Premier Age Chapitre 4 : Tensions


~ 0 ~


" Le camp de Poséidon déjà subit une perte. Mais où est passé Krishna ? "
En guise de réponse, l’explosion d’un cosmos lui parvient. C’est une grande cosmoénergie, celle qui donne la mort aux guerriers les moins braves. Mais c’est un cosmos qui d’un seul coup disparaît, comme terrassé, laissant la place à un calme mauvais.
Kanon, l’homme à la grande ambition, laisse un sourire de satisfaction s’exprimer sur son visage sombre.
" Krishna nous attend dans la maison du Cancer. ", avance le général.
" Allons-y, Io, nous penserons à Bian quand les combats seront terminés. "


~ 1 ~


Un instant auparavant

" Mon écaille de Chrysaor, je l’ai obtenue il y a peu de temps. Cette satisfaction, le jour de ma promotion au rang de général, je m’en souviendrais jusqu’à ma mort, quelle qu’elle sera. Mais l’obtenir, non, cela n’a pas été facile. Je n’avais pourtant rien demandé, rien réclamé qui sache me procurer une gloire telle que celle qui m’honore aujourd’hui, et quand Seigneur Poséidon me l’a donné, je ne pouvais nier être surpris. Quelles peines avais-je jusqu’alors endurées ! Ces douleurs m’avaient au moins permis de devenir l’élite sous-marine. Bien sûr, je n’ai pas compris tout de suite, cela devait amuser quelqu’un que je pense avoir été choisi, alors que je méritais tout cela.
Depuis, la mort, je l’ai donné. Sur un simple ordre de mon maître, j’ai frappé, comme je frappe aujourd’hui. Le dessein de Poséidon est de tuer, cela est vérité. Tel un ange destructeur, l’Ebranleur du Sol frappera l’humanité dans une ultime sanction. Il signera le trépas de ceux qui auront, par égoïsme et par insouciance, blessé celle que certains appellent Gaïa la vivante, notre planète Terre bien aimée. Mais la disparition de cette humanité malsaine est un objectif que Poséidon poursuit par amour pour notre monde, et je suis son épée.
Je pleure mes victimes, parfois.
Non, en aucun cas je ne te laisserais dire que nous sommes identiques.
Je suis offensé par tes paroles, et ne te les pardonnerais pas. Mais cela n’a guère d’importance, dés lors que ton destin est de mourir de ma main, sur le sol froid de ta propre maison, dans la honte et dans l’oubli.
Chevalier du Cancer, tu es un assassin sans nom, et tu mourras par ma lance, j’en fait le serment.
- Es-tu aussi bavard chaque fois que tu entres dans une maison tapissée de visages morts, général ? Où est-ce seulement ton orgueil qui te pousse à me blâmer ainsi ?
Qu’importe. Tu es seul à croire que je vais mourir. Cela n’arrivera pas, car avant que ta lance ne m’atteigne, ton trépas offrira à ce lieu un trophée de plus.
Disparais !
QUE S’OUVRENT LES PORTES DU MONDE DE L’AU-DELA !!
PAR LES CERCLES D'HADES !! "
Mais …
Mais le général ne bougea pas, d’aucune manière il ne tenta d’esquiver ce danger mortel. Il attendait. A l’instant où son adversaire prononça le nom de son attaque, il attendait déjà. Quand il pointa le doigt dans sa direction, alors encore, il attendait. Et au moment où l’aura blanche et mauvaise l’enveloppa, il attendait toujours.
Il attendait, sans mot dire, comme pris d’une grande inspiration, avec une assurance perturbante. Voilà bien un guerrier difficilement impressionnable …
Pourtant, sa stature fière, sa grandeur alors qu’il se tenait là debout, sa lance prodigieuse qu’il tenait toute droite dans sa main, son regard vif et concentré qui fixait l’espace en face de lui, tout son être s’effondra, d’un seul coup.
D’abord, ses yeux s’éteignirent et ne devinrent plus qu’un espace blanc au fond des orbites creuses. Sa lance chuta dans un tintement divin, endommageant la pierre sous son poids. Ses épaules s’affaissèrent, et lui-même s’écroula, enfin, telle une enveloppe charnelle morte, à même le sol, à grand fracas.
Et le hurlement de rire de celui qu’on disait être un chevalier sacré inonda la pièce. C’était quelque chose d’horrible. La satisfaction et la haine se mêlaient dans ce bruit, dans une dissonance abominable qui aurait fait trembler bien des hommes vigoureux.
Le rire s’amplifia, alors que l’homme réalisait avec quelle facilité il venait de supprimer son adversaire. N’était-il pas censé être redoutable ? Il fallait bien se rendre à l’évidence, ce général n’avait jamais été à la hauteur. Le hurlement chassa le silence un long moment, telle une tempête qui ne se calmerait que pour permettre aux survivants de pleurer sur leurs familles et leurs biens disparus.
