de cet endroit ...
Shirai s’est offusqué et, usant de l’argument qu’on avait en fait encore beaucoup à découvrir, il m’a convaincu pour qu’on fasse quelques observations des lieux.
Pauvres de nous, à peine avons-nous fait quelques pas que j’ai ressenti une douleur abominable. J’ai compris qu’on venait de me frapper avec une violence inouïe. J’ai senti mes os se briser, ma chair se fendre, ma conscience vaciller. Mon agresseur était cet homme que vous venez de repousser, Cassios de Pégase.
Devant nos yeux, il a posé devant nous l’objet qu’il portait sur le dos : l’urne qui contenait son armure. Il y avait tellement de fierté dans ses yeux, quand il l’a revêtue ...
D’après son regard, j’ai compris qu’il allait tous nous tuer. J’ai réalisé qu’aussi graves qu’étaient mes blessures, j’avais encore l’usage de mes jambes. Alors j’ai couru. J’ai couru comme si le diable lui-même m’avait poursuivi. J’ai entendu le cri abominable de Seishô, à qui on arrachait entrailles et vie. J’avais déjà le souffle court. Je priais tous les dieux du Japon pour que ce monstre ne me rattrape pas, qu’il perde ma trace, qu’il m’oublie, n’importe quoi. Je courais pour ma vie.
Le deuxième cri horrible fut celui de Shirai. J’ai compris d’après sa distance qu’il était parti dans une direction différente de la mienne. Ca avait été lui ou moi. J’avais eu plus de chance. b Quand j’eut quitté le Sanctuaire, je me suis cru sauvé. J'ai réussi à rejoindre Athènes, d'où j'ai informé le centre Okorimasen par téléphone de ma situation, qui vous a ensuite prévenu. J’avais pu me procurer une épaisse gabardine qui m’a permis de prendre un taxi pour rentrer sans éveiller de soupçons : je ne devais pas être très beau à voir, et je me sentais bien trop faible pour revenir par moi-même.
J’ai perdu conscience à mon arrivée, sans doute avais-je perdu trop de sang.
J’ignore totalement comment ce chevalier a fait pour me suivre. Je suppose qu’il ne m’a pas achevé pour voir où je me rendais. J’imagine qu’il a alors attendu, et quand il vous a vu arriver, Mademoiselle Kido, il a décidé d’agir. Il voulait probablement ramener quelqu’un à ses supérieurs. Quelqu’un qui puisse être interrogé.
Mademoiselle Kido, le fait est maintenant certain, et est d’une gravité absolue.
Nous avons aperçu là-bas plusieurs dizaines de personnes.
Le Sanctuaire sacré est toujours actif…

… et tout porte à croire qu'il nous soit hostile. "

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.