Mais le rire cessa. Il se tut brusquement alors qu’un événement venait de se produire.
Le corps du général avait bougé.
Pire, il se tenait à présent parfaitement droit, dans une posture que le chevalier du Cancer connaissait pour l’avoir déjà observé, alors qu’un autre chevalier d’or l’adoptait.
C’était la position du lotus, que le général empruntait, les yeux fermés.
Le chevalier du Cancer n’était pas surpris de voir un ennemi prendre cette pose, qui après tout ne servait qu’à la méditation, mais n’était-il pas impensable pour qui que ce soit d’espérer pouvoir se mouvoir après avoir subit l’Ouverture des Mondes ? L’indéniable vérité était pourtant que cela venait de se produire.
Dans sa stupéfaction, le chevalier resta interdit, alors que son adversaire, cet homme de légende, prononçait à voix basse un simple mot …
" Visuddha "
… et ouvrait les yeux.
Alors, l’homme, tel un athlète épuisé par sa performance, prit son souffle. D’un geste il saisit sa lance divine, et se redressa de tout son être. Il semblait même plus grand, à présent.
Le chevalier d’or ne pouvait plus parler tant il était abasourdit. C’est donc le général qui rompit le silence qui s’était installé.
" J’aurais pu subir ton attaque sans en être la victime, mais tes paroles m’ont induit en erreur.
- Quoi ! "
Le défenseur d’Athéna semblait enfin avoir recouvré ses esprits.
" Qu’est-ce que tu racontes !
- Ton attaque, tu l’as appelée "l’ouverture des portes du monde de l’au-delà". Je ne me suis rendu compte que trop tard que ces ‘portes’ étaient des métaphores. J’étais prêt à contrer une attaque dimensionnelle, comme je l’ai fait contre le chevalier des Gémeaux …
- Que dis-tu ?
- … mais ton attaque s’en prend en fait à l’âme. Tu projettes l’esprit de tes adversaires dans ce lieu étrange que j’ai vu, qui ressemble au Sekishiki. Mais lui-même n’est également qu’une métaphore, dont il est possible de faire abstraction. Chevalier du Cancer, apprends que moi, Krishna, général de Chrysaor au service de Poséidon, je maîtrise les sept chakras essentiels, et que de fait il est impossible de séparer mon âme de mon corps.
- Qu’as-tu dis ? Tu prétends que le chevalier des Gémeaux était dans sa maison ? C’est impossible, tu …
- Mais ta stratégie a échoué, ma lance va te transpercer.
- Tu …
Pardon ? Me transpercer ? Imbécile ! Ignores-tu que je porte l’invincible armure d’or du Cancer ? Rien ne saurait ……………………
Aaar .. r … g … "
La lance précieuse venait bien de traverser de part en part le corps du chevalier, le blessant mortellement d’une plaie au cœur. La protection du guerrier n’avait même pas ralentit l’arme dans sa course.
" Mon … armure … Non … "
D’un geste, le général récupéra l’objet mortel, arrachant un râle de douleur à l’homme qui mourait, en face de lui. Comme il souffrait ! Son agonie ne savait pas être brève, alors qu’abondamment le sang coulait de sa blessure. Mais malgré cela, le chevalier vivait. Comme s’il lui restait une chose à accomplir.
" Tu …
Tu mourras avec moi …
Par les cercles d'Hadès … "
Dans un dernier sursaut d’existence, cet être qu’était le chevalier du Cancer enflamma son cosmos. Comme si l’agonie le poussait dans un dernier et ultime retranchement, la force de l’attaque semblait plus puissante encore qu’auparavant, et encore une fois elle enveloppa le général.
Mais ce dernier avait retrouvé sa posture merveilleuse, l’extraordinaire position du lotus qui rend l’âme immortelle …
… et l’offensive mourut en même temps que celui qui l’avait lancé. Son cosmos venait de s’éteindre. Le chevalier du Cancer se tint debout, sans vie, pendant quelques secondes. Et puis il s’effondra, enfin, vaincu à jamais.
Krishna alors, vainqueur glorieux, s’approcha du corps. Il resta là, un moment. Ses mots, ceux qu’alors le général de Chrysaor allait prononcer, personne n’allait pouvoir les entendre. Et le général regrettait cela. Il aurait voulu que son adversaire puisse comprendre.
" Chevalier du Cancer, il est vrai que même une armure d'or ne saurait contenir complètement ma lance, mais dans ton cas, c’est différent. Tu ne t’en es pas rendu compte, mais ta protection avait cessé de te protéger. Elle s’est laissé traverser par ma lance de son plein gré, afin que tu périsses, et emportes avec toi ta haine des autres, et qu’enfin ton nom cesse de souiller l’honneur de la chevalerie d’Athéna.
Chevalier du Cancer, ta mort est une bénédiction. "
Krishna éprouvait de la satisfaction. De mémoire, il ne se souvenait pas avoir déjà tué en éprouvant aussi peu de regret.


~ 2 ~


C’est ainsi que la malheureuse Maison du Cancer devint la tombe infâme de celui qui affirmait être le chevalier d’or du Cancer. A présent, seule une dépouille inerte témoigne encore de son existence terminée, une dépouille qui ne connaîtra jamais le repos, car même un sage parmi les sages ne saurait pardonner au trépassé les crimes horribles qu’il a commis durant ses dernières années de vie. Nul ne viendra tirer le corps jusqu’au doux repos de la terre, qui toujours épargne aux malheureux défunts d’être la pitance des charognards.
Alors qu’un à un les visages, ceux qui ornaient jusqu’à présents les murs sales et froids de l’architecture, ceux qui avaient tant horrifié Krishna à la lance divine, disparaissent, deux ombres pénètrent sans mot dire dans la Maison désormais vide de son gardien, sans danger.
Ces ombres sont Io et Kanon, tous deux généraux au service de Poséidon, et en mission d’attaque contre le camp d’Athéna, le divin Sanctuaire. Leur objectif est la tête de la déesse, mais hélas le chemin à parcourir reste pour eux encore fort long.
Krishna, le général hindou à la puissance incroyable, le frère d’arme des deux intrus, se retourne, alors, sans orgueil ni fierté. Se vanter, il l’aurait pu, tant sa victoire sur son adversaire a été grande, et tant il est indéniable à présent qu’il est digne de son écaille de Chrysaor, celle que Poséidon Ebranleur du Sol lui a remis quelques années auparavant. Mais plutôt que de s’enorgueillir, plutôt que de chercher la gloire par les paroles, il se tait, attendant que l’occasion lui soit donnée de parler sans que d’aucune manière il ne soit possible de voir en lui une personne fière.
Le général de Scylla, de son nom Io, semble pris de la surprise du faible face au fort. Il est bien forcé de comprendre avec quel caractère absolu la victoire de Krishna sur le Cancer est écrasante. Il craint d’être incapable d’un tel exploit. Intérieurement, le sang de ses veines bouillonne, alors que de toutes ses forces il cherche un moyen qui mettrait fin à son tourment. Une victoire aussi glorieuse, voilà ce qui lui faut. Pour son propre honneur, et pour celui de son seigneur et maître Poséidon, le général a maintenant le désir de se battre avec loyauté, et de défaire un chevalier d’or, sans que personne ne lui vienne en aide.
Kanon, quant à lui, semble se désintéresser de la destinée de celui qui gît sans vie à ses pieds. Animé par une vigueur peu ordinaire, il interpelle le général de Chrysaor.
" Krishna, comment es-tu sorti du labyrinthe des Gémeaux ? "
Krishna est interloqué par une telle question, sans toutefois en être surpris. Il se doute que son commandant lui cache quelque chose et que dans cette bataille violente, la vie d’Athéna n’est pas ce qui préoccupe le plus de ses pensées. Il répond, tout de même, mais la provocation est clairement audible dans sa voix.
" Pourtant, vous y êtes parvenu vous-même … Qu’y a-t-il de surprenant à ce que j’en ai fait autant ?
- Cesses de discuter et réponds à ma question ! "
Kanon ne sait pas poser de questions qui soit anodines, Krishna le sait. Il sait également que l’information qui lui est réclamé doit avoir un sens profond pour le commandant des forces armées de Poséidon, mais néanmoins il se prononce. Et il devine que sa réponse ne saura pas être satisfaisante.
" Le labyrinthe était une illusion, j’ai tout simplement ignoré cette dernière.
- Mensonges.
- Que dis-tu ?
- Je sais que tu mens. Tu t’es trahit, le labyrinthe était un artifice dimensionnel, et non une illusion. Que cherches-tu à me cacher ? "
Voilà qui est curieux. A présent, Krishna se demande de quoi était réellement fait ce labyrinthe mystérieux. Mais la réponse est sans importance, c’est évident. A présent le regard lourdement soupçonneux de Kanon aux mille pouvoirs pèse sur le général de Chrysaor, de même que s'il accusait ce dernier de …
De quoi, au juste ? D’avoir franchit la maison des Gémeaux sans avoir été inquiété ? Kanon pense-t-il qu’il existe un lien entre le chevalier des Gémeaux et lui ? De là à en déduire qu’il soit un traître, il n y aurait qu’un pas, que Kanon franchirait sans doute sans hésiter. C’est pourquoi, Krishna ne cherche pas à se justifier, seuls ceux qui ont quelque chose à se reprocher agissent ainsi.
" Kanon, tu es ridicule. Que cherches-tu à insinuer en mettant ma version des faits en doute.
- Bian est mort, c’est pratique, n’est-ce pas ?
- Et puis quoi encore ? Je l’aurais tué ? Arrête de me soupçonner ! Et toi, alors, comment es-tu sortit de la maison des Gémeaux ?
- Cette question restera sans réponse.
- Io ?
- Uh ? "
Depuis le début, le général de Scylla prend soin de ne pas intervenir dans les querelles perpétuelles de ses deux camarades. Il reste neutre, tout simplement. Certains pensent sûrement à lui comme à une machine de combat qu’on amène sur un champ de bataille, et qui meure oubliée de tous. Io est las d’être mis à l’écart, mais il ne voit pas non plus de raison de ne pas répondre à Krishna.
" Le chevalier des Gémeaux nous a …
- JE T’INTERDIS DE PRONONCER UN MOT DE PLUS, IO !!
- … "
C’est presque un hurlement que vient de pousser Kanon. Io ne se laisse pas intimider, mais il reconnaît bien là l’autorité supérieure de son commandant. Il ignore pourquoi, mais il devine que le général du Dragon des Mers parviendra toujours à l’empêcher de parler, puisque telle est manifestement son intention. Et persévérer dans une voix sans issue n’est jamais une chose bonne.
Krishna comprend cela, également, et décide de ne pas insister. Il lui faudra poursuivre les combats en tenant compte du fait que son commandant tient à garder certaines informations secrètes, et cela est une raison suffisante pour croire que l’objectif de l’assaut n’est pas uniquement la tête d’Athéna.
De son côté, Kanon déteste la tournure des événements. Krishna ayant oublié de s’occuper de ses affaires, il devient un élément compromettant ses objectifs. Il allait falloir s’en débarrasser plus tôt que prévu. Et surtout, il allait falloir veiller à ce que Io et lui ne partagent pas leurs informations. Io n’aurait pas dû entendre cette conversation qu’il avait eu avec le chevalier des Gémeaux, son propre frère, Saga d’apparence divine. Si Io devait enseigner à Krishna la façon dont ils avaient franchit la maison des Gémeaux, les soupçons du général de Chrysaor deviendraient des certitudes, et il se mettrait alors en travers de sa route.
L’idéal serait à présent que Krishna meure en emportant un chevalier d’or avec lui. Le prochain guerrier d’Athéna est …
" Krishna, je viens de décider que tu affronteras seul le chevalier du Lion. Io et moi nous rendrons ainsi à la maison de la Vierge sans tarder.
- Seul, dis-tu ? Ne serait-il pas "pratique" que je périsse dans l’affrontement ..? "
A ce moment, les événements auraient pu dégénérer. La conversation aurait pu tourner court, les deux généraux auraient pu hausser le ton encore. La conséquence aurait été un affrontement entre les deux guerriers de Poséidon, voire un échec de l’offensive, et cela, personne ne le souhaite. Mais cela n’eut pas lieu. Et pour une fois, c’est l’intervention de Io qui met un terme au conflit. Le général de Scylla, le défenseur du pilier du Pacifique Sud dans le temple de Poséidon, vient de décider de ne plus rester un simple soldat aux ordres d’un commandant qui devient difficile à cerner. Il fait une requête. Et cette requête, elle allait être acceptée.
" Kanon, je fais la demande d’affronter seul le chevalier du Lion. Vous deux rejoindrez directement la maison de la Vierge.
- … !!! "


~ 3 ~


" Au fait Krishna, je me pose une question.
- Laquelle ? "
Kanon fronce les sourcils. Sans ralentir son allure, cette course sur l’escalier de pierre menant à la féroce Maison du Lion, le général du Dragon des Mers jette un regard agressif sur Io. Mais ce dernier n’a apparemment pas l’intention de relancer la vigoureuse conversation qui vient d’avoir lieu, un instant auparavant, dans la sombre Maison du Cancer.
" Le chevalier du Cancer, tu l’as tué, n’est-ce pas ?
- Tu en doutes ?
- Non. Je me demandais si tu pouvais me dire son nom.
- Son nom ?
- Nous parlons toujours du "chevalier d’or du Cancer", mais il doit bien posséder un nom. Quel est-il ?
- Je n’en ai aucune idée.
- Vraiment ? "
Io à l’allure de fauve n’est pas surpris. Il s’attendait à une telle réponse.
" Tu ignores son nom, dis-tu ?
Pourtant, il doit te l’avoir dit, n’est-ce pas ?
- Il l’a fait. Je ne juge pas nécessaire de m’en souvenir. Et puis, ce nom qu’il m’a dit, n’est pas celui d’un être humain. Ce chevalier avait oublié jusqu’à son propre nom. " Tels sont les mots qu’échangent Io et Krishna, sous le regard attentif de Kanon aux mille pouvoirs, alors que ces trois guerriers escaladent l’escalier abrupt.


~~~~~


L'homme se tient droit. C'est avec une assurance certaine qu'il prononce ces mots provocateurs.
" Je suis Aiolia, chevalier d’or du Lion, gardien de la maison du Lion, et éternel défenseur d’Athéna.
Généraux, je ne suis guère surpris de vous voir arriver jusqu’ici, car sur les quatre maisons que vous venez de franchir, deux étaient vides et qu’une autre ne méritait pas son gardien. Mais à présent, moi Aiolia du Lion, vais creuser votre tombe à tous, car ma puissance dépasse de loin celles que vous avez rencontrées jusqu’à présent.
- Dans ce cas, je serais ton adversaire. Je suis Io, général de Scylla au service de Poséidon, et je veillerais à ce que ton sang souille ce sol que tu chéris tant. Quant à ceux qui m’accompagnent, et bien ils … "
Le général de Chrysaor fait un geste de la main.
" … ils franchiront cette maison sans que tu les en empêches.
- Que dis-tu ? "
Au même moment, Krishna se jette sur la gauche d’Aiolia, afin de quitter la Maison du Lion sans tarder. Kanon passe par la droite, et Io profite de l’effet de surprise pour s’en prendre violemment au chevalier du Lion
" SERPENT STRANGLER !! "
Aiolia est complètement débordé. Alors que les mouvements de Krishna et de Kanon brisent sa concentration, Io se déplace en un instant jusqu’à son contact, le prend à bras le corps, et commence à exercer une pression démesurée.
Les os du chevalier du Lion se seraient tous brisés si, dans un grand effort, il n’était parvenu à se dégager de son adversaire. Pauvre chevalier du Lion … Il peut toujours se retourner, rien n’y fera : deux de ses trois ennemis viennent de sortir indemnes de la Maison dont il est le gardien. Mais cela n’affecte en rien son humeur. Ni frustration ni colère ne le gagne, car grande est son intelligence.
" Pfeuh ! Qu’importe les deux autres, le chevalier de la Vierge se chargera d’eux. Nul ne peut le vaincre, c’est l’évidence même. Mais je vais quand même aller lui donner un coup de main, on ne sait jamais. Il ne sera pas dit qu'il suffit de franchir la Maison du Lion pour se débarrasser de moi.
- Hum, chevalier du Lion, tu n'oublies pas un détail, par hasard ?
- Un détail qui prendrait l’apparence du général de Scylla ?
Je parle en connaissance de compte. Quel imbécile tu es de me sauter dessus comme tu viens de le faire. J’ai pu me dégager de ta technique, et à présent je sais que tu n’es pas à la hauteur. Ta mort n’est que l’affaire de quelques minutes. Et ensuite, ce sera le tour des autres.
- Connaître ma technique ? Ha ! Dire cela et être en vie et un paradoxe. Nul ne subit deux fois la même attaque, quand il m’affronte. Et tu vas en faire l’expérience douloureuse.
Subit la deuxième technique mortelle de Scylla !
QUEEN BEE’S STINGER !! "
La piqûre de la reine des guêpes est une attaque subtile. Elle vise le cœur de ses victimes, sans avoir à atteindre cette partie précise du corps, et personne ne peut réussir à l’esquiver du premier coup, tant son mouvement est inhabituel. Telle est la raison pour laquelle Io est à ce point surpris par les événements.
Le chevalier du Lion ne venait-il pas d’éviter l’attaque ?
Voilà qu’à présent le général fait face à la sortie de la Maison féroce. Son adversaire se tient sur sa gauche. C’est d’un geste simple et beau qu’il vient d’avorter cette forme de combat qu’est Queen Bee’s Singer.
Io n’est pas inquiet, car nombreux encore sont ses atouts. Il n’est pas inquiet, mais sa curiosité est piquée. Son adversaire ne laisse pas planer le doute bien longtemps. " Aldébaran était mon ami. J’ai suivi son combat avec attention. Ceci explique beaucoup de choses, n’est-ce pas Io ? "
Il y a de la satisfaction dans la voix, point de rancœur. Il est vrai que le chevalier du Taureau avait été épargné par ordre de Kanon. Le commandant avait-il pris cette décision pour ne pas encourager les autres chevaliers d’or à faire du zèle, ou à prendre des initiatives ?
Ce n’est sûrement pas là la raison, mais la conséquence est la même. En effet, Aiolia a fait l’erreur de ne pas contre-attaquer, voilà pourtant une occasion qui n’allait pas se reproduire. Ou alors, il est vraiment sûr de lui.
Rassuré quant à sa force, Io se permet une raillerie dangereuse.
" Chevalier du Lion, Apprends que Scylla, que représente mon écaille, fut transformée par Circée en monstre marin.
Dés lors, son corps d’une beauté mortelle possédait à la place des jambes une horde de six bêtes mangeuses d’hommes. Je possède en fait une technique de combat pour chacune de ces bêtes. Queen Bee’s Stinger en est une. Hélas pour moi, tu la connaissais déjà. Serpent Strangler est la deuxième. Penses-tu vraiment pouvoir éviter ainsi les quatre attaques qui restent ?
- Quatre, tu dis ?
Soit. Je te donne une chance. J’attendrais d’avoir subit tes quatre armes. Ensuite, je te tuerais, d’un seul coup. Pour tuer, mieux vaut être efficace une seule fois.
- Nous verrons bien. Reçois mon attaque la plus vicieuse.
VAMPIRE IN HELL !! "
Les mains de Io, alors, partent avec une vitesse surprenante. Les poings resserrés, seuls deux doigts dépassent des paumes, cherchant et harcelant son adversaire sur ses points faibles, provoquant hémorragies et mort. Telle est l’efficacité de la chauve-souris.
" Tu vois, Aiolia, pas question d’esquiver une technique aussi soutenue que Vampire In Hell. Qu’en dis-tu ?
- Inutile.
- Quoi ? "
Io cesse son mouvement, et contemple son adversaire, stupéfait. Indemne, tel est le chevalier du Lion. Indemne et las. Aussi, c’est après un soupir qu’il reprend ses mots sombres.
" Quelle médiocre expérience du combat possèdes-tu pour faire une telle tentative sur un chevalier d’or. L’exécution de ta technique est parfaite, je le reconnais. Elle serait redoutable sur n’importe qui, mais nous autres gardiens des douze maisons possédons quelque chose qui rend Vampire In Hell aussi dangereuse que le poing d’un bébé.
- L’armure d’or, bien sûr …
- Tu comprends tard. Avec tes doigts tu cherches les veines du corps de ton adversaire, afin de les sectionner. Ton geste n’a même pas la puissance de traverser une armure de bronze, mais là n’est pas le plus important. Les armures d’or sont caractérisées, outre leurs solidités presque parfaites, par le fait qu’elles recouvrent presque entièrement le corps de leurs propriétaires. L’armure sacrée du Lion en est l’exemple le plus parfait. Il m’est dés lors facile de concentrer ma défense sur les rares zones qu’elle laisse à découvert. Et cela, n’importe qui serait capable de le faire.
Général de Scylla, ton attaque est obsolète ! "
Io rumine de façon très pessimiste, à présent. C’est l’inquiétude qui le gagne. Dans ce combat, il a mis plus que sa vie en jeu, et c’est bien sa valeur qu’il craint de perdre. Qu’adviendra-t-il si d’aventure aucune de ses attaques ne parvient à inquiéter son adversaire ? Io pense depuis toujours que sa polyvalence et son imprévisibilité font sa force. Il n’est plus tout à fait sûr, à présent.
C’est ainsi que, le doute devenant insupportable, il décide de jouer sa plus grande carte.
" GRIZZLY SCRAP !! "
Le concept de Grizzly Scrap est beaucoup moins subtil que ceux des autres animaux de Scylla. L’ours ne cherche pas à frapper ses victimes dans le dos, ou à s’en prendre à ses points faibles. L’ours est fort, et il frappe de ses redoutables griffes, provoquant de redoutables blessures. Du moins en théorie. Dans la pratique, l’attaque n’étant évidemment pas la plus rapide, il existe des adversaires capables de, tout simplement, l’éviter.
Des adversaires comme le chevalier du Lion.
Io est à genoux à présent, essoufflé. Alors que les échecs s’accumulent pour lui, c’est bien la peur qui l’a fait s’effondrer. La peur d’être vaincu. Evidemment, il lui reste encore deux attaques à essayer. Eagle Cratch, incarnant la puissance de l’aigle en colère, se pratique lors d’un saut. L’idée est de porter un coup décisif au visage depuis une direction inhabituelle, à laquelle bien peu de monde n’est pas vulnérable. Wolf’s Fang, les crocs du loup, part d’une position basse, et renverse ses adversaires depuis cette autre direction originale qu’est le ras du sol.
Deux techniques de plus, deux chances supplémentaires de ne pas subir un échec cuisant.
" Je ne sais pas à quoi tu penses, général de Scylla. L’ironie de ce combat ne te saute-t-elle pas aux yeux ?
- Que dis-tu ?
- Un serpent géant, une vulgaire guêpe, de simples chauves-souris, et maintenant, un ours brutal.
- Que reproches-tu à ces bêtes ? Elles sont les crocs et les griffes de Scylla, et étaient redoutées par les plus valeureux des marins qui croisaient son chemin !
- Cela reste des animaux terrestres. Mais dis-moi, quelle créature parmi tes armes aurait ne serait-ce que la moitié de la force de celui que représente ma constellation ?
- Tu veux dire …?
- Exactement ! Le lion, celui qu’on appelle le roi des animaux, le fauve le plus craint de toutes les terres émergées. Dans la savane, nulle créature ne l’approche. Il est un prédateur, et rien ne lui résiste. Je comprends mal comment tu comptes vaincre le lion avec tes insectes. "
Si les mots sont restés métaphoriques, Io comprend à présent le sens profond des paroles de son adversaire. Ainsi la stratégie du général de Scylla devient un échec. Aucune des bêtes féroces de Scylla n’a le pouvoir de prendre l'avantage sur un lion. Cette certitude ravive ce sentiment de désespoir qui l’a pris un instant plus tôt.
Vaincre. Voilà la volonté de Io en ce moment. Il ne s’agit pas de sa vie, de son honneur, ou même de celui de Poséidon. Il s’agit de l’objectif ultime qui à lui seul parvient à animer encore la flamme de la volonté du général de Scylla.
Certes il possède une technique de combat qui n’est pas inspirée d’une des bêtes de Scylla, mais une idée d’une nature différente germe à présent dans l’esprit de Io. Aucun des ces animaux n’est aussi fort que le lion, c’est désormais une certitude. Mais comment réagirait le roi des animaux, le lion surpuissant, face à l’assaut simultané de toutes ces créatures ?
" Chevalier du Lion, tu vas subir ma dernière attaque.
- Dernière ? Ne sais-tu pas compter ? Cela n’en fait que cinq, pourtant ?
Soit. Dans ce cas, apprends qu’après ton assaut, je passerais à l’offensive. Et alors tu seras vaincu, d’un seul coup.
- Pour toi, il n’y aura jamais "d’après mon assaut". "
Enfin Io prend le temps d’accroître sa cosmoénergie. En cet instant, cet instant où l’univers tout entier se réduit à un seul combat, et à une seule attaque, le général prend le temps de "devenir" chacun des animaux de Scylla. Il pense à la guêpe, à ce venin formidable qui a terrassé Aldébaran. Il se concentre sur l’étouffement du serpent géant, qui avait surprit Aiolia lui-même. La chauve-souris, avec ses mouvements furtifs, sa précision dans le toucher. Le loup, prédateur comme le lion, attaquant les jambes des humains méchants, les renversant, cherchant ensuite une veine plus précieuse à trancher. L’aigle, fondant sur ses victimes, défigurant les uns, éventrant les autres. L’ours, enfin, le plus fort d’entre eux, capable de détruire n’importe quoi.
" Vois l’attaque que j’ai inventée spécialement pour toi.
HORRIBLE HORDES !! "
L’air, alors, dans la maison du Taureau grande et belle, se fige dans l’explosion démesurée du cosmos de celui qu’on appelle Io, et dont on dit qu’il est le général de Scylla. Ce que voit Aiolia approcher de lui n’est pas une chose qui soit humaine. C’est …
" Une nymphe …
Une nymphe de la mer … Qu’elle est belle …".
Car pour la première fois, Io est devenu Scylla même. Les bêtes mortelles grondent dans autant de rugissements qui tétaniserait de terreur un homme même courageux. Quelle vision à la fois belle, triste, effrayante et horrible !
L’attaque vient de partout à la fois. Du sol surgit le loup, bestial. De l’air s’abat un aigle, et son cri assourdit le chevalier du Lion. D’innombrables chauves-souris remplissent la salle toute entière. Un ours surpuissant est sur le point de frapper de ses griffes gigantesques. Un immense boa s’apprête à écraser un homme de son corps surpuissant. Une simple guêpe aiguise son dard au poison douloureux.
Aiolia, chevalier d’or du Lion, va se faire écraser …


~~~~~


" Non !
Non ! Je refuse de le croire ! Ce n’est pas possible, non ! "
C’est pourtant bien réel. Réel et absolu.
" Tu ne peux pas sortir indemne de Horrible Hordes !
- Et pourtant, je suis encore là, n’est-ce pas ?
- Mais comment as-tu fait ? "
La phrase de Io, dont l’attaque vient de rester sans effet, termine sur un râle. Ce n’est plus un simple désespoir qui éprend le général de Scylla.
" Io, ton attaque m’aurait terrassé si tu l’avais utilisé dés notre rencontre.
- Ce n’est pas vrai …
- Attaquer simultanément avec tes six animaux, voilà une stratégie brillante, tu aurais pu me vaincre, c’est certain. Même un lion est dépassé face à un trop grand nombre de créatures. Mais ton erreur a été de commencer à m’attaquer avec tes animaux de façon individuelle. Sur les six fauves de Scylla, seuls deux ne m’étaient pas familiers. Je n’ai compris la nature de ton attaque qu’au dernier moment, et je dois reconnaître que tu m’as fais peur. Mais alors je me suis défait d’un geste des quatre bêtes que sont la guêpe, le serpent, le chauve-souris et l’ours. Restaient le loup et l’aigle, c’est cela ?
Comme tu peux le voir, j’ai du me relever. Tu m’as mis à terre, ce que personne n’avait fait jusqu’alors. Hélas, j’ai toujours mon armure d’or qui me protège, et ta technique a souffert du manque d’expérience. Tu ne pensais tout de même pas que chacun de tes animaux aurait la même force de frappe que quand ils attaquent séparément ?
J’insiste pour te féliciter.
- Mais ça n’a servit à rien …
- En effet. Maintenant, je vais tenir ma promesse, et je vais t’attaquer à mon tour. "
Io se relève. Il a presque les larmes aux yeux, tant sa frustration est grande. Mais à présent il lui faut se défendre. Après tout, peut-être parviendra-t-il à esquiver ? Cela remettrait les deux hommes à égalité. C’est même une chose très importante, réalise-t-il !
Le cœur de Io se met à battre plus vite. Esquiver ! Il faut esquiver !
" Io, je vais te montrer comment il faut attaquer : en une seule fois, et en donnant tout. Si une telle attaque ne suffit pas, c’est que tu as trouvé plus fort que toi. Puisses-tu t’en rappeler quand tu seras chez Hadès, ou tu paieras pour les innocents que la folie de Poséidon aura tué.
Adieu, Io de Scylla.
LIGHTNING BOLT !!
- Oh non. NNNNNNNOOOOOOOOONNNNNNNN !!!!!!!!!! "


~~~~~


‘Vaincu … Complètement …
Mon armure de Scylla, elle est inutile …
Mes techniques de combat, tellement inefficaces …
Ainsi mon destin était de mourir ici … dans la honte de l’échec … sans même avoir défait un chevalier d’or …
Krishna a écrasé son adversaire … Kanon nous a fait passer la maison des Gémeaux … même Bian a fait mieux …
Aldébaran disait … qu’un chevalier ne meure jamais pour rien … ainsi ce pourrait être le cas pour … un général ?
… je ne peux pas … l’accepter …
… je ne veux pas … terminer comme … cela …
… à quoi me sert ma … volonté … ?’


~~~~~


Aiolia regarde de haut le corps meurtris de son adversaire vaincu. Son écaille de Scylla ne ressemble plus qu’à une épave. Toutes ces excroissances ressemblant aux animaux mortels de la nymphe changée en monstre ont été détruites. Io lui-même ne bouge plus, il est au bord de la mort. Son souffle persiste, mais cela ne saurait durer. Personne ne peut survivre à la redoutable et terriblement féroce attaque du Lion.
Il est temps, à présent de porter le coup de grâce. Une seule blessure à la nuque suffira. Aiolia lève la main …
" Aiolia du Lion ! "
Une voix ?
Une voix clairement identifiable.
" Grand pope …
- Aiolia du Lion, je t’ordonne de te rendre dans la maison de la Vierge. Les généraux de Poséidon doivent être stoppés.
- Très bien. Telle était mon intention de toute façon.
- Aiolia, pourquoi n’es-tu pas déjà partit ?
- Je vais d’abord achever le général de Scylla, grand pope.
- C’est inutile. Pars immédiatement.
- Sauf votre respect, c’est l’affaire d’une poignée de seconde. Ce général souffre probablement, je ne peux le laisser ainsi.
- Aiolia …
- Peut-être se relèvera-t-il ? Pourquoi prendre ce risque alors qu’on a la possibilité d’en terminer dés maintenant ?
- Aiolia, serais-tu en train de discuter mes ordres ?
- Je suis désolé, grand pope, je pars immédiatement.
- Bien. "
Une dernière hésitation ébranle le chevalier du Lion. Doit-il désobéir et tuer le général de Scylla ? Cela prendrait si peu de temps que personne ne s’en rendrait compte … Mais alors Aiolia se rappelle Aldébaran. Le chevalier du Taureau n’était pas dans un meilleur état que ne l’est à présent Io, au moment où le camp de Poséidon l’a laissé en vie. Cela, il ne peut le nier, le force à ressentir de la gratitude. Et c’est la raison pour laquelle il laisse le guerrier ennemi au sol. Il quitte sa maison sans se retourner, et d’un pas prompt commence à gravir les quelques marches qui le séparent de la Maison de la Vierge.
Aiolia n’est pas resté assez longtemps, toutefois, pour voir la main du général Io se redresser.
Un râle se perd dans le silence du lieu.
" Je … suis … Io … "

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Cette fiction est copyright Frédéric Ramirez et Gille Monchoux.
Les personnages de Saint Seiya sont copyright Masami Kurumada.